Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 47e séance

M 1230
20. Proposition de motion de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Bernard Clerc, Chaïm Nissim et Alberto Velasco sur la taxation des transactions financières. ( )M1230

EXPOSÉ DES MOTIFS

De plus en plus souvent on constate que l'économique prime sur le politique, que les transactions financières ne connaissent pas de frontières nationales, alors que les parlements nationaux (ou, pire encore, cantonaux !) sont de plus en plus souvent coincés par des carcans administratifs qui les empêchent de faire leur travail.

Comme le dit si bien le "; Financial Times ", dans son numéro du 30 septembre 1994 : "; Parce que ce sont eux qui traitent les milliards et les milliards de dollars qui transitent d'un pays à l'autre chaque jour, les marchés financiers sont devenus le juge, le gendarme et le jury de l'économie mondiale, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant, étant donné leur propension à voir les événements et les politiques à travers les verres déformants de la peur et de la cupidité ".

Depuis la fin des accords de Bretton Woods (1974), les marchés financiers ont pris de plus en plus d'importance, les fluctuations se sont accentuées, et le plus inquiétant est que ce sont maintenant les banques, les caisses de pension et les spéculateurs qui dictent les valeurs des monnaies, en empochant au passage de coquets bénéfices lorsqu'ils ont réussi à prévoir des fluctuations qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer. La récente crise en Asie et en Russie en est l'illustration inquiétante.

Une taxe de 0,1 % sur ces transactions financières, qui frapperait aussi bien les transactions simples que celles sur les produits "; dérivés " (swaps, options, futures, et autres produits exotiques qui rapportent beaucoup d'argent aux spéculateurs internationaux et appauvrissent les économies locales) a été proposée dans de nombreuses conférences internationales. Cette taxe aurait pour effet de lisser les fluctuations des devises, permettant ainsi aux gouvernements de gouverner. De plus cette taxe rapporterait gros aux économies exsangues, elle rapatrierait des milliards par jour dans l'économie réelle, ce qui sauverait les Etats de la faillite. A ce taux de 0,1 % elle ne frapperait pas les transactions réelles (le paysan texan qui cherche à s'assurer contre le risque de change à l'exportation de son blé vers la Russie) mais uniquement les transactions spéculatives. De nombreuses personnalités se sont prononcées à titre individuel pour une telle taxe, tels Barber Conable (président de la Banque Mondiale de 1986 à 1991), Boutros Boutros Ghali, François Mitterrand et Jacques Delors. Mais ce qu'il faut aujourd'hui c'est la mettre sur pied, au niveau international.

Or, quel gouvernement prendra le premier la responsabilité de réunir le G8 et de lancer le débat au niveau officiel et mondial ? Genève nous semble approprié, puisque ville internationale au renom mondial, siège de l'ONU et  de l'OMC, abritant de nombreuses banques et instituts financiers internationaux. Mais il va de soi que le canton de Genève à lui seul ne peut pas prendre cette initiative. Il lui faut donc la collaboration d'une institution internationale, le WEF (World Economic Forum), organisateur du forum de Davos, qui connaît bien la logistique de telles conférences, et qui est outillé pour les organiser. C'est le sens de notre invite. Les dirigeants du WEF, contactés, se sont montrés très intéressés par notre idée et seraient prêts à organiser une telle conférence à Davos.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de faire bon accueil à cette motion.

Débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). La guerre économique qui se déroule actuellement dans le monde financier risque de propager à la planète tout entière l'insécurité dans laquelle s'enfoncent une partie de l'Asie, la Russie et certains pays latino-américains. Ce pouvoir financier qui échappe à tout contrôle constitue à l'évidence une menace pour la démocratie et le respect des droits humains.

Quotidiennement, ce sont quelque 1 500 milliards de dollars qui font de multiples allers et retours spéculant sur des variations du cours des devises. Cette instabilité des changes est l'une des causes de la hausse des intérêts réels qui freine la consommation des ménages et les investissements des entreprises. Elle creuse les déficits publics et, par ailleurs, incite les fonds de pension, qui manient des centaines de milliards de dollars, à réclamer aux entreprises des dividendes de plus en plus élevés. Les premières victimes de cette traque au profit sont les salariés dont les licenciements massifs font bondir la cotation boursière de leurs ex-employeurs.

