Séance du
jeudi 3 octobre 2024 à
17h
3e
législature -
2e
année -
5e
session -
27e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assistent à la séance: Mmes Carole-Anne Kast et Delphine Bachmann, conseillères d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers, Anne Hiltpold et Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Masha Alimi, Michael Andersen, Thierry Arn, Diane Barbier-Mueller, Marjorie de Chastonay, Virna Conti, Joëlle Fiss, Adrien Genecand, David Martin, Xhevrie Osmani, Charles Poncet, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Anne Carron, Uzma Khamis Vannini, Patrick Lussi, Philippe Meyer, Daniel Noël, Frédéric Saenger et Nicole Valiquer Grecuccio.
Communications de la présidence
Le président. Je tiens une nouvelle fois à féliciter notre collègue Celine van Till, qui a gagné deux médailles d'argent aux Jeux paralympiques de Paris 2024. Elle a également remporté, cette année encore, le championnat du monde du contre-la-montre en paracyclisme ainsi que la seconde place des championnats du monde sur route à Zurich. Nous pouvons l'applaudir ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.)
Des voix. Bravo !
Correspondance
Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été envoyé par messagerie. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier d'un Collectif d'associations et assemblées chrétiennes intitulé : Antisémitisme à Genève alimenté par l'importation du conflit Israélo-Palestinien (C-4146)
Le président. La parole est sollicitée par M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je demande la lecture du courrier 4146. Merci.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon. Je remercie Mme de Planta de procéder à cette lecture.
Annonces et dépôts
Le président. Mesdames et Messieurs, vous avez reçu par messagerie une nouvelle version de l'initiative 194, avec un nouveau texte et de nouveaux délais de traitement suite à un recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice. Elle portera dorénavant le numéro IN 194-CJ. Cette initiative est renvoyée à la commission judiciaire et de la police.
La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition : Non à la fermeture partielle de la route de Ferney et au transit automobile dans les chemins communaux et non à l'abattage des arbres du Chapeau-du-Curé (P-2223)
Le président. Quant à la pétition suivante, elle est retirée par ses auteurs:
Pétition : STOP au mépris et à la disqualification des femmes candidates en politique ! STOP au sexisme et à la misogynie ! (P-2212)
Le président. Avant de passer au prochain point, nous souhaitons un joyeux anniversaire à notre deuxième vice-présidente, Mme Dilara Bayrak ! (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la R 996-A, classée en catégorie II, trente minutes. La parole échoit à M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette affaire a été traitée par la CACRI, le rapport date du mois de septembre 2022. Souvenez-vous, c'était à l'issue de l'envahissement de l'Ukraine par les troupes russes et de toutes les restrictions imposées à notre pays. Cette proposition de résolution demande à l'Assemblée fédérale de déclarer l'interdiction de l'importation de combustibles provenant d'entreprises majoritairement en main des Russes, dans lesquelles, vous le savez, des sociétés suisses détiennent des participations.
Au-delà de la dimension morale face à ce qui se passait - et se passe toujours, malheureusement - en Ukraine, il avait été déterminé qu'il fallait tout de même assurer un certain minimum. Notre population devait-elle vraiment subir ce qui s'apparentait presque à des pratiques d'une économie de guerre ? Non pas que nous ayons été directement touchés, mais il fallait édicter des mesures de restriction, interdire certaines choses.
Pour l'Union démocratique du centre, il ne s'agissait pas de soutenir la politique - ou du moins les volontés - du gouvernement russe, mais surtout d'essayer de limiter les pénuries et l'augmentation des prix, de garantir une stabilité à nos citoyens suisses, parce qu'il était question de pétrole: il n'y a pas que les voitures, il y a également le chauffage, et on se trouvait à l'entrée de l'hiver.
Ainsi, avant de penser que si nous nous opposons à cette résolution, c'est pour soutenir un pays et un régime qui, du reste, ne sont pas les nôtres, gardons ceci à l'esprit: de temps à autre, il convient de savoir moduler nos actions en fonction de ce qui se passe à l'extérieur en se préoccupant avant tout du bien-être de notre population, surtout quand il s'agit d'une énergie nécessaire et vitale pour avoir un peu de chauffage chez soi ou pour se déplacer.
A cet égard, vous remarquerez que je ne mentionne délibérément pas le transport commercial, bien que ce soit aussi indispensable dans ce domaine. En effet, s'il n'y a plus ou pas suffisamment de carburant dans les camions, il devient difficile ne serait-ce que d'approvisionner nos supermarchés en nourriture.
Il n'est pas question de donner de grandes leçons de morale, j'essaie juste d'expliquer pourquoi l'Union démocratique du centre estime que ce texte n'est pas judicieux et que son adoption ne correspondait pas à nos intérêts. C'est la raison pour laquelle nous défendons le rapport de majorité. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs, cette résolution a été déposée dans les premiers jours, pratiquement, de la guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine. Nous avions demandé qu'elle soit votée sur le siège, mais une majorité l'avait malheureusement renvoyée à la commission des affaires communales, régionales et internationales. Dans les semaines suivantes, l'Union européenne décidait des mesures correspondant à la première invite et la Suisse lui succédait. On peut dès lors reconnaître à ce texte un côté, je dirais, presque précurseur.
Cette première invite consiste à «déclarer l'interdiction de l'importation de combustibles fossiles provenant d'entreprises majoritairement en mains de la Russie, ou appartenant à des personnes qui entretiennent des relations étroites avec le Kremlin». Dont acte. Cette mesure a été mise en oeuvre; merci, l'Union européenne, et dommage pour le Grand Conseil de Genève qui aurait eu l'occasion de se saisir de cet enjeu, s'illustrant peut-être comme l'un des premiers parlements à prendre position.
La deuxième invite - et c'est là-dessus que se basera l'argumentation de la minorité - demande quelque chose de très raisonnable: «développer rapidement d'autres sources d'approvisionnement énergétique, et particulièrement en énergies renouvelables issues de sources indigènes et durables (énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, biomasse, à distance)». Vous en conviendriez, rien dans cette proposition ne pourrait vous amener à la refuser. Même M. Lussi, rapporteur de majorité, a évoqué la souveraineté nationale et l'importance pour chacun de pouvoir se chauffer. Il faut bien évidemment soutenir cette deuxième invite et donc la résolution tout court.
En effet, le risque de pénurie de pétrole est assez important. Voyez ce qui se passe toujours en Ukraine et les difficultés d'approvisionnement en pétrole russe, même si, malheureusement, il continue d'arriver par des canaux détournés grâce à des personnes mal intentionnées. Les récents développements au Moyen-Orient ainsi que l'éventualité d'une crise majeure avec l'Iran risquent de conduire soit à une augmentation massive du prix du baril, soit peut-être à des ruptures d'approvisionnement - vous connaissez la situation en mer Rouge et l'impact des Houthis.
Ce texte précurseur a malheureusement été refusé, mais vous avez ici un deuxième service, une deuxième chance. Aujourd'hui plus que jamais, à l'automne 2024 - et peut-être même plus encore qu'en 2022 - on se trouve devant la même question: allons-nous continuer à baser notre économie - et notre chauffage, comme l'a très bien relevé M. Lussi - uniquement sur le pétrole ou le gaz provenant d'Etats pour le moins peu respectables, voire criminels, ou allons-nous opérer un changement ? A Genève, prenons-nous la responsabilité de pousser cette résolution à Berne et d'aller la défendre en nous basant sur des arguments liés à la sécurité de l'approvisionnement tout comme à l'éthique ? Avec quel Etat devons-nous transiger pour notre approvisionnement énergétique ?
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir cet objet. Nous allons déposer un amendement pour supprimer la première invite, ce sera plus clair. Je me réjouis que cette fois, vous ne ratiez pas le coche pour renvoyer cette résolution à Berne. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je viens juste d'apprendre que c'est également l'anniversaire de deux autres députées: Mmes Angèle-Marie Habiyakare et Emilie Fernandez. Tous nos voeux ! (Applaudissements.) La parole est à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, je laisserai notre collègue et ancien conseiller national UDC, comme d'habitude, nous dire tout le mal qu'il pense de ces résolutions élaborées par notre Grand Conseil et dont l'efficacité est assez peu évidente à Berne.
M. Thévoz a souligné que ce texte avait un aspect précurseur; malheureusement, c'était le cas il y a deux ans. En l'occurrence, nous nous trouvons face à l'exemple typique d'un objet qui a été déposé en lien avec une actualité maintenant dépassée, et qui perd tout son sens quelques semaines, voire quelques mois, au mieux, après son dépôt.
Il faut rappeler que le Conseil fédéral a repris la quasi-totalité des sanctions imposées à la Russie par l'Union européenne. Vous vous souvenez que cela a eu pour conséquence que la Russie ne nous considère plus comme un pays ami - peu m'en chaut, d'ailleurs - et a conduit à un vaste débat, qui n'est pas terminé, sur les principes de neutralité appliqués par notre pays.
La deuxième invite dont a parlé le rapporteur de minorité vise à développer des énergies alternatives comme le solaire et les éoliennes. Je pense que l'Assemblée fédérale tout comme le Conseil fédéral sont conscients que c'est nécessaire. Malheureusement, chaque fois qu'un projet de parc éolien ou photovoltaïque est lancé, les mêmes milieux déposent systématiquement des recours et retardent sa mise en place.
La CACRI ne s'est pas trompée quant à la valeur de cette résolution et l'a refusée à la quasi-unanimité, seuls trois socialistes ayant voté oui. Le Centre vous incite à suivre l'avis de la commission. Je vous remercie.
