Séance du jeudi 28 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 23e séance

PL 7819-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 6 180 000 F pour des travaux de gros entretien et de protection contre le bruit du viaduc de l'Ecu (OA 3711). ( -) PL7819
 Mémorial 1998 : Projet, 758. Renvoi en commission, 773.
Rapport de majorité de M. Claude Blanc (DC), commission des travaux
Rapport de minorité de M. Chaïm Nissim (Ve), commission des travaux
PL 7820-A
b) Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 7 500 000 F pour les travaux de gros entretien et de renforcement du pont de Lancy sur l'Aire (OA 3908) RC 38 route du Pont-Butin. ( -) PL7820
 Mémorial 1998 : Projet, 773. Renvoi en commission, 787.
Rapport de majorité de M. Claude Blanc (DC), commission des travaux
Rapport de minorité de M. Chaïm Nissim (Ve), commission des travaux

16. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier les objets suivants :

Rapport de la mAJoritÉ

La commission des travaux a consacré deux séances à l'étude conjointe des projets de loi 7819 et 7820 concernant le pont de Lancy et le pont de l'Ecu. La première séance a eu lieu le 3 mars 1998 sous la présidence de M. Dominique Hausser, en présence de MM. J.-B. Haegler, ingénieur cantonal, et R. Leutwyler, chef du service des ponts.

M. Haegler explique qu'à la suite des campagnes d'inspection de tous les ouvrages d'art du canton, la programmation de la réfection lourde de ces deux ouvrages a été avancée afin de pouvoir bénéficier du bonus fédéral accordé par l'office des questions conjoncturelles. M. Haegler précise que pour pouvoir bénéficier intégralement du bonus, il faut que les travaux soient terminés le 30 juin 1999.

On a attendu jusqu'à aujourd'hui, car ces travaux entraînent des arrêts de circulation sur la T 104 qui ne pouvaient pas avoir lieu avant la mise en service complète de l'autoroute de contournement. D'autre part, en ce qui concerne le viaduc de l'Ecu, une demande de participation fédérale en application de l'ordonnance sur les mesures contre le bruit a été déposée (environ 572 000 F).

Le viaduc de l'Ecu a été mis en service dans les années 70. Le béton armé est attaqué. Il va s'agir de traiter toutes les surfaces de béton et changer les parapets de sécurité. On en profitera pour intégrer les éléments d'absorption phonique. L'intervention nécessitera la fermeture à toute circulation pendant 6 mois. Les 25 000 véhicules/jours transiteront par les routes latérales.

Le pont de Lancy est un ouvrage caractéristique du canton basé sur un avant-projet du célèbre ingénieur Robert Maillard. Il a été réalisé dans les années 50. Il présente également une dégradation du béton. Il se situe sur un axe réservé aux convois exceptionnels allant jusqu'à 240 t. Pour l'instant, il doit être limité aux convois allant jusqu'à 90 t. Il n'y a pas de véritable problème de sécurité, sauf si un convoi lourd était obligé de monter sur un trottoir.

Il est prévu de séparer les deux axes de circulation par une barrière physique. Dans la partie descendante, il n'y aura plus qu'une voie de circulation, l'autre étant réservée aux bus. Le trottoir subsistera. Sur le côté montant, il est ajouté une bande cyclable. Il y a bientôt 10 ans que la commune de Lancy intervient régulièrement auprès du département pour obtenir des mesures de sécurité en faveur des cyclistes et des piétons.

M. Haegler indique que plusieurs études ont été menées. A l'origine, un second pont était imaginé pour résoudre le problème des cyclistes. La structure actuelle ne permet pas d'intégrer les transports publics, les pistes cyclables et les passages pour piétons. C'est pourquoi à la descente, les cyclistes seront tolérés sur la voie transports publics, et à la montée, il y aura une bande cyclable, ce qui représente la meilleure solution pour la continuité de la protection des cyclistes. L'Aspic a d'ailleurs approuvé la solution choisie. Il faut noter qu'il n'y aura plus qu'une voie de circulation automobile dans chaque sens. Cela va dans le sens des mesures complémentaires à la mise en service de l'autoroute de contournement.

Quant aux convois exceptionnels, ils devront continuer d'utiliser la T 104 et ne pourraient par exemple pas emprunter l'itinéraire autoroutier à cause du gabarit des tunnels.

