Séance du vendredi 15 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 8e session - 19e séance

R 367
19. Proposition de résolution de Mmes et MM. Christian Grobet, Fabienne Bugnon, Pierre-Alain Champod, Rémy Pagani, David Hiler et Christine Sayegh concernant le 50e anniversaire de l'OMC-GATT. ( )R367

Débat

Mme Christine Sayegh (S). L'OMC-GATT fête son cinquantième anniversaire. C'est également le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

L'appauvrissement de la population est effrayant, choquant et irresponsable. Dire que plus de 1,3 milliard d'êtres humains vivent dans un état de misère absolu sur cette planète !

Dans son discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat, par la voix de son président, a réaffirmé que l'économie doit être au service de l'homme et non l'homme au service de l'économie.

L'OMC devrait appliquer cette maxime et en faire sa devise.

J'ose espérer qu'une majorité de ce parlement partage ce raisonnement. C'est pourquoi je l'invite à voter cette résolution.

Mme Barbara Polla (L). Au nom du groupe libéral, je tiens à m'élever fermement contre cette résolution...

Une voix. Cela ne m'étonne pas !

Mme Barbara Polla. ...qui propose un bilan. Certes, un bilan est toujours utile, mais nous ne pouvons décider, a priori, de ses résultats sous risque d'invalider son potentiel d'intérêt.

Cette résolution ne propose pas de dresser le bilan des effets de la libéralisation et de la mondialisation, encore que je note, avec bonheur, que l'on ne parle pas, pour une fois, de libéralisme sauvage. Elle propose de dresser le bilan de leurs effets néfastes pour les pays défavorisés.

Si Mme Sayegh est d'emblée convaincue que leurs effets sont néfastes, à quoi bon un bilan ? Or l'un des effets les plus importants de la mondialisation est la délocalisation d'emplois vers des pays, notamment le Sud-Est asiatique, qui, de ce fait, acquièrent les moyens d'un développement économique rapide, qui les sort de leur pauvreté. (Vives protestations de la gauche.)

Certes, ces délocalisations nous posent un problème et nous nous attachons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour conserver et développer l'attractivité de l'emploi local. Néanmoins, nous ne pouvons que nous réjouir pour les pays qui voient leurs emplois décupler, des emplois qui constituent un levier extrêmement efficace pour améliorer rapidement leur statut économique et social.

Voilà une façon concrète d'améliorer significativement les rapports économiques entre pays classiquement considérés comme prospères et ceux considérés comme défavorisés.

Le fait de considérer, a priori, comme néfastes les effets de la mondialisation pour les pays dits défavorisés est un préjugé que nous souhaitons rejeter, même si André Gide constatait, je cite : «Ce n'étaient que préjugés, mais le monde repose sur des préjugés.» A moins qu'un de ces pays défavorisés préoccupant réellement les signataires de cette résolution soit, en fait, le nôtre...

J'en viens à la libéralisation. Celle de la Chine, par exemple, va de pair avec l'arrivée d'une liberté nouvelle après des décennies de répression. Si l'acquisition de la liberté ne va pas toujours sans heurts et difficultés après une longue période de répression - je pense à la Russie - cela est dû davantage aux frustrations passées qu'à l'acquisition d'une nouvelle liberté dont le bon usage requiert, certes, un apprentissage.

Nous pourrions proposer un amendement à cette résolution, à savoir faire un bilan évolutif des effets positifs de la libéralisation et de la mondialisation. J'y renonce, car un bilan, comme je le disais en préambule, n'a de sens que si l'on souhaite poser une question ouverte.

M. John Dupraz (R). Les propos de Mme Polla me laissent baba !

Il est facile de tenir un tel discours quand on jouit d'une situation privilégiée comme la sienne ou comme la mienne, certes un peu plus modeste ! Pour les nantis, la libéralisation, telle que prévue par les règles de l'OMC, est un truc vraiment génial.