Cela, nous ne pouvons plus l'accepter ; c'est pourquoi nous proposons cette motion. La taxation des revenus financiers est une exigence qui est maintenant une exigence démocratique minimale. Ces revenus devraient être taxés exactement au même taux que les revenus du travail ; pour l'heure, ce n'est le cas nulle part et dans l'Union européenne non plus. Il est urgent d'enrayer ce processus en créant de nouveaux instruments de surveillance et de contrôle au plan national, européen et international.

La liberté totale de circulation des capitaux déstabilise la démocratie ; c'est pourquoi il importe de mettre en place ces mécanismes dissuasifs. L'un d'entre eux est la taxe Tobin, du nom de James Tobin, aujourd'hui âgé de 80 ans et qui, il y a quelque vingt-cinq ans, proposait une idée pas si farfelue, puisque ce monsieur a reçu le Prix Nobel de l'économie quelques années plus tard. Il fallait donc que quelqu'un prît l'initiative de regrouper autour de cet objectif tous ceux qui le souhaitaient ; c'est pourquoi nous faisons appel au World Economic Forum.

La plupart des engrenages de cette machine inégalitaire entre le Nord et le Sud, comme au coeur des pays développés eux-mêmes, peuvent encore être enrayés. Nous avons la conviction qu'il faut agir, qu'il est possible de le faire ; c'est pourquoi nous vous invitons à voter cette motion.

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur le président, je regrette que la présidente du département des finances, Micheline Calmy-Rey, ne soit plus là. J'imagine que vous la remplacez, Monsieur Robert Cramer, vous qui êtes son suppléant ? Je vous en remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, car nous voulions adresser notre motion au Conseil d'Etat directement.

Dans l'éditorial du «Financial Times» du 30 septembre 1994, on lisait : «Parce que ce sont eux qui traitent les milliards et les milliards de dollars qui transitent d'un pays à l'autre chaque jour, les marchés financiers sont devenus le juge, le gendarme, le jury de l'économie mondiale, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant, étant donné leur propension à voir les événements et les politiques à travers les verres déformants de la peur et de la cupidité.»

En réalité, depuis la fin des accords de Bretton Woods en 1974, les marchés financiers ont pris de plus en plus d'importance. Ma collègue Elisabeth Reusse vient de le dire : chaque jour, 1 500 milliards de dollars s'échangent sur les marchés financiers ; il s'agit d'achats de devises à terme. En comparaison avec ces 1 500 milliards de dollars quotidiens, le volume des transactions commerciales réelles, des biens et des services internationaux, s'élève grosso modo à 5, 10, 15 milliards, les bons jours ; le facteur est donc cent fois plus dans la bulle spéculative - quoique ces 1 500 milliards de dollars ne s'y trouvent pas tous... Je vois déjà mon collègue Brunschwig secouer la tête négativement...

Il est vrai qu'il existe des swaps, des futures et des options qui sont parfaitement réels et nécessaires : ce sont des assurances contre des variations de taux de change. Un paysan texan qui veut exporter son blé l'année suivante en Russie doit savoir combien vaudra le rouble, puisque la facture sera payée en roubles et les employés en dollars. Il est obligé de s'assurer contre d'éventuelles fluctuations des taux de change. En revanche, il y a d'innombrables transactions purement spéculatives - que vous connaissez aussi bien que moi, Monsieur Brunschwig, sinon mieux !

L'exemple du Long Term Capital Management qui vient de faire couler l'UBS montre que beaucoup de gens vendent à découvert des roubles qu'ils n'ont pas et dont ils n'ont pas besoin. Mais, constatant que le rouble est en train de baisser, ils se précipitent sur cette source de revenus potentiels pour tirer profit de cette vente en une journée, car il s'agit en général de ventes à très court terme et spéculatives.

Pour cette raison, le Prix Nobel d'économie James Tobin a proposé la taxe mentionnée par ma collègue : calculée à environ 0,1%, elle ne gêne pratiquement pas les transactions réelles mais déploie son plein effet sur les transactions à très court terme. Cette taxe a été approuvée à titre personnel par beaucoup d'économistes ; notamment par Barber Conable, président de la Banque mondiale pendant sept ans ; par François Mitterrand et Jacques Delors... (Exclamations.) Ce n'est pas un économiste ? C'est à peu près un économiste et un des bons ! Son nom l'indique, d'ailleurs ! François Mitterrand n'était pas économiste mais président de la République française, c'est vrai !

