Séance du
jeudi 25 janvier 2024 à
17h
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
47e
séance
PL 12789-A
Premier débat
La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, à savoir le PL 12789-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je savoure le précédent vote, mais ce débat intervient du coup un tout petit peu plus rapidement que ce que j'avais prévu et je vous remercie par avance de votre indulgence. (L'oratrice rit.)
Ce projet de loi propose en réalité que l'annuité, pour le personnel de la fonction publique, ne soit pas un droit acquis, un droit inscrit dans la loi, et par conséquent un droit qui, pour être remis en question, nécessite le vote d'une loi d'exception par le Grand Conseil. Avec ce texte, ce serait simplement le Conseil d'Etat qui déciderait, une année après l'autre, si oui ou non il accorde l'annuité au personnel de l'Etat. Et ça, ça a évidemment de très nombreuses conséquences. La première, c'est qu'en l'absence d'un budget voté - en l'absence de budget -, étant donné que les annuités sont un droit acquis, l'annuité est aujourd'hui versée. L'adoption de ce projet de loi aurait pour conséquence que le corollaire d'une absence de budget serait automatiquement le non-versement de l'annuité.
Quant à l'autre conséquence, on peut regarder un petit peu les faits ! Les faits sont les suivants: ces dix dernières années, le Conseil d'Etat a décidé à six reprises de ne pas octroyer l'annuité, alors que le Grand Conseil a finalement décidé de l'octroyer huit fois sur dix. On réalise donc que si la compétence de décider de l'octroi de l'annuité est transférée du Grand Conseil au Conseil d'Etat, l'annuité sera versée au mieux une année sur deux, voire plus du tout. De toute évidence, cela nuit très gravement à l'attractivité de la fonction publique, mais cette annuité a par ailleurs quand même été conçue dans l'idée de récompenser la fidélité des collaboratrices et des collaborateurs de l'Etat en les faisant bénéficier, année après année, d'une progression salariale. C'est aussi une manière de reconnaître l'expérience engrangée durant les différentes années de service par les collaboratrices et les collaborateurs de l'Etat.
Dernier point: ce que l'on constate en outre très régulièrement, c'est que la situation budgétaire est souvent nettement moins bonne que la réalité comptable. De façon assez évidente, le Conseil d'Etat, se basant sur les évaluations fiscales, qui - on le redit chaque fois - sont des évaluations et non la réalité, décide donc assez systématiquement de renoncer à l'octroi de l'annuité pour équilibrer son budget. Et pour finir, on se retrouvera avec un résultat comptable excellent, comme très régulièrement ces dernières années, qui ne peut tout simplement pas justifier que l'on prive les collaboratrices et les collaborateurs de l'Etat du droit à l'annuité. C'est pour l'ensemble de ces raisons que la majorité que je représente vous recommande de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de première minorité. Le projet de loi propose principalement, vous l'avez compris, de transférer du parlement au Conseil d'Etat la compétence d'octroyer au personnel de l'Etat tout ou partie de l'annuité. La loi actuelle prévoit que l'annuité est automatiquement octroyée; cela ne devrait donc pas être un objet de discussion. Cependant, presque chaque année, la question de l'annuité est portée devant le Grand Conseil à l'occasion du vote du budget, soit par le Conseil d'Etat, soit, parfois aussi, par le Grand Conseil lui-même. A cette occasion, le Conseil d'Etat va devant le parlement pour dire ce qu'il a négocié avec les représentants de la fonction publique, qu'il n'a pas obtenu gain de cause et qu'il demande au parlement de trancher.
Ainsi, nous avons d'un côté un Conseil d'Etat qui a la capacité de négocier mais ne peut pas décider et, d'un autre côté, nous avons le Grand Conseil qui peut décider mais n'a pas la capacité de négocier. Le projet de loi corrige cela en octroyant à l'autorité ayant la capacité de négocier la capacité également de décider. Ce transfert de compétence ne réduit pas réellement les prérogatives du parlement puisque celui-ci a toujours la possibilité de fixer l'enveloppe budgétaire annuelle. Toutefois, dans le cadre de cette enveloppe, le Conseil d'Etat aurait la possibilité de discuter avec ses employés de la façon dont il souhaite utiliser son budget et, le cas échéant, d'octroyer intégralement ou partiellement l'annuité, ou d'engager de nouveaux fonctionnaires.
