Séance du jeudi 11 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 26e séance

M 1092-A
5. Suite du débat sur le rapport de la commission du logement chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. David Hiler, Sylvia Leuenberger, Andreas Saurer, Fabienne Bugnon, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Vesca Olsommer, Max Schneider et Chaïm Nissim concernant un plan d'action en faveur des coopératives d'habitation. ( -) M1092
 Mémorial 1996 : Annoncée, 5730.
 Mémorial 1997 : Lettre, 7. Développée, 2578. Renvoi en commission, 2590.
 Mémorial 1998 : Rapport, 3105.
Rapport de M. René Ecuyer (AG), commission du logement

RAPPORT

Cette motion du groupe écologique, déposée le 11 octobre 1996, a passé tardivement en préconsultation devant le Grand Conseil en raison d'ordres du jour très chargés. De sorte que, renvoyée en Commission du logement, ce n'est que le 25 juin 1997 que la discussion a été entamée.

L'intérêt du régime des coopératives d'habitation n'échappe à personne, comme en témoigne le désir des commissaires de procéder à un grand nombre d'auditions.

Le sujet est traité au cours de sept réunions de la commission du logement, quatre sous la présidence de M. le député Pierre Ducrest et trois sous celle de M. le député David Hiler, par ailleurs un des auteurs de la motion.

Participent aux séances, MM. les Conseillers d'Etat Claude Haegi et, après les élections, Laurent Moutinot, les responsables de la direction générale du logement, MM. Georges Albert, directeur, Louis Cornut de la division des études d'aménagement, Claude Page de l'office financier du logement et Didier Crettol de l'office du logement social.

La commission auditionne successivement

1er septembre 1997

MM. Carlo Sommaruga et Philippe Favarger, Rassemblement pour une politique sociale du logement

Mme Labarthe et M. Rossiaud, CODHA

M. .

15 septembre 1997

M. .

M. .

29 septembre 1997

M. .

M. .

Les coopératives d'habitation à Genève et en Suisse

Les responsables des différentes coopératives apportent d'utiles informations sur le fonctionnement de leur société respective, le niveau des parts sociales, la pratique en matière de travaux, la distribution ou non distribution de dividendes (la plupart les réutilisant pour des réserves-travaux). Tous considèrent l'intervention des collectivités publiques comme étant indispensable, que ce soit par la mise à disposition de terrains en droit de superficie, par l'octroi d'avantages fiscaux ou par le cautionnement de prêts éventuels. L'intervention des collectivités publiques est essentielle pour mettre en fin de compte sur le marché des logements économiques. On ne peut en effet pas demander aux coopérateurs l'apport de fonds propres importants, car au delà de Fr. 3 000.- par pièce, l'affaire est trop onéreuse.

C'est M. Gay de la SCH et qui est président de l'association suisse ASH qui apporte le plus d'informations sur le développement des coopératives. L'association suisse qu'il dirige regroupe 1000 sociétés et concerne 120 000 des 170 000 logements qui en Suisse connaissent le régime coopératif. Il existe différents types de coopératives, celles où les locataires n'ont rien à dire, dirigées par exemple par des syndicats ou des entreprises, et celles où les locataires peuvent participer par leurs interventions au sein des assemblées de coopérateurs à la gestion de leurs immeubles.

Les raisons d'une stagnation

L'entretien avec M. Robert Ducret est très intéressant et permet aux commissaires de bien comprendre le système d'intervention de l'Etat de Genève. Si à Genève, le nombre des coopératives d'habitation, au contraire de la Suisse alémanique, n'a pas connu un essor important, c'est que l'Etat est intervenu déjà à fin des années 40, pour répondre à la grave crise du logement, au moyen de subventions pouvant aller jusqu'au tiers et par des cautionnements de 20 %. Ce sera surtout la mise en oeuvre des lois HLM qui reléguera à l'arrière-plan le développement des coopératives d'habitation. Contrôle par l'Etat du prix des terrains, contrôle du prix de la construction, exonérations fiscales. Les autres cantons ne connaissent pas le régime des lois HLM et il n'y a pas d'aides au logement.

Tout en étant favorable au développement des coopératives d'habitation, M. Rober Ducret relève quelques inconvénients.

L'endettement d'un immeuble de logements ne doit pas dépasser 60 %. Or, les coopératives ont souvent 95 % et plus de dettes hypothécaires. Dans le cas de l'élévation du taux de 5 à 6 % cela représente pour une coopérative une hausse importante de charges, soit 5, 7 jusqu'à 24 % de hausse. De telles variations peuvent mettre en péril la situation des locataires.

De plus, les coopératives ne disposent que de trop peu de réserves. Dans le cas présent où le Grand Conseil, à juste titre, oblige la modification des portes d'ascenseur, l'absence de réserves rend cette réalisation très difficile.

Un autre aspect négatif apparaît au cours de la discussion avec les représentants des coopératives : l'antagonisme entre la situation de coopérateurs et celle de locataires, antagonisme qui ressort au moment des augmentations de loyer décidées soit par le conseil d'administration de la société ou par l'assemblée générale.

Les avantages l'emportent incontestablement sur les inconvénients

Les représentants du Rassemblement en ont énuméré un certain nombre fort pertinent. Le système des coopératives d'habitation échappe à la spéculation immobilière; il s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique de mise à disposition pour la population de logements sociaux et implique par ailleurs une participation des locataires à la gestion de leurs propres immeubles.

Les gens du Rassemblement estiment que pour mener à bien un développement des coopératives d'habitation, il est nécessaire d'élaborer un plan d'action en leur faveur qui prévoirait la mise en place d'un organisme destiné à acquérir des terrains pour les remettre en droit de superficie, de faire jouer un rôle fondamental à la BCG pour l'octroi de prêts préférentiels. Il conviendrait peut-être de prévoir, en cas de nécessité, le déclassement de certaines zones agricoles.

Examen, modifications de la motion, votes

C'est le 1er décembre 1997, que la commission, à l'unanimité, vote l'entrée en matière de la motion 1092. La commission constate que la première invite, celle consistant à demander au Conseil d'Etat de lui faire un rapport sur la situation des coopératives d'habitation à Genève, a déjà été réalisée. Les commissaires pourront disposer du rapport en question.

Après discussion, la motion s'enrichit d'une nouvelle invite: "; les expériences faites par d'autres cantons suisses et en particulier Zurich " (vote acquis à l'unanimité).

L'invite 4, soit: "; la création d'un organisme destiné à acquérir des terrains ou des immeubles vides pour les mettre à disposition des coopératives d'habitation ", suscite une discussion.

Certains sont favorables à la mise en place d'une fondation de droit public qui disposerait d'un inventaire des terrains à construire dont l'Etat est en possession (il semblerait que cet inventaire n'existe pas…), et qui serait un organisme où l'on pourrait se renseigner en cas de création d'une nouvelle société.

D'autres pensent qu'il faudrait éviter de créer une structure lourde. La question est renvoyée après l'entretien avec M. Moutinot.

La proposition du Rassemblement d'ajouter en fin de l'invite 4 "; à but non lucratif " est repoussée par 10 non et 2 abstentions. La commission estime en effet qu'on ne peut pas interdire une coopérative d'avoir un rendement de 3 à 5 %. Surtout s'il est nécessaire de constituer certaines réserves, ne serait-ce que pour rembourser les prêts bancaires.

La 4e invite subit encore une modification. Par 8 (3 L, 2 R, 2 Ve, 1 S) et 4 abstentions (3 AdG, 1 DC) le mot "; vides " est supprimé de l'invite 4. Motifs : il faut imaginer le cas où une coopérative achèterait un immeuble où il y aurait plus que 2 locataires en place; de plus un immeuble squatté n'est pas un immeuble vide.

Enfin, autre modification de l'invite 4, à l'unanimité, "; pour les mettre à disposition " est remplacé par "; pour les octroyer en droit de superficie ".

L'invite 5 "; des démarches pour favoriser l'obtention de prêts hypothécaires et de crédit de construction par la Banque Cantonale de Genève " est supprimée par 6 non, 3 abstentions, 3 oui. Motifs : les coopératives peuvent faire appel à d'autres établissements bancaires, par exemple la Banque alternative.

L'invite 6 "; l'octroi prioritaire des subventions prévues par la LGL à des coopératives d'habitation ou d'autres organisations à but non lucratif " subit une modification. "; Octroi prioritaire " est remplacé par "; la répartition équitable ". Motif : "; l'octroi prioritaire " donne l'impression qu'actuellement les coopératives seraient mal desservies par la LGL, ce qui n'est pas le cas. La modification est approuvée par 9 oui (3 L, 2 R, 1 DC, 1 Ve 2 AdG), 1 non (Ve) et 2 abstentions (1 AdG, 1 S).

La commission entend M. le Conseiller d'Etat Moutinot, lequel précise que les coopératives, de par le code des obligations CO, sont forcément sans but lucratif. Etant fortement endettées initialement, elles ont intérêt à pratiquer une politique raisonnable en ce qui concerne les réserves, que ce soit pour les travaux ou pour supporter d'éventuelles baisses des prestations de l'Etat ou encore une augmentation des taux hypothécaires.

