Séance du
vendredi 20 mars 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
6e
session -
11e
séance
M 1183
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu les conditions de cession à l'Etat de la villa Frommel à la route de Frontenex ;
invite le Conseil d'Etat
- à remettre la villa Frommel, sise route de Frontenex, à disposition d'une activité d'intérêt public ou d'associations sans but lucratif et ne poursuivant pas d'activités économiques.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La villa Frommel devrait être démolie en vertu d'un plan localisé de quartier applicable au Plateau de Frontenex. A la suite d'une modification de ce plan, cette villa a pu être sauvée tout en maintenant, sans changement, les droits à bâtir des propriétaires fonciers, ce qui a justifié qu'elle soit cédée gratuitement à l'Etat, afin que ces derniers ne tirent pas profit d'une mesure d'aménagement du territoire qui avait pour seul but de préserver un élément intéressant du patrimoine genevois.
D'après la presse, cette villa qui devrait selon les conditions du plan localisé de quartier, être affectée à un but d'intérêt public, serait promise à une association patronale, ayant actuellement son siège sans le bâtiment des syndicats patronaux à la rue de Saint-Jean. Outre le fait qu'une telle affectation ne respecte pas les conditions de la cession, elle est choquante dans la mesure où le groupement patronal en cause peut aisément louer des locaux, alors qu'il y a quantité d'associations sans but lucratif qui cherchent des locaux. On pourrait également envisager que cette maison soit mise à disposition du service d'archéologie, à la recherche de locaux, ce qui s'inscrirait dans le motif de la conservation de cette villa. Le Conseil d'Etat est invité à rechercher une solution dans ce sens.
Pour ces raisons, nous vous remercions de bien vouloir renvoyer la présente proposition de motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). Il s'agit d'un projet qui relève de l'ancienne législature et qui vise à remettre la villa Frommel à un syndicat patronal qui siège aujourd'hui à la rue de Saint-Jean, Je m'empresse de dire que je n'ai rien contre les syndicats patronaux... (Brouhaha.) Ce ne sont pas mes amis, Monsieur Halpérin, mais c'est une nécessité au même titre que les syndicats de travailleurs. Cela constitue la meilleure manière de pouvoir adopter, le cas échéant, des conventions collectives et nous sommes en faveur de la représentation des milieux économiques.
La villa Frommel a été sauvée non sans peine et sa cession par les propriétaires est intervenue gratuitement dans le cadre d'un plan localisé de quartier qui prévoit que cette villa doit servir à un besoin d'intérêt public. Il est évident que la remise de cette villa à un groupe économique ainsi que cela a été envisagé ne répond ni aux conditions de la donation ni à celles très claires du plan localisé de quartier.
Ce serait très grave que ces conditions ne soient pas respectées car cela pourrait dénaturer la cession ultérieure de telles villas qui abritent des associations utiles à la collectivité qui, contrairement à ce syndicat patronal, ont peu de moyens pour trouver des locaux. Cela est d'autant plus d'actualité que notre Grand Conseil va traiter précisément une motion qui met en évidence les besoins en locaux du monde associatif à Genève; c'est bien ce secteur qui doit être privilégié pour l'attribution de telles maisons.
M. Florian Barro (L). La motion qui vous est proposée demande que l'usage de cette villa soit fait conformément au PLQ qui fait mention notamment de l'intérêt public. Les motionnaires proposent que cette villa soit attribuée à une activité d'intérêt public ou à une association sans but lucratif. Il faut savoir que l'association patronale dont il est question est sans but lucratif; ses statuts mentionnent des buts d'intérêt public tels que la formation et le perfectionnement professionnel. L'Etat a pris un engagement de principe avec cette association et cette dernière devrait élargir ses buts afin de respecter la clause d'intérêt public en organisant - par exemple - des expositions ou en créant différentes activités compatibles avec cette exigence.