Certes, et je l'ai déjà dit, adopter ce projet de loi revient à supprimer l'automaticité de l'annuité. Mais, tous partis confondus, il faut reconnaître que la question de l'annuité est posée presque chaque année par le Conseil d'Etat et que jamais un parlement ne lui a répondu que la loi devait être appliquée strictement et que le Grand Conseil ne pouvait, légalement, revenir sur l'automaticité.
Il convient de relever que le Conseil d'Etat est favorable à ce projet de loi. En effet, le gouvernement fait le constat que les associations du personnel, dans le cadre des rencontres RH, sont parfaitement conscientes que le Conseil d'Etat peut toujours proposer une suspension de l'annuité pour des questions budgétaires ou économiques, mais que la décision finale revient au Grand Conseil. Evidemment, cela met à mal la relation employeur-employés et décrédibilise le Conseil d'Etat, qui n'est pas un partenaire de négociation fiable en la matière.
Ainsi, pour la nouvelle majorité qui se dégage, l'objectif est de responsabiliser les acteurs en présence, en particulier le Conseil d'Etat comme employeur de la fonction publique, et d'accorder à celui-ci une certaine crédibilité face aux syndicats de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle la minorité que je représente vous invite à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 12789 propose en effet de transférer une compétence du parlement - notre Grand Conseil - au Conseil d'Etat: celle d'octroyer ou non tout ou partie de l'annuité. La situation a quelque chose de totalement anachronique. Nous avons un partenariat social qui s'exerce entre les associations représentatives du personnel et l'employeur par le biais du Conseil d'Etat. C'est lui qui procède aux négociations relatives au personnel sur les questions salariales. Le problème, c'est que le Conseil d'Etat négocie sans avoir la capacité de s'engager: au final, ce n'est pas lui qui décide si l'annuité est octroyée ou non.
La loi dit que l'annuité est automatiquement octroyée. Or, chaque fois, le Conseil d'Etat la remet quand même en question et il vient devant le Grand Conseil pour dire ce qu'il a négocié, qu'il n'a pas obtenu gain de cause et qu'il demande au parlement de trancher. Le résultat, c'est que ce sont ceux qui n'ont pas mené les négociations qui sont obligés de trancher. Ainsi, nous avons d'un côté des gens qui ont la capacité de négocier mais qui ne peuvent pas décider et, d'un autre côté, des gens qui peuvent décider mais qui n'ont pas la capacité de négocier. Du coup, cette question devient chaque année un enjeu politique détestable.
Ce projet de loi propose que l'autorité ayant la capacité de négocier ait aussi la capacité de décider. C'est un transfert de compétence qui ne réduit pas réellement les prérogatives du parlement puisqu'il a toujours la possibilité de fixer l'enveloppe budgétaire. Toutefois, dans le cadre de celle-ci, le Conseil d'Etat aurait la possibilité de discuter avec ses employés de l'octroi ou non de l'annuité.
Ce projet de loi se veut ambitieux, mais cela ne va pas être facile parce que le Grand Conseil va se sentir dépossédé d'une prérogative qui est la sienne et qu'il monte souvent en épingle pour des raisons politiques. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat que je représente vous demande d'entrer en matière sur ce projet de loi 12789 et de bien vouloir l'accepter. Merci, Madame la présidente.
M. Léo Peterschmitt (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le rapport de majorité l'explique très bien, les annuités sont un droit, mais elles sont trop souvent utilisées comme un outil de régulation des projets de budgets de l'Etat. Le personnel de l'Etat est ainsi une variable d'ajustement. Cela pose un très gros problème, parce que le non-maintien des annuités est présenté comme un non-choix alors qu'en réalité, c'est faire le choix de péjorer le dynamisme de l'Etat.
Ce projet de loi s'inscrit dans une logique plus globale de démantèlement, par la droite, du statut des fonctionnaires alors que les discussions sur une nouvelle échelle des traitements sont en cours entre le Conseil d'Etat et son personnel, et cela depuis de nombreuses années. Mais ce texte ne facilitera clairement pas les discussions. Au lieu de jouer aux Lego et de déconstruire n'importe comment les statuts et acquis du personnel de l'Etat, nous devrions plutôt insister sur la nécessité d'une discussion globale sur l'échelle des traitements, et ce avec le personnel de l'Etat et ses représentants.