Pour les deux ouvrages, la commission discute longuement du phénomène de la carbonatation du béton. M. Leutwyler explique qu'il s'agit d'une réaction chimique du CO2 avec la chaux qui provoque une diminution du ph. La rouille s'installe et le béton éclate. D'autre part, les produits chlorés (chlorure de calcium ou de sodium) utilisés pour la viabilité hivernale s'infiltrent dans la surface de roulement et attaquent les infrastructures. Au moment de la construction de ces ouvrages, on ignorait ces problèmes. Aujourd'hui, les surfaces de roulement sont rendues étanches. D'autre part, les produits de déneigement sont utilisés beaucoup plus parcimonieusement, mais il y a des situations où on ne peut pas les proscrire totalement.

La question est également posée de savoir si on ne pourrait pas se contenter de travaux d'entretien plus légers, et donc moins onéreux. M. Leutwyler répond que le processus de dégradation des deux ouvrages est important, et qu'il ne pourrait qu'empirer.

Premiers votes de la commission

L'entrée en matière pour le projet de loi 7819 (Viaduc de l'Ecu) est votée par 10 voix (1 L, 1 R, 2 DC, 3 S, 3 AdG) et 2 abstentions (1 R, 1 Ve).

Durant le deuxième débat, une proposition surgit tendant à faire couvrir les frais par une augmentation de l'impôt-autos afin d'appliquer le principe du pollueur-payeur. Comme il apparaît difficile à la commission de libeller exactement un article allant dans ce sens, il est procédé tout d'abord à un vote de principe.

La commission vote donc sur le principe du financement de l'ouvrage par l'impôt-autos augmenté, et l'accepte par 6 voix (2 S, 1 Ve, 3 AdG) contre 2 (DC) et 4 abstentions (1 L, 2 R, 1 S)

Concernant le projet de loi 7820 (Pont de Lancy) l'entrée en matière est votée par 10 voix (1 L, 1 R, 2 DC, 3 S, 3 AdG) et 2 abstentions (1 R, 1 Ve).

La commission se prononce ensuite pour ce projet sur le financement par l'augmentation de l'impôt-autos et le résultat est le même, bien que légèrement différent : 6 voix pour (2 S, 1 Ve, 3 AdG) contre 3 (2 DC, 1 R) et 3 abstentions (1 L, 1 R, 1 S). Le débat est ensuite interrompu pour permettre au département de restructurer les articles en fonction des votes de principes intervenus.

La commission s'est réunie à nouveau le 10 mars, toujours sous la présidence de M. Dominique Hausser, mais cette fois M. Laurent Moutinot lui-même représentait le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, flanqué de M. Cordt-Moller, directeur général des finances de l'Etat. MM. Haegler et Leutwyler étaient également présents.

Au sujet de l'augmentation de l'impôt-autos voulue par la commission, M. Cordt-Moller déclare que techniquement tout est possible, et qu'il existe des précédents. Pour la traversée de la rade par exemple, une augmentation de l'impôt-autos de 6 % pendant 3 ans a couvert les frais d'étude (PL 6690). Toujours pour la traversée de la rade, les projets de loi d'exécution prévoyaient une augmentation beaucoup plus considérable de l'ordre de 45 % permettant de couvrir les dépenses d'amortissement et d'intérêts du pont ou du tunnel. On connaît le résultat du vote populaire.

M. Moutinot, au-delà des explications techniques déclare que ni lui ni Mme Calmy-Rey ne sont favorables à la décision prise par la commission des travaux. Il ajoute que si sur le fond une idée de modification de l'impôt-autos n'est pas mauvaise, une telle augmentation n'est pas opportune en fonction de tel ou tel projet. L'impôt doit avoir une cohérence qui ne saurait varier en fonction des projets qu'il devrait financer. Il invite formellement la commission à renoncer à cette proposition.

La discussion s'engage ensuite sur l'opportunité et les modalités d'une telle augmentation. Il apparaît que dans le cas particulier de ces deux ouvrages, les frais financiers annuels représenteront environ 600 000 F, soit un peu plus de 1 % de l'impôt-autos.

M. Moutinot déclare qu'il y a 580 ponts à Genève, dont la moitié sont à la charge de l'Etat. Si on vient avec un programme général et que l'on propose de le financer par l'impôt-autos, il y a un vrai débat sur lequel le Parlement, et éventuellement le peuple pourront se prononcer. Mais on ne peut pas poser les principes de droit fiscal pour 2 ouvrages qui ne résoudront pas le problème politique de fond.

