Séance du
vendredi 31 mai 2024 à
18h
3e
législature -
2e
année -
2e
session -
10e
séance
M 2780-A
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, la M 2780-A, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de minorité de Mme Martenot ne sera pas présenté. Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Pour rappel, la commission des Droits de l'Homme a traité entre 2020 et 2023 plusieurs textes portant sur la discrimination. La commission a décidé d'examiner tous ces textes après le PL 12843 relatif aux discriminations liées au genre, déposé par le Conseil d'Etat en décembre 2020. Dès le début du traitement de cet objet, d'importants doutes ont été émis au sein de la commission sur le fait d'adopter une loi ne visant qu'une cause de discrimination ou qu'un domaine. Aussi, la commission a pris la décision d'élargir le champ d'application de la loi pour couvrir toutes les discriminations, dans tous les domaines. Sur proposition du Conseil d'Etat, il a donc finalement été décidé d'élaborer un projet de loi séparé, qui a été rédigé par la commission avec l'aide du département de la cohésion sociale; ce texte visait à promouvoir l'égalité en général et à lutter contre toutes les discriminations, et venait s'ajouter au projet de loi initial 12843 amendé en conséquence. Les travaux de la commission ont abouti à l'adoption, à une très large majorité, d'une loi générale contre les discriminations, la loi 13279 dite LED, accompagnée d'une première loi spécifique luttant contre les discriminations liées au genre, la loi 12843 dite LED-Genre.
Ces deux projets de lois ont été adoptés par le Grand Conseil le 23 mars 2023. Juste après ce vote, la commission a remis l'ouvrage sur le métier et à l'ordre du jour tous les textes relatifs à une thématique liée aux discriminations. La commission a ainsi pu examiner à la lumière du contenu de la LED et de la LED-Genre la proposition de motion 2780, que nous traitons aujourd'hui, «pour la mise en place d'outils permettant une lutte efficace contre les agressions, le harcèlement et les discriminations dans les domaines des arts, de la culture et des sports».
Tout ce qui est réclamé dans cet objet figure déjà dans la loi votée, même si ce n'est pas de manière aussi précise. Pour ne citer qu'une invite, celle relative à l'octroi d'indemnités et d'aides financières, celles-ci ne peuvent être actuellement accordées qu'aux entités respectant les principes généraux d'égalité et d'interdiction des discriminations directes ou indirectes fondées sur une caractéristique personnelle, notamment l'origine, l'âge, le sexe, l'orientation affective et sexuelle, l'identité de genre, l'expression de genre, l'intersexuation, les incapacités, les particularités physiques, la situation sociale ou familiale, les convictions religieuses ou politiques, conformément à l'article 17 de la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations du 23 mars 2023.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Christina Meissner. Je vais vous épargner la citation de tous les articles qui répondent clairement à cet objet et vous demander simplement, comme la majorité de la commission, de refuser ce texte qui n'a plus lieu d'être. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en commission, le groupe socialiste s'est abstenu sur cette motion, parce que, d'une part, elle nous paraissait pertinente et que, d'autre part, l'adoption de la loi sur l'égalité et la lutte contre les discriminations a constitué une réponse aux invites de ce texte. Le temps ayant passé, nous estimons aujourd'hui qu'il serait intéressant de transformer ce texte en vue de demander au Conseil d'Etat un premier bilan des effets de la loi sur l'égalité et la lutte contre les discriminations dans le champ d'application de cette motion, c'est-à-dire les arts, la culture et le sport. Raison pour laquelle nous avons proposé un amendement général qui vise à remplacer l'intégralité des invites par une invite unique; celle-ci demande un bilan du Conseil d'Etat sur les effets d'application de cette loi dans ces domaines. Je vous remercie de votre attention et vous invite à voter cet amendement et la motion ainsi amendée. Merci beaucoup.
M. Yves de Matteis (Ve). Pour ma part, à l'époque, j'avais été l'un des seuls représentants à appuyer cette motion avec Ensemble à Gauche, car elle me semblait intéressante et contenait des éléments assez précis et techniques permettant de penser que ça pouvait apporter une plus-value à nos débats. D'autant plus qu'actuellement - mais à ce moment-là on ne le savait pas encore, puisqu'on n'a pas fait beaucoup d'auditions -, la Ville de Genève a un dispositif spécifique aux organismes culturels qui reprend un petit peu ce qui est préconisé dans cette motion, c'est-à-dire la signature d'une charte, le fait d'avoir des interlocuteurs extérieurs. Je continue d'estimer que malgré tout, ça pourrait être une bonne motion.