M. Christian Steiner (MCG). Voilà à nouveau une résolution qui s'occupe d'affaires internationales, ce qui n'est pas du ressort du Grand Conseil genevois. A la forme, il faut en effet rappeler que la politique étrangère relève du domaine de la Confédération et qu'un texte d'un parlement cantonal relatif à l'échelon international est inadéquat. C'est la raison pour laquelle nombre de ces résolutions sont refusées, surtout quand les groupes qui les déposent sont représentés à Berne.
Au fond, on s'interroge quant au but des signataires. S'agit-il de collégialité avec notre ministre des affaires étrangères pour affaiblir un peu plus le principe de neutralité et la politique de paix prônés par notre Constitution ? Ou alors est-il question de faire augmenter le prix du combustible fossile afin de diminuer le pouvoir d'achat de la population ? Je les laisserai répondre.
Notons que Genève constitue l'un des pôles mondiaux du multilatéralisme et que la paix ne s'obtient pas en prenant position pour ou contre l'un des belligérants, ce qui est le cas ici. Concernant les sanctions, voici le terme exact employé par les Nations Unies: «mesures coercitives unilatérales». Heureusement, le cadre légal ne permet pas à la Suisse de prendre seule de telles mesures.
A ce propos, j'aimerais montrer ce qu'impliquent vraiment des sanctions commerciales en prenant un cas concret dans mon entourage. Cuba, le pays le plus sanctionné du monde, n'obtient pas de médicaments ni de pièces détachées pour ses équipements médicaux; eh bien l'un de mes amis, un petit agriculteur indépendant, en raison de cet embargo, de la non-obtention de produits de chimiothérapie, est en phase terminale d'un cancer: il ne va probablement pas finir l'année. Voilà, Mesdames et Messieurs, les conséquences de sanctions qu'une bonne partie de la population suisse soutient, comme on l'a vu dans le cadre de la R 989 - sanctions américaines qui sont reprises avec zèle par notre pays. J'espère que mon exemple est suffisamment parlant.
Concernant la deuxième invite, sur la transition énergétique, on ne fait pas beaucoup de publicité à ce sujet, mais on importe encore très largement des hydrocarbures russes. La Pologne, l'un des pays les plus virulents contre le Kremlin, en a consommé, sauf erreur, pour 720 millions l'an passé et nous-mêmes sommes chauffés avec 80% de combustibles fossiles... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Oui, nous sommes chauffés par du gaz russe, liquéfié en Inde, qui a transité par le Qatar et qui nous est vendu 30% à 50% plus cher. Alors effectivement, il faut accélérer la transition énergétique...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Christian Steiner. ...par exemple en ne fermant pas les...
Le président. C'est terminé.
M. Christian Steiner. Bon, très bien. Merci !
M. Pascal Uehlinger (PLR). En préambule, le PLR, comme l'ensemble des partis ici présents, condamne tout type de conflit armé sur cette planète. Cependant, nous sommes là face à des enjeux géopolitiques dont les compétences relèvent clairement de la Confédération.
Dans l'une de ses réponses, le conseiller fédéral Parmelin indique: «Naturellement, nous pouvons condamner le fossile, nous pouvons condamner le charbon.» Les sanctions sont respectées, vu qu'il y a eu un embargo international sur ces produits, et c'est assez simple de les sanctionner, puisqu'ils ne se trouvent pas dans un système de réseau.
Il est également démontré dans ce courrier que le gaz constitue un problème précisément parce qu'il fait partie d'un réseau: une fois qu'il est mélangé, déterminer quel est le gaz russe par rapport aux autres gaz, c'est compliqué. Voilà pourquoi le gaz russe n'est pas encore sous embargo.
Finalement, on continue à dériver. La semaine dernière, M. Thévoz a dit - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'il fallait que les partis de droite changent de disque, mais on voit dans le cadre des discussions que le disque de M. Thévoz, lui, est toujours aussi rayé: on s'attaque encore une fois à des sociétés comme Trafigura qui paient des impôts. Au PLR, on aime les entreprises qui contribuent fiscalement ! Je ne sais pas comment M. Thévoz peut dormir la nuit sachant qu'une partie de son salaire provient des impôts versés par Trafigura. Pour ces diverses raisons, le PLR refusera cette résolution. J'ai terminé, Monsieur le président, merci.
M. Yves Nidegger (UDC). Monsieur le président, chers collègues, je suis pris d'un vertige existentiel angoissant en me demandant si j'ai encore une quelconque utilité dans ce parlement...
Une voix. Attention à la réponse ! (Rires.)
M. Yves Nidegger. ...tant les propos que j'allais vous livrer ont été spontanément repris par à peu près tous mes préopinants, de sorte que j'envisage une retraite anticipée de la politique... (Exclamations. Applaudissements.) ...ayant réussi, en tout cas sur ce point...
Une voix. Il s'autoflagelle !
M. Yves Nidegger. ...à contaminer un nombre suffisant de mes collègues pour que l'on cesse de renvoyer des résolutions inutiles à Berne.
M. Thévoz nous a expliqué qu'il n'y avait pas de raison de refuser ce texte, parce qu'il ne contient que de bonnes choses, ce qui ne constitue pas encore un argument ni un motif pour l'accepter. D'une part, cette résolution ne sert à rien, et d'autre part, j'ai relu la LRGC dans tous les sens et aucune de ses dispositions ne stipule que ce législatif aurait pour compétence principale celle de s'indigner de l'actualité et d'aller le communiquer à Berne.
Les cours de géopolitique sur l'approvisionnement énergétique que les députés genevois seraient tentés d'aller donner à la Commission de politique extérieure, qui s'occupe de ce sujet à journée faite, sont particulièrement malvenus. Il y a des équipes entières là-dessus, tout comme au Département fédéral de l'économie, notamment pour les recherches d'alternatives - la première année, c'était le gaz. De nombreuses personnes travaillent là-dessus, donc à part se donner de l'importance lorsqu'on en a peu, cet objet ne sert strictement à rien. Je me garderai d'ajouter quoi que ce soit pour ne pas abîmer les propos de bon sens sortis de la bouche de mes préopinants et qui résonnent encore dans cette salle.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci pour le bon accueil réservé à cette résolution... Je déplore que la ligne Nidegger soit largement partagée, mais enfin, ce n'est guère une surprise. Non, mais la faiblesse des arguments amenés ! La deuxième invite - je l'ai montré - est terriblement actuelle en raison des récents développements. Comment ne pas voir que les crises s'accélèrent, que le modèle que nous portons est à bout de souffle, que notre économie est fragile et que la manière dont on se chauffe, pour reprendre l'exemple de M. Lussi, ne tient finalement qu'à un fil, qu'à un missile qui partira ou pas d'un Etat appelé l'Iran vers un pays nommé Israël ? Il faut vraiment être aveugle pour soutenir: «Tout va bien, circulez, ne nous donnez pas de leçons de morale.»
Oui, il serait possible de bouger quelque peu les lignes. La commission n'a pas voulu le faire, elle n'a auditionné personne. Quelqu'un a proposé Public Eye, qui enquête sur la manière dont s'effectue le trading du pétrole; refusé. On aurait pu entendre des faîtières du pétrole: à combien de pour cent se chauffe-t-on avec du pétrole iranien, russe ? La commission s'y est opposée.
Bref, elle n'a procédé à aucune audition en tenant à peu près les mêmes propos que vous tous ce soir, du moins ceux de la majorité: «On connaît le sujet, on ne peut rien faire, on continue à toute vitesse, tout va bien dans le meilleur des mondes.» Eh bien si c'est le monde de M. Nidegger - vous transmettrez, Monsieur le président - qui arrive de plus en plus vite devant nous, il n'y a pas de quoi se réjouir, ni pour nous ni pour les générations suivantes. Il serait peut-être temps d'essayer d'agir autrement.
L'outil de la résolution à destination de Berne est peut-être faible, certes, mais il fait partie de notre démocratie, c'est l'instrument dont nous disposons ici. Nous devons intervenir si nous estimons qu'il y a un enjeu qui concerne Genève au premier chef, Genève, capitale peut-être mondiale du trading, notamment celui du pétrole qui est substantiel dans son économie. Vous avez raison, Monsieur Uehlinger, une partie importante des impôts sont financés par le commerce du pétrole, donc que se passera-t-il demain si le système s'effondre ? Que se produira-t-il si cet argent n'arrive plus ? On doit anticiper cette situation, on doit y penser.
Le canton de Genève est largement touché. Ceux qui disent: «Non, ça n'a rien à voir, ça ne concerne pas Berne, ça ne concerne pas Genève» tiennent des propos hors sujet, vous vous trompez lourdement ! J'espère simplement que dans les mois qui viennent, vous ne serez pas désavoués par l'actualité et la réalité, comme vous l'avez été entre 2022 et aujourd'hui.
Nous allons supprimer la première invite, et je vous invite à renvoyer cette résolution à Berne pour recueillir des informations, pour poser le débat, pour comprendre comment se passent les échanges pétroliers et qui les finance aujourd'hui à Genève. Tout ça relève de l'intérêt public, mais nous avons beaucoup de peine à obtenir des renseignements. Merci. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de majorité. Il est facile de prétendre que la commission n'a pas fait son travail, qu'elle a refusé de procéder à des auditions. Comme je le mentionne à la fin du rapport, il y a tout de même eu un large débat. Nous savons - il y a eu des retours - que les préoccupations formulées dans cette résolution de M. Thévoz étaient et sont toujours étudiées à Berne, donc il n'y a pas lieu d'intervenir auprès de l'Assemblée fédérale, comme cette résolution le demande.