Toujours est-il que proposer cette taxe soulève un grand problème que vous aurez deviné : cela dépasse évidemment une fois de plus, et de loin, les capacités d'un pays et encore bien plus celles d'un canton, puisque cette taxe devrait être imposée au niveau mondial.

C'est la raison pour laquelle nous avons pensé au World Economic Forum qui réunit chaque année le Forum de Davos. Nous avons contacté son président et échangé une importante correspondance. Ce dernier nous a confirmé son intérêt et son désir d'organiser une conférence mondiale sur ce sujet, car le bateau tangue et risque de couler. La bulle spéculative est trop gonflée et, pour reprendre une image que j'aime : un bateau dont la cargaison trop lourde est placée sur le pont, au-dessus de la ligne de flottaison, risque de couler, alors que c'est la charge sous l'eau qu'il faudrait augmenter.

Cette question angoisse beaucoup le président du World Economic Forum qui, comme beaucoup d'autres économistes, voudrait organiser une conférence internationale. Mais, pour cela, un seul point fait défaut : cette motion doit être acceptée par ce Grand Conseil et renvoyée directement au Conseil d'Etat. Il faut que Micheline Calmy-Rey prenne l'initiative d'écrire au président du World Economic Forum qui attend sa lettre, afin de confirmer que le Conseil d'Etat juge important de se préoccuper de ces graves questions économiques, bien qu'elles dépassent de loin le cadre du seul canton. C'est notre responsabilité : nous devons agir et pousser dans ce sens, afin que cette conférence internationale soit réunie et aboutisse à d'éventuelles mesures.

M. Bernard Clerc (AdG). La crise financière internationale qui a débuté voilà quelques mois est un signe évident de l'absence totale de régulation au niveau international par rapport aux instruments financiers. Contrairement à ce que certains s'évertuent à affirmer, cette crise ne pourra pas manquer d'avoir des répercussions sur la croissance dans notre pays ainsi que dans le monde et, évidemment, sur l'emploi.

Nous nous trouvons devant un problème essentiel : la libéralisation des marchés des capitaux s'est faite à l'extrême et il n'existe plus actuellement de moyens de régulation. Cette libéralisation à l'extrême a été évidemment accentuée par le développement des moyens techniques permettant de faire transiter ces capitaux d'une minute à l'autre d'un bout à l'autre de la planète.

La taxe Tobin représente un des instruments visant à introduire une certaine régulation dans ce domaine, mais il n'est pas sûr du tout que cette taxe soit suffisante pour atteindre cet objectif. J'ai signé cette motion et je soutiendrai - nous soutiendrons - le renvoi au Conseil d'Etat, mais nous avons tout de même un certain nombre de doutes au sujet de l'invite ; j'en ai fait part à mon collègue Chaïm Nissim.

Effectivement, il peut paraître assez particulier de mandater le World Economic Forum - un des principaux organes de décision au niveau international qui s'efforce précisément de promouvoir depuis des années les mécanismes de dérégulation - pour mener à bien le débat sur l'introduction de la taxe Tobin...

Enfin, il n'est pas interdit de penser que les effets de la récente crise internationale poussent ces milieux à envisager certains aspects de régulation, et qu'ils se rendent compte des dangers considérables à terme pour l'existence même de l'économie capitaliste. Il n'en demeure pas moins que demander au World Economic Forum d'en discuter, c'est un peu, Mesdames et Messieurs les députés, comme si nous rassemblions les banques suisses pour leur proposer de discuter de la meilleure manière de supprimer le secret bancaire ! Alors, je doute que nous ayons beaucoup de succès sur ce plan-là...

