Séance du
vendredi 23 janvier 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
4e
session -
3e
séance
M 992-A
Sous la présidence de MM. Michel Ducret puis Pierre Ducrest, la commission des transports a traité la motion 992 dans ses séances du 5 et 12 décembre 1995. Lors de cette séance-ci, il avait été convenu que cette motion serait traitée avec le RD 245 traitant de l'exercice 1993 et 1994 de la fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement, ce que le rapporteur avait en définitive omis. Les travaux ont donc repris le 18 juin 96 pour être finalisés le 23 septembre 1997.
M. Jean-Claude Genecand l'avait déposé le 23 mars 1995. La commission des transports en avait fait régulièrement état lors de ses travaux de commission, notamment lorsque ceux-ci évoquaient la problématique des parkings et toujours en présence de son auteur.
I. Les arguments de M. Jean-Claude Genecand, motionnaire
Il poursuit deux buts essentiels :
1. faciliter le chargement et le déchargement des marchandises par le commerçant et
2. permettre à son client de procéder à l'enlèvement de ses achats.
C 2000 reconnaît depuis 1992, la nécessité, de développer des trottoirs élargis avec des obstacles mobiles pour les commerçants. Cependant, le coût de ces investissements fait reculer la réalisation d'un tel programme. Il constate que nous semblons continuer de croire à la nécessité du plus grand luxe possible pour Genève en mettant en place par exemple des trottoirs en granit surbaissé. Ce dossier est aussi difficile à faire avancer puisqu'il nécessite l'accord des communes et donc souvent de la Ville, dont les finances nécessitent des choix n'allant pas forcément dans ce sens.
Mais dans le cadre de la loi sur les macarons, C 2005 et Mobilité 2005, prévoient que les commerçants et les artisans soient au bénéfice d'une procédure spécifique. Mais combien et quels véhicules par entreprises pourraient en disposer ? Il souhaiterait que soit repris les critères de la taxe professionnelle qui prend en compte, précisément, le nombre de salariés de l'entreprise.
Il aimerait aussi que la police soit mieux présente et collabore avec les agents municipaux afin de rendre les cases jaunes à leur ayant-droit.
Il constate enfin que des arcades vides et couvertes d'affiches se font de plus en plus nombreuses en ville, ce qui n'est pas précisément un signe de santé économique pour Genève.
II. Audition de M. Gilles Desplanches, président de la Fédération
des artisans et commerçants
Genève compte environ 3500 entreprises dont 2600 emploient moins de 10 personnes. Le commerce genevois se porte mal. En effet, la cherté du franc, la concurrence des grandes surfaces, y compris en France voisine, et les difficultés d'accès peuvent lui être fatale. Son souci est de pouvoir faire et recevoir les livraisons sans gêner la circulation et permettre à la clientèle d'accéder aux leurs magasins en évitant la double-file.
Il considère les zones piétonnes comme idéales: les commerçants peuvent effectuer leurs livraisons avant 11 heures, alors qu'ailleurs ils bloquent la circulation. Par ailleurs, les clients ont des transports publics très performants à proximité. Malheureusement 9 commerces sur 10 ne bénéficient pas de tels avantages.
Il regrette que les cases jaunes soient si peu nombreuses et souvent occupées par des voitures-ventouses non sanctionnées. Il souhaiterait quant à lui deux types de cases,
1. d'une part des cases jaunes réservées à la clientèle et
2. d'autre part des places pour les véhicules de livraison, toujours à proximité des commerces.
Force est de constater que les clients veulent leur voiture pour faire leurs achats. Les grandes surfaces l'ont bien compris, qui mettent, elles, des parkings, parfois immenses à disposition de leur clientèle. Une politique contraire aux petits commerçants et artisans, conduiraient la ville à une lente asphyxie avec, à la clef, la perte irremplaçable du rôle social du petit commerçant qui, aujourd'hui, continue de servir une clientèle parfois défavorisés et isolée comme peuvent l'être les personnes du troisième ou du quatrième âge. Pour ces gens, un déplacement en périphérie peut présenter un obstacle insurmontable.
