Séance du
vendredi 23 octobre 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
12e
session -
43e
séance
PL 7869-A
RAPPORT DE LA MAJORITE
La Commission des affaires communales, régionales et internationales a traité le projet de loi 7869, présenté par le Conseil d'Etat, dans ses séances des 22 et 29 septembre 1998, sous la présidence de M. Jean-Claude Vaudroz.
Ont assisté aux travaux de la commission, M. Jean Suter, directeur des services financiers du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie et Mme Sophie Mulatero, juriste au secrétariat général du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie.
M. le conseiller d'Etat Robert Cramer s'est exprimé sur le présent projet de loi lors de la séance du 29 septembre 1998.
Présentation du projet
Le présent projet de loi a pour but de mieux structurer le processus budgétaire par le biais de l'adjonction d'un alinéa 6 à l'article 74 de la LAC (B 6 05). Il vise à ce que les règles appliquées en matière de confection du budget cantonal le soient également au niveau communal, c'est-à-dire qu'en approuvant le budget, le conseil municipal ne peut dépasser la somme totale des charges fixées par le maire ou le conseil administratif, sans prévoir concurremment la couverture financière de ce dépassement, l'emprunt ne pouvant être considéré comme une couverture financière.
Cette modification législative est issue de discussions entre le Conseil d'Etat et la Ville de Genève et s'inscrit également dans le point 45 du rapport d'Arthur Andersen.
L'Association des communes genevoises a été consultée sur ce projet de loi et a exprimé le soutien unanime de son comité par lettre du 11 juin 1998 à M. Robert Cramer (cf. annexe).
Débat en commission
Il est rappelé que les communes ont l'obligation de présenter des budgets équilibrés. Lorsque cela n'est pas possible, elles peuvent présenter un budget comportant un excédent de charges accompagné d'un plan de redressement qui démontre le retour à l'équilibre budgétaire dans un délai de 4 ans. Il arrive parfois qu'un Conseil municipal demande à pouvoir engager une nouvelle dépense ayant pour effet de rompre l'équilibre budgétaire initial ou de retarder le retour à l'équilibre selon le plan établi. Cette pratique ne sera plus possible, sauf si à toute dépense nouvelle, on fera correspondre une nouvelle couverture financière, à l'exclusion de l'emprunt.
Un commissaire, tout en admettant le but visé par ce nouvel alinéa, trouve qu'il est regrettable qu'il ne soit pas possible, pour des représentants de minorités, d'obtenir des changements lors du vote du budget. Ce point pourrait faire l'objet d'un rapport de minorité.
M. Cramer, conseiller d'Etat, indique qu'il serait souhaitable que ce projet de loi puisse entrer en vigueur avant que les communes n'adoptent leur budget 1999.
Dans ce but de célérité, la commission renonce à procéder à d'autres auditions.
Vote de la commission
Vote d'entrée en matière : pour : 10 (2 L, 2 R, 2 DC, 2 S, 2 Ve)
contre: 01 (AdG)
abstention: -
Vote sur le PL 7869 : pour : 10 (2 L, 2 R, 2 DC, 2 S, 2 Ve)
contre: 01 (AdG)
abstention: -
Conclusion
Au vu de ce qui précède, la Commission des affaires communales, régionales et internationales vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet de loi 7869.
5
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Ce projet de loi 7869 modifiant la loi sur l'administration des communes est extrêmement simple, car il adopte les règles en vigueur sur le plan cantonal aux communes.
Formulation simple certes, mais toutefois, une différence de taille existe.
Les communes devraient présenter un budget équilibré, et le faire avec les indications des services de l'Etat qui, malheureusement, ces dernières années, n'étaient guère fiables.
Les communes, notamment les "; pauvres " ne disposent que de peu de marges de manoeuvre et certains exécutifs locaux n'apprécient guère les interventions des conseillers municipaux minoritaires. Les budgets sont reportés, copiés d'année en année avec un conservatisme navrant.
Parler d'autonomie des communes quand l'Etat tient le porte-monnaie, le remplit mal, par une perception et un recouvrement laxiste et n'hésite pas à puiser dedans pour rattraper ses erreurs de gestion n'est-ce pas excessif ? C'est pourtant ce que prévoit le projet de loi (7894) constitutionnelle du Conseil d'Etat dit d'assainissement des finances cantonales.