Les annuités, si détestées par la droite, ont des effets positifs sur la qualité des prestations fournies par l'Etat. D'une part, elles valorisent le travail accompli par les employés tout au long de l'année et, d'autre part, elles fidélisent les employés et permettent de conserver les compétences au sein de l'Etat. Les annuités ne devraient pas être des variables d'ajustement et leur suspension ne doit pas être du seul ressort de l'Etat. Cependant, je pense que ce texte est perfectible et c'est pourquoi je demande un renvoi en commission; si ce renvoi est refusé, je vous invite à refuser le projet de loi. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, je donne la parole aux rapporteurs pour qu'ils s'expriment à ce propos, en commençant par M. Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Non, Madame la présidente, je pense que nous devons voter ce soir. La deuxième minorité refuse donc le renvoi en commission. Merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de première minorité. Je ne vois pas très bien sur quoi porterait ce renvoi en commission. Nous avons procédé à de multiples auditions et aucune proposition n'est avancée pour justifier ce renvoi, raison pour laquelle il faut le refuser.
La présidente. Je vous remercie. Madame Marti, rapporteure de majorité ? (Remarque.) Vous ne voulez pas vous exprimer, très bien. J'invite donc l'assemblée à se prononcer sans plus attendre sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12789 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 48 non contre 45 oui.
La présidente. Nous continuons le débat et la parole va à Mme Alimi. (Brouhaha.) S'il vous plaît, toujours dans le silence ! Je vous rappelle que vous pouvez discuter à l'extérieur.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, transférer une compétence du Grand Conseil au Conseil d'Etat fait sens pour LJS. C'est l'autorité qui a la capacité de négocier qui doit avoir la capacité de décider et de s'engager vis-à-vis du personnel de l'Etat, mais également des partenaires sociaux - j'appelle ça de la responsabilisation. Le parlement n'a pas à se mêler de l'aspect opérationnel pour en faire un objet politique. Et cela permettrait aussi d'accélérer le processus budgétaire, sans débat parlementaire inutile.
A nous, le Grand Conseil, de faire confiance au Conseil d'Etat et à ses décisions, qui seront au plus proche d'une gestion efficace des différents dicastères. Cela ne supprime de toutes les façons pas totalement les prérogatives du parlement, qui a la possibilité de fixer l'enveloppe budgétaire globale. Je précise par ailleurs que l'octroi de l'annuité n'a jamais été automatique, puisque chaque année, il est discuté. Même si l'octroi de l'annuité est inscrit dans la loi, il est donc discuté et fait l'objet de débats chronophages et répétitifs. Par conséquent, le transfert de la compétence du Grand Conseil au Conseil d'Etat est, pour LJS, pertinent.
Au-delà de ce projet de loi, j'en profite pour relever que, s'agissant plus précisément des grilles salariales et de ces annuités basées uniquement sur l'ancienneté, il serait bon d'engager une réflexion pour intégrer dans ces grilles salariales une notion de mérite, source de motivation, de reconnaissance, qui donnera une impulsion en matière d'implication et de performance collective des membres du personnel de l'Etat. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi est un bricolage inacceptable. Le PLR, une fois de plus, veut attaquer - non de manière ouverte, mais en étant masqué - la fonction publique. Ce n'est pas correct ! Pour cette seule raison, le MCG refusera avec détermination cette attaque sournoise contre l'annuité.
Venons-en au fond. La loi prévoit une annuité de manière précise, ce qui engage l'Etat vis-à-vis du personnel qu'il emploie. Sa suppression est devenue, au fil des années, une habitude et ce n'est pas correct ! L'Etat doit se montrer exemplaire; le fait d'appliquer nos lois avec rigueur est un objectif qui devrait être partagé par tous. Le MCG défendra l'annuité, comme il le fait depuis de très nombreuses années, et il vous invite à faire de même en refusant ce projet de loi.