Mais que constatons-nous ? Nous constatons que ces règles ont conduit à délocaliser des emplois dans des pays où la main-d'oeuvre est meilleur marché et où les conditions sociales et les règles environnementales n'existent que fort peu ou pas du tout. C'est ce qui permet à ces pays d'être plus compétitifs que le nôtre.

Si le monde occidental doit construire sa prospérité sur l'exploitation des pays défavorisés, je ne pense pas qu'il en tirera un bilan réellement positif.

J'ai vécu de près les négociations de l'Uruguay Round, notamment celles relatives au dossier agricole. Je persiste à dire, au risque d'agacer certains, que c'est la plus grande escroquerie politico-économique de tous les temps. Les règles des impérialistes américains ont été imposées à la planète entière... (Vifs applaudissements de la gauche.) ...avec la complicité de l'Union européenne et au détriment des pays les plus défavorisés et des secteurs économiques les plus faibles, dont l'agriculture. Je peux vous garantir que l'agriculture suisse en subit, aujourd'hui, les dures conséquences.

Il est vrai que Genève est une cité internationale, qu'elle est le siège de nombreuses organisations internationales qui, globalement, doivent améliorer les conditions de vie des êtres humains sur cette planète et qu'à ce titre l'OMC a sa place dans notre ville.

Nous devons exiger - votre résolution ne le fait pas et je vous l'ai signalé hier, Monsieur Ferrazino - que le commerce international ne soit pas considéré uniquement sous l'angle des règles du marché, comme c'est le cas actuellement - c'est-à-dire sous l'angle du plus gros, du plus rapide profit et du rendement immédiat des capitaux investis, notamment par les multinationales - cela au détriment des conditions de vie des femmes et des hommes de cette planète. Il est là le problème, un problème dont s'en foutent éperdument les libéraux nantis !

Moi qui vois baisser le revenu des paysans, avec des céréales passant de 1 F à 50 cts... (L'orateur est interpellé par M. Olivier Vaucher.) Vaucher, s'il te plaît, s'il y en a un qui doit se taire dans ce parlement, c'est toi ! Comme tu n'es dans ce parlement ni un exemple de bonne conduite ni un bon exemple économique, tu la boucles ! (Applaudissements de la gauche.)

Je reviens à l'essentiel et regrette que vous ne souhaitiez pas, par le biais de votre résolution, que le prochain round soit envisagé sous une globalisation permettant le développement durable. Pour ce faire, il faut introduire dans les règles commerciales un minimum de règles sociales et de règles environnementales.

Que s'est-il passé, en fait ? Ceux qui ont signé les accords de l'OMC à Marrakech - c'était inévitable, on ne pouvait faire autrement - sont les mêmes que ceux qui ont exigé, à Rio, des règles environnementales. Or, au nom de la compétitivité, on a délocalisé des entreprises et des emplois vers des pays beaucoup moins regardants que le nôtre, en matière de règles sociales et environnementales. Dernièrement, les Chambres fédérales ont voté des crédits pour un projet mondial de protection de l'environnement dans ces pays où les conditions de travail et le fonctionnement des entreprises mettent l'environnement en péril. Par conséquent, pour rétablir les équilibres, on doit économiser d'une main ce que l'on doit dépenser de l'autre !

Les gens ne sont-ils pas assez sages pour se dire que cela suffit comme ça, que leur principale préoccupation doit être la condition humaine et que, pour que les règles du marché fonctionnent harmonieusement, il faut les encadrer de règles environnementales et sociales ? S'il n'existe pas d'équilibre entre ces trois composantes, le monde court à la catastrophe. Mesdames et Messieurs les libéraux, vous risquez, en tenant de tels discours, de provoquer des révoltes imminentes dans le monde entier. (Vifs applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve). Pourquoi, Madame Polla, faut-il dresser le bilan des effets néfastes de la libéralisation de l'économie ? Parce que le bilan des effets positifs, lui, est fait tous les jours ! Quotidiennement, les médias nous ressassent les avantages de la mondialisation et la nécessité des fusions. Ils ne cessent de nous convaincre des privilèges créés par cette nouvelle épopée, mais très rarement ils nous décrivent ses plus néfastes conséquences pour le tiers-monde.