L'attitude ferme de M. Moutinot fait mouche puisque la commission retourne sa veste en refusant l'amendement préalablement voté par 2 voix (1 R, 1 Ve) contre 7 (3 L, 1 R, 2 DC, 1 S) et 3 abstentions (1 S, 2 AdG).

Ensuite, la commission procède au vote final. Le projet de loi 7819 (viaduc de l'Ecu) est accepté par 10 voix (3 L, 1 R, 2 DC, 2 S, 2 AdG) contre 2 (1 R, 1 Ve) tel que présenté par le Conseil d'Etat.

Le projet de loi 7820 (pont de Lancy) est accepté par le même score tel que présenté par le Conseil d'Etat.

La commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés à faire preuve de la même sagesse et de la suivre dans ses conclusions !

Rapport de la minoritÉ

Le présent rapport de minorité concerne 2 projets de loi proches par leur numéro et leurs objectifs, 2 projets visant à ouvrir un crédit d'investissement pour entretenir 2 ponts rouillés.

Le rapporteur attire d'emblée l'attention des députés sur le fait que les 2 projets de loi qui leur sont soumis représentent la socialisation des dégâts dus à la voiture. En fait, ces 2 projets de loi représentent à eux deux la quintessence et le résumé de l'impasse financière, technique et écologique où nous a précipité l'idéologie du tout à la voiture des années 60.

Les 2 ponts, de Lancy et de l'Ecu sont carbonatés, le béton éclate par plaques, cette carbonatation résulte de 2 pollutions automobiles majeures, les CO2 qui sortent des pots d'échappement et les sels qu'on met l'hiver sur les routes réagissent avec la chaux du ciment, et en diminuent progressivement le Ph. Cette trop mince barrière une fois traversée, ce sont les armatures qui rouillent, voilà comment la pollution automobile ronge peu à peu nos ouvrages d'art. M. Leutwyler, brillant ingénieur civil, nous a remarquablement expliqué tout cela : les faits sont indéniables, ce sont les voitures en premier lieu qui sont responsables de la carbonatation, même si d'autres sources de pollution sont venues s'ajouter à ces 2 pollutions primaires. Il nous a bien expliqué aussi qu'aujourd'hui on ne construit plus avec des couches de ciment aussi minces sur les fers du béton, qu'on construit beaucoup plus étanche, de façon à rendre plus difficile la carbonatation. Toujours est-il que d'après M. Moutinot, il y a 580 ponts à Genève, dont la moitié sont à la charge du canton, et qu'une bonne partie sera à refaire dans les années à venir. Il nous faut donc un concept global, le pollueur payeur, pour régler les dépenses considérables qui vont incomber à ce canton du fait de la carbonatation du béton des ouvrages d'art.

De plus, le pont de Lancy est dangereux par temps de verglas, les voitures qui descendent la pente peuvent glisser, et mettre en péril les cyclistes venant en sens inverse. Il lui faut donc une barrière de sécurité. Le pont de l'Ecu est terriblement bruyant, surtout pour les pauvres gens qui ont leur fenêtre à la hauteur du pont, et à quelques mètres de celui-ci. Pour protéger un peu ces sinistrés de notre civilisation automobile, il faut remonter les parapets.

Résumons : du bruit des voitures - donc des parapets rehaussés - de la sécurité des cyclistes - donc d'une barrière de sécurité. Et surtout de la pollution automobile - qui crée de la carbonatation - qu'il faut ensuite réparer, d'où des frais considérables ; 8 millions pour le pont de Lancy, 6 pour le pont de l'Ecu, il nous faut d'urgence savoir combien pour les 200 autres ponts à notre charge, une motion bienvenue (M 1188 de MM. Büchi, Spinucci, Beer et Dessimoz) a du reste été déposée dans ce sens. Il est hélas vraisemblable que plusieurs centaines de millions seront à débourser pour entretenir nos ouvrages d'art attaqués par la pollution automobile. Où prendre cet argent ?

Pour le groupe des Verts la réponse est claire : il faut le prendre dans la poche des automobilistes. C'est le principe du pollueur payeur qui doit s'appliquer ici, la transparence des comptes veut qu'on augmente l'impôt auto pour payer les charges financières résultant de ces travaux. Dans le cas qui nous occupe ici, les charges financières totales de la réparation des 2 ponts représentent Fr. 600 000.- par an en intérêts plus amortissements. Il faut donc augmenter l'impôt auto de 1 % environ.