Une préopinante, tout à l'heure, a parlé d'un salaire au mérite. Comment certaines personnes, dans la fonction publique... Quand on sait que la direction - et c'est logique ! - est une direction politique, à savoir le Conseil d'Etat, qu'ensuite il y a des directives, comment voulez-vous avoir une objectivité ! C'est justement la grille salariale, c'est justement le système des annuités qui protègent la fonction publique, les tâches régaliennes de l'Etat, et empêchent qu'il y ait des directives sournoises et mensongères, du copinage ou l'utilisation de tactiques tout ce qu'il y a de plus glauques au sein de l'Etat. Ce sont ces dérives qu'il faut éviter !
Pour cela, il faut éviter de passer par la petite porte pour détruire certains attributs de la fonction publique comme d'aucuns veulent le faire. Et cela, c'est de la première importance. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce projet de loi, et nous vous invitons à faire de même en le refusant. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Mettan - peut-être que cela interrompra les discussions à côté de lui.
M. Guy Mettan (UDC). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, l'UDC soutiendra l'entrée en matière sur ce projet de loi. Les deux rapporteurs de minorité ont parfaitement expliqué la confusion des rôles et des responsabilités qui existe entre ceux qui ont le pouvoir de négocier mais pas de décider et ceux qui peuvent décider mais n'ont pas le pouvoir de négocier. Nous, nous estimons effectivement que c'est un projet de loi qui va dans le bon sens - la députée de LJS l'a d'ailleurs rappelé - parce qu'il permet de clarifier les rôles et les responsabilités de chacun. En l'occurrence, le Grand Conseil n'a pas à jouer les employeurs et à négocier avec la fonction publique; d'autre part, le Conseil d'Etat, qui est le pouvoir exécutif, n'a pas à déléguer cette tâche au Grand Conseil. Cet effort de clarification est salutaire, c'est pourquoi nous allons le soutenir. Et pour le Grand Conseil, il n'y a pas de perte de pouvoir ! Pas du tout, puisque nous avons le «final cut», comme on dit en bon français: la décision finale nous revient. Nous gardons donc tout à fait nos prérogatives.
J'ajouterai, pour terminer, que nous trouvons par ailleurs un peu dommage, ou déplorable, que pas mal de députés dans cette salle travaillent dans la fonction publique. Je trouve qu'ils devraient se souvenir de l'article 24 sur les conflits d'intérêts et peut-être ne pas prendre part à ce vote, qui sert à défendre leurs intérêts personnels. Merci.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, nous allons au-devant d'une session plutôt animée, qui s'intéresse à la fonction publique. Je me permets de rappeler ici que cette fonction publique est dans sa très grande majorité hyper efficace, et nous la remercions.
Les auteurs de ce projet de loi estiment que l'annuité, c'est finalement comme les antibiotiques: ce n'est pas forcément automatique ! L'annuité dépend du budget et de la santé financière du canton. La situation comptable étant au final favorable, l'annuité a de fortes chances d'être accordée.
Quand on parle du fait que l'attractivité de la fonction publique pourrait être prétéritée, on parle de la sécurité de l'emploi ou de l'annuité ? Si on devait choisir entre la nomination et l'annuité, qu'est-ce qui serait en fin de compte le plus attractif pour les personnes qui désirent se lancer et embrasser une carrière à l'Etat ? Aujourd'hui, on l'a compris, le Conseil d'Etat négocie, et nous, nous décidons - et à la fin, c'est nous qui nous faisons huer. Pourquoi ne pas laisser le Conseil d'Etat décider ? In fine, cela revient exactement au même, sauf que le Conseil d'Etat a l'occasion de négocier avec les syndicats et nous non.
Pour ces raisons et celles évoquées par les désormais anciennement rapporteurs de minorité - pour permettre au Conseil d'Etat de jouer pleinement son rôle d'employeur et d'offrir, en cas de coup dur budgétaire, une bouée de secours à l'ensemble des habitants du canton en permettant à la fonction publique d'être solidaire des concitoyens en période difficile -, il nous a semblé cohérent et logique de permettre au décideur de décider tout en nous évitant des huées pour des négociations que nous n'avons pas menées lors du vote du budget. Le Centre vous recommande de réserver un accueil favorable à ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci. La parole va à M. Baertschi pour une minute vingt-cinq.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. Je n'avais pas prévu de reprendre la parole, mais j'ai été très surpris d'entendre un député mettre en cause le fait que des députés travaillent dans la fonction publique, ce qu'a voulu le peuple - c'est une décision populaire, rappelons-le. Je pense que c'est une excellente décision pour avoir quand même des personnes qui représentent les salariés, parce qu'il y a un déficit de salariés dans ce parlement.