Je rappellerai encore qu'une motion du même ordre, déposée il y a deux ou trois ans, a été immédiatement rejetée par ce Grand Conseil. Mais c'est un pas dans la bonne direction, en tout cas pour amorcer le débat ; c'est dans ce sens-là que nous soutiendrons le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Michel Balestra (L). Mon ami Karl... Marx expliquait que le capitalisme portait en lui les germes de sa propre destruction. MM. Nissim et Clerc, ainsi que Mme Reusse, viennent de reprendre ces termes, malgré les événements que nous connaissons et qui sont la preuve que le communisme porte en lui des germes de destruction plus forts que le capitalisme. Pourtant, à chaque crise financière - qui ne représente en fait qu'un rééquilibrage utile : on ne peut pas toujours aller vers le haut - les anciens marxistes rêvent de l'arrivée du grand jour... (Exclamations.)

Malheureusement - ou plutôt heureusement - il n'est pas encore là ! Malgré des pertes regrettables et impardonnables, l'UBS réalisera quand même quelques milliards de bénéfices ! Par contre, MM. Mitterrand et Delors, cités en exemple comme de grands économistes planétaires, ont à leur actif des banques nationalisées tel le Crédit Lyonnais qui a perdu 150 milliards et des assurances nationalisées tel Le Gan qui a perdu 50 milliards, excusez du peu ! (Exclamations.) Qui devra payer ? Le peuple français ! En francs français, il est vrai, mais cela fait quand même de grosses sommes, et les ouvriers français, Monsieur Nissim, gagnent leur vie en francs français ! Pour moi, ce ne sont pas des exemples à suivre...

Pourtant, Mesdames et Messieurs, je dois quand même vous féliciter : vous faites des progrès remarquables ! Vous prenez conscience que la compétitivité fiscale des Etats impose que la réflexion sur une taxe frappant les transactions financières soit au minimum évaluée à l'échelle du G8. Mais cette prise de conscience est-elle suffisante ? Manifestement non ! A mon sens, il reste au moins deux éléments à intégrer dans vos nouveaux raisonnements.

Premièrement, il n'est pas nécessaire de faire partie du G8 pour devenir une place financière importante dans le monde. Ce serait donc un bien mauvais service à rendre aux pays membres du G8 que de les priver de leur place financière au profit d'autres places financières, certes beaucoup plus exotiques, mais également beaucoup plus compétitives.

La deuxième référence que vous devez toujours avoir à l'esprit est la suivante : la politique fiscale ne peut pas être abordée sans une réflexion sur la quote-part fiscale brute au produit national. Le prélèvement sur la création de richesses se compose de la fiscalité nécessaire au fonctionnement de l'Etat à laquelle il faut ajouter les prélèvements sociaux indispensables à la redistribution par les assurances sociales.

Là aussi, Mesdames et Messieurs les députés, la vraie solution pour créer des emplois et des richesses permettant de sortir de la crise ne consiste pas à créer une taxe nouvelle sur les transactions financières, mais à diminuer les prélèvements sur l'économie afin d'augmenter l'épargne, les investissements, les versements de salaires et la création de richesses.

Les libéraux ne s'opposeront pas au renvoi de ce projet en commission fiscale, mais au renvoi au Conseil d'Etat, avec toutes les réserves que je viens d'exprimer. En commission fiscale, nous pourrions discuter tout d'abord de l'opportunité de mandater le World Economic Forum et continuer à développer les arguments pour vous convaincre de vous montrer raisonnables et de ne pas mettre la Suisse en porte-à-faux dans cette affaire de taxation sur les transactions mobilières.

S'il est vrai que cette idée a été évoquée au niveau mondial, vous aurez tous remarqué que les gouvernements du G8 ne se sont montrés ni enthousiasmés ni empressés de saisir cette proposition au vol ! Si vous tenez réellement à défendre les emplois et les conditions de travail des employés en Suisse, faites attention de ne pas être les premiers !

Le président. Monsieur le député, votre demande de renvoi en commission est-elle formelle ?

M. Michel Balestra. Oui !

Le président. Je mets aux voix cette proposition de renvoi en commission.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission fiscale rejetée.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Balestra, je suis d'accord avec vous : le prélèvement des seules taxes sur les transactions financières ne suffit pas à corriger les méfaits dénoncés.

Il y a aussi les investissements directs à l'étranger qui rapportent environ 350 milliards de dollars et qui pour la plupart ne sont pas taxés. Ils sont l'objet des délocalisations qui créent les problèmes d'emploi que vous avez cités.