Lors de notre première séance, 6 députés acceptaient le principe de faire payer les automobilistes, (2 S, 1 Ve et 3 AdG) contre 2 avis contraires (DC). Les autres députés présents s'abstenant.

Mais lors de notre 2e séance les choses prirent une coloration bien différente : M. Moutinot, alerté, prit la parole pour nous dire son opposition à cet amendement, opposition soutenue par sa collègue des finances. En effet, s'il peut comprendre et approuver le principe du pollueur payeur …. (note de la claviste : encore heureux, il est tout de même socialiste !) il ne saurait approuver le présent amendement, pour des raisons politiques d'abord (un référendum était d'ores et déjà annoncé, et on connaît la réluctance des Genevois à toute hausse d'impôts, même de 1 % seulement, même sur l'impôt auto seulement). De plus, et là le rapporteur est bien obligé de reconnaître que l'argument de M. Moutinot porte, il nous faut un concept global, on ne peut prendre des petits bouts de supplément sur l'impôt auto par-ci par-là, on doit être capables de présenter aux députés un projet cohérent et global. Bien. Ces arguments logiques ont touché la commission, qui a changé d'avis, laissant le rapporteur seul avec M. Visseur pour soutenir son amendement. (Au surplus, M. Visseur voyait dans les 2 projets de loi qui nous étaient soumis 2 autres problèmes, tout aussi réels et raisonnables que ceux de M. Moutinot : 1. Il n'est pas sûr qu'il soit indispensable de les rénover maintenant. 2. Il n'est pas sûr non plus qu'il faille garder le pont de Lancy comme itinéraire privilégié pour les convois exceptionnels de 240 tonnes, ce qui nécessite un renforcement supplémentaire.)

Pourquoi dès lors avoir maintenu ma proposition d'amendement, puisque je reconnais une certaine dose de raison dans les arguments avancés par M. Moutinot ?

Parce que je crois qu'il faut secouer le cocotier. Parce que je n'ai pas peur d'un éventuel référendum, s'il pose aux Genevois les questions qui m'intéressent :

1. Les voitures, qui devaient rapprocher les hommes, ne les éloignent-elles pas au contraire les uns des autres en les empêchant de sortir de leurs maisons ? En les coinçant dans des bouchons puants ?

2. Les voitures, qui devaient les libérer, ne risquent-elles pas de les asservir en modifiant les cycles du carbone et donc les climats ?

3. Les voitures, qui devaient accélérer les déplacements, ne risquent-elles pas de les ralentir à partir d'un certain seuil d'encombrements ?

L'aveuglement des Genevois devant les dégâts, financiers, écologiques, de santé, et autres causés par leurs chères (!) bagnoles atteint des sommets quasi olympiens. Il faut les mettre devant les faits, même s'ils sont durs à avaler au début : Oui les voitures trop nombreuses de nos parents, et nos propres voitures trop nombreuses, qui polluent, vont nous coûter très cher. Il va falloir non seulement réparer de nombreux ponts carbonatés. Il va falloir aussi dépolluer des terres souillées, comme on l'a vu dans le cas de la "; démol " du Bois de Bay. Pour restaurer un bout de convivialité perdue, du contact social des enfants avec leur terre, on veut maintenant construire des tunnels sous Meyrin (30 millions) , Vésenaz (32 millions) et j'en passe. Toute cette civilisation de la bagnole va coûter très cher, il n'est pas question de payer socialement une pollution supplémentaire. Il faut que les automobilistes se rendent compte de manière transparente des dégâts pulmonaires que causent leurs carcasses polluantes, il faut que les prix de l'essence intègrent les coûts externes de la voiture. - et ces coûts sont énormes, si l'on considère les problèmes climatiques causés par le fait que nous avons brûlé en une génération le pétrole qui s'est accumulé pendant un million d'années, et que ce faisant nous avons déséquilibré gravement les cycles climatiques habituels - . Lorsque le prix du litre d'essence aura intégré toutes les externalités, il coûtera 10.-, et les rues seront rendues aux enfants, et les boulevards seront transformés en parcs publics, et les parkings en salles de jeux. Seules quelques ambulances et quelques voitures de pompiers ou de boulangers circuleront encore, dans des rues principalement réservées à des transports publics bon marché, silencieux et confortables. Dans des rues où les enfants joueront dehors. Dans des rues où les emplois socialement utiles rendront les gens heureux.