Vous avez cité les pays du Sud-Est asiatique qui ont connu, ces cinquante dernières années, un développement leur permettant d'atteindre un assez bon niveau de vie, même si des événements récents font douter de cette réalité. Ces pays, Madame, sont l'exception. La plupart des pays du tiers-monde pâtissent de cette libéralisation, souffrent de cette économie de marché.

Les populations sont déplacées pour que les multinationales puissent acheter des terrains. Les droits syndicaux sont de plus en plus bafoués. Tous ces faits doivent être dénoncés et être discutés dans le cadre d'une organisation internationale telle l'OMC.

Je souhaite vivement que l'OMC et le parti libéral le comprennent. Je respecte la vision libérale pour autant qu'elle ne conduise pas à des aberrations et à la conclusion que tout va pour le mieux dans le monde d'aujourd'hui.

Je regrette que votre parti n'adopte pas cette résolution.

M. Bernard Clerc (AdG). Je n'ai rien à redire à l'exposé de mon collègue Dupraz...

M. John Dupraz. Adhérez à mon parti!

M. Bernard Clerc. C'est la proposition que j'allais vous faire ! Mais il est vrai que parfois il est difficile de passer d'une analyse générale à son application concrète sur le plan cantonal !

L'intervention de Mme Polla m'a consterné. Ce n'est pas une question de préjugés, c'est une question de faits. Vous transformez les faits, Madame Polla. Les faits, ce n'est pas le transfert de postes de travail du Nord vers le Sud. La réalité, aujourd'hui, c'est qu'un milliard de personnes dans le monde sont sans emploi, et ce majoritairement dans les pays du Sud. La réalité, c'est que quatre cinquièmes du commerce mondial, Madame Polla, se fait au sein des pays de l'OCDE...

Une voix. Les trois quarts !

Le président. Monsieur le député, je vous demande de vous adresser à l'assemblée et pas à Mme Polla.

M. Bernard Clerc. L'assemblée écoute les observations que je fais à Mme Polla. Je m'adresse donc à l'assemblée. Trois quarts de la valeur ajoutée des transnationales est créée dans les pays d'origine de ces transnationales. Ces soi-disant transferts relèvent du mythe. S'il est vrai qu'il y a transfert d'un certain type d'activités, l'essentiel de la production et du commerce mondial reste au sein des pays riches et développés.

Quand vous citez la réussite des pays du Sud-Est asiatique, je crois rêver ! Vous ne lisez pas les journaux, Madame Polla. Allez voir ce qui se passe, aujourd'hui, en Corée du Sud, en Thaïlande, en Indonésie. Dans ce dernier pays, les morts se comptent par centaines, voire par milliers. Nous l'ignorons, parce que l'information ne nous parvient que difficilement. Et vous affirmez la réussite de ce mécanisme ! Vous êtes tout simplement à côté de la réalité.

Je termine en citant un calcul extravagant qui démontre que la fortune cumulée des trois cent cinquante-huit milliardaires dans le monde correspond au revenu annuel de 45% de la population mondiale. A ce niveau, pas de doute, la libéralisation à tous crins est une réussite pour les possédants ! En revanche, elle est catastrophique pour la majorité de la population. (Applaudissements.)

Le président. Je me permets de suggérer à M. Clerc, pour une autre fois, et aux intervenants désireux de s'adresser à une personne en particulier, d'utiliser la troisième personne du singulier. Le règlement sera ainsi respecté. Je les en remercie d'avance.

M. Bénédict Fontanet (PDC). J'ai été soufflé d'entendre notre collègue Dupraz. Dans un élan démagogique qui lui est totalement étranger...

M. John Dupraz. Ce n'est pas démagogique, c'est la réalité.

M. Bénédict Fontanet. Pensez-vous, Monsieur le président, qu'il faille rappeler à M. Dupraz les bons usages que vous souhaiteriez voir suivre dans cette enceinte ? (L'orateur est interpellé par M. Christian Grobet.) Monsieur Grobet, corrigez-moi si je dis des bêtises ! Cela m'arrive souvent, de votre point de vue, et je tâcherai d'éviter...

