Séance du
jeudi 12 octobre 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
5e
session -
26e
séance
IN 193 et objet(s) lié(s)
Débat
La présidente. Nous passons à notre point fixe: l'initiative 193, traitée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme Jennifer Conti.
Mme Jennifer Conti (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, en résumé, que demande l'initiative ? Un chèque de 300 francs pour des soins dentaires, renforcer la prévention et doter Genève d'un plan cantonal en matière de promotion de la santé bucco-dentaire. Notre système de santé est tellement efficient qu'il nous coûte des milliards. En même temps, il ne prévoit pas de financement pour un détartrage annuel pour les Genevoises et les Genevois qui en ont besoin, alors que, on le sait, les dents mal soignées représentent un risque de développement de problèmes cardio-vasculaires et de problèmes d'insuffisance respiratoire. Sans parler des impacts sur la nutrition et sur la capacité d'élocution, impacts qui sont également très importants pour notre santé physique et psychique.
Avec un excédent de 727 millions de francs, l'Etat de Genève a largement les ressources pour financer ce que propose cette initiative. Il faut dire que le Conseil d'Etat ne pouvait pas bénéficier d'un meilleur timing pour communiquer autour de son refus de cette initiative: il l'a fait au lendemain de l'annonce de l'explosion des primes d'assurance-maladie à Genève, moment où la population et l'ensemble de la classe politique se mobilisent pour une réforme totale de notre système de santé, ce même système de santé qui ne prévoit aucun remboursement de soins dentaires dans l'assurance de base.
Selon l'un des arguments opposés par la majorité du Conseil d'Etat, un chèque annuel de 300 francs ne représente qu'une réponse partielle: le montant est trop faible pour payer un traitement dentaire complet, «cela pourrait inciter une partie de la population concernée à ne pas recourir à [ce chèque de 300 francs], de peur de se voir détecter des problèmes dentaires plus conséquents et immédiatement impossibles à prendre en charge car dépassant leur budget». Donc, selon cet argument, il vaut mieux laisser la population dans l'ignorance de son véritable état de santé, au moins, elle ne sera pas stressée par les potentiels frais dentaires qu'elle ne pourra de toute manière pas se payer; à moins que cet argument, provenant de la majorité du Conseil d'Etat, aille plutôt dans le sens d'un contreprojet visant justement à répondre complètement à cette problématique en offrant non pas un chèque de 300 francs, mais de 500 francs par année. Nous le verrons à la commission de la santé. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je salue à la tribune la présence de notre ancienne collègue, Mme Nathalie Schneuwly. (Applaudissements.) La parole revient à M. Léo Peterschmitt.
M. Léo Peterschmitt (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, selon les statistiques, jusqu'à 20% de la population renoncerait à des soins dentaires à cause des coûts trop élevés; chez les plus précaires, ce chiffre monte jusqu'à un tiers. L'état de santé bucco-dentaire a des répercussions sur l'état de santé global d'une personne. En outre, ce n'est pas qu'une question individuelle: il y a une dimension sociale. Une bonne santé bucco-dentaire n'est pas accessible à toutes et tous, et nous devons nous demander comment cela s'articule avec notre constitution, qui garantit l'accès aux soins. Les soins dentaires représentent actuellement, pour de nombreuses personnes, des charges excessives et parfois insoutenables. Je le rappelle, une famille suisse de la classe moyenne sur cinq ne peut pas faire face à une dépense inattendue de 2500 francs. Nier cette réalité, c'est mentir comme un arracheur de dents.