L'amendement des Verts à l'art 4 sera donc le suivant :

Art 4 al. 1 :

Les charges en intérêts et amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement supplémentaire de un centime additionnel, aux impôts sur les véhicules à moteur.

al. 2 :

Ce prélèvement de un pour cent sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 40 ans.

Les anciens députés auront reconnu la formulation de l'art 3 du projet de loi de la traversée de la rade. La reprise de cet article est ici logique, puisque celle-ci devait également être financée par une ponction sur l'impôt auto, beaucoup plus importante bien sûr mais le principe reste le même.

Premier débat

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Nous avons deux ponts dont les armatures sont rouillées par la carbonatation du béton. Nous étions tous d'accord en commission sur la nécessité de les réparer. La petite divergence entre la minorité et la majorité concernait notamment le fait que nous voulions prélever l'argent sur l'impôt automobile car nous pensions - et maintenons - que ce sont les automobilistes qui doivent payer les dégâts causés par les voitures. Je vous présenterai tout à l'heure un amendement qui figure à la page 12 de mon rapport et qui consiste à prendre les charges en intérêts-amortissement de cet investissement sur l'impôt auto. C'est là l'unique question sur laquelle je reviendrai tout à l'heure car, sur le fond, nous étions d'accord.

M. Rémy Pagani (AdG). Je n'interviendrai pas directement par rapport à ce projet de loi. Je tiens cependant à mettre en garde le Conseil d'Etat en ce qui concerne l'attribution des mandats d'adjudications des travaux. J'ai déposé il y a deux jours une motion à ce sujet. Vous savez que les entreprises souhaitant obtenir des travaux publics adjugés par l'Etat doivent déposer une attestation confirmant qu'elles s'acquittent des cotisations employeur-employé de leur caisse de pension. Or, il semblerait que certains employeurs ont trouvé la subtilité de payer les allocations pour le personnel salarié sans s'acquitter de leur part patronale. En signant une reconnaissance de dettes aux caisses de pension, ils se soustraient ainsi à leurs obligations et exercent un dumping par rapport à d'autres entreprises qui, elles, font l'effort de payer les charges patronales et les charges salariales.

A ce titre, je rappelle au Conseil d'Etat que j'ai déposé une motion que nous allons traiter, mais il serait regrettable pour tous que certaines entreprises profitent encore de ce subterfuge - pour ne pas dire autre chose - pour obtenir des passe-droits.

M. Pierre Meyll (AdG). Lors de la discussion relative au pont de Lancy, nous avions posé des questions concernant la piste cyclable. Il est apparu en commission de circulation, commission extraparlementaire, que l'ASPIC avait demandé la suppression de petits revêtements qui permettaient de distinguer très nettement la bande cyclable et de la transformer en piste cyclable. Il semblait que l'intégration des cyclistes sur le circuit de la circulation devenait dangereux; il s'agit de la fameuse histoire de rejeter les cyclistes dans un ghetto. Après consultation de l'ASPIC et les discussions à ce sujet, il a été convenu qu'une piste cyclable était en définitive préférable à une bande car il était tout à fait acquis qu'une légère surélévation, comme sur la route Suisse, assurait tout de même une plus grande sécurité.

Après discussion au sein de la commission des travaux, j'ai pris contact avec M. Leutwyler, chef du Service des ponts, qui a parfaitement admis que l'ASPIC revienne sur une décision prise en commission et que cet élément pouvait sans problème être intégré dans la construction du futur pont de Lancy. Cela représente une amélioration que je souhaite. Mon intervention a simplement pour but de bien le mentionner dans le débat afin de l'officialiser en quelque sorte et de ne pas l'oublier au moment de la réfection de cet ensemble.

Mis aux voix, ces projets sont adoptés en premier débat.

PL 7819-A

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.

Article 4

Le président. M. le député Nissim présente un amendement.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Le même amendement vaut pour l'autre projet de loi. Il consiste à prélever les charges financières sur une augmentation de l'impôt auto. Ces charges représentent grosso modo - comme indiqué à la page 10 du rapport - 600 000 F par an en intérêts et amortissements, soit une augmentation de l'impôt auto de 1% environ. J'ai copié l'amendement sur celui qui avait été accepté par la majorité de ce Grand Conseil pour la traversée de la rade; il est donc juridiquement valable.