Une voix. Monsieur Fontanet, vous pouvez vous rasseoir !

M. Bénédict Fontanet. Cette résolution procède d'un mélange des genres. La problématique qu'elle soulève n'a pas tant trait au GATT - cet accord tarifaire sur les tarifs douaniers, les impôts et les taxes, devenu l'Organisation mondiale du commerce - qu'au contrôle de grandes sociétés multinationales qui transforment très largement les Etats et sur lesquelles les Etats n'ont malheureusement que peu de prise puisqu'ils ne peuvent agir que sur le plan national. Je ne pense pas que l'OMC soit responsable de cela.

Les grands accents tiers-mondistes sont, certes, intéressants, mais il n'empêche que la libéralisation du commerce a permis à de nombreux pays de vendre leurs produits sur nos marchés, ce qu'ils n'auraient pu faire auparavant en raison des barrières tarifaires et douanières; que le GATT, maintenant OMC, a permis l'abaissement de ces barrières et l'importation, dans nos pays, de marchandises fabriquées partout dans le monde, y compris dans des pays pauvres et les pays du tiers-monde.

Que ce commerce ne soit pas toujours équitable, c'est possible, mais il n'empêche que sans ces accords une bonne partie des pays du tiers-monde ne pourraient pas exporter leurs matières premières, leurs produits manufacturés ou semi-manufacturés, vers d'autres pays, notamment ceux de l'OCDE, et que cela, indubitablement, est un grand progrès par rapport à ce qui existait auparavant.

Cette libéralisation, aux effets parfois excessifs, a obligé certains pays totalitaires, comme ceux de l'Est et la Chine, à s'ouvrir au monde et au commerce, à se démocratiser. C'est grâce aux pressions commerciales qu'ils se sont ouverts et que leurs habitants se sont en partie libérés. Je tenais à le rappeler ce soir.

M. Claude Blanc (PDC). Bien que marqué par certains excès de langage, ce débat est fort intéressant.

Contrairement à M. Fontanet, je trouve que cette libéralisation, apportée par l'OMC, n'est pas innocente pour tout le monde. Certes, des pays peuvent, aujourd'hui, s'ouvrir au commerce mondial grâce à la suppression quasi totale des barrières douanières, mais ce sont des pays riches qui profitent des conditions de travail existant dans les pays pauvres.

A ce stade, je me tourne vers les auteurs de cette résolution. Quand les Chambres fédérales ont ratifié les accords du GATT, devenu OMC, je m'étais étonné que les milieux agricoles les aient acceptés sans autre. Je m'en étais ouvert à M. Dupraz qui, en tant que grand ponte de l'agriculture suisse, aurait eu là un rôle à jouer. Je m'étais étonné aussi que les milieux de gauche en général, l'Union syndicale suisse et le parti socialiste, par exemple, aient avalé ces accords sans rien dire, accords acceptés, vu le libéralisme ambiant, par le PDC, le parti radical et le parti libéral. Il n'en demeure pas moins que lors de la ratification de ces accords par les Chambres fédérales, personne, mais alors personne, n'a esquissé la moindre tentative de lancer un référendum...

M. Pierre Vanek. Le référendum a été lancé !

Le président. Monsieur Vanek, vous n'avez pas la parole !

M. Claude Blanc. Pourquoi le référendum a-t-il échoué ? Parce que les grandes organisations de gauche ne l'ont pas soutenu ! L'Union syndicale suisse ne l'a pas soutenu ! Le parti socialiste suisse ne l'a pas soutenu ! L'Union suisse des paysans ne l'a pas soutenu !

Alors quand j'entends M. Dupraz dire que le peuple suisse peut s'alimenter à moindres frais parce que les agneaux provenant d'Amérique du Sud ou d'ailleurs sont produits par des éleveurs misérables, je me dis que c'est bien là l'avantage du peuple riche que nous sommes. Personne, et surtout pas les grandes organisations de gauche, n'avait remarqué ce fait lors de la ratification des accords du GATT, parce que tout le monde pensait que l'on vivrait à meilleur compte ... sur le dos des plus pauvres !