Je profite de l'occasion pour dire ceci à M. Thévoz: c'est dommage que vous n'ayez pas accès aux informations, parce que vous avez autant de conseillers nationaux que nous; de notre côté, nous les interrogeons, nous essayons d'obtenir des réponses, surtout maintenant que la situation internationale est plus tendue - vous avez raison - et que la stabilité du monde occidental ne tient plus qu'à un fil - ou à une balle de fusil, je ne sais pas.
Pour le reste, là où les choses deviennent difficiles, c'est que votre texte, à la base, demande l'interdiction de l'importation de combustibles fossiles. Comment voulez-vous expliquer cela à Berne ? «Ecoutez, non, on n'a retenu que la deuxième invite, il s'agit de favoriser la production d'énergies renouvelables.» Je pense que ce n'est pas sérieux eu égard au fondement de cet objet. C'est la raison pour laquelle nous incitons le Grand Conseil à refuser cette résolution et surtout à ne pas croire qu'en supprimant la première invite, elle deviendra raisonnable.
Le président. Je vous remercie. Avant que nous nous prononcions sur la prise en considération de cette résolution, je mets aux voix l'amendement de M. Thévoz consistant à en supprimer la première invite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 88 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la proposition de résolution 996 ainsi amendée est rejetée par 61 non contre 31 oui (vote nominal).
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de postulat 5, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à Mme Céline Bartolomucci.
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le postulat dont nous discutons ici a pour but dans un premier lieu que nous nous conformions à la loi fédérale sur la protection des eaux, qui impose d'ici 2030 de restaurer la libre migration des poissons sur l'ensemble des cours d'eau suisses et de supprimer les obstacles.
Notre Rhône genevois est aménagé de plusieurs barrages, dont celui de Verbois, qui constitue une barrière infranchissable pour la population piscicole. En effet, pour compléter leur cycle biologique, certaines espèces de poissons doivent migrer pour rejoindre leurs habitats de reproduction. Avec ce type de barrage, une passe à poissons est donc mise en place afin de permettre à ces espèces de remonter le courant.
Lors d'une étude réalisée entre 2013 et 2014 à Verbois, il a été constaté que seuls 12% des poissons arrivent à trouver l'entrée de la passe et qu'ensuite, 55% d'entre eux parviennent à rejoindre l'amont du barrage. Si on fait un petit calcul, cela signifie que seulement 7% de la totalité des poissons réussissent à rejoindre l'amont du barrage pour pouvoir s'y reproduire. On imagine ainsi facilement la perturbation que cela peut entraîner sur le cycle naturel des populations de poissons et sur leur reproduction.
Outre l'amélioration des conditions de vie des poissons, étudier la mise en place d'une rivière de contournement est une solution qui pourrait nous permettre de nous conformer enfin à la loi fédérale, en faisant disparaître au passage les coûts d'entretien d'une passe à poissons, qui est de toute façon inefficace. Le fait d'inclure dans cette étude des sports nautiques pratiqués de manière maîtrisée permettrait également de prendre en compte une demande de la population et de s'assurer de la compatibilité de cet usage avec la sauvegarde de la vie piscicole. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir ce postulat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jacques Blondin (LC). Tout d'abord, Monsieur le président, une question sur le traitement d'un postulat: si j'ai bien compris, il n'y a pas eu de débat sur le sujet, on traite ce texte en plénière et on ne peut pas le renvoyer en commission; autrement dit, soit on l'accepte, soit on le refuse, c'est bien juste ?
Le président. C'est juste, Monsieur le député.
M. Jacques Blondin. Merci beaucoup pour cette précision, Monsieur le président. (Remarque.) N'est-ce pas ?! Cela étant dit, Le Centre va soutenir cette proposition. Juste pour illustrer le propos concernant Verbois: si vous allez sur place, vous constaterez que la passe à poissons est sur la rive gauche, or il se trouve que lorsque les poissons remontent, ils sont sur la rive droite, parce qu'il y a plus de courant. (Remarque.) Oui, mais de l'autre côté, on ne pouvait pas l'installer, on l'a mise au seul endroit où c'était possible. Cela fait qu'il y a à peine 10% des poissons qui remontent, ce qui est bien évidemment une catastrophe pour la vie aquatique du Rhône. Cette dernière est d'ailleurs en perte de vitesse majeure dans cette zone.
Alors cette proposition de postulat envisage de créer une rivière de contournement; on ne parle pas d'un fleuve navigable, mais bien d'une rivière, hypothétiquement avec des activités sportives - pourquoi pas, ça s'est fait à certains endroits -, ce qui est intelligent car cela permettrait aux poissons de remonter et de frayer facilement. Par ailleurs, cela serait réalisé dans une zone relativement facile à adapter à ces besoins: ce n'est ni de la SDA, ni de la zone constructible, il n'y a donc pas de souci de ce côté.
Et puis, un élément encore plus intéressant - mais qui nécessite d'être contrôlé -, tant le canton de Genève que la Confédération disposent de fonds pour financer ces infrastructures. Je pense donc que ça vaut largement la peine de mener cette étude. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, je rappelle que ça n'a bien évidemment aucune influence sur le dossier de Conflan, qu'on traitera ultérieurement. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Pascal Uehlinger (PLR). Même si nous partageons sur le fond les avis donnés par nos préopinants, ce qui dérange fondamentalement le PLR, c'est l'utilisation de l'outil qu'est le postulat. Si nous avions eu une variante sous la forme d'une motion, cela aurait permis un renvoi en commission et nous aurions été en adéquation avec ce vote. Parce qu'avant de valider une telle étude, je pense qu'on a quand même besoin d'auditionner, de réfléchir en groupe, voire d'améliorer le texte.
On ne dispose d'aucune information sur les coûts, sur les obligations et devoirs qui s'appliquent quand on crée une rivière partielle, sur la compatibilité entre les loisirs d'un côté et la faune et la flore de l'autre, sur l'emprise sur les terres agricoles. Si je voulais un peu ricaner, je dirais qu'on pourrait même auditionner le Rhône, mais il n'a pas reçu la personnalité juridique, donc aujourd'hui, c'est mort ! Pour ces quelques raisons, le PLR refusera ce postulat; il aurait apprécié que ce soit une motion. J'en ai terminé, Monsieur le président.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Contrairement à mon préopinant, le groupe UDC trouve ce postulat intéressant, justement parce qu'il demande que soient étudiées les diverses variantes possibles. Il l'est également parce que, contrairement à une initiative rejetée dernièrement, il favorise clairement la biodiversité dans nos eaux, qui souffrent et qui en ont bien besoin. Il a aussi le mérite de vouloir allier l'écologie, l'hydroélectrique ainsi que des enjeux sociaux, sécuritaires, scolaires et économiques. Pour ces raisons, l'UDC vous enjoint de l'accepter.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste apporter quatre éléments factuels, en espérant ainsi faire changer l'avis du PLR sur ce texte - j'ai bien entendu qu'ils auraient préféré que ce soit une motion et qu'ils auraient bien voulu auditionner, réauditionner et encore auditionner, mais, à mon avis, ce n'est pas nécessaire. Tout d'abord, je rappelle l'obligation fédérale d'assainissement donnée aux propriétaires d'ouvrages hydroélectriques pour assurer la migration de la faune piscicole; la passe à poissons du barrage de Verbois doit être assainie, et ça va coûter une blinde ! C'est juste une réalité. Le deuxième élément important est la fenêtre temporelle de subvention, qui se réduit drastiquement. Le financement fédéral disponible pour ce type d'assainissement est limité dans le temps, et il est bientôt terminé.
Le troisième est qu'il s'agit par ailleurs d'une mesure écologique permettant de concilier à la fois des loisirs, à savoir le sport de proximité, avec un aménagement naturel au profit de la faune et de la flore piscicoles. Et, «last but not least», c'est une opération qui pourrait être gagnante tant pour le milieu naturel que pour la promotion et la pratique du sport, et ce de manière très peu énergivore. Pour ces quatre raisons, je vous invite à voter ce postulat. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Matthieu Jotterand (S). Le groupe socialiste, ou une partie de celui-ci, ne fait pas exactement la même interprétation, dans le sens où la biodiversité est certes mise en avant dans ce postulat, mais ce n'est pas aussi clair que ça si on regarde concrètement de quoi il est question: il s'agit avant tout de sports aquatiques sur fond de biodiversité; en réalité, et c'est ce qui inquiète un peu une part de notre groupe, il y a un soupçon de «greenwashing», si vous me passez cet anglicisme. Pour ce qui est de la biodiversité, la loi sur la protection des eaux permet en effet de mettre en place des aménagements pour la libre migration des poissons. On se réjouit d'ailleurs que l'UDC soit pour la libre migration ! (Rires. L'orateur rit.)
Par rapport à la forme de l'objet, nous rejoignons les propos du PLR sur le fait qu'une motion aurait été beaucoup plus intéressante, en ceci qu'elle aurait permis d'obtenir en commission une vue plus claire sur les enjeux. On se retrouve avec un objet sur lequel on doit se prononcer là, comme ça, sur le siège, en moins d'une demi-heure, sans savoir de quoi il retourne. C'est certainement dû au statut du premier signataire, qui siégeait à l'époque en tant qu'indépendant et qui préférait donc le débat en plénière au débat en commission - ce qu'on peut comprendre -, mais cela rend l'exercice un peu problématique.
