Séance du jeudi 28 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 21e séance

C 777
Le conseiller d'Etat M. Gérard Ramseyer nous fait part de ses préoccupations concernant l'IN 109 «Genève, République de paix» quant à l'absence de décision du Grand Conseil du 23 avril, ce qui équivaut à une décision de validation de l'initiative, et nous transmet une note juridique de Me Manfrini à ce sujet. Il nous informe que cette affaire pourrait être portée devant le Tribunal fédéral par la voie qui comporte une autre interprétation du délai imparti au Grand Conseil. ( )C777

M. Bernard Lescaze(R). Il faudra demander au président du Conseil d'Etat s'il est bien sûr du numéro de son initiative. A ma connaissance, le fond de cette initiative est traité en ce moment par une commission ad hoc. En effet, après le courrier reçu voilà quelques semaines, nous avions conclu, à la commission législative, de la renvoyer à cette commission.

Le président. Il s'agit d'un problème qui porte sur la forme, Monsieur le député, et non sur le fond, d'un problème de délai et de son appréciation. Raison pour laquelle le Bureau se penchera sur cette question et reprendra un avis de droit autre que celui qu'il avait déjà pris, lorsqu'il a décidé de proposer au Grand Conseil de renvoyer cette initiative en commission pour qu'elle soit traitée sur le fond. Mais le problème étant soulevé par le Conseil d'Etat, nous sommes bien obligés d'y répondre.

M. Bernard Lescaze. Mais elle est valide !

M. Christian Grobet (AG). Cette question est effectivement importante, et il n'appartient en tout cas pas au Bureau de se substituer au plénum, Monsieur le président ! Avant les séances du Grand Conseil, vous avez le droit de débattre au sein du Bureau de questions de procédure et autres, mais vous n'avez en tout cas pas le droit de prendre une décision sur cette question.

J'insiste en me permettant de vous rappeler que l'ancien Bureau a commis un certain nombre d'erreurs, provoquées également par celles du Conseil d'Etat. Nous ne sommes pas prêts à admettre que de nouvelles erreurs soient commises, ni que cette question d'initiative soit débattue maintenant, alors qu'un arrêt du Tribunal fédéral a été évoqué, à l'occasion des communications...

Le président. Il n'est pas question de débattre, Monsieur !

M. Christian Grobet. Ah, vous en avez peut-être un peu trop dit, Monsieur le président ! Pour que toutes ces questions soient clarifiées au niveau du plénum, il faut prévoir un point précis à l'ordre du jour pour débattre de cette initiative. M. Gilly, rapporteur, a malheureusement des problèmes de santé, mais il nous a fait savoir qu'il participera à ce débat.

Je demande formellement que le Bureau se préoccupe des questions de procédure et inscrive cette initiative à un ordre du jour, afin de la traiter autrement que dans une salle à moitié vide.

Le président. Monsieur le député, nous n'avons pas dit - et je n'ai pas dit - que le Bureau trancherait d'une manière quelconque. Mais, ayant reçu cette lettre, le Bureau est bien obligé d'en étudier les termes et d'en comprendre le sens juridique.

Si une entité comme le Conseil d'Etat décide de recourir contre une décision du Grand Conseil, il peut le faire. Pour le moment, on nous informe qu'il y a eu vice de forme. Je vous transmets cette information, mais nous n'avons pris aucune décision !

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est une affaire pourtant relativement simple !

Le Tribunal fédéral a rendu un jugement dont nous avons pris connaissance, mais nous avons estimé que les termes n'étaient pas clairs. En particulier, le Tribunal fédéral ne donnait pas la marche à suivre pour reprendre les travaux parlementaires de manière normale.

Nous avons donc d'une part interrogé le Tribunal fédéral et d'autre part pris l'avis de droit de Me Manfrini... (Brouhaha.) Cet avis de droit donne une marche à suivre qui n'est pas celle que le Grand Conseil a adoptée. En particulier, le Tribunal fédéral nous enjoignait de prendre une décision sur la recevabilité, alors même que la commission ne s'est pas saisie de la recevabilité mais du fond. Mais une commission ne peut pas travailler sur le fond si la recevabilité n'a pas été déterminée !

A notre sens, la décision n'a même pas été prise par le parlement : ce sont les chefs de groupe qui ont renvoyé le point de l'ordre du jour en commission. Nous avons donc de nouveau demandé au Tribunal fédéral de clarifier la situation et fourni à M. le président du Grand Conseil notre avis de droit. En effet, on ne peut pas discuter en commission ad hoc du fond de cette initiative tant que la question de la recevabilité n'a pas été tranchée : il s'agirait là, à nos yeux, d'une irrégularité. Les députés peuvent parfaitement penser que le cheminement adopté est juste, mais, à mon département, nous pensons que ce n'est pas exact et l'avons fait savoir à M. le président du Grand Conseil.

Par contre, il n'est pas question que le Conseil d'Etat ou mon département fasse recours. Cependant, tout citoyen de ce canton a toute latitude de le faire. Nous avons transmis la décision telle qu'elle nous a été communiquée par le Tribunal fédéral, mais il semble qu'il y ait divergence sur la manière dont ce jugement doit être interprété.