A ce moment-là, je n'ai entendu ni le parti socialiste, ni l'Union syndicale, ni l'Union suisse des paysans. Maintenant, on relève des faits qui étaient connus et qui ne doivent rien au hasard. Ils étaient inhérents aux accords du GATT.

Comme mon avis, lui, n'a jamais changé, je protesterai avec vous. Mais vous êtes des Tartuffe !

M. John Dupraz (R). Il est vrai que M. Blanc m'avait demandé, à l'époque, pourquoi nous ne lancions pas un référendum et pourquoi nous ne suivions pas les groupes qui s'apprêtaient à le faire.

Il faut se replacer dans le contexte. A l'époque, les milieux agricoles et l'Union suisse des paysans se voyaient reprocher le capotage de la votation sur l'EEE. Je précise que j'appartiens au comité directeur de l'Union suisse des paysans et que je ne suis pas un ponte de l'agriculture, je suis un simple porteur d'eau... Pour notre image de marque et la crédibilité de notre association et celle des milieux agricoles, nous ne pouvions pas nous lancer dans une affaire qui aurait marginalisé la Suisse encore plus dans ses relations avec les autres pays, alors qu'elle doit les deux tiers de son revenu à ses exportations.

Je tiens à souligner qu'à l'époque, et là je partage l'avis de M. Blanc, aucun syndicat ne s'est prononcé contre ces accords. Pierre Schmidt me disait qu'ils étaient sensationnels et Christiane Brunner, qu'une opposition n'aurait rien changé. Pas plus que les radicaux, le parti socialiste ne s'est élevé contre ces accords. Au contraire, il les a déclarés géniaux, parce que suscitant des règles internationales commerciales propres à engendrer la prospérité dans notre pays. Certes, les plus favorisés jouissent de cette prospérité, mais en tout cas pas ceux situés au bas de l'échelle sociale.

Il ne sert à rien de s'exclure de tels organismes en menaçant de dénoncer ce qui s'y passe. Il faut s'activer intensément en leur sein pour faire changer les choses. Que deviendra la Suisse, sinon un strapontin des organisations mondiales, si nous continuons à nous exclure du concert international des décisions, comme nous le faisons s'agissant de l'Europe - il n'y a qu'à voir l'état de nos négociations bilatérales ! - et à nous exclure de l'ONU où les problèmes mondiaux sont discutés ? En raison de sa stabilité politique, la Suisse ne sera plus qu'un refuge pour les capitaux étrangers. Nous devons vraiment nous engager plus avant. Si j'ai été un peu vif, ce soir, c'est pour avoir vécu cruellement ce dilemme dans ma chair. Les gens que je défends en pâtissent, et c'est pourquoi je me laisse parfois aller à des débordements verbaux. Je présente donc mes excuses à M. Vaucher, mais il ne faut pas me chatouiller sur ce dossier. Cela me met hors de moi tant cette affaire est sérieuse et fait souffrir du monde.

Il ne sert donc à rien d'affirmer qu'il aurait fallu faire ceci ou cela. Il faut se dire que l'OMC existe et qu'elle a sa place à Genève. Par conséquent, nous devrons être actifs dans le cadre des prochaines négociations pour que les choses changent. C'est aux politiques de refuser le diktat mondial des multinationales qui entendent, et c'est normal, maximaliser leurs profits.

C'est aux politiques d'apporter ces correctifs et je regrette que votre résolution soit trop timide à cet égard. Néanmoins, je la voterai, parce qu'elle met un peu les choses au point.

M. Jean Spielmann (AdG). Il est opportun de rappeler les conditions dans lesquelles s'est déroulée la ratification des accords du GATT, lors d'une session tenue à Genève.

Certains se souviendront que la tenue de cette session avait suscité un dispositif policier extraordinaire. Des barrières avaient été dressées à l'encontre de tous ceux qui entendaient manifester contre la transformation du GATT en OMC.