Répondant à la crainte de certains commissaires de voir un désengagement de l'Etat vis-à-vis des investisseurs privés désireux de s'investir dans le logement social, désengagement provoqué par une aide privilégiée aux sociétés coopératives, M. Moutinot précise que l'action de l'Etat ne se limitera pas uniquement aux dites coopératives.

La question de la création d'un organisme particulier, qui pourrait être une fondation, destiné à acheter des terrains pour le compte de l'Etat dans le but de les remettre en droit de superficie aux coopératives, semblait préoccuper une partie des commissaires et des personnes auditionnées.

La législation genevoise et les coopératives d'habitation

Il est utile de rappeler comment l'Etat de Genève entend favoriser l'essor des coopératives d'habitation. L'article 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires stipule :

Art. 1 Rôle de l'Etat

1 L'Etat encourage la construction de logements d'utilité publique et s'efforce d'améliorer la qualité de l'habitat dans les limites et selon les critères fixés par la présente loi. Il peut entreprendre lui-même la construction de ces logements.

2 A cet effet, l'Etat

a) acquiert des terrains en usant notamment des droits de préemption et d'expropriation que lui confère la présente loi ;

b) encourage la construction de logements, en particulier à but non lucratif, par voie notamment de caution simple d'emprunts hypothécaires, d'octroi d'emprunts, avec ou sans intérêts, de subventions, d'exonérations fiscales, de mises à disposition, dans la mesure des disponibilités, de terrains à bâtir en droit de superficie, d'aide à l'équipement des terrains à bâtir. Il peut également faire usage des aides et moyens que les lois et ordonnances fédérales fournissent aux cantons dans le même dessein ;

c) construit des logements lui-même ou par l'intermédiaire de fondations de droit public ;

d) veille à la qualité des logements construits ainsi qu'à leur environnement.

3 L'Etat instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec l'aide de l'Etat de Genève ou d'autres collectivités publiques ou corporations de droit public. Les logements et les locaux situés dans des immeubles construits avec l'aide e l'Etat au sens de l'alinéa 2, lettre b, sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu'ils bénéficient de cette aide; ceux construits en vertu de l'article 2, lettre c, et ceux visés à l'article 2 de la loi du 21 juin 1991 au bénéfice d'un capital de dotation fourni par l'Etat.

L'aide de l'Etat en faveur des coopératives d'habitation peut prendre d'autres aspects :

Cautionnement

Art. 17 Taux

1 Pour les logements des catégories 1 et 2, le Conseil d'Etat peut, si les conditions du marché des capitaux l'exigent, se porter caution simple de prêts hypothécaires, pour autant qu'ils soient primés par des prêts de rang préférable atteignant au moins 60 % de la valeur de l'immeuble, à dire d'experts.

2 Les prêts ainsi garantis par l'Etat ne peuvent, ajoutés à ceux qui les priment, excéder au total 80 % de la valeur de l'immeuble.

3 Cette proportion peut atteindre :

a) 95 % lorsque le propriétaire est une association ou une fondation ne poursuivant pas de but lucratif, ou encore une coopérative d'habitation dont les membres représentent au moins 2/3 de l'ensemble des titulaires d'appartement et don les fonds propres n'ont pas un rendement supérieur à 5 % ;

b) 100 % lorsque l'immeuble est édifié par une corporation de droit public ou par des personnes morales dépendant d'une telle corporation.

Prêts hypothécaires

Art. 20 Prêts en 1er rang

1 Le Conseil d'Etat peut, si les conditions du marché des capitaux l'exigent, accorder des prêts hypothécaires en 1er rang aux taux d'intérêt usuel sur les immeubles admis au bénéfice de la présente loi, lorsque le propriétaire est :

a) une corporation ou un établissement de droit public, ou une personne morale dépendant d'une telle institution ;

b) une association ou une fondation ne poursuivant pas de but lucratif ;

c) une société coopérative d'habitation dont les membres représentent au moins 2/3 de l'ensemble des titulaires d'appartement et dont les fonds propres n'ont pas un rendement supérieur à 5 %.

2 Il peut aussi accorder des prêts en 1er rang lorsque les fonds prêtés sont fournis à cette fin par la Confédération.

3 La clause de ces prêts, relative aux modalités de remboursement, doit prévoir des amortissements réguliers pendant la durée d'application de la présente loi à l'immeuble considéré.

Création d'un nouvel organisme …ou utilisation de l'ensemble des structures existantes ?

En ce qui concerne l'invite 4, laquelle dit à ce stade ceci : "; la création d'un organisme destiné à acquérir des terrains ou des immeubles pour les octroyer en droit de superficie à des coopératives d'habitation ", voici ce que prévoit la LGL :

Fondation de droit public

Art. 10 Buts

Afin de faciliter l'utilisation et la mise en valeur des terrains acquis en vertu de la présente loi, le Grand Conseil peut, sur proposition du Conseil d'Etat, créer une fondation de droit public, à laquelle ces terrains peuvent être remis en droit de superficie, ayant notamment pour buts :

a) de préparer ces terrains ou ceux qu'elle aura elle-même acquis, à leur destination finale, notamment en apportant sa collaboration à l'étude des plans d'aménagement de quartiers et à la création de l'équipement et des infrastructures nécessaires ;

b) de céder ces terrains à des communes, à des coopératives d'habitation, à des associations sans but lucratif, à des fondations de droit public ou à d'autres collectivités publiques, ou à des personnes juridiques de droit privé pour la réalisation d'immeubles ou d'ensembles d'habitations, sous forme de droit de superficie, conformément aux modalités fixées à l'article 9 ;

c) de construire, le cas échéant, elle-même, les immeubles prévus sur ces terrains ;

d) de favoriser la création et le développement de coopératives d'habitation, d'associations ou de fondations construisant sans but lucratif et de coordonner leur action ;

e) de gérer elle-même ou par des tiers les immeubles qu'elle a réalisés elle-même ;

f) d'assumer toute autre tâche en matière d'acquisition, d'exploitation ou de mise en valeur d'immeubles ou de constructions d'utilité publique que le Conseil d'Etat lui confie.

Favoriser les acquisitions foncières

Promouvoir les coopératives, c'est notamment mettre à leur disposition des terrains bon marché (effet à la baisse sur les loyers ainsi que sur les fonds propres devant être fournie par les coopérateurs). D'où la nécessité de mener une politique active d'acquisition de terrains, comme le prévoit l'art. 10,7 al.3 lit.2 de la Constitution genevoise, afin de pouvoir les mettre à disposition, par l'octroi de droits de superficie, à des coopératives sans but lucratif.

A cette fin, le droit de superficie devra veiller à ce qu'il s'agisse bien de logements locatifs à bas loyers.

Afin de garantir que les objectifs ainsi fixés puissent être atteints, il serait souhaitable que les différentes structures existantes soient assemblées au sein de la fondation visée à l'art. 10 LGL, disposition restée lettre morte depuis son adoption par le Grand Conseil.

Tant M. Laurent Moutinot que M. Georges Albert estiment également qu'il faut utiliser l'ensemble des structures existantes à cet effet, ne pas créer de toute pièce une structure supplémentaire, mais de réorganiser ce qui est déjà existant.

Actuellement, les acquisitions de terrains et d'immeubles par l'Etat sont traitées au sein du DAEL, parle Service d'acquisitions foncières. Il existe déjà une fondation immobilière, dont le but est d'intérêt public, "; Cité Nouvelle ", qui a la possibilité d'acquérir des biens pour les remettre à des fondations à but non lucratif. La fondation "; Cité Nouvelle " a réalisé 5325 logements sociaux. Elle pourrait parfaitement remplir la tâche escomptée, moyennant quelques modifications de son but et de son fonctionnement.

La majorité de la commission est du même avis que M. Moutinot, à savoir ne pas créer une structure supplémentaire, et propose la suppression de l'invite 4, à savoir "; la création d'un organisme destiné à acquérir des terrains ou des immeubles pour les octroyer en droit de superficie à des coopératives d'habitation " est refusée par 9 non (2 AdG, 2 DC, 2 R, 3 L) contre 6 oui (1 AdG, 3 S, 2 Ve).

Vote final

Par 9 oui (2 AdG, 2 DC, 2 R, 3 L) et 6 abstentions (1 AdG, 3 S, 2 Ve) la motion 1092 est acceptée.

Débat

M. René Ecuyer (AdG), rapporteur. J'aimerais rappeler que ce Grand Conseil s'est préoccupé, il y a déjà fort longtemps, de la question des coopératives d'habitation. Il y a eu une motion de nos anciens députés PDC, entre autres Mme Gillet, qui avait été déposée en 1986. Nous avons enfin en 1998 un résultat de la motion 1092. Espérons que nous ne devrons pas attendre aussi longtemps pour connaître la position du Conseil d'Etat concernant ces coopératives.

