Séance du jeudi 12 octobre 2023 à 20h30
3e législature - 1re année - 5e session - 26e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Xavier Magnin, Guy Mettan, Philippe Morel, Caroline Renold, Djawed Sangdel, François Wolfisberg et Yvan Zweifel, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Thierry Arn, Darius Azarpey, Oriana Brücker, Monika Ducret, Sami Gashi, Daniel Noël et Thierry Oppikofer.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2980-A
Prestation de serment de Marie-Josée COSTA, Maëlle KOLLY et Laurence PIQUEREZ, élues juges suppléantes à la Cour de justice
E 2981-A
Prestation de serment de Nathalie BORNOZ PRETI, élue présidente de la Chambre des relations collectives de travail
E 2976-A
Prestation de serment de Damien TOURNAIRE, élu juge assesseur à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, représentant les milieux immobiliers

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Marie-Josée Costa, Mme Maëlle Kolly, Mme Laurence Piquerez, Mme Nathalie Bornoz Preti et M. Damien Tournaire.

La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2978-A
Prestation de serment de Valeriy BRAGAR, Filipa CHINARRO, Roger EMMENEGGER, Monique FLÜCKIGER, Karine RODRIGUEZ, Aurélien WITZIG et Thierry ZEHNDER, élus juges assesseurs à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice, représentant les salariés
E 2979-A
Prestation de serment de Nadia FAVRE, Marie-Noëlle FAVARGER SCHMIDT, Pierre-Alain L'HÔTE, Fiona MAC PHAIL, Claudio PANNO et Michael RUDERMANN, élus juges assesseurs à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice, représentant les employeurs

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

M. Valeriy Bragar, Mme Filipa Chinarro, M. Roger Emmenegger, Mme Monique Flückiger, Mme Karine Rodriguez, M. Aurélien Witzig, M. Thierry Zehnder, Mme Nadia Favre, Mme Marie-Noëlle Favarger Schmidt, M. Pierre-Alain L'Hôte, Mme Fiona Mac Phail, M. Claudio Panno et M. Michael Rudermann.

La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2983
Premier tour de l'élection de trente juges prud'hommes appartenant au Groupe 2 salariés (entrée en fonction : 1er janvier 2024)

La présidente. Le dépouillement du premier tour de l'élection de trente juges prud'hommes appartenant au Groupe 2 salariés a été effectué. Voici le résultat:

Enveloppes de vote reçues: 95

Liste 1 ASIP-TPG: 18 bulletins

Liste 2 CGAS: 77 bulletins

Liste neutre: 0 bulletin

Bulletins blancs: 0

Bulletins valables: 95

Majorité absolue: 48

Bulletins nuls et douteux: 0

Bulletins rentrés: 95

Sont élus: Mmes et MM. Brigitte Pin (CGAS), avec 78 voix, Lunita Amelia Pidoux (CGAS), avec 78 voix, Marisa Pereira (CGAS), avec 78 voix, Aline Odier (CGAS), avec 78 voix, Francesca Mazzei (CGAS), avec 78 voix, Leslie Maison (CGAS), avec 78 voix, Anne-Sylvie Renggli Chal (CGAS), avec 77 voix, Maria De Lurdes Ramos Rede (CGAS), avec 77 voix, Maria De Lurdes Magano Branco (CGAS), avec 77 voix, Elisabeth Liebscher (CGAS), avec 77 voix, Raluca-Mihaela Hofbauer (CGAS), avec 77 voix, Dimitri Fridblatt (CGAS), avec 77 voix, Cyril Ding (CGAS), avec 77 voix, Jeanne Marie De Souza (CGAS), avec 77 voix, Agnès Berthiaud (CGAS), avec 77 voix, Luis Rebelo Geraldo (CGAS), avec 76 voix, Alberto Fernandes (CGAS), avec 76 voix, Christophe Déturches (CGAS), avec 76 voix, Catarina Patricia De Sousa Vieira (CGAS), avec 76 voix, Aimé Patrick Bobo Ngawouo (CGAS), avec 76 voix, Christian Berlemont (CGAS), avec 76 voix, Nancy Olga Aguirre Pereira (CGAS), avec 76 voix, Alexis Rens (CGAS), avec 75 voix, Yves Garnier (CGAS), avec 75 voix, Rui Alves Gameiro (CGAS), avec 75 voix, Olivier Dünner (CGAS), avec 74 voix, Serkan Cankara (CGAS), avec 74 voix, Marc Schneeberger (CGAS), avec 71 voix, Stéphane Torrente (CGAS), avec 60 voix, et Stéphane Wallimann (CGAS), avec 55 voix.

