Séance du
jeudi 22 janvier 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
4e
session -
1re
séance
IU 426
M. Alberto Velasco (S). Mon interpellation urgente est adressée à M. le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer. Elle concerne l'article paru dans la «Feuille d'avis officielle» du 5 janvier 1998 sur la commémoration de la Restauration genevoise.
Votre allocution débute avec une «revisitation» de notre histoire - la bonne, la glorieuse ! - et se termine par un souhait un peu moins glorieux.
En effet, vous avez déclaré souhaiter «...plus de sérénité aussi dans la ";revisitation" de notre histoire récente, car il y a une indécence, selon vous, dans cet enthousiasme malsain à noircir complaisamment les façades de notre passé.»
Sachez, Monsieur le conseiller d'Etat, que ces façades ont été noircies par ceux-là même qui, aujourd'hui, continuent à les noircir en jetant complaisamment des milliers de travailleurs hors de leur emploi. Ils se comportent comme dans ce passé revisité, en se remplissant les poches et en faisant fi de toute éthique humaine et sociale.
Vous parlez de «revisitation». Ce terme étant absent de notre dictionnaire, j'en déduis que vous insinuez que notre passé aurait déjà été visité. C'est vrai, notamment avec le rapport Ludwig, sorti en 1955, et porté à la connaissance du parlement national sans que celui-ci ait jugé bon de lui donner une suite. Et aussi par M. Jean-Baptiste Mauroux qui, au terme de ses recherches, publia un ouvrage sur ce passé, ce qui le força à s'expatrier en 1968.
Il a fallu que les Américains, pour de sombres raisons de compétitivité de places financières, revisitent notre histoire pour que nous prenions enfin connaissance, sans enthousiasme, de cette noirceur.
Sachez, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il est plus salutaire, pour un peuple, de visiter son histoire - difficile, il est vrai - avec un peu de sérénité que d'être atteint, en l'ignorant, d'amnésie historique.
Dans le dernier cas, l'histoire a plusieurs fois démontré ce qu'il advient des démocraties. Comment concevoir un futur sans prendre acte d'un passé noirci par ceux qui détenaient le pouvoir politique et financier ! Si j'utilise les termes «prendre acte» c'est parce que les citoyens, à qui on avait caché ces agissements, n'ont pas à les assumer.
La Suisse, Monsieur le conseiller d'Etat, a des dettes historiques qui ne peuvent pas simplement être compensées par de l'argent.
Contrairement à ce que vous prétendez, pour un certain nombre d'entre nous, il n'est ni enthousiasmant ni malsain de revisiter cette histoire. Car c'est vrai, nous le faisons sans animosité, mais avec responsabilité.
Je demande au président du Conseil d'Etat de rectifier ses propos, ne serait-ce que par égard pour les personnes qu'ils ont pu blesser.