La commission a étudié de manière approfondie le problème des coopératives. Il a été procédé à diverses auditions à l'issue desquelles la motion a été modifiée, à savoir : la commission ne considérait pas qu'il fallait prévoir, pour les coopératives, un octroi prioritaire des subventions prévues par la loi sur le logement. En fait, tous les logements doivent être concernés par les dispositions légales. Nous nous sommes posé la question de savoir s'il y avait lieu de créer un organisme spécialisé destiné à acquérir des terrains ou des immeubles vides pour les mettre à disposition des coopératives d'habitation. Le Conseil d'Etat ainsi que les représentants du département nous ont dit qu'il existait déjà des structures prévues pour les achats de terrains. Il est également possible de modifier les statuts d'une certaine fondation, actuellement en activité, afin d'être en accord avec cette disposition.

Pourquoi n'y a-t-il pas de réponse précise sur les coopératives à Genève ? La question peut se poser. Cela démontrerait-il un manque d'intérêt pour les coopératives dans le canton de Genève ? Il faut reprendre la loi qui fait référence aux coopératives. L'audition de l'ancien conseiller d'Etat, M. Robert Ducret, nous a paru très intéressante; elle nous a apporté des informations utiles sur la situation à Genève. Rappelons que Genève est le seul canton suisse à connaître le système HLM.

En effet, les collectivités publiques encouragent et construisent elles-mêmes des appartements bon marché correspondant à la capacité économique de certaines personnes. C'est principalement la raison pour laquelle les coopératives n'ont pas connu un essor aussi important que dans le canton de Zurich ou d'autres cantons suisses-alémaniques car ces cantons ne connaissent pas la loi générale sur le logement permettant la construction de HLM ou HBM. En mettant en parallèle le système coopératives et le système HLM, ce dernier l'emporte largement pour diverses raisons. Il s'adresse à un public plus vaste : les classes moyennes et les classes défavorisées. En revanche, les coopératives privilégient un système un peu plus sélectif. Pour faire partie d'une coopérative, il faut être membre d'un syndicat, comme c'est le cas pour la FOBB. Il existe d'autres formes d'adhésion aux coopératives, telles les parts sociales. Il ne s'agit donc pas du même principe que les logement sociaux.

La loi prévoit à l'article 1 que l'Etat encourage la construction de logements d'utilité publique. De quelle manière ? Par des subventions, par des constructions. Le groupe écologiste souhaite la création d'un organisme qui se préoccupe en particulier des coopératives. Nous avons un amendement du groupe socialiste qui va dans le même sens. Nous sommes d'avis qu'un organisme n'est pas indispensable.

L'achat des terrains ne doit pas être affecté prioritairement aux coopératives d'habitation. D'autant plus que nous avons en perspective le devoir de construire trois mille logements HBM ces prochaines années. Nous avons fait une promesse. Le peuple en a décidé ainsi. Nous sommes encore loin de cette réalisation et il est difficile de mettre tous nos efforts sur un autre système de logements sociaux. Voilà ce que je tenais à ajouter à ce rapport. Il faut rappeler que la loi prévoit que l'Etat peut lui-même créer une fondation. Il serait alors demandé à l'Etat d'appliquer la loi et de prévoir, pour l'ensemble des logements sociaux, y compris les coopératives, la modification des statuts d'une fondation existante qui pourrait être «Cité nouvelle». Il n'est donc pas nécessaire de créer un organisme spécifique.

M. David Hiler (Ve). L'intervention de M. Ecuyer a le mérite de la clarté. Si l'on souhaite comprendre pourquoi à Genève les coopératives se sont peu développées, la raison peut-être essentielle, Monsieur Ecuyer, c'est qu'un segment de la gauche, le parti du travail que vous représentez, a toujours tout fait pour qu'elles ne se développent pas. C'est en tout cas sur cette ligne que vous poursuivez; nous vous avons bien entendu.

Maintenant, Monsieur Ecuyer, nous allons reprendre l'affaire sur le fond. Votre argument principal est que le système HLM est préférable aux coopératives d'habitation. C'est tout à fait intéressant bien qu'il y ait tout de même une différence que vous avez oublié de relater, semble-t-il : dans le cadre d'une coopérative d'habitation, sur le long terme, une fois sortis de la subvention, les loyers continuent d'être extrêmement bas et nous en avons eu la preuve en commission. Vous en avez également la preuve, Monsieur Ecuyer, dans l'excellent rapport qui a été fourni par le DAEL à propos des coopératives. C'est un élément essentiel, à savoir : pour le même nombre de millions investis, dans un cas vous investissez pour la durée du subventionnement et dans l'autre vous investissez à très, très long terme.

Vous avez peut-être l'impression, Monsieur Ecuyer, que les collectivités publiques roulent sur l'or et qu'en conséquence elles peuvent choisir le système qui est le plus coûteux à long terme Il semble que les faits contredisent votre analyse. Il est vrai cependant qu'il existe une complémentarité entre le système HBM et les coopératives d'habitation. Pour un certain nombre de personnes, même dans les coopératives relativement anciennes où les parts sociales sont basses, cette acquisition peut poser un problème. C'est à ces personnes que s'adresse le système HBM, que nous soutenons. Le problème, vous le savez bien, est qu'il existe toute une série de fondations destinées aux logements HBM. Le problème également est qu'elles n'ont - semble-t-il - pas les moyens ou que les collectivités publiques n'arrivent plus à mettre les moyens à disposition pour acheter les terrains nécessaires dans les zones constructibles. En conséquence, ajoutée à l'opposition farouche d'un certain nombre de communes concernant les HBM, il y a une paralysie qui n'est pas du tout imputable à une concurrence éventuelle d'un autre type de fondation, mais bel et bien à la dynamique propre du système.

Vous préférez, Monsieur Ecuyer, et nous l'avons compris, que des subventions continuent d'être versées à des propriétaires privés, pour qu'ils construisent du logement HLM pendant vingt ans avec un profit garanti et qu'ensuite ils augmentent tranquillement les loyers, plutôt que de soutenir les coopératives. (Remarque.) Il fallait être là, Monsieur Ferrazino, pendant que votre collègue parlait car vous auriez été tout à fait intéressé par ce qu'il a dit !

En conséquence, la question de la fondation est déterminante, absolument ! Toutes les coopératives ont mentionné que le problème principal pour ceux qui aujourd'hui veulent faire du logement coopératif, c'est la question du terrain. Aujourd'hui, refuser l'outil permettant l'acquisition de terrains, abandonner cette tâche à l'Etat en disant qu'il y a bien assez de terrains - ce qui n'est pas vrai - laisser faire l'Etat en disant qu'il a bien assez d'argent pour acheter, ce qui n'est pas vrai non plus, c'est condamner très rapidement les coopératives à cet état de paralysie qui est le leur depuis quelques années. Ce sont des choix, chacun fait les siens. Contrairement à d'autres forces, nous n'exerçons pas de pressions excessives pour que les gens changent d'avis, chacun jugera. Mais qu'il soit clair pour toute cette assemblée que, sans la création d'une fondation, la motion aura été vidée de son sens par l'alliance entre la droite et l'Alliance de gauche.

M. Jacques Béné (L). Le groupe libéral approuve cette motion telle qu'elle figure à notre ordre du jour, sans amendement. Notre groupe est prêt à favoriser et à encourager la création et le développement des coopératives. Il y a cependant quelques éléments à ajouter pour bien comprendre ce qu'est une coopérative et de quelle manière elle fonctionne.

Le premier élément par rapport aux HLM : les fonds propres d'une coopérative sont moins importants que ceux d'un propriétaire privé qui construit un immeuble HLM et qui va devoir investir 20, 30, voire 40% de fonds propres au moment de la construction du bâtiment. Après vingt ans, comme tout propriétaire, la loi HLM permet à l'issue du contrôle de réactualiser ces fonds propres. Dans le cadre des coopératives, ces fonds propres sont moins importants puisque le plafond est fixé à 5% seulement. Le coopérateur qui investit 5% de fonds propres au début de la construction, par la suite, en tant que «locataire» de la coopérative, ne va pas demander la réactualisation de ses fonds propres. C'est un des éléments qui fait que la coopérative ne subit pas d'effet de «plus-value», ce qui paraît correct pour un propriétaire qui investit dans la construction d'un immeuble en HLM.

Le deuxième élément : lorsqu'il s'agit d'une coopérative, une idée erronée circule, celle de dire que la construction en coopérative va être moins chère. Ce n'est pas du tout le cas ! Quel que soit l'acheteur, le prix du terrain pour construire reste le même, que ce soit en zone de développement ou ailleurs. L'acheteur va ensuite essayer de mettre en vente les parts de cette coopérative, mais le coût de la construction est identique. J'en veux pour preuve une annonce parue récemment dans la presse où figurent des appartements offerts à des coopérateurs. Le prix de location de ces appartements est de 3 825 F la pièce, c'est le premier prix pour un cinq pièces auquel il faut ajouter bien évidemment l'acquisition des parts sociales qui représentent 4 000 F par pièce, ce qui représente pour le coopérateur un investissement de 20 000 F. Si on calcule cet investissement avec une rentabilité à laquelle il renonce, estimée en moyenne à 5%, cela rajoute 200 F la pièce. Le prix de départ pour la location d'un appartement en coopérative est de 4 000 F. Cette coopérative-là est subventionnée par l'Etat. Cela prouve que le prix de construction d'une coopérative est identique à celui d'un HLM. C'est la philosophie qui est différente.