J'aimerais ajouter une chose très importante : ces deux ponts ne sont que l'avant-garde de toute une série de ponts que nous allons devoir rénover. M. Moutinot nous a dit en commission qu'il y en avait à peu près 580, qui n'appartiennent pas tous au canton - comme l'indiquent le rapport de M. Blanc et le mien - dont environ 200 qui sont à notre charge. Sur ces 200 ponts, j'ignore combien sont carbonatés. Une motion déposée par les radicaux MM. Büchi, Spinucci, Beer et Dessimoz, demande d'ailleurs au Conseil d'Etat la liste des ponts à rénover. Toujours est-il que ces deux ponts ne sont pas les seuls et qu'il y en a en tout cas une centaine, au moins, ce qui représente beaucoup de millions. A mon avis, étant donné la situation financière de notre République, la seule manière de procéder consiste à appliquer le principe du pollueur payeur aux automobilistes. (Remarque.) Je parle des automobilistes, Monsieur Vaucher, les cyclistes ne polluent pas !

Le président. Monsieur le député, pourriez-vous nous dire où on peut lire votre amendement ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. A la page 12 de mon rapport, Monsieur le président.

Le président. L'amendement qui se trouve à la page 12 concerne bien ce projet de loi-ci et non pas l'autre ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Les deux, car il s'agit en fait du même amendement pour les deux projets de lois.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Comme vous avez pu le lire dans mon rapport, la commission des travaux a commencé dans un premier temps par suivre béatement M. Nissim... (Rires). Je dis bien béatement. Je pense que tout le monde n'aura pas lu son rapport et je vais donc vous en citer un passage pour que vous soyez au fait de sa philosophie en la matière : «Lorsque le prix du litre d'essence aura intégré toutes les externalités, il coûtera 10 F, et les rues seront rendues aux enfants, les boulevards seront transformés en parcs publics et les parkings en salles de jeux.» Je ne sais pas s'il y aura des bandits manchots mais ce sera des salles de jeux. «Seules quelques ambulances et quelques voitures de pompiers ou de boulangers - je ne vois pas pourquoi les boulangers, mais enfin... (Rires) - circuleront encore, dans des rues principalement réservées à des transports publics bon marché, silencieux et confortables.»

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Parfaitement !

M. Claude Blanc, rapporteur de majorité. «Dans des rues où les emplois socialement utiles rendront les gens heureux.» Moi, je veux bien, Mesdames et Messieurs les députés, mais je ne pense pas que la majorité de la population désire ce genre de bonheur et je me réjouirais que ce Grand Conseil amorce la pompe à finances concernant ces deux projets de loi. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de lancer un référendum ce mois-ci et comme nous sommes aujourd'hui le 28, c'est donc le dernier moment pour le faire. J'invite vivement ce Grand Conseil à suivre M. Nissim et nous pourrons ainsi lancer un référendum.

M. Christian Grobet (AdG). Le raisonnement de M. Nissim n'est pas dénué de fondement, mais nous ne voterons pas son amendement. Le problème qui est posé est important et devrait faire l'objet d'un projet de loi en bonne et due forme, en suivant la procédure pour que l'on puisse en débattre, et non pas être évoqué par le biais d'un amendement qui nous revient de la commission.

Selon le règlement, un amendement peut toujours être apporté à un projet qui nous est soumis. Mais, dans ce cas, il s'agit bien d'une adjonction et non d'un amendement et nous ne pouvons pas agir ainsi par rapport au règlement. Du reste, cette histoire n'est pas claire car vous parlez d'un centime additionnel, mais en fait il s'agit de deux centimes additionnels, si je comprends bien... (L'orateur est interpellé par M. Claude Blanc.) Excusez-moi, Monsieur Blanc, M. Nissim vient de dire que l'on va mettre cette clause dans deux lois; alors, que vous le vouliez ou non, sur le plan concret, ce ne sera pas un centime, mais deux. Il y donc déjà quelque chose qui ne joue pas au niveau rédactionnel. Nous ne réclamons pas le renvoi en commission, mais nous pourrions nous demander si ce n'est pas par le biais d'une modification de la loi sur la taxe auto qu'il conviendrait d'examiner ce problème.

Toujours est-il que nous serons beaucoup plus attentifs quand il s'agira de constructions nouvelles. M. Nissim a eu raison de rappeler la question de la traversée de la rade pour laquelle les frais d'études devaient être payés par l'augmentation d'un centime additionnel. J'aimerais dire à ce sujet que ce centime a été abrogé trop rapidement parce que les frais d'études de la traversée de la rade n'ont pas été totalement amortis. Il faudrait déjà rétablir pendant la durée nécessaire la majoration de la taxe auto, pour respecter une loi votée par le Grand Conseil qui voulait effectivement que ces frais soient financés de cette manière. Puisque M. Blanc brandit déjà la menace d'un référendum, nous estimons qu'il n'y a pas à mettre en péril des réparations indispensables de ponts existants par un éventuel référendum.