Obtiennent des voix: MM. Joseph Camuglia (ASIP-TPG), 53 voix, et Valentin Bonny (ASIP-TPG), 49 voix.

IN 193
Initiative populaire cantonale 193 « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.
IN 193-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 193 « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.

Débat

La présidente. Nous passons à notre point fixe: l'initiative 193, traitée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme Jennifer Conti.

Mme Jennifer Conti (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, en résumé, que demande l'initiative ? Un chèque de 300 francs pour des soins dentaires, renforcer la prévention et doter Genève d'un plan cantonal en matière de promotion de la santé bucco-dentaire. Notre système de santé est tellement efficient qu'il nous coûte des milliards. En même temps, il ne prévoit pas de financement pour un détartrage annuel pour les Genevoises et les Genevois qui en ont besoin, alors que, on le sait, les dents mal soignées représentent un risque de développement de problèmes cardio-vasculaires et de problèmes d'insuffisance respiratoire. Sans parler des impacts sur la nutrition et sur la capacité d'élocution, impacts qui sont également très importants pour notre santé physique et psychique.

Avec un excédent de 727 millions de francs, l'Etat de Genève a largement les ressources pour financer ce que propose cette initiative. Il faut dire que le Conseil d'Etat ne pouvait pas bénéficier d'un meilleur timing pour communiquer autour de son refus de cette initiative: il l'a fait au lendemain de l'annonce de l'explosion des primes d'assurance-maladie à Genève, moment où la population et l'ensemble de la classe politique se mobilisent pour une réforme totale de notre système de santé, ce même système de santé qui ne prévoit aucun remboursement de soins dentaires dans l'assurance de base.

Selon l'un des arguments opposés par la majorité du Conseil d'Etat, un chèque annuel de 300 francs ne représente qu'une réponse partielle: le montant est trop faible pour payer un traitement dentaire complet, «cela pourrait inciter une partie de la population concernée à ne pas recourir à [ce chèque de 300 francs], de peur de se voir détecter des problèmes dentaires plus conséquents et immédiatement impossibles à prendre en charge car dépassant leur budget». Donc, selon cet argument, il vaut mieux laisser la population dans l'ignorance de son véritable état de santé, au moins, elle ne sera pas stressée par les potentiels frais dentaires qu'elle ne pourra de toute manière pas se payer; à moins que cet argument, provenant de la majorité du Conseil d'Etat, aille plutôt dans le sens d'un contreprojet visant justement à répondre complètement à cette problématique en offrant non pas un chèque de 300 francs, mais de 500 francs par année. Nous le verrons à la commission de la santé. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Je salue à la tribune la présence de notre ancienne collègue, Mme Nathalie Schneuwly. (Applaudissements.) La parole revient à M. Léo Peterschmitt.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, selon les statistiques, jusqu'à 20% de la population renoncerait à des soins dentaires à cause des coûts trop élevés; chez les plus précaires, ce chiffre monte jusqu'à un tiers. L'état de santé bucco-dentaire a des répercussions sur l'état de santé global d'une personne. En outre, ce n'est pas qu'une question individuelle: il y a une dimension sociale. Une bonne santé bucco-dentaire n'est pas accessible à toutes et tous, et nous devons nous demander comment cela s'articule avec notre constitution, qui garantit l'accès aux soins. Les soins dentaires représentent actuellement, pour de nombreuses personnes, des charges excessives et parfois insoutenables. Je le rappelle, une famille suisse de la classe moyenne sur cinq ne peut pas faire face à une dépense inattendue de 2500 francs. Nier cette réalité, c'est mentir comme un arracheur de dents.

Nous savons que le canton de Genève est un mauvais élève dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé en général, et cette initiative est un moyen de renforcer celles-ci. C'est l'occasion d'être précurseur, de donner une bouffée d'air à la classe moyenne et aux personnes à revenus précaires, avec des bénéfices de santé publique énormes, de soutenir des mesures de prévention efficaces et indispensables et de favoriser une meilleure dentition pour croquer la vie à pleines dents. Surtout, c'est l'occasion de ne pas repousser la prise en charge des soins dentaires par l'Etat à la date où les poules auront des dents. Vous l'avez compris, les Vertes et les Verts accueillent cette initiative avec un sourire jusqu'aux oreilles. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Depuis trop longtemps, les soins dentaires représentent un problème pour la population. Néanmoins, il faut remarquer qu'un important travail a été fait pour améliorer l'accès des personnes modestes et de la classe moyenne aux soins dentaires. Ainsi, la Croix-Rouge genevoise a mis en place une permanence de soins dentaires pour les personnes qui travaillent mais n'ont pas les moyens suffisants pour financer ces soins, et pour celles qui sont dans la précarité. C'est un complément utile aux dentistes de ville et aux services sociaux qui financent les soins dentaires. Si notre dispositif doit être amélioré, c'est dans cette direction.