Il faut citer également les holdings dont les bénéfices échappent aussi au fisc des Etats et qui devraient faire également l'objet d'une taxe.

L'ensemble de ces taxes pourrait donner aux différentes banques nationales un outil financier et permettrait aux Etats de faire de la politique sociale avec un peu plus d'équité.

M. Antonio Hodgers (Ve). J'aimerais réagir aux propos tenus par le député Balestra et essayer de le convaincre que la proposition de la taxe Tobin n'est pas une proposition avec des arrière-pensées marxistes. Loin de là ! Cette taxe est vraiment raisonnable : c'est le minimum que l'on puisse faire concernant les transactions financières. Elle est soutenue non seulement par les personnalités qu'a citées mon collègue Nissim mais également par de très nombreux économistes, dont certains professeurs du très libéral Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève.

Le but premier de cette taxe - et vous serez sensible à cet argument plutôt économique qu'humain - est de rétablir un minimum de l'autonomie monétaire des Etats. Son deuxième but est de réduire la volatilité financière de ces flux. Si cette taxe avait existé une ou deux années avant la crise financière qui a touché l'Asie du Sud-Est, cette crise n'aurait pas été évitée mais ses effets en auraient certainement été amoindris, car le transfert de flux aurait pris plus de temps et les gouvernements auraient pu réagir plus vite. Sous ces divers aspects, cette taxe présente des avantages économiques directs en plus du grand avantage de créer d'énormes revenus.

Quant à l'argument fréquemment utilisé dans vos rangs : «si on taxe, on assistera à des délocalisations», il est évident que cette taxe doit être pensée, à défaut du niveau universel, au niveau des premiers pays concernés par la finance. Or, figurez-vous que pour une fois la Suisse fait partie des grands : c'est la cinquième place financière du monde ! A ce niveau-là, elle a un rôle très important à jouer ; elle n'est plus seulement le pays hôte qui abrite des ONG et qui n'a pas de poids au niveau économique et politique.

Je tiens aussi à citer l'exemple du Chili qui depuis deux ou trois décennies - je crois que cela a été fait à l'époque du tristement célèbre dictateur Pinochet - a introduit une taxe sur les transactions financières au niveau national. Alors que la crise due à l'effet tequila, la crise mexicaine de 1994, sévissait, le Chili a été le pays le moins touché par cette crise latino-américaine. Une des raisons essentielles était qu'il pouvait ralentir ces flux financiers ; cela a permis à son économie de se maintenir beaucoup mieux que celle de tous ses voisins.

Cette taxe n'est donc absolument pas une révolution ; c'est une mesure minimale qui comporte deux aspects essentiels. D'une part, l'aspect économique auquel vous devez être sensibles ; cette taxe permet de réduire la volatilité financière pour le bien de l'économie. D'autre part, l'aspect social et humain ; cette taxe permet d'imposer des revenus importants et d'utiliser cet argent pour des choses qui sont indispensables aujourd'hui vu les nombreux problèmes qu'il y a dans le monde.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1230)

sur la taxation des transactions financières

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- la situation préoccupante des finances de l'Etat ;

- la crise économique mondiale qui menace notre survie ;

- que le volume quotidien des transactions internationales purement financières (devises, réassurances...) atteint aujourd'hui des sommets dangereux, on les évalue à 1500 milliards de dollars par jour contre seulement 5 à 10 milliards d'échanges internationaux quotidiens de marchandises et de services. (import - export) ;

- que l'économie mondiale risque le collapsus parce que les richesses artificiellement gonflées que rapportent ces transactions financières ne sont pas de véritables richesses acquises par le travail et basées sur des objets utiles et réels ;

- que de nombreux économistes tels James Tobin et Hazel Henderson recommandent une solution à ce problème menaçant : une taxe de 0,5 % sur les transactions financières internationales ;

- qu'un telle taxe ne peut se concevoir qu'au niveau du G8 au minimum ;

invite le Conseil d'Etat

à promouvoir la mise sur pied d'une conférence internationale de lancement coordonné de la taxe Tobin, en collaboration avec le WEF (World Economic Forum), et éventuellement les organisations internationales telles la Banque Mondiale, le FMI et l'OMC.

Le président. Le point 63 est reporté à une prochaine séance.