Séance du jeudi 28 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 22e séance

M 1202
8. Proposition de motion de Mmes et M. Liliane Charrière Debelle, Françoise Schenk-Gottret et Christian Brunier concernant la délégation de compétence aux communes en matière de circulation. ( )M1202

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- la nécessité de revoir la répartition des compétences entre l'Etat et les communes en matière de circulation ;

- les expériences concluantes de la ville de Lausanne ;

- les discussions en cours sur le plan Circulation 2005 ;

- que l'OTC pourrait être déchargé de certaines tâches et consacrer ainsi plus de temps et d'énergie à la sécurité des déplacements, aux grands projets (TC2005, C2005, TGV, plan des mesures OPair, etc.), à la gestion de la circulation en général et à celle du réseau primaire en particulier ;

- que certaines communes ont les moyens techniques de prendre en charge les décisions de circulation sur les rues des réseaux local et secondaire ;

invite le Conseil d'Etat

- à présenter au Grand Conseil la hiérarchie du réseau routier constituée de 3 types de rues ou de routes : primaire, secondaire et local ;

- à préparer les modifications législatives et constitutionnelles donnant aux communes, sur le modèle vaudois, les compétences nouvelles suivantes en matière de circulation :

• aux communes de moins de 10 000 habitant-e-s : compétence en matière de signalisation sur le réseau local (rues de quartier), vitesse exceptée ;

• aux communes de plus de 10 000 habitant-e-s, qui en font la demande : compétence en matière de signalisation sur les réseaux local et secondaire, y compris la vitesse.

- à proposer un système de financement en relation avec cette nouvelle répartition des compétences.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis plusieurs années, de nombreuses idées et prises de position, provenant d'horizons les plus divers, sont émises en matière d'autonomie communale et de répartition des tâches entre l'Etat et les communes.

Pourtant, malgré cette abondance d'idées et probablement aussi en raison de cela, peu de choses ont été réalisées.

A. L'expérience vaudoise

Les auteur-e-s de cette motion proposent une démarche pragmatique en s'inspirant d'une expérience connue qui a prouvé son efficacité. En effet, deux cas de délégation existent dans le canton de Vaud. Les villes (municipalités dans la terminologie vaudoise) de plus de 10 000 habitant-e-s gèrent leur signalisation à l'exception des limitations de vitesse.

Mais, depuis le 23 juin 1994, le Département vaudois des travaux publics et de l'aménagement du territoire (DTPAT) peut déléguer entièrement sa compétence en matière de signalisation à l'intérieur de la localité, y compris en matière de vitesse maximale. Cette délégation n'est pas accordée d'office. Les municipalités doivent en faire la demande. A l'article 4 de la loi vaudoise (LJPA) , il est spécifié : "; Pour la signalisation à l'intérieur des localités, il peut déléguer sa compétence aux municipalités ou à certaines d'entre elles; il peut limiter cette délégation à certaines catégories de signaux ou de marques et à certains tronçons de route. En l'absence d'une telle délégation, la municipalité est préalablement consultée ".

Selon le règlement d'application de cette loi (RLVCR - art. 22), il appartient aux municipalités qui le désirent de demander la délégation prévue ci-dessus.

En cas de désaccord, le DTPAT doit faire recours au Tribunal administratif (art. 4 de la LJPA).

Lausanne a cette compétence depuis le 9 mars 1995. A titre d'exemple, elle a mis en place treize zones 30. Ces projets ont passé sans aucune opposition. Une dizaine de zones 30 supplémentaires sont actuellement à l'étude.

B. Le cas de Genève

Dans notre canton, l'Etat garde toutes les compétences en matière de circulation depuis l'autoroute jusqu'au chemin agricole. Cette tâche est remplie par l'OTC, chroniquement débordé par la gestion de peccadilles.

C. Notre proposition

Nous proposons donc, dans un premier temps, de créer une hiérarchie au niveau des voies de communication (réseau primaire ou principal, secondaire, local) pour pouvoir ensuite déterminer les compétences. Ensuite, nous suggérons d'attribuer les compétences suivantes :

- Compétence (réseaux local et secondaire) serait donnée aux villes (communes de plus de 10 000 habitant-e-s) qui la demandent, y compris pour les limitations de vitesse et les enquêtes publiques.

- Compétence (réseau local, sauf limitation de vitesse) pourrait être envisagée pour les petites et moyennes communes (moins de 10'000 habitant-e-s) sous réserve de conditions fixées par l'OTC.

La compétence sur le réseau principal resterait évidemment à l'Etat (OTC) qui fixe par ailleurs les règles du jeu (le concept global).

Le Département de justice et police et des transports (DJPT) pourrait faire des recours au Tribunal administratif en cas de désaccord avec une décision d'une commune.

D. Rôle de l'OTC et financement

Dans l'esprit des motionnaires, il ne s'agit pas de démanteler l'OTC, bien au contraire. Cette proposition devrait permettre à l'OTC de se consacrer pleinement aux projets stratégiques et à la politique générale des transports (TC2005, C2005, TGV, plan des mesures OPair, politique de stationnement, sécurité routière, gestion de la circulation, etc.). L'OTC aurait en particulier pour rôle de préparer des plans de circulation et de stationnement qui serviraient de guides aux communes. L'OTC devrait de plus garder la compétence sur les rues empruntées par les transports publics.