C'est vrai que ce sont des sujets intéressants, comme l'a dit mon préopinant UDC, et qu'il y a des enjeux sociaux - les sports aquatiques sont une vraie question, le postulat le relève. Cela dit, comme aucun approfondissement n'est possible, et malgré le potentiel intérêt que peut présenter cette proposition, il aurait certainement été préférable qu'elle prenne la forme d'une motion. D'ailleurs, il est assez piquant de relever qu'à la fin de l'exposé des motifs, il est indiqué qu'on est censé faire un bon accueil à cette motion ! (L'orateur insiste sur le mot: «motion».) Le groupe socialiste peut comprendre le fond, mais est un peu plus dubitatif sur la forme. Par conséquent, il aura, une fois n'est pas coutume, la liberté de vote sur cet objet. (Applaudissements. Commentaires.)
Une voix. Bravo !
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, un barrage représente un obstacle au déplacement des poissons de l'amont vers l'aval. Les dernières tendances en matière de franchissement de barrage par les poissons s'orientent vers la création de rivières de contournement, soit de petites rivières au profit de la faune piscicole locale, mais pouvant également être adaptées aux compétiteurs canoéistes kayakistes.
A Genève, nous avons des compétiteurs de canoë qui s'illustrent sur le plan mondial, qui participent également aux Jeux olympiques. Moi-même, en tant qu'ancien membre du Canoë Club de Genève, je peux pleinement souscrire à l'idée de profiter de la création d'une rivière de contournement pour créer un bassin de slalom de niveau international. La pente et l'environnement de Verbois s'y prêtent parfaitement. Nous pourrions donc créer une infrastructure sportive au profit de la région, dans la mesure où cela profiterait non seulement à Genève, mais aussi à nos voisins français.
Vous devez encore savoir que si le kayak est un sport naturel qui ne nécessite aucune énergie fossile, actuellement, les canoéistes doivent se rendre soit à Huningue soit vers Lyon pour s'entraîner dans de bonnes conditions. Nous avons ici la possibilité de créer une infrastructure adaptée dans le canton, raison pour laquelle je vous invite à suivre ce raisonnement et à soutenir ce postulat. Je vous remercie beaucoup.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Alors oui, c'est un postulat et pas une motion, mais ce n'est pas un projet de loi non plus ! Si on l'accepte - j'espère que ce sera le cas -, après que le gouvernement aura fait son travail, le sujet reviendra de toute façon ici pour que nous déterminions s'il convient de poursuivre ce projet ou pas. Et puis une autre chose importante que je souhaiterais dire, c'est que certains d'entre nous qui avaient le temps ont eu la chance d'accepter l'invitation de la Fédération des sociétés de pêche genevoises et se sont rendus précisément à Verbois.
Nous avons pu bien questionner les représentants de cette fédération, en particulier sur la proposition contenue dans ce postulat. Il nous a été répondu que si ce nouveau bras du Rhône était créé, ce dernier favoriserait effectivement les activités de canoë-kayak sans que cela nuise aux poissons, parce que ceux-ci auraient le bras de rivière pour eux toute la nuit et une bonne partie de la journée. Voilà donc ce qui a été répondu sur le fond. Et sur la forme, je vous invite à voter oui, parce que le projet reviendra de toute façon devant le parlement. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Il n'y a plus de demande de parole, je lance donc la procédure de vote.
Mis aux voix, le postulat 5 est adopté et renvoyé au Conseil d'Etat par 67 oui contre 17 non et 2 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons aux objets relevant du département de l'économie et de l'emploi et commençons par les projets de lois 12443 et 12444. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Béné, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Ces deux projets de lois sont des textes un peu lancinants, qui reviennent assez régulièrement. Le thème est important, c'est clair, mais ces objets ont déjà été traités entre 2019 et 2020 par la commission des affaires sociales, qui les a rejetés. Entre-temps, la pandémie est passée par là, nombreux sont ceux qui souhaiteraient une meilleure adéquation entre les places disponibles sur le marché et les compétences des demandeurs d'emploi. C'est vrai qu'il y a un réel intérêt pour une meilleure politique de formation, mais il ne suffit pas de décréter qu'il faut mieux former pour que cela se fasse et que tout roule à coup d'allocations et de subventions, ce que proposent ces projets de lois.
La modification de la LIASI et la création d'un conseil pour le développement de l'employabilité, à savoir cette task force, initiée justement pendant la pandémie et qui a été transformée en une commission consultative, sont des signes clairs que la problématique a été prise en main par le Conseil d'Etat, qui devrait revenir prochainement avec des propositions plus concrètes. Je crois qu'une grande manifestation devrait se tenir à la fin du mois de novembre. Ça ne sert donc à rien de maintenir ces objets en commission pour continuer à les traiter pendant des années, surtout que la feuille de route du Conseil d'Etat en la matière, émanant du département de l'économie et de l'emploi, dit très clairement - je lis simplement ce qui est mentionné sur le site internet: «En favorisant la réinsertion par le biais de formations tout au long de la vie professionnelle.» C'est le but ! «Diverses mesures permettent d'y parvenir: les microcertifications (notamment dans les secteurs à pénurie), le renforcement des allocations de formation fédérales (AFO) afin de favoriser la réinsertion d'adultes en leur permettant d'obtenir un AFP ou CFC ou encore la refonte des emplois de solidarité (EdS) pour permettre à davantage de demandeurs et demandeuses d'emploi de retrouver le marché ordinaire du travail.» Je rappelle quand même que la gauche ne veut plus des emplois de solidarité, ce qui est bien regrettable !
Des choses sont donc mises en place, j'imagine que Mme Bachmann nous en dira un peu plus. Il n'y a aucune raison de voter ces projets de lois, qui ont été longuement, longuement, longuement débattus au sein de diverses commissions, à savoir la commission des affaires sociales et la commission de l'économie. Je vous invite donc à les rejeter. Je vous remercie.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité l'a dit, ces projets de lois ont une longue histoire, vu qu'ils ont été déposés en 2019. Et il n'est pas complètement faux de dire que sous certains aspects, ils mériteraient en tout cas d'être amendés avant d'être acceptés, mais tel ne sera pas forcément leur destin ce soir, comme nous allons l'expliquer par la suite.
Un point n'a pas été précisé et mérite peut-être d'être rappelé: ces deux textes proposent, pour l'un, une aide cantonale qui viendrait compléter le montant des allocations fédérales de formation proposées aux personnes sans emploi dans le cadre d'une reconversion professionnelle - on parle donc là de montants complémentaires octroyés par l'Etat - et, pour l'autre, un élargissement du champ des bénéficiaires de ces allocations de formation, puisque simultanément, il abaisse l'âge limite d'entrée des postulants et élargit le champ des formations acceptables pour bénéficier de cette aide.
Le rapporteur de majorité l'a dit, ces deux projets de lois ont été longuement traités par la commission des affaires sociales, à une époque qui pour moi est un peu préhistorique, vu que je n'étais pas député et que je n'ai donc pas pu suivre ces travaux. Ils ont pour finir été renvoyés à la commission de l'économie, qui, pour le coup, les a traités de façon assez expéditive et même assez irrespectueuse, de ce que nous en a dit notre conseillère d'Etat. Parce que voilà, il y a quasi une année jour pour jour - c'était il y a un an et un jour -, Mme Bachmann était auditionnée sur ces deux textes. Comme vous le lirez dans le rapport de majorité, elle a commencé son audition en disant qu'ils soulevaient des questions pour le moins intéressantes. Et elles le sont !
On le constate, les problèmes sont là, le rapporteur de majorité l'a dit. On se retrouve avec un taux de chômage qui stagne et qui est même en légère augmentation. Parallèlement à ça, on fait face - et ça, c'est un problème qui a plutôt tendance à s'aggraver - à un monde de l'économie qui n'a pas la capacité d'engager des gens suffisamment bien formés par rapport à ses propres exigences, notamment en ce qui concerne les métiers de demain, ce qu'on appelle les «green jobs», ou évidemment tous les métiers des soins, de la santé, du «care».
Tout ça pour dire que la conseillère d'Etat, en septembre 2023, a suggéré de geler ces projets en attendant d'avoir une feuille de route, une planification, soit d'autres projets proposés par le Conseil d'Etat suite au dépôt du programme de législature et qui n'avaient pas encore été publiés. Elle s'était implicitement engagée à revenir à l'automne-hiver, c'est-à-dire dans les mois qui suivaient, mais vu que la commission a finalement refusé d'entrer en matière sur ces textes, il n'y avait en définitive plus de raison de proposer à Mme Bachmann de venir nous parler de ces projets et de cette fameuse feuille de route.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Merci, j'en ai encore pour quelques secondes. Alors il y a des bruits qui courent, et on entendra sans doute Mme Bachmann s'exprimer sur cette question, mais je pense qu'il est parfaitement pertinent que la commission de l'économie puisse prendre connaissance de ces dispositifs, parce que ce qu'a relevé M. Béné tout à l'heure, ce ne sont que des intentions générales, mais nous, nous avons évidemment besoin de dispositifs concrets à évaluer. C'est simplement pour cela que nous avons trouvé plus que regrettable que la commission refuse le gel en attendant une nouvelle audition de Mme Bachmann et décide de ne pas entrer en matière sur ces deux textes.