Ce projet de loi n'est pas acceptable dans la situation des finances communales des communes "; pauvres " à qui l'Etat demande des "; sacrifices " selon le texte du projet de loi 7894.
Le Conseil d'Etat voudrait appliquer ce projet de loi pour les budgets municipaux de 1999 qui se préparent actuellement dans l'incertitude.
Voter un budget équilibré pour ensuite voter des crédits supplémentaires, est-ce logique ? Ne vaudrait-il pas mieux présenter un budget qui tient compte des besoins réels et jouer cartes sur table.
En attendant, il faut refuser ce projet de loi trompeur et enfin s'atteler à revoir fondamentalement la fiscalité cantonale que le parti du travail réclame depuis plus de 20 ans, pour établir une égalité dans l'effort fiscal des contribuables genevois quelle que soit sa commune de résidence.
Premier débat
M. Walter Spinucci (R), rapporteur de majorité. Les communes genevoises ont l'obligation de présenter des budgets équilibrés; lorsqu'elles ne peuvent pas le faire, elles ont la possibilité d'établir un plan quadriennal de redressement.
Or il arrive bien souvent que cet effort d'équilibre est rompu en raison de demandes de dernière minute qui embarrassent quelquefois sérieusement les exécutifs. Cela ne sera plus possible sauf si les recettes correspondantes, sauf l'emprunt, sont présentées.
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. On a voulu introduire cet alinéa en fonction de ce qui se passe au Grand Conseil, mais il faut bien considérer que la situation dans les communes est souvent encore plus détestable qu'ici.
De fait, dans les communes, lorsque nous représentons une petite minorité d'une minorité en commission, il est clair que nous ne pouvons pas faire passer certains projets; que nous ne pouvons pas éclaircir certains points. Nous y parvenons parfois en plénum où il y a un public et où certains conseillers municipaux n'osent pas trop aller à l'encontre des désirs d'une certaine population.
Cette année, nous ne pouvons pas espérer avoir les renseignements nécessaires à l'établissement du budget d'une commune : il faudrait être devin pour établir le budget sans savoir ce que va décider le peuple le 20 décembre. Faire un budget dans de telles conditions friserait l'artifice; cela nous ne pouvons pas l'admettre.
Des projets de lois ont été présentés qui donnaient la possibilité à une commune de se mettre parfois en déficit pendant quelques années tout en se rattrapant à des conditions particulières. Le projet de loi 7572, en particulier, qui est devant la commission des affaires communales et que vous demandez de retirer, alors que les deux initiants, soit M. Grobet, soit Mme Johner, s'y refusent.
Manifestement, on doit pouvoir dans certaines circonstances laisser quand même une certaine autonomie aux communes par respect pour les minorités. Il ne faut pas que le budget d'une commune soit celui de l'exécutif, dans lequel le législatif ne peut absolument rien faire, et surtout la minorité; ce n'est pas compatible.
Par ailleurs, un tel nombre de renseignements devraient être livrés à la commune pour établir des budgets qui se tiennent que, visiblement, ce projet ne peut pas être admis sous cette forme-là, bien qu'il émane du Conseil d'Etat qui est par ailleurs le premier responsable d'un certain laxisme dans l'établissement des budgets.
M. Walter Spinucci (R), rapporteur de majorité. Si les exécutifs, Monsieur le rapporteur de minorité, établissent les budgets, ils les proposent ensuite obligatoirement aux commissions des finances qui les approuvent ou les amendent. Ensuite, ces budgets sont approuvés par les conseils municipaux.
Ne faites pas croire que ce sont les exécutifs qui établissent, présentent et approuvent leurs budgets !
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Spinucci, je vous accorde qu'à Lancy cela se déroule d'une manière fort démocratique ! Mais les municipaux votent souvent la tête dans un sac ce que l'exécutif présente. C'est là que quelque chose ne joue pas : il n'y a pas de représentation minoritaire qui puisse faire valoir certains éléments. Voilà ce qui est à mes yeux totalement inacceptable.
Je vis cette situation depuis de nombreuses années dans ma commune; il n'y a pas d'échappatoire. Il est clair que ces budgets sont faits de manière totalement passive, de manière répétitive et avec un conservatisme navrant.
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas admettre la situation telle qu'elle est présentée dans ce projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'aimerais ajouter deux mots suite aux propos du rapporteur de majorité, qui porte une double casquette en étant non seulement député mais également membre de l'exécutif de l'une de nos communes.