III. Discussion et vote
A. Cases jaunes, cases interdites au parcage
La problématique de cette motion tourne autour des « cases jaunes » qui s'appellent en fait dans leur dénomination officielle des « cases interdites au parcage ». Cette dénomination rappelle le but initial de ces emplacements réservés à la seule possibilité d'un arrêt momentané. Or, le but recherché a été détourné dans les faits, sans doute en raison de l'absence d'un contrôle aisé. En effet, aujourd'hui tous les véhicules ont le droit de s'arrêter sur ces emplacements. Ils y restent parfois un temps indéterminé, car, le contrôle de la durée de cet arrêt s'avère bien difficile : les contractuels devraient passer et repasser continuellement autour de ces places afin de s'assurer de leur usage.
B. Une alternative: la zone piétonne
La commission reconnaît l'intérêt du développement des zones piétonnes afin de favoriser le commerce de détails et les artisans qui jouent, l'un et l'autre, un rôle primordial dans l'animation des rues. Mais pour que ces zones restent attractives, il est nécessaire qu'elles soient desservies par des mesures d'accompagnement tels que des transports publics efficaces et des parkings proches en suffisance et destinés aux clients des commerces.
Ainsi, tous les commerçants ne peuvent pas être concernés par une zone piétonne. D'autres mesures doivent être encore envisagées.
C. Un meilleur contrôle de la durée d'arrêt
La commission soutient les efforts du Conseil d'Etat qui souhaiterait renforcer le corps des contractuels, leur nombre passant prochainement de 35 à 70. Mais, pour que leur action soit mieux comprise, il s'agirait d'améliorer aussi le cadre réglementaire de ces « cases interdites au parcage ».
D. Mise en place d'une nouvelle réglementation ?
La commission a essayé de concilier essentiellement les deux buts suivants: il est nécessaire que
1. les commerçants puissent livrer sans gêner la circulation et
2. leurs clients, réellement bénéficier de zones de parcage de courte durée.
La solution consisterait en un disque de parcage spécifique et taxé pour chaque véhicule en fonction de leur usage. En effet, les horodateurs ne remplissent pas la condition de pouvoir différencier le temps d'arrêt en fonction des taches spécifiques des usagers.
Par exemple, les livreurs disposeraient de places réservées à leur intention dont le temps d'arrêt serait fonction de leur d'activité. Un marchand de fleurs ne pourrait y rester que très peu de temps alors que le plombier y serait plus longtemps.
Pour les autres usagers, une solution du même type permettrait de charger leurs achats sur ces places
Cette mesure serait accompagnée d'une signalisation claire de l'usage des cases jaunes, notamment pour nos hôtes de passage afin d'éviter les squats et de faciliter les contrôles de police. Ainsi, la commission espère le meilleur usage possible de ces places en entraînant un rendement maximal. Cet objectif est celui du Conseil d'Etat dans sa politique générale du stationnement.
Ce type de réglementation donnerait aussi une meilleure définition à nos rues marchandes.
Ces places devraient être aussi développées dans les zones de grand trafic régulièrement perturbées par les double-file.
E. Note discordante
Certains membres de la commission s'inquiètent du trafic privé qu'amèneraient ce type de solution. Pour d'autres, l'intérêt général dicte une meilleure prise en compte des intérêts de l'ensemble des commerçants.
F. Conclusions
Le texte de la motion est volontairement peu précis afin de donner toute latitude à notre exécutif d'étudier une solution pratique tenant compte des différents courants d'opinion de notre République. Le vote se portant sur les invites, la commission n'a pas jugé utile de modifier les considérants, bien qu'ils ne soient plus jugés comme d'actualité.
L'unanimité des membres de la commission, souhaite ainsi votre soutien à la motion 992 remaniée de cette manière :
Proposition de motion
pour une zone de parking devant le commerce de l'artisan
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant
- le rôle convivial et d'animation que joue le commerce de détail dans la vie de quartier ;
- que les voitures ventouses bloquent l'accès des fournisseurs et des clients aux commerces indépendants ;
- qu'une partie de la clientèle motorisée privilégie les grands centres commerciaux, aux dépens du commerce de détail faute de pouvoir s'arrêter devant celui-ci;
- que la crise fragilise certains commerces;
invite le Conseil d'Etat
- à étudier les moyens de faire respecter la mise à disposition temporaire et différenciée d'emplacements réservés, selon les besoins professionnels des artisans et commerçants;
- à intégrer, dans la mise en application de la loi sur les macarons, des solutions en vue d'assurer les activités professionnelles (livraison, réparations, soins, etc.).