Deuxièmement, le député en question a lui-même été concerné par quelques avantages votés par ce Grand Conseil et l'article 24 dont il parle, il ne l'a pas toujours respecté comme il aurait peut-être dû le faire. Mais enfin, ça c'est...
Une voix. Le Club de la presse !
M. François Baertschi. Le Club de la presse... (Remarque.) ...pour le rappeler à ceux qui n'auraient pas bonne mémoire; il y a 100 000 francs qui étaient attribués et c'était très contesté... (Remarque.) ...très contesté par certains de nos collègues ou de nos ex-collègues. Merci, Madame la présidente.
M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi corrige une anomalie. Cela a déjà été dit, l'octroi des annuités doit être de la compétence de l'autorité qui gère le personnel et en est responsable. Mais il faut aussi corriger une autre situation, une situation très très peu claire. Inscrire le droit à l'annuité dans la loi et, année après année, rediscuter et débattre à nouveau de son statut et de ce droit est indigne ! C'est irrespectueux envers nos serviteurs de l'Etat.
Pour terminer, tous les partis souhaitent rémunérer correctement nos fonctionnaires; je crois que sur ce point-là, il n'y a aucun problème. Mais j'aimerais quand même relever ici que la situation budgétaire risque aussi de changer dans ce riche canton de Genève et rappeler deux éléments. Le premier, c'est que le Tessin a annoncé il y a environ une semaine que la fonction publique cantonale aura une baisse de salaire de 2%, et cela s'appliquera pour toutes les rémunérations au-dessus de 60 000 francs. Le deuxième, c'est que j'ai entendu ce matin, à la radio, qu'en France - et nous sommes quand même quelque part une enclave de la France... (Exclamations. Rires.) ...en France, les recettes ont baissé de 8 milliards en 2023. Evidemment, c'est peu vu que le déficit budgétaire s'y établit à 150 milliards et que l'Etat français souhaite faire un effort d'économies de 12 milliards - je crois que ces 12 milliards sont largement contestés.
Je pense donc qu'il faut effectivement corriger les deux anomalies que nous avons. Merci pour votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Nidegger pour vingt secondes.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Le renvoi de balle de M. Baertschi, Madame la présidente, atteste du fait qu'il reconnaît qu'il y a un conflit d'intérêts; je propose donc une motion d'ordre pour que les votes des députés qui sont aussi fonctionnaires ne soient pas décomptés dans le vote final ce soir. (Commentaires.)
Une voix. Ce n'est pas légal !
La présidente. Je vous remercie. Premièrement, ce n'est pas dans les compétences de la motion d'ordre de priver de vote certains députés. Deuxièmement, un avis de droit sur l'application de l'article 24 a clairement défini son application très très restreinte, soit uniquement lorsque le député est personnellement touché, ce qui n'est pas le cas quand on traite de normes générales et abstraites comme en matière de fonctionnariat.
Je donne maintenant la parole à M. Guinchard pour vingt-quatre secondes.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Madame la présidente. Ce sera largement suffisant pour constater que l'UDC, depuis ce soir, est enfin favorable au développement du Grand Genève, puisque nous sommes à ses yeux une enclave de la France ! Je vous remercie. (Rires. Applaudissements.)