L'argument que vous nous réservez ce soir, Monsieur Spinucci, pour justifier ce projet de loi consiste à dire : ne mettez pas les exécutifs communaux dans l'embarras. Mais il n'y avait pas de meilleur argument pour nous amener à rejeter ce projet !
Vous avez raison de relever qu'aujourd'hui déjà la loi fait obligation aux communes d'avoir un équilibre budgétaire, mais, vous le savez, selon l'article 77 de la loi sur l'administration des communes il y a un certain nombre d'exceptions qui, heureusement, permettent aux communes de faire ce que le canton fait également. Elles peuvent ainsi établir un budget présentant un excédent de charges si celui-ci ne dépasse pas le montant des amortissements et est couvert par la fortune nette de la commune.
Aujourd'hui, vous nous soumettez une proposition différente qui a pour conséquence que le conseil administratif, respectivement le maire, saisit son législatif d'un budget bloqué. Le législatif communal, vous le savez mieux que quiconque en tant que membre actif de l'exécutif d'une commune, a déjà extrêmement peu de compétences, pour ne pas dire quasiment pas. (L'orateur est interpellé.) Ecoute, Dupraz, il suffit de lire - tes lunettes sont suffisamment performantes pour ce genre de lecture - la loi sur l'administration des communes. A Soral, tu dois avoir un exemple assez concret : à part ce que pensent les Dupraz, il est difficile aux autres de s'exprimer !
Avec ce projet, vous supprimez le peu de compétences du législatif, en imposant aux conseillers municipaux de s'en tenir au montant du budget fixé par l'exécutif. Voilà ce que nous ne pouvons pas accepter, outre le fait qu'il est absurde de vouloir fixer et ancrer l'équilibre budgétaire de la commune, comme nous l'avons souvent dit et répété.
La proposition qui nous est faite ce soir va non seulement dans ce sens mais limite encore les compétences des conseils législatifs des différentes communes. C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons que rejeter la proposition qui nous est soumise.
M. Pierre Ducrest (L). M. Ferrazino ne pourra pas m'accuser d'être partie prenante, puisque je ne suis pas membre exécutif d'une commune. En revanche, je suis membre, non pas du législatif, mais du délibératif d'une commune suburbaine, puisque, petite précision, un conseil municipal n'est pas un organe législatif mais délibératif.
Il est vrai, on l'a vu ces dernières années, que les budgets communaux, qui d'après la loi sur l'administration des communes et avec cette petite facilité des quatre ans devaient être équilibrés, ont été dépassés, car nous étions dans une conjoncture financière et économique malheureusement défavorable. Heureusement que ces limites, ces cautèles prévues par la loi sur l'administration des communes, existaient ! Autrement, je ne sais combien de communes sur les quarante-cinq seraient actuellement déficitaires d'une manière chronique.
De quoi s'agit-il dans ce projet de loi ? Il s'agit de la phase d'élaboration du budget - et non pas des projets extraordinaires qui surviennent pendant l'année, qui peuvent être proposé par les délibératifs pour autant qu'ils soient logiques, et qui figurent ensuite aux comptes rendus.
Cette phase d'élaboration du budget, cette mise sous toit du budget se discute donc en commission des finances des différentes communes et lorsque la couverture des dépenses supplémentaires demandées par les membres du conseil municipal est assurée par les rentrées, le budget est sous toit. Pour le reste, rien ne sera changé par rapport à ce qui existe jusqu'à présent.
M. Daniel Ducommun (R). Le groupe radical soutient d'une seule voix ce projet de loi synonyme de responsabilité et de bonne gestion en matière communale.
Nous avons suffisamment de magistraux communaux de ce côté des bancs qui peuvent témoigner de cette gestion-là. Petite nuance : notre rapporteur de majorité - que nous aimons beaucoup - fait référence aux règles en matière de confection du budget cantonal. Nous aurions souhaité que ces dernières soient appliquées avec rigueur, mais tel n'a pas été le cas avec la violation trop fréquente de l'article constitutionnel 96 sur la couverture financière de toute nouvelle dépense.
Ne prenons donc pas trop pour exemple notre canton mais exigeons avec fermeté que nos communes, comme chacun de nos ménages ne dépensent pas l'argent qu'elles n'ont pas ! C'est d'une grande simplicité et d'une évidente crédibilité !
Nous soutenons donc le projet de loi tel qu'il est présenté.