Nous savons que le canton de Genève est un mauvais élève dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé en général, et cette initiative est un moyen de renforcer celles-ci. C'est l'occasion d'être précurseur, de donner une bouffée d'air à la classe moyenne et aux personnes à revenus précaires, avec des bénéfices de santé publique énormes, de soutenir des mesures de prévention efficaces et indispensables et de favoriser une meilleure dentition pour croquer la vie à pleines dents. Surtout, c'est l'occasion de ne pas repousser la prise en charge des soins dentaires par l'Etat à la date où les poules auront des dents. Vous l'avez compris, les Vertes et les Verts accueillent cette initiative avec un sourire jusqu'aux oreilles. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Depuis trop longtemps, les soins dentaires représentent un problème pour la population. Néanmoins, il faut remarquer qu'un important travail a été fait pour améliorer l'accès des personnes modestes et de la classe moyenne aux soins dentaires. Ainsi, la Croix-Rouge genevoise a mis en place une permanence de soins dentaires pour les personnes qui travaillent mais n'ont pas les moyens suffisants pour financer ces soins, et pour celles qui sont dans la précarité. C'est un complément utile aux dentistes de ville et aux services sociaux qui financent les soins dentaires. Si notre dispositif doit être amélioré, c'est dans cette direction.
L'initiative qui nous est présentée a un grave défaut: elle propose un dispositif beaucoup trop rigide. En effet, avec ce dispositif, trop d'habitants de notre canton seraient exclus de ce financement ou recevraient des sommes négligeables par rapport à leurs besoins. C'est pourquoi le MCG voit avec grand intérêt la rédaction d'un contreprojet qui répondrait mieux aux besoins de la population genevoise.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'embraie très brièvement sur le propos du préopinant MCG, qui semblait dire, si je résume: «L'initiative pose de bonnes questions, elle n'apporte pas forcément les bonnes réponses.» C'est un avis partagé par le Conseil d'Etat. La question des soins dentaires est centrale, elle a des incidences notamment du point de vue social, si elle n'est pas traitée.
Quant au propos de la préopinante socialiste, je souhaite un peu corriger le tir. Le canton de Genève fait déjà passablement. Il agit peut-être de façon inégale, inégale en ce sens qu'un effort soutenu est fourni par les services de ma collègue Anne Hiltpold dans le domaine de la prévention, notamment à l'école primaire, où un travail très important est effectué par un réseau assez dense de personnes qui sensibilisent à l'hygiène bucco-dentaire, alors que, c'est vrai - on en a parlé au Conseil d'Etat -, il y a ensuite, lors du passage au cycle d'orientation et à l'enseignement secondaire II, une sorte de vide et peut-être des lacunes à combler.
Le Conseil d'Etat accueille cette initiative avec bienveillance, même s'il ne voit rien d'indiqué concernant le financement. Se pose la question de savoir comment les quelque 40 à 50 millions seraient couverts, si on allait au bout du dispositif. Même s'il est accueilli avec bienveillance, ce texte pose quand même la question de la couverture plus globale de la population. A ce propos, il faut bien le dire, le Conseil d'Etat est sceptique sur l'orientation proposée, à savoir s'adresser prioritairement aux personnes bénéficiant d'un subside d'assurance-maladie. On crée de ce fait, du point de vue du Conseil d'Etat, un effet de seuil: la mesure ne s'étend pas au-delà de celles et ceux qui bénéficient de ce subside.
Il est donc important pour nous, sans doute à la faveur d'un refus ce soir, de renvoyer ce texte en commission, de discuter ensemble d'un éventuel contreprojet et de voir le poids que pourraient représenter la prévention et les modes de financement. Un autre objet sur la question du sucre, des sucreries en général figure un peu plus loin dans l'ordre du jour (cet objet a, semble-t-il, recueilli une quasi-unanimité à la commission de la santé); à l'occasion de ce point-là et d'autres, nous nous réjouissons de pouvoir débattre avec vous à la commission de la santé, peut-être à la faveur d'un contreprojet, de cette pertinente question, et de formuler de nouvelles propositions et sur le financement et sur la façon de mener la prévention en matière d'hygiène bucco-dentaire.
La présidente. Je vous remercie.
L'initiative 193 et le rapport du Conseil d'Etat IN 193-A sont renvoyés à la commission de la santé.