Par conséquent, dans ce sens-là, la minorité vous invite évidemment à les accepter. Elle ne demande pas en l'état le renvoi en commission, pour la simple et bonne raison que d'autres orateurs lui ont signalé qu'ils voulaient apporter d'autres éléments et faire cette demande de renvoi plus tard dans le débat. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci au rapporteur de minorité de me permettre de faire la transition, puisque je demanderai en effet le renvoi en commission, en tout cas en ce qui concerne le PL 12443. Comme il l'a bien expliqué, ce texte contient deux demandes. D'une part, il vise à rehausser le revenu qui est aujourd'hui assuré au niveau de la Confédération à 3500 francs maximum afin de l'adapter au salaire minimum. C'est vrai qu'à l'époque où ce projet de loi a été déposé, le salaire minimum n'était pas en vigueur, et ce texte demande de compléter le revenu assuré afin que le montant atteint soit de 4000 francs minimum. En l'occurrence, ce serait se tirer une balle dans le pied si ce texte devait être adopté aujourd'hui. Mme la conseillère d'Etat Bachmann a justement pu nous indiquer qu'elle avait mis en place un projet pilote par voie d'arrêté, ce qui a permis d'assurer ce complément afin d'atteindre au moins le salaire minimum. Cela est essentiel pour ne pas mettre les personnes qui sont déjà en recherche d'emploi dans une situation de précarité.
D'autre part, le PL 12443 fixe comme objectif d'atteindre au moins un total de 2% d'allocations formation pour les personnes en recherche d'emploi. A l'époque, le taux était extrêmement faible, il n'y avait que 71 allocations formation sur 14 000 et quelques personnes en recherche d'emploi. Sur ces deux éléments, que Mme Bachmann évoquera peut-être après, il serait intéressant de nous apporter différents chiffres, que nous pourrions étudier en commission pour effectuer le suivi de manière intelligente et propre, ce qui ne peut être fait en séance plénière, et voir si ce projet de loi a encore une utilité ou s'il faut l'amender. Cette manière de faire permettrait de servir le travail efficace que mène le Conseil d'Etat dans ce domaine.
Par contre, concernant le PL 12444 - je redonnerai ensuite le témoin au rapporteur de minorité -, il n'est pas forcément nécessaire de passer à nouveau pas un travail en commission, puisque ce texte demande un abaissement de l'octroi de l'allocation formation à des jeunes dès 22 ans. Aujourd'hui, ces allocations ne concernent que les personnes âgées de plus de 30 ans et s'appliquent uniquement pour des formations duales. Ce projet de loi vise à abaisser le seuil à 22 ans et à englober des formations plus largement qualifiantes et certifiantes.
Il s'agit ici de ne pas attendre trop longtemps afin de permettre à des personnes de se reformer pour pouvoir accéder au marché du travail et d'agir plus tôt, notamment dans le cas de jeunes qui auraient été dans des situations de rupture de formation et qui ont besoin qu'on puisse agir au plus vite, sans attendre qu'ils aient 30 ans, pour leur apporter une formation qualifiante et certifiante. Il ne me semble pas que le Conseil d'Etat ait adopté une approche consistant à abaisser ce niveau d'âge. Il est tout à fait possible de le faire au niveau genevois...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Romain de Sainte Marie. ...et nous vous encourageons à adopter ce texte. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, je cède donc le micro au rapporteur de minorité.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme je le suggérais tout à l'heure, la minorité estime effectivement que le PL 12443, en tout cas, doit être renvoyé en commission afin que celle-ci obtienne un avis de fond et qu'elle puisse traiter ce projet sur le fond, ce qu'elle n'a pas fait. Pour ma part, j'y associerais volontiers le PL 12444. Alors formellement, je crois que mon préopinant n'a demandé le renvoi que du 12443. A titre personnel, mais je ne sais pas quelle est la procédure, je maintiendrais la liaison entre les deux textes, ne serait-ce que pour avoir la position du Conseil d'Etat sur la question. Cela peut se faire relativement vite; je laisse le président décider comment procéder pour les votes sur ces demandes de renvoi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux demandes de renvoi seront soumises au vote de manière séparée. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, j'aimerais comprendre pourquoi ce parlement devrait renvoyer des projets de lois qui ont été traités pendant six séances à la commission des affaires sociales. Quand vous dites qu'on n'a pas traité le fond... Si, on l'a fait ! Ce que vous voulez, c'est de nouveau arroser de subventions issues des revenus des contribuables des personnes qui n'en auront pas forcément besoin. L'objectif devrait être de trouver des places de travail, qu'on forme effectivement ces gens; pour ces buts-là, il n'y a pas de problème ! Mais leur verser des allocations pour ça, non ! C'est le département de l'économie et de l'emploi qui doit mettre en place une structure qui permette effectivement une meilleure employabilité des chômeurs.
Après six séances de la commission des affaires sociales, ces objets sont revenus en plénière. Ils ont ensuite été renvoyés à la commission de l'économie. Les deux fois, le rapport de majorité demandait le rejet de ces projets de lois, et je ne vois pas en quoi un nouveau renvoi en commission permettrait au parlement de changer d'avis. C'est donc non pour le renvoi en commission. Je vous remercie.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite juste dire un petit mot pour rappeler que ces projets de lois ont été déposés bien avant mon entrée en fonction. Pour ce qui est du PL 12443, si le renvoi en commission est accepté, je peux tout à fait vivre avec. Effectivement, le Conseil d'Etat a décidé par voie d'arrêté - comme l'autorise la LMC - de mettre en place, sous forme de projet pilote, une augmentation via une part cantonale pour renforcer l'AFO, ce complément permettant de la mettre à la hauteur du salaire minimum. Si vous entrez en matière aujourd'hui sur ce projet de loi, vous vous tirez une balle dans le pied, dans la mesure où le montant fixé dans le projet de loi est inférieur au salaire minimum. Pourquoi a-t-on choisi de procéder via un projet pilote ? Parce qu'on estime que ce point est le plus intéressant pour voir si réellement c'est un incitatif et que ça permet de faire entrer plus de personnes en formation.
La deuxième chose que je peux vous dire, puisque ce projet de loi touche aussi au nombre de personnes, c'est qu'on a mené toute une démarche avec les entreprises. Il faut également savoir que l'objectif est bien de proposer des places complémentaires et non des places qui entrent en compétition avec des places d'apprentissage proposées aux jeunes. Ce n'est donc pas si facile que ça d'en augmenter drastiquement le nombre. Bref, tout ça, je viens très volontiers l'expliquer en commission si le renvoi est accepté; si ce n'est pas le cas, je viens aussi volontiers vous le présenter en commission.
Maintenant, sur le deuxième projet de loi, le 12444, je ne suis pas favorable à une entrée en matière s'il n'y a pas de renvoi en commission, pour la simple et bonne raison que si on abaisse trop l'âge, on va précisément défavoriser des jeunes qui sont en apprentissage avec un revenu d'apprenti si on retient ces AFO, dont le montant est bien plus élevé. On va donc en définitive décourager ces jeunes de choisir l'apprentissage en leur disant: «Attendez juste d'avoir 22 ans et inscrivez-vous au chômage; à ce moment-là, vous serez rémunérés plein pot pendant votre formation.» Par conséquent, je pense que le message est quelque peu contreproductif. On peut déjà déroger à la limite d'âge de 30 ans pour des cas particuliers, c'est dès lors largement suffisant.
Je laisse donc au bon vouloir de votre parlement la décision à prendre sur le renvoi en commission. S'il ne devait pas avoir lieu, je précise d'emblée que le Conseil d'Etat s'oppose à ces deux projets de lois et revient volontiers en commission vous expliquer ce qu'il a mis en place entre-temps.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur les demandes de renvoi en commission de ces deux objets.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12443 à la commission de l'économie est rejeté par 62 non contre 31 oui.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12444 à la commission de l'économie est rejeté par 60 non contre 31 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre débat, et je passe la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme d'autres l'ont déjà dit, ces deux projets de lois ont été déposés en février 2019, soit une année avant le covid et évidemment bien avant l'introduction du salaire minimum. Le premier demande une allocation complémentaire de formation, soit une aide pécuniaire supplémentaire cantonale, pour les personnes à partir de 30 ans. Comme cela a déjà été dit, le montant des allocations passerait de 3000 à 4000 francs par mois, au minimum, ou à 80% du dernier revenu. Le deuxième objet est à peu près identique; simplement, il abaisse l'âge des bénéficiaires de 30 à 22 ans.
Evidemment, lorsqu'ils avaient été déposés, l'environnement était différent. Depuis, les besoins ont changé. Entre-temps, soit depuis 2019, le Conseil d'Etat a travaillé sur la thématique, notamment en créant une task force sur l'employabilité. Je crois qu'il faut aussi tout de même rappeler les différentes mesures qui existent déjà aujourd'hui: les AIT, allocations d'initiation au travail, et les AFO, allocations de formation, avec évidemment l'assistance de la Confédération, qui est effectivement limitée à 3000 francs.
Mais il faut aussi rajouter que depuis, il est question d'introduire une formation et une assistance pécuniaire pour les jeunes à l'aide sociale. Toujours depuis le dépôt de ces textes, la loi sur l'aide sociale a été modifiée: la LIASI de l'époque est devenue la loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité. Evidemment, ce point a déjà été soulevé, il y a aujourd'hui un conseil pour le développement de l'employabilité ainsi que diverses mesures, notamment pour les jeunes qui sont à l'assistance publique, afin de les aider à retrouver un emploi.