Je sais quel est l'objectif poursuivi et c'est pour cette raison que je tenais à m'exprimer. Il a été question des droits de superficie. Pour certains membres de la commission, le but est de faire intervenir l'Etat dans l'acquisition ou dans la mise à disposition de terrains pour ces coopératives avec des droits de superficie ne correspondant pas aux règles du marché par rapport à un investisseur qui voudrait créer une coopérative, comme c'est le cas pour l'annonce précitée. C'est ce à quoi nous nous opposons. Si l'Etat, dans un but philosophique, met des terrains à disposition des coopératives et que, par leur création, on parvienne à maîtriser le problème de rentabilité et à juguler la spéculation des promoteurs immobiliers, dans ce cas nous sommes d'accord que les coopérateurs paient le prix du marché. Si c'est pour mettre à disposition des terrains avec des droits de superficie à des conditions inférieures à celles du marché, nous refuserons et nous tenons à le souligner.

La rentabilité d'une coopérative par rapport à un propriétaire qui achète en nom, sur vingt ans, est pratiquement la même. Il ne faut pas se leurrer. Le propriétaire qui achète en nom son appartement devra peut-être investir davantage de fonds propres s'il ne passe pas par une coopérative, mais sur vingt ans le résultat est le même. La coopérative coûte aussi cher qu'un autre investissement.

M. Hausser va prendre la parole tout à l'heure, j'imagine, pour son amendement. Pour notre groupe, il est absolument exclu de demander à l'Etat de créer un organisme qui devrait promouvoir ces coopératives pour la simple et bonne raison que, lundi passé, il y a eu une table ronde pour essayer de diminuer les dépenses de l'Etat. Il est évident que la création d'un organisme supplémentaire pour favoriser ce genre de démarches nous paraît totalement inopportune.

En conclusion, nous sommes d'avis que l'Etat a suffisamment de terrains à mettre à disposition de ces coopératives. Il suffit de chercher, oui, Monsieur Ferrazino ! Je crois qu'il y a une liste exemplaire des terrains que l'Etat pourrait mettre à disposition pour ces coopératives avec des droits de superficie à des conditions usuelles. Ce travail peut très bien être effectué par l'intermédiaire de l'Office financier du logement, qui est prêt à collaborer ainsi que nous l'ont confirmé ses représentants en commission.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Béné, qui est, je crois, très actif dans un certain nombre d'opérations de portage pour certaines banques de la place, serait bien inspiré de mettre à disposition... (L'orateur est interrompu.) Pas n'importe lesquelles, je sais, Monsieur Béné ! Vous seriez bien inspiré de mettre à disposition ces immeubles en faveur de coopératives. Vous avez tenu là, Monsieur Béné, un discours de régisseur qui vous caractérise. Permettez-nous tout de même de rappeler - il nous semblait que ce n'était pas nécessaire de le faire - que l'avantage précisément d'une coopérative d'habitation, c'est de procurer des loyers beaucoup plus favorables que ne le sont ceux des propriétaires privés que vous représentez, pour la simple et bonne raison qu'une coopérative d'habitation n'a pas normalement d'activité à but lucratif. C'est là que réside l'intérêt des coopératives d'habitation. Si vous aviez suivi les séances qui se sont déroulées à la commission du logement, vous auriez pu vous apercevoir que les différentes personnes qui sont venues déposer devant la commission en faisant part de leur expérience de coopérateurs, ont mentionné des chiffres qui ont stupéfait tout le monde. Justement, par le côté raisonnable du loyer que ces coopératives arrivaient à pratiquer.

Il semblait que cet élément-là, Monsieur Béné, était acquis pour tout le monde. Apparemment vous n'êtes pas parmi ceux qui reconnaissent l'évidence, à savoir que les coopératives d'habitation permettent d'offrir des conditions locatives qui sont des plus compétitives. Le problème n'est pas là uniquement.

Pour répondre à M. Hiler, contrairement à ce que vous avez soutenu, Monsieur Béné, les collectivités publiques ne disposent pas de beaucoup de terrains à mettre à disposition pour le logement social, et les moyens financiers dont elles peuvent disposer pour acquérir de nouveaux terrains sont extrêmement limités.

Par conséquent, la question se pose de savoir s'il y a lieu, comme la motion le proposait à l'origine et comme l'amendement de M. Hausser nous le propose ce soir, de faire en sorte que ces moyens limités dont nous disposons soient affectés exclusivement en faveur des coopératives d'habitation. Et c'est là où nous disons non.

Je ne sais pas comment vous avez compris les propos de M. Ecuyer qui pourtant étaient clairement exprimés dans son rapport. (Protestations.) Si vous les avez mal compris, je vous les résume très brièvement, Monsieur Hiler, parce que ce n'est pas du tout un scoop, c'est une position que M. Ecuyer défend depuis de nombreuses années au sein du Rassemblement pour une politique sociale du logement et que moi-même je défends tout comme lui depuis de très nombreuses années au sein de ce parlement.

L'effort social en faveur du logement doit être fait sur l'ensemble des catégories que nous avons à disposition, tout en relevant, d'une part, que le système HLM tel qu'il est - et là nous nous rejoignons, nous sommes parfaitement d'accord pour le dire - est un pont d'or pour les propriétaires. C'est un système véritablement inintéressant pour le logement social puisque les loyers non seulement sont très élevés pendant toute la période du contrôle, mais explosent à l'issue du contrôle. Ils nous coûtent à nous, collectivités, très cher pour rapporter bien peu de choses. Parallèlement, nous avons une catégorie de logements qui fait cruellement défaut aujourd'hui à Genève qui sont les HBM.

Je vous rappelle que l'initiative du Rassemblement pour une politique sociale du logement, qui s'est concrétisée par une loi votée par ce parlement en 1991 pour un plan d'urgence logements, prévoyait de mettre sur le marché trois mille HBM d'ici l'an 2000. Nous sommes en 1998 et nous sommes très loin du compte.

Par conséquent, aujourd'hui, l'effort en matière d'investissement de terrains, en matière de droits de superficie, ne peut pas être fait exclusivement en faveur des coopératives d'habitation en oubliant les HBM. C'est pour cela que je rejoins mon collègue Ecuyer qui, dans son rapport, nous a rappelé que l'article 10 de la loi générale sur le logement adoptée en son temps est resté jusqu'à ce jour lettre morte. Je ne l'ai pas sous les yeux mais il figure dans le rapport de M. Ecuyer : il prévoit que le Conseil d'Etat peut saisir ce Grand Conseil d'un projet de loi permettant la création d'une fondation qui vise précisément à acquérir des terrains pour les mettre notamment en droit de superficie; pas exclusivement à des coopératives d'habitation, mais également à des fondations de droit public qui pourraient mettre sur le marché des HBM. Dieu sait si nous avons besoin de HBM aujourd'hui !

C'est pourquoi je ne peux pas me reconnaître dans votre amendement, Monsieur Hausser. Je ne peux pas accepter que l'effort en matière de logement social soit tout d'un coup uniquement axé sur les coopératives d'habitation au motif, il est vrai, que pendant des années nous avons rechigné à aider les coopératives d'habitation. Je dis simplement que demander aujourd'hui formellement au Conseil d'Etat, et c'est le sens de mon intervention, qu'il mette en application l'article 10 de la loi générale sur le logement, qui intègre les coopératives d'habitation, c'est faire en sorte que l'effort de l'Etat en matière de logement social, dans le cadre de l'acquisition de terrains, dans le cadre de la mise de ces terrains en droit de superficie, intègre également les coopératives d'habitation.

Nous accueillons vraiment à bras ouverts le plan d'action que vous sollicitez, mais il doit être global et non pas sectoriel. Il ne faut pas, tout d'un coup, favoriser tel type de logement social forcément au détriment d'une autre catégorie de logement social. Le jour où nous aurons réalisé les 3000 HBM que ce parlement a voulus, et vous savez que nous n'y arriverons pas dans les délais que nous nous sommes fixés, ce jour-là peut-être pourrons-nous donner davantage de moyens financiers à telle ou telle catégorie. Je persiste néanmoins à penser que tant et aussi longtemps que nous n'avons pas réalisé les HBM que nous nous étions fixés, il ne faut pas revenir en arrière en disant que, dorénavant, l'effort du logement social doit prioritairement se faire en faveur des coopératives d'habitation en laissant de côté la construction de HBM. Raison pour laquelle nous ne pourrons pas soutenir l'amendement de M. Hausser qui revient finalement à reprendre l'invite initiale de la motion des Verts.

Je demanderai au Conseil d'Etat de bien réfléchir à la question en saisissant ce Grand Conseil le plus rapidement possible d'un projet de loi visant à donner vie à cette fondation prévue à l'article 10 de la loi générale sur le logement qui, pour des raisons qui nous échappent totalement, n'a jamais été concrétisée à ce jour. De cette manière, nous aurons la possibilité de faire en sorte que l'effort de l'Etat en matière de logement social puisse intervenir non seulement en faveur des coopératives d'habitation, puisque que cela est directement prévu dans cet article 10, mais également en faveur des HBM.