Ce transfert de compétence ne doit pas s'accompagner d'un transfert de personnel. Le coût supplémentaire éventuel pour les communes pourrait être réglé par une répartition du produit des amendes d'ordre. La simplification des procédures et l'optimisation des processus pourraient dégager vraisemblablement du temps pour permettre aux collaborateur-trice-s des communes d'assumer ces nouvelles tâches.

En souhaitant, Mesdames et Messieurs les député-e-s, que vous fassiez bon accueil à ce projet de motion, nous vous demandons de l'envoyer au Conseil d'Etat afin qu'il nous propose un projet de loi allant dans ce sens.

Débat

Mme Liliane Charrière Debelle (S). Je serai brève, l'exposé des motifs me paraissant suffisamment explicite. Deux tendances s'affirment actuellement, l'une étant à la globalisation, aux fusions, toutes choses qui passent au-dessus de nos têtes, l'autre préconisant le retour aux gens du terrain. Cette motion suit, bien sûr, la deuxième tendance en proposant de transférer aux communes le pouvoir de certaines décisions touchant directement les gens, la vie de quartier, la circulation, la signalisation et la vitesse.

Nous n'avons rien inventé de bien particulier puisque le canton de Vaud, qui n'est pas connu pour prendre des mesures téméraires, a déjà délégué certaines compétences à ses communes de moins de dix mille habitants.

Nous vous proposons donc de renvoyer cette motion en commission.

M. Christian Grobet (AdG). Nous ne nous opposerons pas au renvoi de cette motion en commission, bien qu'elle ne nous convainque pas tout à fait. Non pas que nous ne sommes pas favorables à l'augmentation des compétences municipales, bien au contraire ! Il est certains domaines où ces compétences peuvent et doivent être renforcées.

Par exemple, les communes devraient pouvoir décider souverainement si des parties de leur domaine public peuvent devenir des zones piétonnes. La motion n'en parle pas.

Par contre, dans un canton ville comme le nôtre, où l'agglomération urbaine est formée d'une dizaine de communes imbriquées, la possibilité d'avoir des règles diverses et discordantes en matière de circulation n'est guère souhaitable. Il n'en demeure pas moins que le département de justice et police, qui a mené une bonne action ces dernières années, doit être à l'écoute des communes quand elles demandent que la vitesse soit limitée à trente kilomètres à l'heure dans certaines de leurs zones. Il l'a d'ailleurs déjà fait.

A mon avis, il est plus sage d'avoir une vision globale plutôt que communale de ces problèmes, mais nous sommes prêts à en discuter en commission.

Mme Madeleine Bernasconi (R). Cette motion s'inscrit, en quelque sorte, dans le prolongement des travaux de l'Association des communes genevoises.

L'association s'est plusieurs fois manifestée par écrit pour que le travail avance avec le département de justice et police. Il importe donc qu'il se poursuive en toute harmonie.

Ce travail doit être fait au niveau du canton, et les communes doivent avoir des compétences.

Comme il m'a toujours semblé que le département répondait, en grande partie, à nos demandes, je considère cette motion comme un appui au travail que nous avons déjà fait.

M. Claude Blanc (PDC). Je constate que M. le député Grobet se rappelle avoir été un magistrat responsable et qu'il sait ce que cela veut dire.

A l'époque, lors de problèmes semblables relevant des lois d'aménagement du territoire, nous étions, mon collègue Dupraz et moi, d'accord avec vous, Monsieur Grobet, pour exprimer ce que vous venez de dire : dans notre petit canton, où toutes les communes sont imbriquées, il est essentiel de maintenir l'unité en matière de circulation et d'aménagement du territoire.

Actuellement, je note quelques débordements en cette matière, certains députés de votre entourage ayant tendance à s'asseoir sur l'avis des communes, quitte à revenir, en dépit de la bonne foi, sur des lois déjà votées. Deux ou trois projets de lois, que nous n'avons pas eu le temps d'apprécier, sont encore pendants.

Je suis d'accord que l'Etat conserve la vue d'ensemble, mais il doit aussi, de temps à autre, entendre les communes.

A mon avis, cette motion est superfétatoire, car elle tend à conférer des pouvoirs de police aux communes, et cela ne peut être.

Il faut surtout collaborer, et c'est dans cette direction que nous entendons aller.

Nous refuserons donc cette motion.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Je rappelle amicalement aux signataires de cette motion que les portes ouvertes n'ont nul besoin d'être enfoncées.

A moins de vouloir démontrer que quelqu'un les passe, cette motion correspond aux projets de mon département, puisque j'ai déjà déposé ce texte à fin 1996, puis courant 1997, auprès de la commission chargée des relations entre l'Etat et les communes.

A l'époque, cette commission s'appelait «commission des affaires régionales». Elle a été reprise par le DIAE. L'idée était bel et bien de donner plus de prérogatives aux communes dans nombre de domaines touchant au réseau routier de type communal.

Cette motion vient donc à l'appui de cette démarche. Si vous tenez vraiment à un passage en commission, je suis prêt à l'accepter au niveau du Conseil d'Etat.

Nous avons abordé d'autres problèmes avec les communes, notamment celui des zones 30 km/h, mais nous ne sommes pas à l'abri de recours qui, pour certains quartiers de la Ville de Genève, font durer les choses.

L'Etat rencontrera prochainement la Ville de Genève. L'ordre du jour prévoit le passage à la Ville de Genève, qui est une commune, de certaines dispositions en matière de circulation routière et de réseau routier.

Je réserve un accueil favorable à cette motion et j'en remercie les auteurs.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des transports.