Pour toutes ces raisons, ces deux textes sont obsolètes, le groupe UDC vous propose donc de les rejeter. Merci de votre attention.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, l'employabilité améliore la capacité d'un individu à trouver et conserver un emploi ou à progresser dans ce même emploi en fonction de ses savoir-faire et de ses savoir-être. C'est une aptitude personnelle, mais c'est aussi une responsabilité collective. Et dans le cadre de cette dernière, face à ces deux projets de lois, Le Centre estime que les dispositions prévues par la LIASI d'une part et les démarches entamées par le conseil pour l'employabilité d'autre part sont déjà deux éléments qui rendent ces textes caducs. C'est bien ainsi que les majorités des deux commissions saisies de ces objets l'ont compris, et c'est également ainsi que Le Centre vous recommande de les refuser tous deux avec les mêmes majorités. Je vous remercie.
M. Vincent Canonica (LJS). Le groupe LJS ne peut qu'adhérer à la nécessité de permettre aux chômeurs et aux demandeurs d'emploi d'en trouver un le plus rapidement possible et de tout mettre en oeuvre dans ce sens, notamment en favorisant la formation. Néanmoins, l'employabilité ne se limite pas aux demandeurs d'emploi. Et il ne faudrait pas financer leur formation et celle des chômeurs au détriment des personnes en emploi.
L'employabilité concerne tout un chacun: jeunes, moins jeunes, plus âgés, en emploi ou en recherche d'emploi. Comme il a été évoqué, ces projets de lois soulèvent de bonnes questions, mais ne répondent pas à la problématique de l'employabilité de manière transversale et équitable. Pour ces raisons, le groupe LJS votera contre ces deux propositions. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Le marché de l'emploi genevois est catastrophique, pour les chômeurs, pour les jeunes et également pour ceux qui ont un emploi et qui se font massacrer. Il suffit d'ailleurs de lire les derniers chiffres de l'aide sociale, qui sont catastrophiques. On voit que les résidents genevois ont de grandes difficultés financières, le nombre de working poors explose. Parce qu'il n'y a pas seulement la perte d'emploi, il y a également les salaires à la baisse. Cette surconcurrence, chacun sait à quoi elle est due, mais peu de monde dans cette enceinte ose l'avouer à haute voix ! C'est vrai que la surconcurrence des frontaliers... (Exclamations.) ...pose un problème considérable; c'est cette problématique qui nous met en difficulté, nous sommes sur un véritable champ de ruines à Genève, justement à cause de cette surconcurrence frontalière sans limite, qui menace les travailleurs de notre canton.
C'est vrai que quand nous avons réétudié ces deux textes - parce que nous nous trouvons ici à la suite d'un long traitement dans diverses commissions -, nous nous sommes demandé s'il était éventuellement possible d'en tirer quelque chose. Nous avons également remarqué que la conseillère d'Etat avait promis de nous proposer un projet de loi. Nous sommes donc impatients de pouvoir en prendre connaissance.
Des mesures ont également été prises par le département, comme cela nous a été indiqué. Malheureusement, c'est vrai que ces projets de lois ont énormément de défauts. Au sein du MCG, nous allons proposer le renvoi, comme l'évoquait la conseillère d'Etat, mais uniquement du premier texte, à savoir le 12443, afin qu'il soit étudié en commission. Nous ne soutiendrons malheureusement pas le deuxième. Si d'aventure le 12443 n'était pas renvoyé en commission, nous serions alors contraints de le refuser également.
Il s'agit donc de textes intéressants, mais qui, malheureusement, amènent beaucoup de problèmes, en particulier suite à l'arrivée du salaire minimum. Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission du PL 12443. Si nous n'obtenons pas ce renvoi, nous refuserons les deux textes. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole au rapporteur de minorité sur cette nouvelle demande de renvoi.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Effectivement, je pense qu'il est opportun de voter ce renvoi en commission, pour plusieurs raisons. La première, c'est que la commission s'est en effet émue de l'état des travaux en ce qui concerne l'employabilité et tout le sujet de la reconversion, et elle est arrivée à la conclusion qu'il n'y avait pas d'objets permettant de demander à la conseillère d'Etat de venir faire le point sur la situation. Elle nous a gentiment proposé de s'inviter elle-même, mais à ma connaissance, une commission ne peut auditionner des gens que sur la base d'un objet. Il se trouve que cet objet, le PL 12443, serait tout à fait adéquat pour auditionner le DEE et Mme Bachmann très rapidement.
C'est aussi l'occasion de rappeler que ce n'est pas tellement l'argent public qui est dilapidé, comme dans d'autres projets fiscaux où on arrose des gens qui n'en ont pas besoin via des cadeaux fiscaux; ici, c'est bien de l'argent public utilisé pour de la reconversion, c'est-à-dire pour servir aux personnes concernées, mais également aux besoins de l'économie. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, l'économie de notre canton, de notre pays va au-devant de problèmes majeurs liés à la démographie. La question de l'employabilité ne concerne pas que les individus en reconversion, mais bien toute l'économie. C'est pour cela que nous allons soutenir le renvoi en commission.
Le président. Merci beaucoup. La parole est au rapporteur de majorité.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Si on veut surcharger les commissions, on peut effectivement tout renvoyer en commission pour faire un point avec le Conseil d'Etat, mais ce dernier nous a clairement dit qu'il y avait un programme test en cours, qu'il était plus favorable que le projet de loi, que si ce test est positif et qu'il apporte vraiment quelque chose, un projet de loi sera déposé le cas échéant. Attendons donc ce texte, arrêtons de traiter ce projet de loi. Qu'est-ce qu'on va faire ? On va le geler en attendant de savoir quel va être le résultat de ce qui a été mis en place par le Conseil d'Etat ? Non, je crois que pour une fois, on peut faire confiance au Conseil d'Etat. Ce n'est pas toujours le cas, mais sur ce coup-là, je pense qu'on peut lui faire confiance, puisque la démarche est en route et que la disposition est en vigueur. Comme je l'ai déjà dit, ces textes ont déjà été traités pendant dix séances de commission, je crois qu'on peut s'arrêter là. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à la conseillère d'Etat, Mme Bachmann.
Mme Delphine Bachmann. Sur le renvoi ?
Le président. Oui.
Mme Delphine Bachmann. Je ne souhaite pas m'exprimer sur le renvoi, je prendrai la parole sur le fond.
Le président. Très bien. Nous passons au vote sur la demande de renvoi du PL 12443.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12443 à la commission de l'économie est adopté par 53 oui contre 40 non.
Le président. Nous poursuivons notre débat sur le PL 12444-B, et je cède le micro à Mme Bachmann.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je rappelle que sur ce projet de loi, le Conseil d'Etat est de toute façon opposé à l'entrée en matière: on ne doit pas abaisser l'âge de l'allocation de formation, sinon on va se retrouver avec d'un côté des jeunes qui entreront en apprentissage via le processus standard et qui seront payés avec des salaires d'apprentis et de l'autre des personnes du même âge qui se seront inscrites au chômage et qui, elles, toucheront le salaire minimum.
J'estime que ce serait problématique et que cela découragerait les personnes qui sont en apprentissage à cet âge-là de le poursuivre. Vous pouvez bien évidemment renvoyer ce texte en commission; si c'est ce que votre parlement décide, je viendrai donner la même explication et j'y serai toujours opposée. Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission ainsi que ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de demande de renvoi en commission pour ce projet de loi. Nous passons donc au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12444 est rejeté en premier débat par 63 non contre 29 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons nos travaux avec l'examen du PL 12711-R-A, traité en catégorie II, trente minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de minorité de M. Olivier Baud ne sera pas présenté. La parole revient à M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi émane d'Ensemble à Gauche, qui n'est plus là pour le défendre. Il vise à...
Le président. Monsieur le député, il a été repris par Mme Caroline Marti.
M. Jacques Béné. Oui, mais initialement, c'est un projet de loi d'Ensemble à Gauche. Il a en effet été repris par Mme Caroline Marti, qui aurait aimé le traiter à la commission du logement, puisqu'elle avait demandé qu'il y soit renvoyé. C'est vrai qu'on peut se demander si ce texte ne pose pas plutôt un problème d'aménagement du territoire, compte tenu du fait que le changement d'affectation est soumis à autorisation, selon la LDTR, car dès qu'on dépasse les nonante jours, on est soumis à une demande d'autorisation.
Le problème de cet objet... On attend toujours quelque chose du Conseil d'Etat à ce propos. Ce texte pose de vrais problèmes de protection des données; on essaie de contourner le règlement général sur la protection des données. En outre, la loi sur le tourisme n'est pas forcément la bonne, et on voudrait que soient codébitrices de la taxe les plateformes qui jouent les intermédiaires entre les propriétaires et les locataires.
Ce projet de loi n'a vraiment aucun intérêt. Par contre, ce serait bien que le Conseil d'Etat vienne avec quelque chose de concret le plus rapidement possible. Je vous invite donc à refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la location à court terme du genre Airbnb peut avoir un sens si l'on veut éviter les lits froids et occuper un logement temporairement inoccupé pour cause de vacances, de voyage d'affaires ou toutes sortes d'autres raisons. Toutefois, dans de bien trop nombreux cas, ce modèle d'affaires est dévoyé: certains appartements sont loués de la sorte quasiment à l'année. Il s'agit d'un marché juteux, qui permet de dégager des profits bien plus importants que la location à des personnes à la recherche d'un logement stable. De plus en plus d'appartements sont soustraits au marché locatif pour servir les besoins de voyageurs, ce qui prive les habitants de logements disponibles. Ces locations à court terme exercent une concurrence déloyale envers l'hôtellerie. Celle-ci supporte des charges et doit respecter de nombreuses règles qui dans les faits ne s'appliquent pas aux locations temporaires.
Il est donc important de réguler cette activité et de vérifier que les appartements proposés de cette façon aux touristes ne le soient pas plus de nonante jours par an. Le projet de loi qui nous est soumis inscrit une obligation d'annonce dans la loi sur le tourisme, ce qui n'est pas adéquat, comme le rapporteur de majorité, ou le rapporteur unique, l'a bien dit.
Je dois ajouter qu'il existe un rapport de minorité, déposé par M. Baud. Ce dernier a mis en évidence le traitement plutôt chaotique de ce texte par la commission de l'économie, avec une double présentation des auteurs et diverses époques de glaciation qui se sont traduites par des gels et des dégels successifs. La commission attendait les résultats des travaux de la task force qui se penchait sur ce sujet épineux; cette force plus ou moins tranquille a fini par conclure qu'il fallait obliger une personne souhaitant mettre un logement en location sur une plateforme de type Airbnb à avoir une autorisation de l'Etat obtenue par un numéro d'identification. Tout cela en modifiant la LRDBHD plutôt que la loi sur le tourisme.
Je ne vais pas m'opposer à ce qu'a dit le rapporteur, et nous nous rallions volontiers à son avis de refuser ce texte, mais nous notons que le problème reste entier. Nous invitons ainsi le Conseil d'Etat à régler avec célérité cette question et à développer l'application informatique correspondante, promise pour la fin de l'année 2023. Dans le rapport, il est écrit la fin de l'année 2023, donc trois points d'exclamation ! Je termine là mon intervention.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose seulement une amélioration des informations sur les locations Airbnb. Je rappelle que l'article nouveau stipule que «quiconque fait office d'intermédiaire entre des hôtes assujettis et des débiteurs de la taxe informe l'autorité [...]». La dernière phrase est formulée comme suit: «A défaut de la transmission d'une telle information, l'intermédiaire devient codébiteur de la taxe.» Encore une fois, ce texte propose uniquement d'améliorer l'information.
Contrairement à ce projet de loi, le département propose non seulement d'améliorer l'information, mais également de régler et de cadrer le marché des plateformes de location. Il est question d'un groupe de travail, et pour celui-ci, l'enjeu est la légalisation du traitement des marchés de location, donc une égalité entre les hôteliers, les campings et les gens qui mettent en location un appartement sur Airbnb. La modification légale ne concernerait évidemment pas seulement Airbnb, mais toutes les plateformes actives dans ce domaine.
L'Etat nous a aussi proposé qu'une personne mettant un objet en location doive s'identifier auprès de l'Etat et obtenir un numéro d'identification. Il devrait donc être impossible de louer un appartement sur Airbnb sans s'être annoncé à l'Etat et sans posséder un numéro d'identification.
La règle pour les gens qui louent uniquement une chambre est la suivante: si la location excède nonante jours, la personne doit obligatoirement s'inscrire au registre du commerce. Cette inscription serait également contrôlée. Bref, cet objet n'apporte pas de réponses, ne règle et ne cadre pas cette problématique. Je vous propose donc de le refuser. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, lors des auditions effectuées pendant les travaux de la commission, nous avons senti le département très sensible à l'égalité de traitement entre les différents acteurs et aux difficultés posées par la loi sur la protection des données. Cela étant, nous avons aussi compris qu'il s'agissait de modifier la LRDBHD et non la loi sur le tourisme; et c'est dans ce sens que s'engage à l'heure actuelle le groupe de travail évoqué à plusieurs reprises.
Les modifications annoncées concernent essentiellement la possibilité de mettre en location des objets sur ces plateformes, mais avec un numéro d'identification. Actuellement, si la durée de location dépasse les nonante jours, le loueur est considéré comme un professionnel. Cette durée de nonante jours sera également contrôlée. Sur ce point, effectivement, le groupe de travail rencontre un certain nombre de difficultés dues à l'application de la nouvelle loi sur la protection des données, qui est, comme vous le savez, beaucoup plus sévère et intrusive que la précédente. Sur cette base, et conscient que c'est bien la LRDBHD qui doit être modifiée, Le Centre vous encourage à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Caroline Renold (S). Ce texte s'attaque à un problème fondamental: la diminution du nombre de logements destinés aux habitants et habitantes du canton par leur mise en location professionnelle et le changement de la destination des locaux, qui passent de logements d'habitation à des logements commerciaux de type hôtelier, ce qui aggrave la crise du logement.
Ce phénomène existe depuis longtemps et, comme vous le savez, est largement facilité par les plateformes du type Airbnb ou d'autres. Je vous invite à consulter le site InsideAirbnb.com, cité dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui est fort instructif. On peut y voir exactement le nombre actuel d'annonces sur Airbnb. Or, on constate que 45% des quelque 2600 annonces sont mises en ligne par un utilisateur qui a posté plus d'une annonce - il y a donc une forte présupposition qu'il s'agisse d'un professionnel - et qu'environ 500 des appartements ont été loués plus de nonante jours par année. L'article 4A du RDTR, qui limite la location sur Airbnb et sur d'autres plateformes à nonante jours comme vous le savez, n'est ni mis en oeuvre ni respecté.
Pour mettre ce chiffre en perspective, je me permets de relever que le taux de vacance à Genève, qui est dramatiquement bas, soit 0,46%, correspond à 1144 appartements. On augmenterait de 50% le nombre d'appartements vacants si l'on pouvait faire en sorte que ces appartements loués sur Airbnb de manière excessivement longue soient remis sur le marché du logement, donc à disposition des habitantes et habitants du canton.
La perception de la taxe de séjour durant plus de nonante jours par une personne représenterait bien évidemment un moyen de contrôler les infractions à cette limite de temps. Sauf que les plateformes qui servent d'intermédiaires ont indiqué qu'elles refuseraient de communiquer les informations. Elles se cachent derrière des règles sur la protection des données, qui visent certes à protéger les utilisateurs, mais qui peuvent tout à fait être appliquées tout en respectant le droit impératif et l'obligation de communiquer des informations sur la base d'une loi cantonale et s'il y a un but d'intérêt public à appliquer des protections au parc locatif.
Selon le parti socialiste, il est nécessaire d'étudier sérieusement ce projet de loi, quitte à l'amender pour que le but - qui est largement d'intérêt public - soit atteint. C'est pourquoi le parti socialiste demande un renvoi à la commission du logement, commission qui aurait dû être saisie de ce projet de loi: en effet, il concerne la question du logement. Il s'agit d'étudier les mesures à mettre en oeuvre pour s'assurer que la perception de la taxe de séjour auprès des hôtes par les plateformes ne permet pas un contournement des règles empêchant un changement d'affectation au sens de la LDTR. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. A propos de la demande de renvoi en commission, je donne la parole au rapporteur, s'il la désire.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut bien évidemment refuser le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat est en train de travailler sur cette problématique qui touche des politiques publiques bien plus vastes que la seule question du tourisme ou du logement: on peut aussi évoquer les problèmes relatifs à la prostitution, à des appartements loués à cet effet. Le groupe de travail n'a pas encore terminé sa réflexion sur l'intégralité des enjeux qui devraient être concernés par une modification législative dont l'ancrage reste à déterminer. Dans tous les cas, ce texte pose des problèmes relatifs à la protection des données et ne constitue pas la bonne solution. Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission. Si modification législative il doit y avoir, le Conseil d'Etat reviendra lui-même avec un projet de loi. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12711 à la commission du logement est rejeté par 48 non contre 41 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs, le débat continue et la parole revient à M. Canonica.
M. Vincent Canonica (LJS). Merci, Monsieur le président. Je m'apprêtais également à demander un renvoi en commission, non à la commission du logement mais à celle de l'économie, parce que le fond du problème est une concurrence déloyale entre les appartements et les hôtels. Comme le renvoi a été refusé et au vu du résultat, je ne vais pas le redemander. Dans ce contexte, je refuserai ce projet de loi.
M. Sébastien Desfayes (LC). Je crois que les données figurant sur le site auquel ma collègue a tout à l'heure fait référence sont quand même éloquentes, car elles soulignent plusieurs problèmes, notamment de logement. A quoi ça sert de déclasser des terrains, de procéder à des modifications de zones et de s'attaquer aux surfaces agricoles si l'on n'utilise pas pleinement notre potentiel de logements ? Or, on constate que de nombreux changements d'affectation sont effectués: on parle de près de 3000 appartements qui échappent au marché locatif. Ce site est absolument incroyable !
Les gens trichent consciemment, ce qui pose d'autres problèmes. La conseillère d'Etat a parlé de prostitution, on peut aussi mentionner la concurrence déloyale, on l'a souligné, ou les problèmes fiscaux. Nous savons très bien que pas un franc des loyers n'est déclaré à l'administration fiscale. J'ai donc de la peine à voir l'utilité de cette plateforme envers l'intérêt public et le canton.
Il est clair qu'il ne s'agit pas d'un problème de tourisme. A nos yeux, c'est avant tout un problème de logement. Du reste, je suis très inquiet. Le groupe de travail a dit qu'il devait travailler sur un enregistrement de ceux qui mettent leur appartement sur le marché via Airbnb ou toute autre plateforme, et le logiciel devait être prêt en 2023, mais, selon nos renseignements, son développement n'a pas encore commencé, parce que le DT ne fait pas son travail. Il faut maintenant que le département du territoire prenne ses responsabilités, parce que c'est avant toute chose une question de logement. Merci.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. J'ajoute une précision: il semble évident qu'avant d'engager des moyens financiers pour un développement informatique et des ETP dédiés au contrôle - je sais que ce parlement est particulièrement attentif aux dépenses publiques -, qu'avant de prévoir les outils et les moyens, il faut s'assurer que la bonne cible soit visée parmi les enjeux de politique publique et qu'on propose la bonne réponse. En tout cas, sachez que le Conseil d'Etat se préoccupe du sujet et que le groupe de travail terminera prochainement son étude.