Je vous répète, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous sommes fixé un objectif en matière de logement social que nous n'arriverons pas à réaliser. Vu le peu de terrains et le peu de moyens dont nous disposons pour en acquérir de nouveaux, il n'est pas possible de prendre aujourd'hui des mesures qui pourraient aller à l'encontre de la réalisation du plan d'urgence logements que nous avons tous voulu dans cette enceinte. Raison pour laquelle nous soutiendrons ce rapport, tout en invitant le Conseil d'Etat à revenir au plus vite devant ce Grand Conseil pour que nous puissions rapidement créer cette fondation prévue dans la loi générale sur le logement.

M. Jacques Béné (L). Nous n'avons peut-être pas participé à la même commission, Monsieur Ferrazino ! Les coopératives dont vous parlez ne semblent pas être celles que j'ai entendues. Certaines des coopératives que nous avons reçues étaient des coopératives d'opportunité. C'étaient des coopératives qui s'étaient mises en place sur des terrains ou dans des immeubles, des semi-squats avec des contrats de confiance, des autorisations. En fait ce sont des coopératives qui se sont créées pour sortir d'une situation inextricable. Le parti libéral ne peut pas soutenir cette position. Il est bien évident que cela continue à se produire. Il a été question récemment de RHINO qui est l'exemple type de la volonté de créer une coopérative en pensant que tout va être résolu car la coopérative est obligatoirement soutenue par l'Etat. Le groupe libéral refuse catégoriquement l'idée d'un organisme qui favoriserait ce genre de démarche.

En ce qui concerne les terrains actuellement possession de l'Etat. J'ignore le nombre de terrains sur lesquels il pourrait y avoir éventuellement des opérations de ce type, mais considérons déjà ce que nous connaissons. Ce que je veux démontrer, c'est que l'on peut aussi pousser les propriétaires fonciers de ce canton à faire de la coopérative. C'est possible et même intéressant pour un promoteur d'investir dans une coopérative. Plutôt que d'investir dans la PPE, faisons de la coopérative ! Il n'y a pas de problèmes. Certaines opérations sont sorties de situations délicates par ce biais. Je le répète, la coopérative a effectivement un gros avantage. La mise de fonds initiale étant faible et l'emprunt étant plus important, il est clair qu'il y a de fortes chances pour que le loyer soit un peu plus élevé, mais l'avantage de la coopérative est qu'au fur et à mesure que les coopérateurs changent il n'y a pas de réévaluation des fonds propres ou de plus-value illusoire sur le bien en question. Au bout de vingt ans, c'est un placement intéressant. Favorisons les coopératives mais - encore une fois - il n'y a aucune raison pour que celles-ci soient plus soutenues que ne le sont les constructions HLM actuellement.

Reprenons l'exemple que j'ai donné précédemment : aujourd'hui, les coopératives mises sur le marché par un propriétaire privé bénéficient d'une subvention de l'Etat pour atteindre 4 000 F la pièce à la location, peut-être un peu moins. Si nous devons octroyer des droits de superficie qui font baisser ces prix à outrance afin de mettre sur le marché des coopératives n'ayant plus aucune justification économique, nous ne sommes pas d'accord.

M. David Hiler (Ve). Le groupe des Verts dans son ensemble aimerait dire ceci à M. Béné : le but des droits de superficie n'est pas d'accorder une subvention indirecte. Cela répond à la question de M. Ferrazino concernant l'intérêt de créer une nouvelle fondation - la seule fondation qui existerait pour les coopératives, alors qu'il en existe quand même, vous le savez, Monsieur Ferrazino, une dizaine pour les HBM !

Une telle fondation a l'intérêt de pouvoir, à partir d'un capital de dotation, fonctionner sans l'appui constant de l'Etat; le but étant de faire des acquisitions, de mettre en droit de superficie, de toucher la rente et d'emprunter pour acquérir d'autres terrains sur le marché hypothécaire. C'est exactement ce que les pouvoirs publics ne peuvent pas faire aujourd'hui en contractant des emprunts par obligation. Cette fondation de droit public peut effectivement se porter acquéreur d'un certain nombre de terrains sur le marché lorsqu'elle estime - et c'est pour cela qu'il est important qu'il y ait en son sein des représentants des coopératives - qu'une opération peut être faite. De sorte que, le cas échéant, elle peut investir dans une mise initiale. Le reste du financement doit passer par les subventions existantes. C'est notre invite et c'est ce que nous souhaitions à l'origine : une répartition équitable et prioritaire pour les organismes d'intérêt général à but non lucratif.

Quant à la fondation qui pourrait servir pour les HBM : je crois, Monsieur Ferrazino, que si nous entrons dans une polémique entre les partisans des HBM et ceux des coopératives, nous n'en sortirons jamais. Vous savez très bien que nous avons toujours soutenu ces constructions HBM, initiative y compris. Les moyens existent en principe mais - si vous me le permettez - c'est la méthode qui diffère. Il faut réformer les fondations existantes, en faire un petit peu moins et leur donner des pouvoirs accrus afin qu'elles puissent gérer sans trop de problèmes des acquisitions de terrains à leur propre fin. Dans ce cas, l'aide de l'Etat restera considérable. L'aide HBM est actuellement lourde et le restera. C'est ce en quoi notre proposition ne heurte absolument pas les HBM, vous le savez bien, Monsieur Ferrazino, quelle que soit l'habileté que vous mettez dans vos discours !

Notre proposition affronte le système HLM en disant : par les temps qui courent, réalisons des logements sociaux avec des institutions à but non lucratif et cessons cette politique de l'arrosage qui - il est vrai - revient au même à court terme au point de vue des logements mais qui est différente sur une période de dix, quinze ou vingt ans.

Aujourd'hui, en privant les coopératives d'un instrument que tout désigne, de manière décisive, comme fondamental à leur fonctionnement, vous ne ferez pas construire un seul HBM de plus, Monsieur Ferrazino, mais vous freinerez de nombreuses constructions de coopératives et nous ne pouvons que le regretter.

M. René Ecuyer (AdG), rapporteur. Monsieur Hiler, je vous mets au défi de trouver dans la politique passée du parti du Travail une opposition quelconque aux coopératives d'habitation. La question ne s'est jamais posée entre le choix de coopératives ou de logements HBM. Nous avons eu quelques préférences, il est vrai.

J'aimerais que vous nous précisiez quel type de coopératives vous entendez soutenir : du genre «Graphis» ? Du type de celles gérées par les syndicats ? Du type de celles gérées par les occupants d'immeubles vides ? Ou du type de celles réservées à des gens aisés ?

Certains types de coopérative requièrent un investissement pouvant s'élever jusqu'à 5 000 F par pièce pour l'acquisition de parts sociales. L'effort pour les logements sociaux n'est peut-être pas, dans ce cas, placé judicieusement. Il faudra déterminer quel genre de coopérative vous voulez aider. La collectivité doit produire son effort pour des logements sociaux, c'est ce qui manque dans ce canton. Il y a eu plusieurs interventions à ce sujet. Notre groupe soutient tous les efforts de la collectivité dans ce domaine. Votre priorité apparaît clairement dans l'invite 6 de la motion : «l'octroi prioritaire des subventions prévues par la LGL à des coopératives d'habitation ou d'autres organismes à but non lucratif». C'est clairement exprimé et - en ce qui nous concerne - il n'y a pas à accorder une priorité absolue aux coopératives, il n'y a pas de choix à avoir. A mon avis, il faut faire un effort considérable pour les logements bon marché. Les coopératives ont certes besoin d'un coup de pouce, mais dans le cadre de la loi qui nous permet de nous doter d'une fondation qui réponde aux besoins de chacun et ne s'attache pas à un seul type de constructions.

M. Dominique Hausser (S). Ce débat me fait un peu tomber les chaussettes. D'habitude, M. Ferrazino est intellectuellement honnête et a des arguments qui se fondent sur une réalité relativement pragmatique. Aujourd'hui, il essaie de construire un discours qui défende M. Ecuyer qui s'est probablement endormi pendant le vote... (Protestations. Le président agite la cloche.) ...et qui malheureusement a voté à l'envers. La politique HBM est la politique essentielle qui permet de construire des logements sociaux... Monsieur Ferrazino, vous fermez votre gueule deux secondes et vous me laissez continuer ! (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, veuillez garder le silence ! Monsieur l'orateur, veuillez vous adresser au président ou à l'assemblée. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Dominique Hausser. Monsieur le président, veuillez prier M. Ferrazino de ne pas m'insulter !

Le président. Monsieur Ferrazino, veuillez ne pas insulter l'orateur !

M. Dominique Hausser. La politique HBM est une priorité essentielle pour développer le logement dit «social» à Genève. Il est évident que les autres modalités type HLM, HCM ou HM posent des problèmes majeurs dans leur application, même si - dans leur esprit - il y a ou il y avait des éléments intéressants.