Je pense, Monsieur Nissim, qu'il vaudrait mieux garder votre proposition pour des constructions nouvelles comme les tunnels de Meyrin ou de Vésenaz qui ne représentent pas une véritable amélioration du réseau routier. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

M. Pierre Meyll (AdG). Monsieur Blanc, nous n'allons pas suivre béatement M. Nissim, mais lorsqu'il parle du pollueur payeur, en l'occurrence c'est l'automobiliste. Nous sommes tous d'accord sur ce point et la déclaration des responsables des ponts était claire et nette. Mais nous avions fait remarquer également que la solution de M. Nissim n'était pas possible, puisque la perception de la taxe auto va dans la caisse de l'Etat, que nous ne pouvons pas y toucher et qu'il faut donc revoir le problème d'une manière différente pour faire payer le pollueur. Quant à la question du litre d'essence à 10 F, cela reste à voir, peut-être avec un écu !

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord répondre brièvement à mon collègue M. Grobet : vous avez mentionné des constructions nouvelles à Meyrin et Vésenaz notamment, mais nous avons déjà refusé la première en commission des travaux. Nous n'avons absolument pas l'intention de construire de nouveaux tunnels et nous avons bien expliqué en commission que, selon nous, l'essentiel des investissements devait porter sur les transports publics et non pas sur des tunnels destinés à la circulation privée qui, de surcroît, accélèrent légèrement cette circulation et nuisent à l'environnement, pour répondre à mon collègue Marti.

Je ferai une seconde constatation : les projets de rénovation dont je parle concernent 100 à 200 ponts carbonatés, qui coûteront entre 5 et 10 millions de francs pièce, soit un milliard dans les dix prochaines années et c'est cette somme que je prétends prélever sur l'impôt auto. Ma troisième remarque s'adresse toujours à M. Grobet et concerne le projet de traversée de la rade. Ce n'était pas seulement les projets d'étude mais la traversée elle-même qui devait être financée par une augmentation de l'impôt auto, ce qui représentait sauf erreur 50 centimes additionnels pour les tunnels de prolongation et la traversée. Il n'y a donc pas de raison de ne pas prélever sur cet impôt dans le projet qui nous intéresse.

Enfin, une dernière remarque : au cas où le président Moutinot s'engagerait maintenant à présenter un projet de loi global, je pourrais retirer mes amendements. Son argument était tout à fait juste : il ne faut pas saucissonner et risquer un référendum sur ces deux projets en proposant ce genre de financement. Je pourrais donc retirer mes amendements si le président Moutinot nous promettait ce soir de présenter un projet de loi global au Grand Conseil, étudié par un juriste du département, pour les 100, 150 ou 200 ponts qui restent à rénover dans les dix années à venir.

Le président. Je salue à la tribune la présence de M. Olivier Barde, ancien député. (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). En effet, il reste même quelques centaines de milliers de francs dont la commission des travaux se demandait si nous ne devrions pas les rendre aux automobilistes. A défaut de trouver le moyen technique de le faire, l'Etat va se contenter de les empocher. Quant au reste, je veux bien admettre que vous présentiez un projet de loi augmentant l'impôt auto et je m'en réjouis, cela apportera de l'eau à notre moulin et du foin à notre âne.

M. Alberto Velasco (S). C'est la deuxième fois que nous débattons d'un impôt auto pour financer des installations liées à la voiture. A mon avis, ce n'est pas la bonne méthode car si, chaque fois que nous avons un projet d'installations liées aux voitures, il nous faut voter un nouvel impôt pour financer celles-ci, nous n'en finirons jamais.

Je crois que nous avions proposé à M. Nissim, en commission, de travailler sur un fonds ayant une plus grande pérennité et je ne comprends pas pourquoi il a insisté pour venir avec un amendement alors qu'il aurait pu présenter un projet de loi beaucoup plus général. Pour ces considérations, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement. Par contre, nous sommes prêts à entrer en matière sur un fonds appliqué à la totalité des ouvrages du canton.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Pour ma part, je me réjouis des contorsions du groupe socialiste. En effet, dans un premier temps en commission, ils avaient bien suivi béatement M. Nissim et, ensuite, M. Moutinot est arrivé, les a mis au garde-à-vous et ils ont tourné leur veste. (Exclamations.) Il faut bien le dire ! Et ce n'est certainement pas la dernière fois. Monsieur Nissim, ne vous réjouissez pas trop vite du sort de la traversée de Vésenaz, car j'ai entendu dire que certains socialistes font des exercices de mise au garde-à-vous pour être présents le jour venu !