M. Christian Grobet (AdG). Je suis tout d'abord surpris d'entendre ceux qui soi-disant défendent l'autonomie communale en d'autres circonstances intervenir pour, en fait, non la favoriser ou la défavoriser, mais surtout pour donner plus de pouvoir à l'exécutif communal auquel notre canton, qui s'est largement inspiré du droit français bonapartien, donne des droits extrêmement importants si on les compare à ceux dont bénéficie le Conseil d'Etat par rapport à notre parlement qui lui, effectivement, a une tradition plus républicaine. Cela est peut-être dû au fait qu'en 1848 des prédécesseurs de M. Ducommun se sont battus pour que les représentants du peuple aient plus de pouvoir ! Quoi qu'il en soit, on constate que ces conseils municipaux, qui ne peuvent même pas adopter des règlements sur des questions communales - pour ne citer que cet exemple invraisemblable - n'ont que peu de pouvoir. Et on veut encore les diminuer !
Monsieur Ducrest, vous avez été à la fois clair et confus, selon votre habitude : clair dans le sens où vous avez dit que le cadre du budget serait fixé d'avance mais, par ailleurs, vous laissez entendre qu'il pourrait être modifié, mis sous toit en commission, etc. Vous omettez cependant de dire que ce cadre, fixé au départ par l'exécutif, est un véritable carcan. Effectivement, le conseil municipal ne pourra pas sortir d'un cadre où l'exécutif aura pu, s'il le souhaite, fixer la barre relativement bas - pour s'exprimer en termes clairs.
Or, j'aimerais rappeler que la majorité des communes n'ont pas de conseil administratif mais un maire. Et c'est donner des pouvoirs exceptionnels à une personne qui fixera le cadre du budget toute seule, sans que le conseil municipal ne puisse le modifier.
Dans les autres communes, à part la Ville de Genève, les conseils administratifs sont formés de trois magistrats seulement. De toute évidence, les tendances politiques sont moins bien représentées qu'au Conseil administratif de la Ville de Genève qui compte cinq magistrats ou qu'au Conseil d'Etat qui compte sept magistrats. Par voie de conséquence, on veut renforcer les pouvoirs d'un exécutif qui n'est pas toujours représentatif en raison du mode d'élection. (Exclamations.)
C'est la raison pour laquelle nous estimons que même si M. Spinucci a dit avec beaucoup de franchise qu'il ne fallait pas créer des difficultés à l'exécutif - qui est pourtant là pour affronter le pouvoir du conseil municipal - nous ne pouvons pas accepter que les pouvoirs du conseil municipal, qui ne sont déjà pas très importants, soient encore diminués.
Mme Madeleine Bernasconi (R). C'est avec beaucoup d'intérêt que j'entends les remarques venant d'un côté comme de l'autre. C'est vrai que ce soir je me trouve des deux côtés, mais à vous entendre je me demande dans quel monde je suis !
Pour ma part, déjà en tant que conseillère municipale, j'ai toujours constaté qu'un projet de budget passait dans différentes commissions, dans les commissions ad hoc : celle de la culture, du social, des sports, etc., que le conseil municipal en discutait les clauses, évaluait les besoins et avait le choix de fixer les priorités.
Cela dit, dans les difficultés actuelles, il me semblerait tout de même difficile de rajouter des sommes par-ci, par-là, sans se soucier de savoir si avec les recettes prévues on peut faire quelque chose de plus dans tel ou tel domaine. Il est essentiel d'avoir cette discussion, d'avoir le choix, mais y compris en décidant qu'un point pourrait être reporté sur une autre année, en examinant quelles sont les priorités à fixer au niveau de la gestion de la commune, au niveau des prestations et des missions qu'elle s'est fixées à l'égard des habitantes et habitants.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il serait difficile de dire qu'on ne peut pas ajouter des dépenses sans être sûr des recettes ou sans diminuer d'autres dépenses. Lorsqu'il faut élaborer un budget - un projet de budget, s'il vous plaît, puisqu'il passe au conseil municipal - il y a la masse salariale qui représente généralement plus de 35%; il y a en tout cas 25 à 30% de charges fixes auxquelles ni le conseil municipal ni le conseil administratif ne peuvent déroger - n'est-ce pas, Monsieur Meyll, vous l'avez bien vu dans l'établissement du budget ! - et il y a enfin une certaine partie, qui peut être modulée, composée des tâches et des prestations que les communes ont choisi d'offrir à la collectivité.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi constitue un garde-fou. Un projet de budget est ce qu'il est ; si l'on peut bien contenir les dépenses, il est malheureusement beaucoup plus difficile d'être sûr des recettes, qui sont constituées en général à plus de 80% par les recettes fiscales.