La logique des coopératives est, par ailleurs, quelque peu différente. Elle s'adresse à une population qui désire construire un mode de logement alternatif au simple mécanisme de logement locatif tel qu'on le vit, où on ne se parle pas entre les différents locataires, où l'on n'assume pas une certaine responsabilité par rapport au logement que l'on occupe. Il est évident que je ne peux pas suivre M. Béné dans son discours disant que les coopératives permettent d'éviter la spéculation. C'est peut-être un moyen d'échapper à la spéculation mais on sait très bien qu'aujourd'hui, si une coopérative ne subit pas un certain contrôle de l'Etat dans le cadre de la fiscalité - dont on n'a pas parlé aujourd'hui - une coopérative privée va se transformer, à peu près à coup sûr... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...en propriété par étage. Effectivement, les coopératives ne bénéficient pas des avantages fiscaux attachés aux propriétés en nom propre.

Il ne faut pas, dans la logique, passer son temps à essayer d'opposer HBM aux coopératives. Dans le cadre du HBM on connaît des logements à la pièce qui sont extrêmement variables : le revenu requis diffère pour accéder à l'un ou l'autre HBM; de même on connaît des modes de fonctionnement de coopératives extrêmement différents. Il ne s'agit pas ici de promouvoir des coopératives privées rapportant des bénéfices aux investisseurs potentiels, mais bel et bien des coopératives qui assurent - sous le contrôle de l'Etat - un mode de logement alternatif responsabilisant les habitants de ces bâtiments. Dans cette optique, on ne peut pas se permettre simplement d'opposer l'un à l'autre mode de logement. Il s'agit plutôt de les considérer comme complémentaires. Personne n'a prétendu, et en tout cas pas moi en rédigeant une nouvelle fois l'amendement que vous aviez supprimé en commission, qu'il fallait que l'Etat promeuve uniquement les coopératives. Aujourd'hui, l'une des priorités est le développement des logements HBM mais on ne peut pas exclure strictement la possibilité de développer les coopératives.

Le président. Monsieur le député Barro, dans le silence !

M. Florian Barro (L). Les deux ingrédients de la réussite des coopératives sont l'inflation et la stabilité des taux. M. Ferrazino l'a signalé. Il est évident que les coopératives peuvent maintenir des loyers bas, essentiellement en raison de l'inflation et du fait que les fonds propres ne sont pas revalorisés. Cela a déjà été dit.

Permettez-moi, Monsieur Ecuyer, de relever une toute petite erreur dans votre rapport au sujet de l'audition de M. Ducret. En page 3, vous avez parlé de la création massive de coopératives dans les années 40, issue de cet effet de relance dû à la grave crise du logement, et pour lesquelles des subventions pouvant aller jusqu'au tiers étaient accordées. En réalité, il s'agissait des dotations à fonds perdus qui étaient affectées; M. Ducret a été clair là-dessus. Il est évident qu'en dotant les terrains et immeubles de 30% de subventions à fonds perdus, le prix du loyer était relativement bas. Ce prix correspond grosso modo à celui obtenu avec les subventions HLM puisque celles-ci peuvent atteindre jusqu'à 40% du prix de revient de la pièce.

En ce qui concerne la mise à disposition d'un terrain qui représente environ 20% de l'investissement dans une opération immobilière traditionnelle, dans le cadre de l'octroi d'un droit de superficie, le propriétaire peut bénéficier d'une rente se situant entre 0 et 20% du prix de revient. Le prix de revient d'une coopérative est identique à celui d'une opération normale, ce prix pourrait cependant être abaissé au maximum de 20% si une rente de superficie de 0% était offerte.

Monsieur Hiler, vous voulez créer une fondation de droit public qui aurait sa propre dotation ou une dotation unique à partir de laquelle des terrains seraient mis à disposition pour des coopératives. Soit, mais elle ne peut pas mettre à disposition des terrains pour des coopératives sans qu'une rente foncière, revalorisée annuellement si possible, puisse fonctionner; sans quoi elle court à la faillite. Elle ne pourra plus jamais acquérir de terrains. Le système de la coopérative, quoi qu'il en soit, est soumis aux règles du marché. On ne peut pas imaginer une fondation auto-financée de la sorte. Il me semble que seul l'Etat, avec les terrains qu'il a à disposition et les modes d'amortissements qu'il a mis en place, est à même d'assurer ceci. C'est pour cette raison que je vous propose d'en rester là et de soutenir le rapport de M. Ecuyer.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne serai pas long pour répondre à M. Hausser qui s'en prenait à M. Ecuyer, le rapporteur de ce projet. La différence entre M. Ecuyer et vous, Monsieur Hausser, c'est que M. Ecuyer, lui, sait de quoi il parle. Son rapport explique clairement qu'aider les coopératives, c'est avant tout - de la part des collectivités publiques - mettre à leur disposition des terrains en droit de superficie. M. Ecuyer vous a rappelé tout à l'heure que le terrain n'était pas indéfini et que, par conséquent, nous disposions - l'Etat, les collectivités publiques - d'un nombre limité de terrains. Vous me direz, avec toute la sagacité qui vous caractérise, que l'on peut néanmoins en acheter. Ce à quoi il vous sera répondu que les finances sont elles aussi limitées, si bien qu'il n'est pas possible d'acheter du terrain de manière indéfinie non plus.

La question se pose de savoir : que faisons-nous de ces terrains limités que nous avons ? Est-ce qu'il faut, comme vous nous le proposez, uniquement et prioritairement les donner en faveur de coopératives d'habitation, et lesquelles d'ailleurs ? Parlons-en des coopératives, Monsieur Hausser, car dans les mots d'ordre qui caractérisent vos discours, vous ne faites pas dans la nuance, ni dans la dentelle.

Vous vous souviendrez peut-être que nous avons parlé dans ce Grand Conseil d'une coopérative qui s'appelait «Cooplog». Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? C'est la Société privée de gérance, M. Barbier-Mueller, qui est derrière cette coopérative qui possède une parcelle juste à côté des terrains de Battelle. Je pense que ce n'est pas ce type de coopératives, Monsieur Hausser, que vous appelez de vos voeux au détriment des HBM... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs. Veuillez laisser parler l'orateur !

M. Christian Ferrazino. Monsieur Hausser, ayant rappelé que les terrains étaient limités et qu'il fallait choisir à qui l'Etat allait les donner en droit de superficie, vous dites : «Les HLM ont démontré le rôle négatif qu'ils pouvaient jouer en matière de logement social et il faut, par conséquent, soutenir les coopératives.» (Protestations.) Vous avez quand même dit, Monsieur Hausser, que les coopératives d'habitation devaient être aidées par rapport aux HLM. Or, il me semblait que c'était un élément que vous maîtrisiez tout de même car c'est le B.A.-BA en la matière : en ce qui concerne les HLM, il n'y a pas de droit de superficie; ce ne sont pas des terrains qui appartiennent à l'Etat puisque ce sont des privés qui construisent sur leur propre terrain avec des subventions à fonds perdus. Ce que nous, nous dénonçons, c'est que les deniers de l'Etat sont très mal utilisés en matière de HLM puisque précisément ce sont des investissements à fonds perdus. Ne venez pas nous dire, ce soir, que les HLM qui sont construits ne permettent pas d'aider les coopératives. Ce ne sont précisément pas des terrains qui sont donnés en droit de superficie. Si l'on parle d'une catégorie de logements qui est à mettre en opposition en matière de terrains donnés par l'Etat en droit de superficie, ce sont les HBM.

Excusez-moi de vous répéter, Monsieur Hausser, que, tant que nous n'aurons pas réalisé les trois mille HBM, je considérerai que l'effort de l'Etat ne peut pas prioritairement se porter vers une autre catégorie de logement social, fût-elle celle que vous appelez de vos voeux : les coopératives d'habitation. C'est pour cela que nous proposons de mettre en oeuvre l'article 10 de la loi générale sur le logement qui a le mérite de ne pas faire une prérogative exclusive en fonction de l'une ou de l'autre, mais qui a l'avantage d'avoir une vision globale en matière de logement social et de faire en sorte que les deniers de l'Etat soient affectés pour l'ensemble de ces catégories sociales. C'est le sens du rapport de M. Ecuyer, que nous appuyons et ce sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas souscrire à votre amendement.

M. Dominique Hausser (S). J'adore Ferrazino lorsqu'il pousse la mauvaise foi à l'extrême. Il est évident qu'il sait très bien... (Remarque.) Monsieur Grobet, sortez de la salle au lieu de dire des âneries ! (Brouhaha.)

Une voix. Tu te prends pour qui ?

Le président. Mesdames et Messieurs, veuillez ne pas provoquer l'orateur et, Monsieur l'orateur, veuillez ne pas vous laisser influencer par les quolibets et par les personnes qui s'adressent directement à vous. Adressez-vous à moi !

M. Dominique Hausser. M. Ferrazino sait très bien que, lorsqu'il est question de coopératives sous contrôle de l'Etat, il ne s'agit évidemment pas de Cooplog ! Il sait très bien que, lorsqu'on parle de fondations de droit public qui pourraient mettre en droit de superficie des terrains à une partie de la population qui ne pourrait, en l'état actuel, bénéficier de la logique HBM et qui, par ailleurs, ne peut pas forcément bénéficier des appartements dits en loyer libre, il ne s'agit pas non plus de Cooplog. M. Ferrazino sait très bien que, lorsqu'il est question de coopératives, on ne parle pas de Cooplog qui est une magouille et un système qui a permis d'utiliser la loi, parce qu'elle n'était peut-être pas assez précise et que, peut-être, certains conseillers d'Etat n'ont pas vu passer le puck ! C'est un point qui est extrêmement important.

Lorsque vous prétendez qu'en voulant ajouter cet amendement nous favorisons et nous demandons prioritairement l'aide aux coopératives, vous vous fourvoyez complètement. Il n'est dit nulle part dans l'amendement qu'il s'agit d'investir prioritairement les deniers publics en leur faveur. Il est spécifié : «La création d'un organisme destiné à acquérir des terrains ou des immeubles pour les octroyer en droit de superficie à des coopératives d'habitation.» (Protestations.)

Monsieur Ferrazino, je déteste cette mauvaise foi ! Vous savez très bien que la priorité de l'Etat est de développer des HBM. Il n'empêche que nous pouvons, par ailleurs, permettre l'acquisition d'un certain nombre de logements par rapport à une population qui décide de vivre autrement que dans la logique spéculative défendue par les libéraux et rappelée ce soir par M. Béné. Il est incroyable de voir que vous tenez le discours de M. Béné - et je trouve cela absolument insupportable - en disant que vous refusez les coopératives parce qu'elles sont la logique capitaliste défendue par cette clique de libéraux. C'est incroyable ! (Rires.)

Une voix entonne : C'est la lutte...

M. Olivier Vaucher (L). Il est bien entendu que je n'entrerai pas dans le jeu de M. Hausser. La motion que nous avons devant nous remplit largement les deux missions souhaitées par la majorité des parlementaires ici présents, c'est-à-dire de favoriser, d'une part, les coopératives d'habitation et, d'autre part, les logements HBM.

Vous savez très bien, Monsieur Ferrazino, comme d'autres, que nous ne pouvons pas créer des ghettos en construisant des HBM à outrance n'importe où et n'importe comment. C'est pour cela qu'il est indispensable de réaliser des opérations mixtes comprenant des HBM et des coopératives. Le président du département concerné a bien compris ce problème. La discussion peut tout simplement être résumée en votant la motion telle qu'elle nous est soumise ce soir.

M. Jacques Béné (L). Nous serons d'accord pour une fois avec M. Ferrazino. C'est suffisamment rare pour le souligner !

Je crois qu'effectivement M. Hausser doit revoir sa copie, notamment en ce qui concerne le contrôle des coopératives. Il existe deux contrôles pour autant que la coopérative soit un tant soit peu subventionnée. Le premier est un contrôle fiscal. Mme Calmy-Rey n'est pas là mais elle pourrait nous le confirmer. Une coopérative à but non lucratif est contrôlée fiscalement. Le deuxième, c'est celui des services de M. Moutinot. L'OFL contrôle également les plans financiers et l'exploitation de ces coopératives afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'abus. De ce fait, il me paraît difficile, Monsieur Hausser, qu'une coopérative puisse passer, dans le futur, en une pseudo-propriété en nom .

En conclusion, je suis très surpris de cet amendement, Monsieur Hausser. Les éclaircissements de M. Moutinot, que je remercie, nous ont été très utiles en commission lors des discussions que nous avons eues. Cela nous a permis de nous rendre compte - et tant M. Moutinot que M. Albert, directeur de l'Office du logement, nous l'ont confirmé - qu'il n'était pas nécessaire de créer un organisme supplémentaire et que les services de l'Etat, tels qu'ils sont constitués actuellement, pouvaient tout à fait répondre à la motion qui est en débat ce soir.

M. René Ecuyer (AdG), rapporteur. Monsieur Hausser, il faut parler gentiment. Du côté vocabulaire, vous me rappelez les grands moments du parti radical, au retour du souper... (Brouhaha.) Au cours des années, j'ai eu à traiter avec des personnes en désaccord avec leur coopérative pour toutes sortes de problèmes, notamment des augmentations de loyer, car cela arrive dans les coopératives. C'est pour cette raison qu'il y a une légère préférence de ma part.

Il existe une contradiction entre la situation de coopérateur et celle de locataire qui implique que, lorsqu'il y a une contestation concernant une augmentation de loyer dans une grande coopérative, le locataire se trouve en porte-à-faux devant le Tribunal des baux, car il lui est répondu qu'il existe une assemblée générale et que c'est la majorité qui décide. Ce n'est évidemment pas le système le plus simple et le plus démocratique; certains droits sont enlevés aux locataires de ces coopératives. Nous ne sommes pas opposés aux coopératives, car elles ont la capacité d'offrir des logements bon marché, mais ce n'est pas là qu'il faut accorder la plus grande priorité.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Hausser, dans votre énervement vous perdez les pédales, cher collègue ! Nous avions l'intention de nous abstenir, mais vous nous avez convaincus avec vos excès de propos de voter contre cet amendement. Nous sommes absolument partisans des sociétés coopératives, des vraies sociétés coopératives. Tout à l'heure M. Béné a dit qu'il ne voyait pas comment une société coopérative pourrait se transformer en propriété par étages. Monsieur Béné, vous avez encore beaucoup à apprendre ! Il est vrai que nous sommes tous un peu naïfs dans la vie. La première petite coopérative qui a été fondée à Genève, par un proche ami...

Une voix. Ex-conseiller national ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Silence, Monsieur Dupraz ! Veuillez laisser parler l'orateur. Monsieur le député, adressez-vous à l'assemblée et non à des personnes en particulier !

M. Christian Grobet. Monsieur Hiler, je ne voulais pas évoquer l'affaire de la première petite coopérative de Genève, celle de Landecy lancée par M. Rebeaud. A l'époque, en ma qualité de chef du département des travaux publics, ce dernier était venu m'interviewer sur les petites coopératives. C'est lui qui a lancé l'affaire de Landecy. Il est vrai que, par la suite, M. David Lachat a été le seul des coopérateurs de Landecy à refuser la transformation de cette coopérative en PPE. Vous êtes vraiment mal placé pour parler de Lachat auquel je rends hommage pour s'être opposé à ce projet. La réalité est que, malheureusement, cette petite coopérative s'est transformée en PPE. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Grobet, adressez-vous à l'assemblée. Ne vous laissez pas influencer par les interpellations !

M. Christian Grobet. Je regrette de devoir rappeler certaines choses à nos amis écologistes mais, puisqu'ils veulent enfoncer le couteau, que ce soit fait jusqu'au bout...

Le président. Monsieur Grobet, regardez-moi ! Adressez-vous à moi !

M. Christian Grobet. Je regarde M. Béné. Pour une fois que nous sommes d'accord effectivement avec M. Vaucher... (Brouhaha, applaudissements.) Voyez, il y a même M. Blanc qui applaudit. Je voulais dire à M. Béné qu'il y a eu des cas de sociétés coopératives qui se sont transformées en PPE. Il y a eu pire. Il y a des sociétés coopératives dont les parts sociales se vendent sous la table à 30 ou 50 000 F car ces sociétés coopératives - qui sont des pseudo-coopératives - n'ont pas institué notamment des listes d'inscriptions pour noter obligatoirement le premier des viennent-ensuite sur la liste lors du transfert d'un appartement.

Je me suis beaucoup battu pour les coopératives. Nous sommes des partisans des coopératives mais des vraies coopératives. Nous ne voulons pas privilégier les coopératives par rapport aux fondations, aux associations. Il y a d'autres groupements à but non lucratif qui méritent tout autant que les coopératives d'avoir des terrains de la part de l'Etat. Les Verts et les socialistes auraient dû nous proposer un texte plus sérieux en ce qui concerne les conditions de mise à disposition des terrains à des vraies sociétés coopératives et non à des coopératives qui pourraient devenir des propriétés par étages ainsi que cela s'est fait à la rue de Lyon, par exemple. Il n'y aurait pas de problèmes si vous aviez mis tout le monde sur pied d'égalité. Malheureusement, nous ne pouvons pas voter votre amendement.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je me souviens, Mesdames et Messieurs les députés, d'avoir participé avec l'énergie que ce genre de débat demande dans vos rangs - il y a quelque avantage à être conseiller d'Etat, c'est de pouvoir dans ce genre de débat essayer de s'exprimer tranquillement !

En application de ce qui a été dit par le Conseil d'Etat dans le cadre du discours de Saint-Pierre, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement a organisé le 12 mars 1998 une journée des coopératives afin d'examiner les avantages, les inconvénients, les difficultés, les problèmes à résoudre liés à la création de coopératives d'habitation. Un important document a d'ores et déjà été publié à cette occasion et il servira certainement de base à la réponse que le Conseil d'Etat fera à la motion que vous allez lui renvoyer.

J'aimerais rappeler que les vertus des coopératives sont qu'en raison de l'absence de but lucratif les loyers sont plus bas et qu'ils sont statistiquement plus bas d'un tiers. Votre démonstration, Monsieur Béné, me peine. Vous confondez le coût de construction qui est évidemment le même quel que soit le constructeur, et le loyer payé qui n'est évidemment pas le même en fonction du plan financier.

Le deuxième avantage des coopératives est que les locataires coopérateurs participent à la gestion de l'immeuble. Ce qui signifie qu'ils ont leur mot à dire quant aux travaux, aux investissements, à la gestion courante de l'immeuble et qu'ils sont notamment protégés contre les congés, ce qui est l'un des buts essentiels à viser en matière de logement. Il y aura par conséquent une politique de soutien des coopératives et des coopérateurs, mais je suis clair là-dessus : c'est aux coopératives de créer et aux nouveaux coopérateurs de prendre en main leur avenir. L'Etat les appuiera, mais ils ne doivent pas avoir une attitude de consommateur. L'Etat ne va pas se substituer à eux, il ne peut que les encourager par ses conseils, par des prestations et, le cas échéant, par des subventions dans le cadre de la loi. Les principales actions qui peuvent être entreprises en ce qui concerne le soutien aux coopératives sont bien entendu la valorisation du patrimoine foncier en main de l'Etat. Je dois vous dire cependant très clairement que l'Etat ne dispose que d'extrêmement peu de terrains susceptibles de recevoir des immeubles, qu'il s'agisse au demeurant - et j'y reviendrai - d'HBM ou de coopératives. J'ai eu l'occasion de montrer à MM. les députés Hiler et Ducrest, qui ont examiné les comptes du département, la carte géographique des parcelles propriété de l'Etat. Ces deux députés ont pu se rendre compte que les terrains disponibles utilisables pour du logement social sont rarissimes et nous avons quelque peine à l'heure actuelle à faire l'inventaire des quelques parcelles qui pourraient s'y prêter. Je vous informe que cet inventaire sera terminé à la fin du mois de juin 1998.

Le deuxième pilier sur lequel on peut s'appuyer est bien entendu l'acquisition foncière, mais dans les limites budgétaires que nous nous sommes fixées et que vous ne manquerez pas d'approuver; il va de soi que ce moyen est extraordinairement limité.

Le troisième moyen est bien entendu de donner des conseils. On s'aperçoit qu'une partie des personnes qui souhaiteraient se lancer dans une coopérative sont ignorantes des mécanismes financiers, juridiques, architecturaux et techniques. De ce point de vue là, une coopération peut s'instaurer entre l'Association suisse pour l'habitat ou la CODHA ou d'autres organismes coopératifs qui connaissent ces questions, l'Etat et ceux qui souhaitent se lancer dans cette direction-là. Les difficultés, car il faut les énumérer, à l'action en faveur des coopératives sont assez nombreuses. L'une de ces difficultés, Mesdames et Messieurs les députés, vous concerne. C'est que pour construire du logement social, que ce soit du HBM ou des coopératives, il faut normalement le faire dans la zone 3 de développement et vous connaissez les difficultés innombrables que nous avons chaque fois que nous essayons de construire dans cette zone. Par conséquent, le meilleur appui que vous puissiez donner au logement social, ce n'est pas tellement de dépenser des millions, mais de veiller les uns et les autres, tous groupes confondus, à faire en sorte que la zone 3 de développement soit une réalité.

Il convient aussi de relever, parmi les difficultés, que les terrains qui peuvent être acquis soit par l'Etat, soit directement par des coopératives, sont rares et posent des problèmes de prix; il ne faut pas se le cacher. Il peut aussi s'avérer nécessaire pour soutenir une politique du logement social dynamique de procéder à des déclassements, soit de la zone villa en direction de la zone 3 de développement, soit, dans des circonstances exceptionnelles, de la zone agricole en zone 3 de développement. Là aussi, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez l'occasion de prendre vos responsabilités.

En ce qui concerne les coopératives, il y en a de plusieurs types. M. Béné fustige les coopératives qu'il considère comme des dérivatifs de squats, M. Béné fustige les coopératives alibi montées pas certains milieux immobiliers... (L'orateur est interrompu.) Si vous me laissiez finir ma phrase, Monsieur le député Grobet ! J'ai dit lors de la journée de la coopérative que je n'accepterai pas que des coopératives d'habitation soient utilisées pour sauver des opérations perdues. Il ne sert à rien de déposer au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement une requête au nom d'une SI et, une fois qu'elle est refusée, de déposer la même requête au nom d'une société coopérative !

Par contre, j'aimerais dire aussi à M. Hausser que, dans mon esprit, les sociétés coopératives ne sont pas seulement réservées à l'habitat associatif, ou à l'habitat original, ou à l'habitat post-squat; c'est certainement une nécessité que de répondre à ce type d'habitat, mais dans mon esprit la coopérative doit se substituer fondamentalement au système HLM, c'est-à-dire que c'est un instrument destiné à l'ensemble ou en tout cas à une très large partie de la population.

La question qui se pose est celle de l'effort de l'Etat. L'effort de l'Etat doit porter - il n'y a pas l'ombre d'un doute là-dessus - sur la réalisation des trois mille HBM qui ont été votés par votre Grand Conseil. C'est à n'en pas douter l'effort prioritaire. Il n'en demeure pas moins qu'à côté de cet effort prioritaire les coopératives sont manifestement une réponse adéquate aux difficultés que nous rencontrons à mettre sur le marché des logements économiques au travers du système HLM. Je crois qu'il faut éviter, malgré cette priorité, d'opposer complètement HBM ou coopératives parce que fondamentalement le but à viser est double : c'est de mettre sur le marché des loyers bon marché et d'assurer - là, M. Grobet avait également raison dans sa remarque ... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...d'assurer la pérennité de ce type de logements, d'éviter qu'ils soient détournés de leur but.

En fait, tout ce débat tourne autour de la question de savoir s'il convient de créer ou de ne pas créer une structure, un organisme ou une fondation. A lire le texte de l'amendement qui vous est proposé, il ne s'agit pas en l'occurrence d'un organisme exclusivement destiné aux coopératives. Comme vous le savez, j'ai la chance d'avoir dans le même département le logement et l'aménagement. J'attends du rapprochement de ces deux domaines d'activité des effets positifs en ce qui concerne le logement, en particulier par la proximité directe qu'ont l'Office cantonal du logement d'une part et le service des opérations foncières d'autre part. Toutefois, il apparaît qu'une structure extérieure à l'administration mais qui lui soit néanmoins proche pourrait être plus dynamique en ce qui concerne l'acquisition et la mise en valeur de terrains. La question est encore ouverte de savoir s'il s'agit, comme le souhaitent certains, d'une structure existant actuellement et qui pourrait être transformée ou d'une structure nouvelle qu'il conviendrait de créer. Vous me permettrez de penser qu'il s'agit là d'un problème d'ordre au mieux exécutif, plus vraisemblablement simplement administratif que de choisir la structure adéquate. Je retiens de vos débats, et au-delà de vos désaccords, que vous estimez en revanche nécessaire que des moyens forts soient donnés pour arriver à maîtriser un peu le foncier qui est la base même qui permet de construire.

Il y aurait encore beaucoup à dire en ce qui concerne les coopératives. Beaucoup d'idées ont été émises le 12 mars, d'autres sont à l'étude ou en gestation dans le département. Vous en avez vous-mêmes certainement, Mesdames et Messieurs les députés. Nous les accueillerons, nous les examinerons et nous continuerons sur cette voie difficile.

Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Hausser, consistant en une invite dont la teneur est la suivante :

«- la création d'un organisme destiné à acquérir des terrains ou des immeubles pour les octroyer en droit de superficie à des coopératives d'habitation.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1092)

concernant un plan d'action en faveur des coopératives d'habitation

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

considérant que :

- les coopératives d'habitation à buts non lucratifs permettent de mettre durablement sur le marché des immeubles à des loyers très modérés ;

- le système des subventions prévu dans le cadre de la loi générale sur le logement (LGL) n'est plus entièrement adapté à la période actuelle de crise économique et de faible croissance démographique ;

- la difficulté à trouver des investisseurs ;

- les expériences réalisées en Suisse à l'étranger ;

- la nécessité de reformuler les objectifs à long terme de la politique du logement,

invite le Conseil d'Etat

à lui faire rapport sur :

- la situation des coopératives d'habitation à Genève ;

- les expériences faites par d'autres cantons suisses et en particulier Zurich ;

- les avantages et les inconvénients qu'elles présentent du point de vue de l'intérêt général ;

- les mesures qui pourraient être prises pour favoriser leur multiplication, notamment sur le plan fiscal,

et à élaborer un véritable plan d'action en faveur des coopératives, prévoyant notamment :

- la mise à disposition par l'Etat et les autres collectivités publiques de terrains ou immeubles, en droit de superficie, à des coopératives d'habitation ;

- la répartition équitable des subventions prévues par la LGL à des coopératives d'habitation ou d'autres organismes à buts non lucratifs.