M. Albert Rodrik (S). Depuis plusieurs séances et depuis 8 h ce matin, nous avons un historien sociologue, spécialiste du parti socialiste en la personne de M. Claude Blanc. J'en connais de plus qualifiés et je voulais lui dire que nous attendons autre chose d'un ancien président du Grand Conseil que le rôle de boutefeu qu'il s'essaie à jouer !

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mais j'ai tout de même le droit en tant que rapporteur de rapporter fidèlement tout ce qui s'est dit en commission des travaux et je l'ai même écrit dans mon rapport. J'estime que l'intervenant est tout à fait malvenu pour me donner des leçons sur l'histoire du parti socialiste parce qu'elle est encore plus sinueuse qu'il ne l'imagine. (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je ne suis pas chargé du département militaire ! (Rires et exclamations.) C'est bien la première fois, à ma grande surprise, qu'on m'attribue des qualités de cette nature. Concernant les deux projets qui vous sont soumis, j'observe qu'il n'y a pas de contestation sur la nécessité ni sur le programme des travaux, avec la petite remarque de M. Meyll dont nous tiendrons compte.

Je rappelle en outre que ces deux projets sont venus de manière particulière parce qu'ils bénéficient du bonus fédéral à la relance et c'est pourquoi ils ne viennent pas dans un cadre complet. Vous allez très probablement renvoyer au Conseil d'Etat la motion 1188 qui répond à la question de M. Nissim, puisqu'il s'agit de déposer un programme de réfection des ouvrages de génie civil avec leur coût. Si nous déposons un tel rapport - et nous allons bien entendu le faire - en indiquant les coûts de réfection, il faudra par la même occasion que le Conseil d'Etat s'explique sur la manière dont il entend financer ces coûts. Nous devrons bien évidemment avoir un débat général sur la manière de financer ne serait-ce que l'entretien du réseau routier, indépendamment de la construction de nouveaux ouvrages.

Pour cette raison, je pense, Monsieur Nissim, que nous ne pouvons pas entrer en matière sur votre amendement. Vous savez qu'il est techniquement problématique de prévoir pour chaque ouvrage un centime ou un demi-centime pour le financer et que la vision politique de ce genre d'opération est mauvaise. Je vous ai dit quelle était ma position. Je ne peux pas faire de promesses formelles dans les moindres détails et sur tous les plans, mais de toute évidence nous ne pourrons pas éviter le débat sur le coût et le financement des ouvrages de génie civil et, bien entendu, sur l'application du principe du pollueur payeur. C'est pourquoi je vous propose de voter ces projets de lois sans les amendements de M. Nissim.

Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Nissim dont la teneur est la suivante :

Art. 4, al. 1 :

Les charges en intérêts et amortissements de cet investissement, qui seront portées chaque année au budget de fonctionnement de l'Etat sous forme d'annuités constantes, auront pour couverture financière, aux revenus de ce budget, le produit du prélèvement supplémentaire de un centime additionnel, aux impôts sur les véhicules à moteur.

al. 2 :

Ce prélèvement de un pour cent sera effectué dès l'année où débuteront les travaux. Il aura une durée maximale de 40 ans.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 4 est adopté.

Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7819)

ouvrant un crédit extraordinaire d'investissementde 6 180 000 F pour des travaux de gros entretien et de protection contre le bruit du viaduc de l'Ecu (OA 3711)

Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement

Art. 2 Subventions fédérales

Art. 3 Budget d'investissement

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

Art. 5 Amortissement

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève

PL 7820-A

Deuxième débat

Le président. M. Nissim renonce à son amendement pour ce projet-ci.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 6.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7820)

ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 7 500 000 F pour les travaux de gros entretien et de renforcement du pont de Lancy sur l'Aire (OA 3908) RC 38 route du Pont-Butin

Art. 1 Crédit extraordinaire d'investissement

Art. 2 Subvention fédérale

Art. 3 Budget d'investissement

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

Art. 5 Amortissement

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève