Séance du
jeudi 28 mai 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
9e
session -
22e
séance
GR 203-1 et objet(s) lié(s)
4. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. S. S. .
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. En date du 23 septembre 1987, M. S. S. a été condamné par la Cour d'assises de Genève à dix ans de réclusion, quinze ans d'expulsion judiciaire et à une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée indéterminée.
Le recours ne concerne que l'expulsion judiciaire, l'intéressé ayant été libéré après avoir purgé les deux tiers de sa peine, puis expulsé vers le Sri Lanka à fin 1992.
Alors qu'il effectuait sa semi-détention à Saint-Gall, M. S. S. a rencontré celle qui allait devenir sa femme et la mère de son fils D.. Celle-ci, fiancée peu avant l'expulsion, a rejoint, au début de 1993, son futur mari au Sri Lanka. Durant trois ans, elle a tenté de s'adapter à des conditions de vie extrêmement précaires.
La situation de violence dans ce pays, l'appartenance ethnique de son mari et des menaces de mort ont eu raison de son courage. C. est rentrée en Suisse, il y a deux ans, pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils.
Le même recours avait été ajourné après avoir été présenté à ce Grand Conseil il y a plus de cinq ans. En novembre 1992, dans un contexte similaire, le vote négatif avait été serré : cinq voix contre quatre. Lundi dernier, le rejet a été voté par six voix contre cinq, nonobstant les préavis des deux substituts du procureur général. Sans s'opposer au recours, ils ont dit, comme en 1992, s'en rapporter à la commission.
Lors de la séance de novembre 1992, le Grand Conseil votait, sur proposition de Mme Sayegh, un ajournement de cinq ans, resté sans effet, de la peine d'expulsion judiciaire.
Les faits graves qui ont motivé la lourde peine d'emprisonnement de ce jeune Tamoul ont convaincu les six commissaires de l'Entente à considérer inopportune l'éventualité de son retour en Suisse. La minorité aurait souhaité plus de clémence, afin de permettre à cette famille d'être enfin réunie.
Néanmoins, en tant que rapporteuse, je me dois de vous demander, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre le préavis de la commission.
Mme Liliane Charrière Debelle (S). Pour tout appel interjeté auprès de la commission de grâce, nous nous enquérons, sur la recommandation du procureur général, de l'existence ou non de faits nouveaux.
Or un fait nouveau est effectivement intervenu depuis le rejet du premier recours. Ce jeune Tamoul a purgé sa peine et réglé sa dette vis-à-vis de la société. Le fait nouveau est qu'il s'est marié entre-temps avec notre compatriote originaire de Saint-Gall et qu'il en a eu un enfant. Celle-ci l'avait rejoint au Sri Lanka et avait essayé de s'adapter au mode de vie de ce pays, au climat et à des conditions très difficiles, notamment de subsistance. Elle a dû rentrer en Suisse pour préserver sa santé et celle de son enfant.
Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance de la correspondance régulièrement échangée entre les deux époux, à partir de Saint-Gall et du Sri Lanka. Nul doute qu'ils sont unis par des liens profonds et solides.
Cela constitue un fait nouveau important, puisqu'il y a cinq ans nous aurions pu supposer que ce mariage était uniquement de convenance.
Nous avons la preuve de la sincérité de ces liens. Le procureur général, qui n'est pas connu pour être particulièrement tendre dans des cas pareils, s'en remet à la commission. Autrement dit, il fait savoir, entre les lignes, qu'il ne voit pas d'objection à ce que nous acceptions ce recours.
De quoi s'agit-il ? Il n'est pas question, je le répète, ni de revenir sur le jugement ni d'abréger une peine de prison, puisque celle-ci a été purgée.
Il s'agit simplement, en acceptant le recours, de permettre à ce jeune Tamoul d'entreprendre une démarche à Berne pour que la question de son expulsion judiciaire soit revue. La grâce constitue la condition première pour l'ouverture d'un dossier dont nous ignorons l'issue.
Dans le cas particulier, les liens sont véritablement établis. La correspondance importante que nous avons lue ne laisse aucun doute à ce sujet. Ces liens sont avérés et nous pensons qu'il est nécessaire que cet homme rejoigne sa femme et son enfant.
J'ajoute que cette famille ne sera vraisemblablement pas à la charge de la communauté suisse, puisque la soeur de ce jeune Tamoul est prête à l'engager pour travailler dans le commerce qu'elle possède dans notre pays.
M. S. S. a une formation professionnelle. De plus, il parle l'anglais, le français et l'allemand en plus de sa langue maternelle.
Par conséquent, je vous recommande de tenir compte de cette situation et de considérer qu'un fait nouveau notoire est intervenu. Il faut permettre à ce couple d'entreprendre des démarches à Berne pour aborder la question du solde de l'expulsion judiciaire.
Je conclus en rappelant que M. S. S. a reconnu la faute grave dont il s'est rendu coupable. Il est conscient du mal qu'il a commis. Il n'a pas emporté au Sri Lanka le peu d'argent qu'il a gagné en prison mais l'a donné à un centre de désintoxication.
M. Rémy Pagani (AdG). Je soutiens la proposition de Mme Charrière et je suggère que nous graciions cette personne.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est rejeté.
Mis aux voix, le recours contre le solde de l'expulsion judiciaire est adopté.
M. L. F. , 1925, Satigny/Genève, expert maritime, recourt contre le solde de la peine de réclusion.
2e recours en grâce.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. M. L. F. a 73 ans. En 1987, il a été condamné à quinze mois de réclusion avec sursis pour escroquerie par métier. A la même période, il a fait office de passeur de fonds, favorisant ainsi la fraude fiscale de trafiquants de drogue.
Jugé une seconde fois en 1997, il a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, ce qui a eu pour effet de révoquer le sursis de la première condamnation.
Un premier recours en grâce a été rejeté par ce Grand Conseil en octobre 1997, compte tenu de la situation de l'intéressé par rapport au prononcé de la peine.
Dans son deuxième recours. M. L. F. évoque ses difficultés à obtenir des soins médicaux relatifs au suivi de son opération du genou. Or, selon M. le procureur général, qui confirme son premier préavis, le requérant aurait pu solliciter légalement les mesures appropriées, au sens de l'article 40 du code pénal, ce qu'il n'a pas fait.
Dès lors, la commission, à l'unanimité moins une abstention, vous recommande le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. M. N. , 1970, Italie, mécanicien sur motos, recourt pour une réduction de la peine d'emprisonnement.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. M. M. N. a été condamné à trois ans et demi de réclusion par les tribunaux vaudois. Bénéficiant d'une liberté conditionnelle, il a récidivé à Genève, ce qui lui a valu une nouvelle condamnation de trois ans et demi de réclusion pour trafic de drogue.
M. M. N. a fait appel devant la Cour de justice et obtenu une réduction de peine d'un an. Il a déposé ensuite un recours en grâce, à la suite duquel le Grand Conseil a encore réduit la peine de six mois.
Le deuxième recours, qui nous est soumis aujourd'hui, ne fait apparaître aucun élément nouveau. C'est pourquoi la commission vous recommande son rejet.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.