Notre groupe, je le confirme, votera le projet de loi tel qu'il est présenté.
M. Claude Blanc (PDC). On recommence d'une certaine manière le débat que nous avons eu hier soir. L'Alliance de gauche essaie par tous les moyens, après avoir ruiné l'Etat, de ruiner les communes... (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, on sait très bien... (Brouhaha.) Mais gueulez toujours ! (Le président agite la cloche.) Laissez-les gueuler, Monsieur le président, ça les décharge !
Le président. Veuillez poursuivre, Monsieur ! Mesdames et Messieurs les députés, veuillez observer le silence !
M. Claude Blanc. Ce qui est valable pour l'Etat l'est aussi pour les communes. Il est impensable qu'un conseil municipal puisse se permettre d'aggraver le budget présenté par le conseil administratif sans en prendre la responsabilité. Toutes proportions gardées, le conseil administratif, de même que le Conseil d'Etat, est responsable du budget qu'il présente dans les limites que la commune peut assumer. Exactement comme le fait le Conseil d'Etat vis-à-vis du Grand Conseil. Le conseil municipal est libre de choisir, mais il ne peut faire des choix que dans le cadre des limites du budget.
C'est pire encore pour les communes : elles ont l'obligation d'équilibrer leur budget et le conseil municipal pourrait donc faire en sorte que le conseil administratif se voie ensuite refuser son budget par le Conseil d'Etat. Pensez-vous que cela soit acceptable ? En réalité, après avoir semé la perturbation au niveau de l'Etat, vous voulez la semer également au niveau de la commune; vous voulez ruiner toute l'action publique dans ce canton pour dire ensuite que rien ne va et que vous seuls avez les solutions miracles. Arrêtez ! Faites des propositions constructives et non des propositions ayant pour but de mettre à bas ce qui existe encore dans ce canton ! (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). Attendre des propositions constructives de l'Alliance de gauche, c'est beaucoup demander ! (Rires.) Depuis que je siège dans cette enceinte, j'observe un groupuscule de saboteurs qui ne pensent qu'à détruire l'Etat. On le sait, il n'y a rien de nouveau. Mais, qu'entends-je ? M. Grobet, distingué député, ancien socialiste - parti démocratique par excellence - prétend que le maire ne serait pas représentatif et qu'il aurait trop de pouvoir ? M. Grobet sait-il comment fonctionnent les petites communes ?
Dans une petite commune, si le maire fait le moindre faux pas - et ce n'est pas notre collègue Henri Duvillard qui nous contredira ! - il est immédiatement pris à partie par ses concitoyens, le lendemain, au coin de la rue, à la sortie de son logement ou en allant à son travail.
Vous prétendez, Monsieur Grobet, que c'est donner trop de pouvoir aux maires. Venant d'un ancien magistrat comme vous dont on a connu l'autoritarisme ! Vous qui avez dit à votre parti de l'époque, le parti socialiste : «Allez vous faire voir, c'est le peuple qui m'a élu !» Vous qui avez jeté les dossiers par terre ! (Rires.) Et vous prétendez que les maires ne seraient pas représentatifs ? Vous avez certainement été un excellent magistrat, mais, plutôt que de vous rallier aux invectives et aux élans destructifs de l'Alliance de gauche, gardez votre énergie pour le Conseil national, ce sera plus utile pour Genève !
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Le climat dans lequel se déroule ce débat offre la démonstration que les communes vous importent peu. La plupart d'entre vous - lorsque vous faites partie d'un conseil municipal ou d'un conseil administratif - représentez la majorité qui tourne dans son jus !
Je vous l'ai déjà dit, les préparations de budget sont simplement la répétition des années précédentes, dans un conformisme total, avec une vision qui ne va pas plus loin que le bout du nez. Chaque fois que nous demandons le rajout d'une dépense ou une modification du budget, en passant d'un poste à un autre, il y a opposition. Dans ces conditions, le conseil municipal ne peut évidemment rien modifier; il n'a aucune possibilité.