Beaucoup avaient déjà compris les dangers de cette orientation. Elle avait été combattue par des opposants, dont j'étais, notamment aux Chambres fédérales, à cause de ses dispositifs destinés à soumettre aux règles du marché l'ensemble des activités humaines, dont l'agriculture.

Le problème de fond est là, et M. Dupraz a eu raison de le rappeler. Nous devons veiller à ce que les simples lois du marché et du profit n'outrepassent pas les activités humaines, sociales et culturelles. Il est des libertés qu'elles ne sauraient entraver.

Aujourd'hui, la mise en route de cette globalisation, axée uniquement sur l'argent et le marché, provoque des désastres dans les pays du tiers-monde, certes, mais aussi dans les pays développés.

Il est utile de rappeler ces réalités et de se dire que la société ne vit pas seulement de profits financiers et n'a pas pour but de secourir les nantis ! Ils se débrouillent fort bien entre eux, preuve en est le calcul énoncé par M. Clerc ! De son côté, la revue économique de ce mois explique très bien ce résultat.

Il est absolument nécessaire de prévoir des barrières pour que la vie sociale, la vie associative, la vie culturelle aient encore leurs chances face au marché qui envahit tout et nous conduit au suicide culturel, outre la mort de l'environnement. Ce qui se passe aujourd'hui à Djakarta se passera demain dans d'autres régions du monde. Aucun espoir n'est permis dans une société qui ne privilégie que le marché et laisse les humains sur le bas-côté de la route.

Ce soir, il est utile de faire un geste positif et c'est pourquoi j'invite ce Grand Conseil à voter cette résolution.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée à l'OMC.

Elle est ainsi conçue :

Résolution

(367)

concernant le 50e anniversaire de l'OMC-GATT

Vu les nombreuses et légitimes réactions suscitées, plus particulièrement dans les pays défavorisés, par la politique commerciale menée sous l'égide de l'OMC, qui se concrétisent par la venue à Genève de personnes d'horizons très divers dans le but de témoigner leur réprobation à l'ordre commercial mondial, à l'occasion du 50e anniversaire de l'OMC-GATT,

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

invite l'OMC

à prendre connaissance de la résolution suivante votée par le Parlement genevois :

A l'occasion du 50e anniversaire de l'OMC-GATT, le Grand Conseil de la République et canton de Genève tient à réaffirmer la vocation de Genève comme lieu d'accueil des organisations internationales et de conférences inter-étatiques visant à favoriser la construction de la paix et une meilleure solidarité entre les peuples.

Dans cette perspective, le Grand Conseil considère que le 50e anniversaire de l'OMC-GATT doit être l'occasion pour cette organisation de faire un bilan sur les effets néfastes de la libéralisation et de la mondialisation de l'économie pour les pays défavorisés et pour les secteurs fragiles de l'économie, dont la préservation est essentielle pour un développement durable et équilibré. Cette occasion doit être saisie pour promouvoir une nouvelle politique en matière de relations commerciales entre les Etats formant la communauté internationale.

Cette politique devrait être fondé, non pas sur l'intérêt des sociétés multinationales à étendre leurs activités et s'approprier les ressources naturelles ainsi que les moyens de productions des pays les plus faibles, mais sur la nécessité de contribuer au renforcement de l'économie de ces pays en préservant leurs intérêts, en favorisant un développement durable et une amélioration significative des rapports économiques entre les pays prospères et les pays défavorisés au profit de ces derniers.

M. Christian Ferrazino (AdG). Permettez-moi une suggestion, Monsieur le président. Je souhaite que Mme Boussina transmette aujourd'hui encore ce projet de résolution à l'OMC pour qu'il en soit pris connaissance à l'ouverture de la séance qui se tiendra lundi. Pour qu'elle lui parvienne en début de séance, lundi, il faut la lui transmettre aujourd'hui.

Le président. Il est pris acte de votre demande. Cette résolution sera transmise à l'OMC.