L'exposé des motifs souligne que le groupement patronal concerné peut aisément payer un loyer. Il nous semble que l'Etat n'a pas les moyens de rénover cette villa. La mise à disposition prévoit la prise en charge par cette association de l'investissement, du loyer et des frais d'entretien. A terme, l'Etat retrouverait une maison rénovée sans avoir besoin d'investir. C'est un point intéressant qui permettrait d'augmenter le patrimoine de l'Etat mais c'est aussi paradoxal puisque, récemment, certains d'entre nous voulaient refuser ce même type de disposition pour la commune de Plan-les-Ouates dans le cadre du périmètre du vélodrome.
D'autre part, dans le précédent débat concernant le cycle de Montbrillant, M. Grobet avait évoqué l'idée de faire un appel d'offres public pour la rénovation de la villa Roux. Si l'Etat n'a pas les moyens de rénover cette villa Frommel, il est possible d'imaginer une disposition similaire pour cette villa. Peut-être qu'une institution, qui ne couvrirait pas entièrement les buts d'intérêt public, se proposerait pour une telle rénovation en garantissant à terme le retour à l'Etat une fois le droit de superficie épuisé.
Je propose de modifier l'invite unique actuelle en supprimant les termes : «et ne poursuivant pas d'activités économiques», ne serait-ce que pour permettre à l'éventuel locataire de pouvoir vendre quelques produits afin d'obtenir un minimum de roulement ou de mieux diffuser ses informations. Dans le cadre d'une invite supplémentaire, je vous propose d'étudier une modification éventuelle de l'affectation de la villa en respectant les exigences du PLQ. Selon le choix du Conseil d'Etat, cette nouvelle disposition permettrait de respecter la deuxième partie de l'invite N° 1 en affectant la villa à des associations sans but lucratif mais ne défendant pas systématiquement un but d'intérêt public.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il est exact qu'il y a eu en 1997 des contacts avancés avec l'Association genevoise des architectes concernant la villa Frommel. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'accord ou d'engagement définitifs signés avec cette association. D'autres partenaires potentiels se sont également intéressés à cette villa; en définitive cela pose assez simplement la question du choix : faudra-t-il choisir, le cas échéant, une association oeuvrant dans le domaine social plutôt que dans celui de la formation ou de l'art ?
J'envisage de poser clairement les conditions d'utilisation de cette maison afin que tous ceux qui seraient intéressés puissent se faire connaître. La mise à disposition serait décidée sur la base d'une concurrence ouverte. Le cahier des charges devra faire mention obligatoirement des travaux de remise en état estimés à environ deux millions. Il n'est pas forcément souhaitable que ces travaux grèvent le budget de l'Etat. Le plan localisé de quartier actuel précise que cette maison est affectée à des activités d'intérêt public. Cette définition m'apparaît suffisamment claire et il faut s'y tenir. Je ne suis, par conséquent, pas d'accord avec la deuxième invite de M. Barro qui va dans un autre sens. La motion doit être limitée à l'application des exigences du PLQ, sans y ajouter d'autres conditions. Je vous suggère d'accepter l'amendement de M. Barro sur la première invite et de supprimer : «et ne poursuivant pas d'activités économiques ». Prenons l'exemple d'une école qui, dans un cadre d'intérêt public, dispense une formation tout en poursuivant des activités économiques. Je vous propose d'accepter la modification de la première invite par M. Barro et de rejeter en revanche sa deuxième invite.
M. Christian Grobet (AdG). Je remercie M. Moutinot pour sa prise de position, notamment en ce qui concerne le respect des conditions du plan localisé de quartier. Je pense également qu'il ne serait pas acceptable de supprimer la condition qui a permis précisément de céder la maison gratuitement. Je persiste à dire, Monsieur Barro, qu'il serait choquant vis-à-vis des personnes qui ont cédé la maison de changer les conditions.