Le président. C'est une question d'interprétation du délai de réponse. Le Bureau et les chefs de groupe avaient considéré - et considèrent toujours jusqu'à avis contraire - que le délai étant dépassé la recevabilité de l'initiative était automatique. Raison pour laquelle, au mois d'avril, le Bureau et les chefs de groupe à l'unanimité ont considéré que cette initiative devait être renvoyée en commission pour être traitée sur le fond.

Le Conseil d'Etat conteste cette façon de procéder : à ses yeux, le délai n'est pas dépassé. S'agissant d'une interprétation de délai, nous devons, pour le moment, nous concentrer sur des avis de droit relatifs à cette interprétation.

Nous n'allons pas ouvrir un débat sur une interprétation de droit en plénière mais examiner, en premier lieu, la question en toute quiétude au sein du Bureau en considérant les avis de droit pour avoir la confirmation de la décision prise par le Bureau et les chefs de groupe, à savoir de faire renvoyer par ce Grand Conseil l'initiative en commission et de la traiter sur le fond.

Si les avis de droit donnent tort à l'interprétation faite par le Bureau et les chefs de groupe qui pensaient que les délais étant dépassés on ne pouvait plus se prononcer sur la recevabilité, nous reviendrons devant ce Grand Conseil pour vous faire part de tous les avis de droit que nous aurions reçus dans la mesure où ils convergeraient. Pour le moment, votre décision reste ce qu'elle a été au mois d'avril : cette initiative est renvoyée en commission pour y être traitée sur le fond.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose d'en rester là et de ne pas poursuivre un débat inutile. Pour le moment, il n'est pas question de remettre en cause la décision du Grand Conseil.

M. Christian Grobet(AdG). A vrai dire, je ne suis pas étonné des propos de M. Ramseyer. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat se mêle de choses qui ne le regardent pas et a pris une position partisane, extrêmement désagréable en ce qui concerne le respect des droits populaires.

L'arrêt du Tribunal fédéral, Monsieur Ramseyer, est parfaitement clair. Si vous croyez devoir écrire au Tribunal fédéral pour demander des explications sur des considérants que tout le monde comprend, il n'est pas certain que ce dernier entre en matière; il sera intéressant de le savoir.

D'après les règles relatives au traitement des initiatives, le Conseil d'Etat a pour rôle à un moment donné de faire un rapport destiné au Grand Conseil sur leur recevabilité. Ce rapport ayant été fait sur la base de l'avis de droit partisan de Me Manfrini, le rôle du Conseil d'Etat s'arrête là. A partir de ce moment précis, le dossier est transféré au Grand Conseil, seule autorité compétente pour décider. Je suis choqué de voir actuellement le Conseil d'Etat essayer de s'occuper en coulisse de décisions qui ne sont pas de sa compétence. De surcroît, il sollicite des avis de droit - je serais curieux de savoir sur quelle ligne budgétaire - pour tenter d'étayer une thèse juridique déjà tranchée par le Grand Conseil qui a décidé de renvoyer cette affaire en commission.

On ne peut pas empêcher le Bureau de discuter ou de disserter sur le temps qu'il fera, mais je ne vois pas pourquoi, Monsieur Koechlin, vous entrez en matière sur cette lettre du Conseil d'Etat. Il serait souhaitable au demeurant que tous les députés reçoivent une copie de la lettre... (L'orateur est interrompu.) Ecoutez, c'est M. Lescaze, auquel je décerne souvent le premier prix de débrouillardise, qui m'a remis cela ...

Le président. Ce courrier a été distribué aux chefs de groupe, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. J'ai beaucoup de respect pour Me Manfrini, mais - et là je m'adresse au nouveau Conseil d'Etat - il serait souhaitable que l'on casse le monopole des avis de droit qu'on sollicite exclusivement de la part d'un seul avocat de la place. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : cet avocat rend des avis sur mesure qui plaisent à celui qui demande l'avis de droit; il est engagé dans cette affaire. Cela, je ne suis pas d'accord de l'admettre.

Monsieur le président du Grand Conseil, vous avez déclaré que vous reverrez votre position en fonction des avis de droit. Quels avis de droit ? Celui, partisan, de Me Manfrini ? Ou voulez-vous encore engager les sous des contribuables pour solliciter un avis de droit auprès d'un second juriste ?

Tout cela est absurde, Mesdames et Messieurs les députés ! La décision du Grand Conseil doit être respectée ! Monsieur Ramseyer, une question posée par un membre de l'Alliance de gauche n'a jamais reçu de réponse : combien d'avis de droit ont été sollicités auprès de Me Manfrini ces quinze dernières années par le Conseil d'Etat ? Il y a eu tout d'abord le professeur Knapp qui faisait des avis de droit sur mesure, maintenant, c'est Me Manfrini ! Cela suffit !

Le président. Bien, Monsieur le député !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de ne pas ouvrir de débat sur cette question. Il s'agissait d'une simple communication, et il n'y a aucune modification de la décision du Grand Conseil; il reste maître de ses décisions.

J'invite la commission ad hoc à poursuivre ses travaux sur le fond, mais vous n'empêcherez pas le Bureau de tenir compte du courrier et d'y répondre. Pour le faire de façon avisée, un avis de droit dont nous vous informerons est nécessaire. Pour le moment, nous nous en tenons à la décision du Grand Conseil, et je vous propose de passer au point suivant.

Il en est pris acte. Le Bureau étudiera ce problème.