La présidente. Merci. Il n'y a plus de demande de parole de députés; c'est donc le tour des rapporteurs. (Remarque.) Le rapporteur de seconde minorité, M. Ivanov, a la parole pour une minute cinquante.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Le débat sur l'annuité revient chaque année au moment du budget et celle-ci sert de variable d'ajustement après des négociations, tant avec les syndicats - et c'est le rôle du Conseil d'Etat - qu'avec la commission des finances, qui à la fin décide de l'attribuer ou non dans le cadre du débat budgétaire. Tout à l'heure, comme d'habitude, la gauche a agité le spectre du démantèlement du statut de la fonction publique; je ne vois pas en quoi, en l'espèce, il y a un démantèlement du statut de la fonction publique. Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité de la commission sur le personnel de l'Etat vous demande de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci. La parole est à la rapporteure de majorité, Mme Marti, pour quatre minutes trente.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vais commencer par répondre à un ou deux arguments qui ont été avancés, notamment par M. Mettan - vous voudrez bien lui transmettre, Madame la présidente - qui nous indique que c'est en définitive le Grand Conseil, à travers le vote du budget, qui aurait le «final cut». C'est faux ! C'est faux, d'abord parce que, quand bien même on voterait des montants supplémentaires dans le cadre du budget pour octroyer l'annuité, le Conseil d'Etat ne serait pas obligé de la verser. Il pourrait le faire - il l'a déjà fait par le passé, notamment quand le Grand Conseil a décidé d'augmenter l'indexation des salaires de la fonction publique au-delà de ce qu'il avait lui-même prévu - mais enfin, il n'y est pas obligé. Et, surtout, je vous rappelle que le Grand Conseil ne peut pas augmenter le déficit du budget présenté par le Conseil d'Etat - même si le budget est positif, cela dit - et il est donc évidemment impossible de voter des montants aussi importants que ceux nécessaires au versement de l'annuité si le Conseil d'Etat ne l'a pas lui-même intégrée dans son projet de budget. Ainsi, il est absolument évident que le Grand Conseil, dans ce cadre, perd une de ses prérogatives: celle d'assurer le maintien de l'annuité, respectivement, dans des cas tout à fait exceptionnels, de la suspendre.
Je répondrai aussi à M. Sayegh - vous transmettrez, Madame la présidente - que le versement de l'annuité se détermine dans le cadre du débat budgétaire puisqu'elle doit évidemment être comprise et intégrée dans le budget. Or, je le rappelais tout à l'heure, le budget est régulièrement déficitaire - même assez largement déficitaire; pourtant, on voit depuis plusieurs années que, malgré des budgets très largement déficitaires, on se retrouve avec des comptes qui sont très largement excédentaires ! Comment donc expliquer à la fonction publique, alors qu'on a des comptes dont le bénéfice dépasse le milliard, qu'elle ne peut pas bénéficier de l'annuité ? C'est absolument incompréhensible.
J'aimerais enfin rappeler que les collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique sont des personnes qui ont le sens de l'Etat et du service public, qui ne se contentent pas d'aller travailler mais qui sont convaincues de la nécessité des tâches qu'elles et ils exercent, des services qu'ils rendent à la population. Ce sont des personnes qui sont impliquées dans leur travail, qui sont loyales et fidèles vis-à-vis de l'Etat, et je pense qu'à ce titre-là, on leur doit de la reconnaissance. Cela signifie reconnaître la qualité de leur travail, mais aussi leur expérience; à l'Etat, cela se matérialise à travers le versement d'une annuité et la progression salariale. De ce fait, nous considérons que l'annuité doit rester un droit acquis: ça doit donc continuer à être inscrit dans la loi sur le personnel de l'Etat. Raison pour laquelle nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci. (Brouhaha.) Nous arrivons bientôt au terme de ce rep... (Rires.) ...de ce débat - je vous assure que vous allez bientôt pouvoir discuter entre vous; vous pourrez le faire dans peu de temps, mais pas encore maintenant. La parole est à la conseillère d'Etat, Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille favorablement ce projet de loi et souhaite revenir sur quelques éléments qui ont été abordés. D'abord, le Conseil d'Etat a régulièrement tenté de négocier avec la fonction publique; il a négocié avec succès dans le cadre du projet de budget 2023, ayant trouvé un accord qui satisfaisait tant l'ensemble des associations représentatives du personnel, respectivement leurs assemblées, que le Conseil d'Etat. Et puis cet accord qui portait sur la question de l'annuité mais aussi sur l'indexation, Mesdames et Messieurs, a été mis à néant par une décision du Grand Conseil. Cela a évidemment affaibli la position de l'Etat employeur - Etat employeur qui se doit de négocier, qui se doit de valoriser ce partenariat social, doit pouvoir être crédible lorsqu'il organise des séances et des discussions sur différents objets avec les collaboratrices et les collaborateurs. C'est la différence entre une responsabilité d'employeur et une responsabilité qui incombe au Grand Conseil.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, je suis la première - je l'ai encore fait dernièrement - à défendre notre fonction publique. Je l'ai défendue publiquement; j'ai défendu nos cadres, nos hauts cadres, mais également l'ensemble des fonctionnaires pour leur travail et leur engagement. Et j'aimerais rappeler, s'agissant de l'échelle des traitements, que lorsqu'ils s'engagent à l'Etat, ils s'avèrent possiblement mieux payés que dans le privé s'ils occupent certaines fonctions, mais singulièrement moins payés s'ils en occupent d'autres. En tant qu'Etat, nous représentons en outre des valeurs; l'Etat de Genève doit représenter ces valeurs - il doit être un employeur exemplaire. Pour le Conseil d'Etat, le but n'est donc pas de précariser la situation de la fonction publique; le but, avec ce projet de loi, n'est pas de s'assurer qu'il pourra supprimer chaque année l'annuité. Le but est de pouvoir entamer des discussions responsables avec les associations représentatives des fonctionnaires, des employés de la fonction publique, et que nous parvenions à dialoguer.