L'initiative qui nous est présentée a un grave défaut: elle propose un dispositif beaucoup trop rigide. En effet, avec ce dispositif, trop d'habitants de notre canton seraient exclus de ce financement ou recevraient des sommes négligeables par rapport à leurs besoins. C'est pourquoi le MCG voit avec grand intérêt la rédaction d'un contreprojet qui répondrait mieux aux besoins de la population genevoise.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'embraie très brièvement sur le propos du préopinant MCG, qui semblait dire, si je résume: «L'initiative pose de bonnes questions, elle n'apporte pas forcément les bonnes réponses.» C'est un avis partagé par le Conseil d'Etat. La question des soins dentaires est centrale, elle a des incidences notamment du point de vue social, si elle n'est pas traitée.

Quant au propos de la préopinante socialiste, je souhaite un peu corriger le tir. Le canton de Genève fait déjà passablement. Il agit peut-être de façon inégale, inégale en ce sens qu'un effort soutenu est fourni par les services de ma collègue Anne Hiltpold dans le domaine de la prévention, notamment à l'école primaire, où un travail très important est effectué par un réseau assez dense de personnes qui sensibilisent à l'hygiène bucco-dentaire, alors que, c'est vrai - on en a parlé au Conseil d'Etat -, il y a ensuite, lors du passage au cycle d'orientation et à l'enseignement secondaire II, une sorte de vide et peut-être des lacunes à combler.

Le Conseil d'Etat accueille cette initiative avec bienveillance, même s'il ne voit rien d'indiqué concernant le financement. Se pose la question de savoir comment les quelque 40 à 50 millions seraient couverts, si on allait au bout du dispositif. Même s'il est accueilli avec bienveillance, ce texte pose quand même la question de la couverture plus globale de la population. A ce propos, il faut bien le dire, le Conseil d'Etat est sceptique sur l'orientation proposée, à savoir s'adresser prioritairement aux personnes bénéficiant d'un subside d'assurance-maladie. On crée de ce fait, du point de vue du Conseil d'Etat, un effet de seuil: la mesure ne s'étend pas au-delà de celles et ceux qui bénéficient de ce subside.

Il est donc important pour nous, sans doute à la faveur d'un refus ce soir, de renvoyer ce texte en commission, de discuter ensemble d'un éventuel contreprojet et de voir le poids que pourraient représenter la prévention et les modes de financement. Un autre objet sur la question du sucre, des sucreries en général figure un peu plus loin dans l'ordre du jour (cet objet a, semble-t-il, recueilli une quasi-unanimité à la commission de la santé); à l'occasion de ce point-là et d'autres, nous nous réjouissons de pouvoir débattre avec vous à la commission de la santé, peut-être à la faveur d'un contreprojet, de cette pertinente question, et de formuler de nouvelles propositions et sur le financement et sur la façon de mener la prévention en matière d'hygiène bucco-dentaire.

La présidente. Je vous remercie.

L'initiative 193 et le rapport du Conseil d'Etat IN 193-A sont renvoyés à la commission de la santé.

M 2953
Proposition de motion de Marc Saudan, Charles Selleger, Jean-Marc Guinchard, Souheil Sayegh pour la création d'une caisse maladie cantonale publique
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.

Débat

La présidente. Nous passons à notre première urgence, la M 2953, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au premier signataire, M. Marc Saudan.

M. Marc Saudan (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous assommer avec des chiffres concernant les coûts de la santé, on y passerait la soirée, et je n'ai que trois minutes. Cependant, trois chiffres sont importants à rappeler: 9,1%, soit l'augmentation en moyenne de la prime à Genève pour 2024; près de 140 000 personnes à Genève bénéficient de subsides pour payer leurs primes; et, surtout, 1,8 milliard de pertes dans les réserves, avouées timidement par les caisses.

La hausse des primes maladie est une préoccupation majeure, comme l'a relevé la RTS récemment: en Suisse, une personne sur deux est inquiète. Il est donc grand temps que les politiciens fassent leur travail, car la population attend de nous des initiatives. Cette énième hausse des primes montre bien que le système de financement de l'assurance-maladie arrive à ses limites. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain et vouloir tout changer.