Nous ne pouvons pas trouver de recettes pour la bonne raison qu'il faudrait enlever d'un côté pour remettre de l'autre. Mais c'est dans une certaine forme que nous pourrions peut-être changer le budget. Alors, Monsieur Blanc, je vous en prie, restez à votre place, vous y serez beaucoup mieux ! Je suis d'accord avec les propos de Mme Bernasconi... (Brouhaha. Le président passe la parole à l'orateur suivant.) Je n'ai pas fini ! Mais je ne peux pas m'exprimer dans un tel brouhaha...
Le président. Vous aviez l'air tellement satisfait, Monsieur le député, que j'ai pensé...
M. Pierre Meyll, rapporteur de minorité. Je suis navré, mais je voulais donner raison à Mme Bernasconi, lorsqu'elle parle de planification. C'est bien une planification que nous désirions, mais nous n'avons pas pu l'obtenir dans nos communes. Voilà où réside toute la difficulté ! Il faudrait, dans certains cas, que nous puissions en plénum déplacer simplement des sommes. Or, nous sommes bloqués; la majorité est toujours opposée; nous n'avons aucune possibilité.
C'est en cela que je m'opposerai de toutes mes forces à ce projet. Je le constate actuellement dans ma commune : le budget ne pourra pas être modifié, parce que nous n'avons pas les renseignements nécessaires de la part du Conseil d'Etat et qu'en plus il y a une opposition formelle.
Le président. Avez-vous terminé, Monsieur le rapporteur de minorité ?
M. Pierre Meyll, rapporteur de minorité. Pour le moment !
M. Robert Cramer. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre rapport de minorité, Monsieur Meyll. Je vous le concède volontiers, le Conseil d'Etat est mal placé pour donner des leçons de vertu - à tout le moins des leçons de vertu budgétaire. Cela étant, la démonstration que vous faites dans votre rapport m'apparaît peu convaincante.
A vrai dire, je ne partage pas vos expériences : vous êtes conseiller municipal dans l'une des plus belles communes de ce canton... (Exclamations.) ...celle qu'a présidée M. le président du Conseil d'Etat. Vous y avez fait certaines expériences. Pour ma part, mes expériences ont été un peu différentes. Contrairement à MM. Grobet et Ferrazino, j'ai eu le privilège de siéger dans un conseil municipal, celui de la Ville de Genève. Comme les conseillers municipaux sont élus à la proportionnelle, les atteintes à la démocratie que semble dénoncer M. Meyll dans son rapport ne se produisent certainement pas au niveau des élections.
Dans un conseil municipal, les groupes ont la possibilité d'exprimer une opinion divergente de celle du conseil administratif, fût-il très proche des groupes siégeant au conseil municipal. En d'autres termes, Monsieur Meyll, je ne pense pas que le projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui soit de nature - de quelque façon que ce soit - à porter atteinte aux prérogatives du conseil municipal, en tout cas en ce qui concerne la façon dont il forge et exprime son opinion.
En revanche, ce projet de loi permet au conseil administratif de respecter les contrats qu'il conclut. En effet - malheureusement peut-être à vos yeux - contrairement au Conseil d'Etat, les conseils administratifs sont tenus à l'équilibre budgétaire et à présenter des budgets respectant ces règles. Lorsque ces budgets y dérogent, ils doivent être discutés au préalable avec le Conseil d'Etat.
Or comment voulez-vous qu'un conseil administratif puisse prendre un engagement si on ne lui donne pas les moyens de le respecter ? Ce projet de loi ne veut rien d'autre que donner aux autorités communales le moyen de respecter leurs engagements. J'y vois une marque de respect à l'égard des communes.
Cela étant, ce projet de loi préserve toute la liberté des conseils municipaux en ce sens que, si les priorités que l'exécutif a faites siennes ne sont pas partagées par les conseils municipaux, ils pourront à tout moment les modifier, les transformer, y déroger dans le cadre des limites tracées par le budget.
En revanche, il est vrai que la commune qui prend des engagements doit les respecter et je pense qu'il est heureux que dans son entier - conseil municipal compris - elle soit liée par ces engagements-là.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous prie d'approuver ce projet de loi qui, de plus, a reçu une approbation unanime des communes genevoises.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7869)
modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :
Art. 74, al. 6 (nouveau)
6 En approuvant le budget, le conseil municipal ne peut pas dépasser la somme totale des charges fixées par le maire ou le conseil administratif, sans prévoir concurremment la couverture financière de ce dépassement. L'emprunt ne peut être considéré comme une couverture financière.