A nouveau, cessons de traiter les uns de tueurs de la fonction publique - nous avons toutes et tous besoin d'elle - et les autres de protecteurs de cette fonction publique; je crois que le gouvernement souhaite - c'est en tout cas vrai en ce qui me concerne -, avec l'office du personnel de l'Etat, valoriser les compétences de notre fonction publique. Je dois vous le dire, je peux compter sur des collaboratrices et des collaborateurs engagés, quels qu'ils soient. Nous avons un statut du fonctionnaire qui est rigide: il ne permet pas toujours une grande souplesse. Mais donner au Conseil d'Etat les moyens d'assumer ses responsabilités ne signifie pas, à mon sens, précariser la fonction publique, et je vous propose, Mesdames et Messieurs, si ce texte est adopté, que nous en fassions le bilan dans quelque temps - vous devriez être surpris.
Finalement, il est aujourd'hui facile pour le Conseil d'Etat de vous présenter des projets de budgets ou des plans financiers quadriennaux - ce qui ne veut au fond rien dire parce que c'est une planification à long terme - dans lesquels il supprime l'annuité une année sur deux. Pourquoi est-ce que c'est facile ? Parce que nous savons, Mesdames et Messieurs les députés, et je vois la rapporteure de majorité sourire parce qu'elle le sait également, que c'est le Grand Conseil qui aura le dernier mot. Cela nous permet, lorsque nous prenons ce type de décision - peut-être l'avons-nous prise parfois sans négociations; ça n'a pas été le cas ces dernières années ! -, de nous défausser aussi un tout petit peu et de nous dire que, au final, c'est bien le Grand Conseil qui décidera s'il veut ou non suspendre l'annuité pour l'année en question.
Ce que le Conseil d'Etat vous demande aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est de lui donner cette responsabilité - cette responsabilité d'employeur: de nous donner la responsabilité de discuter avec les associations, de voir comment nous arrivons à remplir les exigences relatives au fait d'avoir un personnel correctement payé, mais aussi des finances publiques saines. Et cela peut se passer comme cela se serait passé pour le budget 2023, si nous n'avions pas en quelque sorte été doublés par une majorité: en négociant une annuité ou une partie de l'indexation sous réserve que les comptes soient positifs. Cela ne prétérite absolument personne; ça donne une marge de manoeuvre et une solidité au Conseil d'Etat pour prendre ses décisions, et une responsabilité aussi - et les uns et les autres savent à qui ils ont affaire.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de réserver un accueil positif à ce projet de loi et vous assure qu'il ne s'agira pas de prétériter la situation de la fonction publique - loin de là, ce n'est pas l'idée. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la procédure de vote. (Remarque.) Ah, je vois que le vote nominal a été demandé pour l'entrée en matière. (Appuyé.)
Mis aux voix, le projet de loi 12789 est adopté en premier débat par 50 oui contre 46 non (vote nominal).
Le projet de loi 12789 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12789 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 46 non (vote nominal).