D'autres manipulations de ce genre ont eu lieu à Genève dans le cadre de donations; la notion d'intérêt public peut être interprétée de manière relativement large. Il convient de supprimer le terme «d'activités économiques» dans la mesure où cette disposition était prévue pour éviter l'attribution des locaux à une société ne répondant pas à l'utilisateur type. A mon avis, un syndicat patronal ne répond pas à ces exigences. Je trouve intéressant la proposition d'un appel d'offres public. La priorité devrait être accordée à des personnes qui cherchent des locaux depuis un certain temps et qui ont des difficultés à en trouver. Cela ne m'apparaît pas être le cas de l'AGA. Il faut privilégier...(Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...une rénovation légère. Il y aurait certainement diverses solutions moins coûteuses que le montant de deux millions articulé pour les travaux de rénovation. Je demande formellement à M. Moutinot d'examiner, de même que pour la villa Roux, l'hypothèse de recourir à des ateliers de chômeurs lorsqu'il n'y a pas d'intérêt lucratif concernant l'attribution du bâtiment.
Une expérience extrêmement intéressante a été menée par la Ville de Genève pour la rénovation des serres de la propriété Rothschild qui appartient à l'Etat. A mon sens, la FOBB et le SIB auraient souhaité qu'il y ait davantage d'ateliers de chômeurs. C'est un des exemples où ce genre d'intervention pourrait être utilisé.
M. Florian Barro (L). Si une modification du PLQ devait être envisagée, elle pourrait très bien avoir lieu selon la procédure prévue. Je comprends moins bien l'idée de refuser cette deuxième invite dans la mesure où M. Grobet tient un double langage : il est d'accord avec le principe de respecter la clause d'intérêt public mais, en revanche, les associations sans but lucratif, qui figurent dans la deuxième partie de la première invite, devraient également respecter l'intérêt public intégral. Il me semble que, dans le cas présent, il sera peut-être difficile de trouver une association sans but lucratif qui réponde entièrement à cette disposition. Il m'apparaît souhaitable d'offrir une certaine souplesse au Conseil d'Etat dans la recherche de locataires et surtout de personnes susceptibles de l'aider à rénover cet objet. Je vous propose donc de voter ces modifications.
M. Olivier Vaucher (L). Si cette villa peut être occupée par un certain nombre d'associations sans but lucratif, voire attribuée à certains groupes associatifs qui cherchent des logements, il m'apparaît peu plausible que ces derniers disposent des moyens nécessaires pour investir deux millions pour la remise en état de ce bâtiment. Bien que M. Grobet ait été - en son temps - très largement coutumier des dépassements de crédit, sa proposition de motion souligne néanmoins que le but de cette cession est de préserver un élément intéressant du patrimoine genevois.
Il ne m'apparaît pas possible de confier à des groupes de chômeurs non qualifiés la restauration d'un bâtiment qui devrait faire partie du patrimoine genevois. Celle-ci devrait être entreprise d'une façon très sérieuse par des spécialistes. Il est vrai que nous avions participé professionnellement aux travaux des serres mais il n'est pas possible de multiplier ce genre d'expériences. Il serait préférable de faciliter la réintégration des chômeurs dans les entreprises qui effectuent ces travaux plutôt que de créer des structures parallèles occupant des demandeurs d'emploi.
Il y a un certain nombre de contradictions dans ce que dit M. Grobet. Pour pouvoir mettre cette villa à disposition de groupes associatifs ou autres, il faudrait que ces derniers disposent des moyens financiers nécessaires à la restauration d'un objet digne d'être préservé en tant qu'élément intéressant du patrimoine genevois.
Le président. Je mets aux voix l'amendement proposé par M. Barro consistant à supprimer la phrase : «...et ne poursuivant pas d'activités économiques.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Je mets aux voix la deuxième partie de l'amendement qui consiste à remplacer la phrase qui vient d'être supprimée par :
«...capables d'assumer les charges financières et d'entretien de la rénovation »
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je mets aux voix le deuxième amendement proposé par M. Barro, qui consiste à ajouter une deuxième invite à la motion, à savoir :
« - à étudier dans le cadre du PLQ une modification éventuelle de l'affectation de la villa.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Je mets aux voix la motion dans son ensemble telle qu'amendée.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1183)
concernant la villa Frommel
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu les conditions de cession à l'Etat de la villa Frommel à la route de Frontenex ;
invite le Conseil d'Etat
- à remettre la villa Frommel, sise route de Frontenex, à disposition d'une activité d'intérêt public ou d'associations sans but lucratif.