Débat
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Je dois reconnaître une erreur qui est de mon fait. A la page 6, deuxième invite, un mot manque. Il faut comprendre : «à intégrer, dans la mise en application de la loi sur les macarons des solutions en vue d'assurer les activités professionnelles...».
Mme Christine Sayegh (S). En relisant le rapport tout à fait clair de M. le député Froidevaux, nous avons également apprécié, en page 3, la rubrique : «Une alternative : la zone piétonne».
Actuellement, la zone piétonne est acceptée par les magasins de détail qui ont compris que c'est également intéressant pour les consommateurs et les clients de pouvoir venir sans voiture.
C'est pourquoi nous vous proposons une invite supplémentaire qui serait libellée ainsi :
«- à réaliser de véritables zones piétonnes dans les périmètres à forte concentration de commerces de détail.»
Cela va dans le sens du rapport.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Si je peux partager la préoccupation de Mme la députée Sayegh et son enthousiasme pour les zones piétonnes, je souhaiterais cependant que cet amendement ne soit pas retenu.
En effet, dans le texte déposé par M. Jean-Claude Genecand, il s'agissait d'un problème spécifique concernant les commerçants, et non le problème des zones piétonnes, beaucoup plus vaste et plus complexe. Pour la bonne ordonnance de nos travaux et pour éviter qu'une motion ne soit détournée de son objectif essentiel, j'aurais, Madame la députée, préféré que l'on vote cette motion telle qu'elle vous est proposée et que le rapporteur vous l'a présentée, sans prendre en considération un amendement qui me paraît complètement dépasser le cadre de cette motion.
Je m'en remets, bien sûr, à votre décision, mais je souhaiterais que cet amendement ne soit pas retenu; il me paraît trop important.
M. Gilles Desplanches (L). Le texte proposé concernait surtout les difficultés que les commerçants rencontrent pour effectuer leurs livraisons.
Pour que le commerce de détail survive, il doit s'adapter, et les livraisons à domicile doivent être effectuées.
C'est dans ce but que M. Genecand a déposé cette motion. But que nous devons respecter, sans dériver.
Mme Véronique Pürro (S). Je suis un peu étonnée, à la fois des propos de M. Ramseyer et de ceux de M. Desplanches.
En lisant le rapport et en prenant connaissance des propos de M. Desplanches - il n'avait pas encore sa casquette de député mais s'exprimait en tant que président de la Fédération des artisans et commerçants - qui « considère les zones piétonnes comme idéales», nous avons considéré qu'il était dommage de ne pas profiter de cette dynamique et de ne pas utiliser les propos du représentant des intérêts des commerçants pour amender la proposition.
En effet, on assiste à une quasi petite révolution dans les mentalités : jusqu'à présent, il a toujours été impossible de fermer une rue pour la rendre piétonne, les commerçants s'y opposant. Or nous sommes une des rares villes dignes de ce nom qui n'ait pas une zone piétonne en son centre.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Il est effectivement regrettable de voir cette motion - qui a toujours été traitée dans la problématique des parkings - dériver vers un problème de zone piétonne.
M. Desplanches a certes reconnu en commission l'utilité de la zone piétonne comme élément important pour le commerce et l'artisanat et pour valoriser l'ensemble des commerces autour d'une zone, mais ce n'est pas une raison pour considérer qu'elle peut être implantée partout.
Le but de cette motion est de régler la problématique des «places jaunes». Cette appellation correspond, selon la loi sur la circulation routière, à la notion de places interdites au parcage. Elles sont donc réservées à l'arrêt et non au parking. Or, elles n'ont actuellement pas de réglementation suffisante pour être contrôlées : on y trouve des « voitures ventouses » qui gênent la circulation. Cela va à l'encontre du but de ces places jaunes et contraint les commerçants à stationner en double file.
Cette motion tend à rendre la circulation plus libre, à redonner vie à la ville et à régler l'activité de l'artisanat et des commerces en imaginant un système de macarons qui soient spécifiques à l'activité des uns et des autres. La ménagère doit pouvoir accéder au magasin, charger et décharger rapidement ses emplettes. Le fleuriste, livrer. L'infirmière des soins à domicile, se rendre au chevet de son patient. Le plombier, faire ses réparations.