Néanmoins, comme l'a dit M. Mizrahi, on pourrait très bien examiner cette thématique à la lumière d'un rapport qui pourrait être fait par le Conseil d'Etat. Selon moi, c'est peut-être un peu tôt, parce que la LED et la LED-Genre sont entrées en vigueur au mois de juillet, et je ne pense pas que le Conseil d'Etat ait déjà fait le tour de la mise en oeuvre de ces deux lois, mais peut-être que dans un certain temps ça vaudrait effectivement la peine d'avoir un rapport. A cette occasion, on pourrait voir dans quelle mesure elles répondent aux besoins des organismes culturels, comme le mentionne cette motion. Je pense qu'on pourrait adopter cet amendement général, et je vous enjoins de le faire. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, j'ouvre la procédure de vote sur l'amendement général de M. Mizrahi. Vous l'avez tous reçu, mais je vous propose de vous le lire:
«invite le Conseil d'Etat à lui présenter un bilan de l'application de la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations (LED, rs/GE A 2 90) en tant qu'outil de lutte contre les agressions, le harcèlement et les discriminations dans les domaines des arts, de la culture et des sports.»
Nous passons... (Remarque.) Il y a une demande de parole ? D'accord. Excusez-moi, Madame la rapporteure, je vous cède le micro.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Excusez-moi, Monsieur le président, je prends connaissance de cet amendement. Je comprends la nécessité de faire un bilan à un certain moment; c'est en effet toujours très important d'en faire. Toutefois, il s'agit là d'un bilan dans certains domaines et non dans tous. Je pense que si un amendement peut être adopté et remplacer celui déposé par M. Mizrahi, ce serait celui que je viens de déposer. Il consiste à supprimer la fin de la phrase - ce qui figure après la parenthèse -, c'est-à-dire à demander un bilan avant la fin de la législature mais pas tout de suite, car comme M. de Matteis l'a relevé, il faut que ces lois, la LED et la LED-Genre, puissent déployer leurs effets. Il s'agit de demander un bilan de ces deux lois-là, et pas simplement dans le domaine de la culture, du sport et des arts. Ce type d'amendement, je serais prête à le voter, car il s'agit véritablement d'un bilan de ces lois, dans tous les domaines et pour toutes les discriminations, et non l'amendement de M. Mizrahi, à moins qu'il ne soit d'accord de l'abandonner.
M. Cyril Mizrahi (S). Sur le principe, je n'ai rien contre l'amendement de la rapporteuse de majorité, qui me convient assez. Pourquoi ne pas faire un bilan plus large ? Ce qui est un peu bizarre, c'est qu'on est parti d'une motion quand même spécifique à certains domaines. C'est donc un peu bizarre de changer uniquement l'invite, et peut-être faudrait-il rédiger une motion de commission pour avoir ce bilan. Aussi, je propose de renvoyer cet objet à la commission des Droits de l'Homme, ce qui me semble le plus simple.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Personnellement, je m'opposerai au renvoi en commission. C'est vrai que c'est un peu bizarre de prendre une motion, de la détourner pour en faire une demande de bilan sur l'ensemble des discriminations et sur les deux autres lois, qui ne sont même pas citées dans cette motion de départ puisqu'elles n'existaient pas à l'époque. Très honnêtement, je pense que ce parlement et la commission des Droits de l'Homme devraient s'engager à demander un bilan de ces deux lois durant cette législature par une motion de commission, si l'Etat ne s'engage pas de lui-même à le faire. Malheureusement, cette motion-là n'ayant plus d'objet, je proposerais quand même de la refuser.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous exprimer au sujet du renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2780 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 40 non contre 37 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons nos discussions et la parole revient à M. Taboada.
M. Francisco Taboada (LJS). Merci, Monsieur le président. A l'inverse de ma préopinante, j'insisterai sur cette demande de renvoi en commission. On est en train de refaire les débats dans cet hémicycle, ce qui montre que ça mériterait d'être fait par la commission. On l'a vu lors des précédents points, la commission des Droits de l'Homme est capable de fournir un très bon travail. La droite l'a plébiscité tout à l'heure. Je pense que la commission des Droits de l'Homme devrait à nouveau se pencher sur ce sujet et éclaircir la situation. Merci, Monsieur le président.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, ce n'est pas que nous ne souhaitons pas faire de bilans, au contraire, mais est-il pertinent de faire un bilan sur toutes les discriminations à partir d'une motion qui se limite aux domaines des arts, de la culture et des sports ? Je pense au contraire que la commission des Droits de l'Homme est tout à fait capable de rédiger une motion de commission pour demander un bilan sur l'ensemble des discriminations et sur l'ensemble des domaines, sans partir d'une motion dont l'exposé des motifs, etc., n'a plus rien à voir avec ce dont nous traitons aujourd'hui. J'appelle aussi l'exécutif à s'engager à un moment donné. Je crois qu'il est juste de faire des bilans en fin de législature, mais s'il ne s'en charge pas, nous pouvons parfaitement le faire. Pour ces raisons, je suis contre le renvoi de cette motion en commission.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Au sujet du renvoi en commission, je tiens à vous dire deux choses. Les invites de la M 2780 comprennent un certain nombre de points. Premièrement, peut-on inclure dans les conditions d'octroi les éléments liés à la prise en compte des situations et des exigences en matière de lutte contre les agressions et le harcèlement ? C'est déjà fait dans le cadre des lettres d'attribution que nous envoyons. Deuxièmement, est-ce que nous faisons signer une charte aux bénéficiaires ? La réponse est oui ! Nous l'avons rédigée conjointement avec la Ville de Genève et nous avons encouragé les communes genevoises à en faire autant.
Ensuite, s'agissant de contribuer à mettre sur pied, en collaboration avec les associations spécialisées, un observatoire, cela existe au niveau romand; nous sommes aussi à la pointe, étant donné que nous avons mobilisé les associations faîtières pour l'organisation d'une telle structure. Enfin, concernant le contrôle du respect des conditions de subventions, cela est également le cas, puisque nous vérifions que la charte est signée et que lorsqu'il est question de traiter de situations qui reviennent au département ou à la Ville de Genève, nous le faisons avec un organisme spécifiquement prévu à cet effet. Un renvoi en commission pour traiter à nouveau ce que je viens de vous dire est donc inutile.
En revanche, la raison pour laquelle je trouvais pertinent que vous puissiez vous déterminer ce soir sur ce texte, c'est qu'au fond, celui-ci est un véhicule qui vous permettrait d'amener le Conseil d'Etat à établir un bilan de la loi sur l'égalité et la lutte contre les discriminations. La LED-Genre a été votée par votre parlement et d'autres lois sont également prévues. La première d'entre elles s'appelle la LED-Handicap et donnera là aussi l'occasion au parlement de se déterminer. Ainsi, le bilan que vous pourriez demander au Conseil d'Etat via cette motion fait tout à fait sens, en tout cas pour nous. Partant, le Conseil d'Etat vous invite à refuser ce renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2780 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 47 non contre 36 oui et 2 abstentions.
Le président. Le débat reprend, et je cède le micro à M. Mizrahi pour cinquante-quatre secondes.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, une fois n'est pas coutume, je vais citer mon collègue Sylvain Thévoz: je trouve cette discussion un peu lunaire. On est tous d'accord sur le fait qu'il faut un bilan, et on nous explique que ces actions sont déjà menées. Ensuite, Mme Meissner nous propose un élargissement de mon propre amendement, auquel je peux souscrire - mais je maintiendrai mon propre amendement - tout en disant: «On élargit, mais en même temps, la motion reste comme elle était à la base.» C'est du mauvais travail parlementaire ! Certes, la commission peut encore s'autosaisir, mais le plus simple est quand même de renvoyer tout ça en commission. Je vous encourage vraiment à le faire, ou sinon à voter les différents amendements tels qu'ils sont proposés.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Vous transmettrez à M. Mizrahi, Monsieur le président, qu'il a raison au sujet du mauvais travail parlementaire. Travailler un texte dont l'exposé des motifs et les invites n'ont plus rien à voir avec ce que nous souhaitons faire aujourd'hui, c'est du mauvais travail parlementaire. Donc non au renvoi en commission ! Par contre, oui à un engagement de la commission des Droits de l'Homme à demander un bilan sur l'ensemble de la LED-Genre et de la LED tout court d'ici la fin de la législature !
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, nous votons à nouveau sur un renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2780 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 44 non contre 33 oui et 2 abstentions.
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur le sous-amendement général de Mme Meissner. (Remarque.) Oui, Madame ?
Mme Christina Meissner. Je le retire.
Le président. Très bien. (Remarque. Rires.) M. Mizrahi le reprend. Il est ainsi rédigé:
«invite le Conseil d'Etat à lui présenter un bilan de l'application de la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations (LED, rs/GE A 2 90).»
Mis aux voix, ce sous-amendement général est rejeté par 48 non contre 36 oui.
Le président. Je vous invite à présent, Mesdames et Messieurs les députés, à voter sur l'amendement général de M. Mizrahi:
«invite le Conseil d'Etat à lui présenter un bilan de l'application de la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations (LED, rs/GE A 2 90) en tant qu'outil de lutte contre les agressions, le harcèlement et les discriminations dans les domaines des arts, de la culture et des sports.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 46 non contre 37 oui.
Le président. Je mets enfin aux voix la proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2780 est rejetée par 56 non contre 30 oui (vote nominal).