Avant toute bataille, il est fondamental de connaître les effectifs sur le terrain. Actuellement, nous avons un gros problème face à cette hausse des coûts, en raison du manque de transparence des caisses. Cela est démontré par les pertes de 1,8 milliard. Evidemment, les assureurs sont passés comme chat sur braise sur leur responsabilité, mais il faut quand même rappeler que cet argent appartenait aux assurés et que nous ne demandons pas aux caisses maladie d'être des institutions financières. D'ailleurs, lorsque la bourse surperformait dans les années 2000, aucun retour n'a été véritablement constaté via une baisse des primes.

Nous devons donc avoir la transparence: le groupe Libertés et Justice sociale pense qu'une caisse publique permettra de l'obtenir, et d'ailleurs, cela marche bien dans le cadre de l'AVS, où les caisses publiques cohabitent avec des caisses privées. Dans l'immédiat, cette caisse ne permettra pas de réduire les coûts, mais elle permettra d'étudier les pistes de financement, notamment les maisons de santé, les réseaux de soin, afin de diminuer et de contrôler les coûts. Il s'agit de connaître le véritable coût de ces infrastructures afin de ne pas prétériter les malades en diminuant par exemple les soins pour faire des économies.

Je vous rappelle que la population nous regarde; alors, ce soir, montrons-lui que son parlement est conscient du problème de la hausse des primes et cherche des solutions face à l'augmentation du coût de la santé ! Je vous invite donc à voter massivement en faveur de cette motion. Merci. (Applaudissements.)

Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président

Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, à Genève, rien qu'entre l'augmentation des loyers indexés à l'inflation et celle des primes de 10%, une famille de la classe moyenne avec deux enfants en bas âge se prend en pleine figure une augmentation du coût de la vie de plus de 3000 francs par année ! Alors oui, lorsqu'on apprend que les assureurs ont dépensé 62 millions de francs de nos primes pour de la publicité, c'est juste scandaleux ! Sans compter, bien sûr, les milliards de réserves ou encore les sommes astronomiques que nous devons verser, toujours avec nos primes, pour financer des élus fédéraux qui vont eux-mêmes voter contre toute réforme de ce système de santé qui nous déplume.

Ce système est devenu indéfendable, intenable ! En 2014 déjà, l'ensemble de la population genevoise a exprimé sa volonté de réforme en votant oui à la caisse publique, portée par le parti socialiste. L'histoire nous l'a démontré, face à l'inertie fédérale, certains cantons proposent de nouveaux modèles. Genève l'a fait en 2001, en introduisant l'assurance-maternité cantonale. Le peuple genevois s'est exprimé il y a pratiquement dix ans: il veut une réforme du système de santé, et nous devons saisir toutes les opportunités qui se présentent à nous. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Louise Trottet (Ve). Le groupe Vert estime, comme les groupes préopinants, qu'il est urgent de réformer notre système d'assurance-maladie. Nous voterons donc ce texte modifié, qui vise à préciser les modalités, le fonctionnement ainsi que le financement d'une caisse cantonale publique.

Directement après cet objet, nous discuterons également de notre urgence Verte qui propose aux Chambres fédérales de mettre en place une dérogation pour les cantons qui souhaitent se libérer du système des multiples assurances-maladie privées, pour enfin mettre en place la caisse unique cantonale, déjà votée en 2014. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, mon intervention sera la même pour ce point que pour le suivant. Nous savons tous - les sondages le montrent - que le système de santé, son coût et l'augmentation des primes sont la première préoccupation de nos concitoyens.

Il y a plusieurs problèmes à soulever: le premier, c'est celui des réserves des assureurs, qui constituent à l'heure actuelle le double des montants imposés par la loi. Ces réserves appartiennent aux assurés et sont, en réalité, gérées par les assureurs. Elles ont passablement diminué en raison des cours boursiers, ce qui justifie en partie pour les assureurs l'augmentation des primes, mais j'avoue que je n'ai jamais reçu d'annonce de baisse de prime, alors que la bourse flambait il y a quelques années.

Il faut être conscient que les coûts ne baisseront pas. Ce que je remarque toutefois, c'est que de 2002 à 2022, les primes ont régulièrement été supérieures de 3% à 4% aux coûts, donc lorsqu'on nous dit qu'elles représentent exactement l'influence des coûts, c'est faux.