Voilà la problématique qui sous-tend cette motion. Il serait désagréable et gênant que les travaux en commission soient détournés de leur objectif, que cela n'aille pas dans le sens des auditions, ni dans le sens voulu politiquement à l'unanimité par les membres de la commission.
Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de renoncer à cet amendement qui dénaturerait effectivement trois ans de travail de la commission des transports.
M. Gilles Desplanches (L). Lors de mon audition, nous avons parlé de plusieurs choses, et j'ai relevé l'effet intéressant des zones piétonnes pour certains types de quartiers. Malheureusement, je constate que dans les trois quarts des quartiers de la ville les zones piétonnes ne sont pas possibles.
A certains endroits, trois ou quatre commerçants vivotent - survivent plutôt - grâce aux livraisons à domicile. Le but de cette motion est donc avant tout de permettre à ce type de commerces en train de dépérir de continuer de servir la clientèle. Pour cela, une place de stationnement est indispensable pour les allées et venues. Il ne s'agit pas d'une place mise à la disposition du commerçant pour parquer sa voiture mais pour lui permettre de travailler.
Aujourd'hui, les trois quarts des places jaunes devant les commerces sont occupées du matin au soir par des voitures ventouses qui empêchent les exploitants d'effectuer leurs livraisons à domicile et les contraignent à se parquer en double ligne.
Cela n'a rien à voir avec les zones piétonnes, sujet qui doit être traité dans un autre cadre.
M. Nicolas Brunschwig (L). Je partage en partie l'opinion émise par Mme Pürro, mais, pour réaliser de véritables zones piétonnes, il faut s'entendre sur les définitions et les conditions.
La première, c'est de pouvoir s'y promener sans craindre d'être écrasé par un bus ou un tram.
La deuxième, c'est qu'elles soient conviviales.
La troisième, ce sont les parkings de proximité.
Le jour où, Madame, vous nous proposerez des zones piétonnes correspondant à ces caractéristiques et telles qu'elles existent dans un certain nombre de villes en Europe, en particulier à Lyon, nous vous suivrons !
Mais quand votre groupe politique s'oppose à un parking tel que celui de la place Neuve, nous pouvons avoir quelques doutes sur votre volonté de réaliser de vraies zones piétonnes.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je ne vois pas que l'amendement proposé par Véronique Pürro contredise en quoi que ce soit la motion. Effectivement, cela dépend de la façon de voir les zones piétonnes. Mais, a priori, il n'y a pas de raison pour qu'une zone piétonne empêche le stationnement du commerçant lui-même sur une case jaune.
Il existe plusieurs formes de zones piétonnes : certaines ne sont pas complètement «étanches» aux voitures. C'est le cas de Lyon, que M. Brunschwig mentionnait, où les commerçants peuvent parquer leurs camionnettes devant leurs magasins pour effectuer les livraisons à domicile.
C'est une question d'intelligence et d'interprétation de la circulation en ville. Cet amendement ne contredit pas la motion; elle ne va pas du tout en sens inverse. Vous-même, Monsieur Froidevaux, vous parlez des zones piétonnes dans votre rapport, et vous n'en parlez pas de façon hostile. Les deux choses ne sont donc pas forcément antinomiques.
Il s'agit donc d'une question à étudier.
Le président. Je mets aux voix cette proposition d'amendement, présentée par Mme Pürro, qui consiste à ajouter une invite dont la teneur est la suivante :
«- à réaliser de véritables zones piétonnes dans les périmètres à forte concentration de commerces de détail.»
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
pour une zone de parking devant le commerce de l'artisan
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant
- le rôle convivial et d'animation que joue le commerce de détail dans la vie de quartier ;
- que les voitures ventouses bloquent l'accès des fournisseurs et des clients aux commerces indépendants ;
- qu'une partie de la clientèle motorisée privilégie les grands centres commerciaux, aux dépens du commerce de détail faute de pouvoir s'arrêter devant celui-ci;
- que la crise fragilise certains commerces;
invite le Conseil d'Etat
- à étudier les moyens de faire respecter la mise à disposition temporaire et différenciée d'emplacements réservés, selon les besoins professionnels des artisans et commerçants;
- à intégrer, dans la mise en application de la loi sur les macarons, des solutions en vue d'assurer les activités professionnelles (livraison, réparations, soins, etc.);
- à réaliser de véritables zones piétonnes dans les périmètres à forte concentration de commerces de détail.