Il est fait mention dans le rapport de la refonte de la LRDBHD; en 2020, quelque chose devait être présenté, je crois, six mois plus tard. Soyez rassurés: la refonte de la LRDBHD a commencé, les travaux sont en cours dans les départements et une consultation interne a débuté, elle ne sera nullement ralentie par toutes les discussions qui pourraient avoir lieu sur la question spécifique d'Airbnb. Les choses sont en route. Aussi, je vous remercie de refuser ce texte.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12711 est rejeté en premier débat par 58 non contre 30 oui.
Premier débat
Le président. Nous nous penchons maintenant sur le PL 13156-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Philippe de Rougemont, à qui je passe la parole.
M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Bien sûr, toutes les entreprises aimeraient voir leur outil de travail renouvelé grâce à un subside de l'Etat, à plus forte raison lorsque ce renouvellement va dans le même sens qu'une priorité politique comme celle du climat. Ainsi, ce que demande le présent projet de loi est tout à fait compréhensible et, a priori, devrait obtenir notre approbation. Pourtant, dans un élan transpartisan, le PLR, Le Centre, les socialistes et les Verts, soit dix voix sur quatorze en commission, se sont prononcés contre son entrée en matière; en voici les raisons.
Premièrement, d'importants travaux sur la LTVTC ont été menés par la commission. Il serait plus opportun de laisser la loi évoluer avant d'intervenir. Cette loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur avait fait un premier passage dans ce plénum, puis était retournée en commission afin que certains points soient améliorés et avait finalement été adoptée en 2022. Par la suite, elle a été attaquée en référendum, lequel n'a pas abouti, puis par des recours rejetés par la Cour de justice. Les milieux professionnels ont été entendus plusieurs fois, dont les associations de taxis. L'un des recours a été porté devant le Tribunal fédéral. Il s'agit donc d'une loi qui a suivi un long parcours suite à de très nombreuses auditions et évaluations juridiques. Donnons-nous maintenant du temps pour en évaluer les effets.
Deuxièmement, un calendrier des exigences de performance environnementale des taxis et des VTC en général a été établi par la commission des transports pour accompagner l'évolution prévisible de l'offre de véhicules. Il est question de développer des bornes de recharge électrique de manière globale dans le canton. Le département du territoire planifie avec les communes la réalisation de ces installations. 150 bornes ont été installées par les SIG; il en reste 200 de plus qui sont en cours d'aménagement et devraient être terminées à la fin de cette année.
Troisièmement, la LTVTC traduit une volonté d'inciter les taxis et les VTC en général à utiliser des véhicules à faibles émissions. Cependant, le texte qui nous occupe ce soir ne prévoit de subvention que pour les taxis, ce qui créerait une distorsion de concurrence. Selon le raisonnement de la conseillère d'Etat de l'époque chargée de l'économie, si les taxis devaient considérer qu'une distorsion de concurrence existe déjà, la concurrence sans distorsion ne serait pas établie en en ajoutant une de plus.
Quatrièmement, il existe la Fondation d'aide aux entreprises; au lieu de créer de nouveaux mécanismes, subventions et cautionnements, il faudrait recenser ceux existants et en faire usage. Par exemple, un chauffeur de taxi peut aujourd'hui faire appel directement à la FAE. Les commissaires ne pensent pas qu'un autre dispositif doit être créé.
Cinquièmement, l'adaptation des stations de taxis aux personnes en situation de handicap est déjà prévue dans la LTVTC. Différentes mesures, par exemple une formation particulière, ont été mises en place. Cette problématique est donc couverte par la loi existante.
Avant-dernier point: l'ancien département des infrastructures et le département du territoire ont créé une task force électromobilité qui a pour but d'accompagner les objectifs d'électrification de l'ensemble de la flotte automobile à Genève: véhicules privés, taxis, véhicules d'entreprise. Cette task force réunit autour d'une même table les deux départements précités - infrastructures et territoire - de même que la Ville de Genève, les SIG et la Fondation des parkings; les secteurs immobiliers pourraient y être associés, comme des fondations immobilières ou d'autres détenteurs de parc immobilier. Puisque l'essentiel des habitants du canton de Genève est locataire, ils devraient, eux aussi, voir leur accès aux équipements et places de parking électrifiées facilité.
Dernier élément apporté lors de l'audition de M. Royer, directeur de l'office cantonal de l'environnement: la stratégie de l'électromobilité 2030 approuvée en 2017 comprend l'installation de 2500 points de recharge à l'horizon 2030. Pour ce faire, il a collaboré avec les SIG et la Fondation des parkings. Les chiffres actuels ont été indiqués tout à l'heure. Sur le plan des aides financières et des infrastructures, les taxis ont déjà été identifiés dans la stratégie de l'électromobilité dans le sens que propose le présent objet. M. Royer a relevé que si l'aide à l'achat devait être envisagée, elle devrait s'appliquer non seulement aux taxis, comme le texte le prévoit, mais également à tous les véhicules professionnels légers. Il a rappelé aux commissaires que l'emplacement des bornes est décidé d'entente avec les SIG et les communes.
Pour résumer, la question n'est pas tant de déterminer si les taxis passeront ou pas à l'électrique comme le reste du parc automobile du canton, mais si, pour y arriver, ce projet de loi y contribuera mieux que la stratégie 2030 sur le déploiement de l'électromobilité et la task force électromobilité. Pour la grande majorité des partis et des commissaires, la réponse est non: il convient de laisser agir les outils déjà mis en place au lieu d'en créer de nouveaux. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Le Grand Conseil a adopté - c'était le 28 janvier 2022 - une nouvelle loi sur les taxis, loi qui comporte des objectifs ambitieux et louables, mais difficilement atteignables par les chauffeurs de taxi, dont l'équilibre économique, chacun le sait, est souvent fragile. Au sens des auteurs de ce projet de loi, l'Etat doit se montrer responsable et assumer également ces objectifs, c'est-à-dire offrir une aide ou du moins permettre aux représentants de la profession d'assumer cet important changement de loi.
Le texte comporte deux axes principaux: d'une part, l'incitation à l'acquisition de véhicules électriques, et d'autre part, la construction de bornes de recharge pour permettre aux taxis électriques de fonctionner de manière efficace. Le problème de ce projet de loi, traité aujourd'hui après plusieurs années passées en commission, c'est que les délais ne correspondent plus à rien: il y a des échéances à 2024 et 2025 qui, si l'objet était voté maintenant, ne pourraient pas être respectées, quelque chose ne joue pas à ce niveau-là.
C'est la raison pour laquelle un renvoi en commission est nécessaire, et c'est ce que je propose ici - renvoi à la commission des transports, Monsieur le président -, parce qu'il est évident qu'en l'état, le projet de loi doit être modifié, réexaminé en commission ou au minimum actualisé. Merci, Monsieur le président.
Le président. Bien, je vous remercie. Sur la question du renvoi en commission, je redonne la parole à M. de Rougemont.
M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Etant donné le temps que prennent les processus au Grand Conseil - ils sont ce qu'ils sont -, la situation décrite par le député Baertschi est malheureusement commune, cela se produit aussi à l'échelon fédéral. Cela ne devrait pas changer grand-chose, mais puisque ce point a été mentionné et que rien d'autre n'a été relevé, les Verts peuvent vivre avec un renvoi en commission de cet objet.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser la proposition de renvoi en commission. Il me semble que M. Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président - a quelque peu anticipé notre programme et parle d'un autre projet de loi figurant un petit peu plus loin dans l'ordre du jour et visant effectivement à modifier la date d'application des normes. En l'occurrence, le présent texte ne traite pas de ce sujet, sauf si c'est moi qui suis tellement fatiguée que je ne sais plus où nous en sommes dans l'ordre du jour - mais je pense que je sais encore à peu près où nous en sommes.
Bref, tout cela pour vous dire que je vous recommande de rejeter le renvoi en commission. Toutes les modalités qui avaient été convenues dans la réforme de la LTVTC, toutes les dispositions relatives à l'atteinte de normes énergétiques pour les véhicules ont été souhaitées par ce parlement; des recours ont été lancés par les milieux des taxis, qui ont perdu devant le Tribunal fédéral. Dès lors, il me paraît plutôt normal que le Conseil d'Etat maintienne cette position de même que les objectifs à atteindre.
Maintenant, s'agissant des éléments spécifiques de ce projet de loi, notamment les incitations financières, bien entendu que cela pose des problèmes de distorsion de concurrence: on ne peut pas aider une catégorie de véhicules et pas les autres. Par ailleurs, dans la mise en oeuvre actuelle de la loi, nous ne rencontrons aucun problème, des circulaires ont été émises par mon département et les choses se passent tout à fait bien à ce stade. Dans le cas contraire, le Conseil d'Etat aurait toujours la possibilité de revenir devant votre plénum avec un projet de loi. Je vous engage par conséquent, pour tous les motifs évoqués par le rapporteur, à refuser définitivement cet objet. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13156 à la commission des transports est adopté par 50 oui contre 40 non.
L'IN 194-CJ est renvoyée à la commission judiciaire et de la police.
Nouveau texte de l'initiative 194 et nouveaux délais pour son traitement à la suite de l'arrêt de la Cour de justice, reçu le 23 septembre 2024.
La pétition 2212 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous arrêtons ici et reprendrons nos travaux à 20h30. Bon appétit !
Une voix. Bravo, président !
La séance est levée à 18h45.