Je l'ai dit, les coûts ne baisseront pas, parce que nous avons une démographie assez galopante, les gens deviennent plus vieux et sont malades plus longtemps. Tout le monde sait que la dernière année de vie coûte le plus cher, malheureusement personne ne peut savoir à l'avance quand commence cette dernière année.

Le problème de la concurrence est un autre élément que j'aimerais souligner: lorsque les parlementaires fédéraux ont adopté la LAMal en 1994, ils ont introduit dans ce système social obligatoire la notion de concurrence entre les caisses. Mesdames et Messieurs, il n'y a aucune concurrence dans toutes nos autres assurances sociales. Pour l'AVS, pour l'AI, pour le chômage, nous payons les mêmes primes et nous recevons les mêmes prestations. Cette concurrence introduite dans la LAMal est la seule qui existe dans une assurance sociale, et est de surcroît obligatoire. Les primes sont différentes, les prestations sont exactement les mêmes, et cette concurrence implique la possibilité de changer de caisse chaque année. Aussi, de nombreuses personnes changent de caisse pour obtenir des primes plus basses, ce qui a un effet absolument délétère, car au niveau administratif, ces changements coûtent entre huit cent millions et un milliard deux cent mille par année, somme qui constituerait une première économie appréciable.

Notre groupe soutiendra cette motion et vous invite à la renvoyer au Conseil d'Etat afin que nous ayons une réponse plus rapide que si elle était traitée en commission. Je vous remercie de l'accepter. (Applaudissements.)

M. Pierre Nicollier (PLR). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion vise deux choses. La seconde invite demande de trouver des solutions pour faire baisser nos primes. Je pense que c'est très optimiste, peut-être un peu naïf, de la part des signataires de se réveiller aujourd'hui et de se dire: «Ah, il faut que le Conseil d'Etat réfléchisse à ce qu'on peut faire pour baisser les primes.» Alors merci aux auteurs, c'est très intéressant !

Je souhaite commenter le deuxième élément, soit la première invite. Celle-ci parle de la création d'une caisse maladie cantonale publique. De nouveau, je suis un peu surpris quand je vois qui sont les premiers signataires de cette motion. Le magistrat en place est du même parti et visiblement, c'est son groupe qui doit lui demander de mener un projet qui pourtant faisait partie de son programme de campagne. Personne ne se demande pourquoi ce projet a besoin d'une motion pour être soutenu, c'est un peu surprenant. Mais d'un autre côté, si on regarde les communications des dernières semaines, on a entendu que le magistrat en question exprimait des doutes sur le fait que cette caisse puisse être moins chère.

Pour rappel, les caisses maladie n'ont pas le droit de faire de profit sur l'assurance obligatoire. Pour cette caisse, si les primes sont très basses au départ, il y aura beaucoup d'assurés. Mais par la suite elle ne sera plus moins chère pour les raisons que je vais présenter. On se demande donc qui voudra aller dans cette caisse qui finalement sera plus chère. Pour rappel, il existe une compensation des risques. Que les personnes qui s'y affilient soient malades ou non, cette caisse maladie devra être encore plus performante que les autres - une caisse qui sera une caisse cantonale, une caisse de l'Etat. On se retrouvera avec ce que le premier signataire a mentionné pour commencer: une caisse dont les primes seront plus élevées, et dont la gestion coûtera aussi plus cher parce qu'elle sera gérée par l'Etat.

On parlait tout à l'heure de transparence sur les réserves; de nouveau, si on veut vraiment la transparence, est-ce que tous les médecins sont prêts à publier leurs salaires et leurs revenus ? Peut-être que... (Remarque.) Pardon ?

Une voix. Ils sont connus.

M. Pierre Nicollier. Alors peut-être que certaines personnes qui ont signé la motion voudraient voir leur salaire publié, je ne sais pas, peut-être que ce serait intéressant... En bref, on se retrouve dans une situation où on a besoin d'une motion pour pouvoir assumer une promesse de campagne. On est un peu surpris, parce qu'il doit y avoir quelque chose là derrière. Je demande un renvoi en commission. Merci.

Le président. Nous ferons voter ce renvoi à la fin du débat, Monsieur le député. La parole est à M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG a déposé deux propositions d'amendements au texte qui vous est soumis et, à la condition que ces amendements soient votés, le groupe MCG acceptera un renvoi direct au Conseil d'Etat. Sinon, cette proposition de motion devra être renvoyée en commission pour qu'on approfondisse le sujet.

Je ne vais pas m'étendre sur la question de la caisse unique, qui est une proposition ancienne, à laquelle je ne suis pas totalement étranger. C'est évidemment un sujet intéressant s'agissant d'une caisse travaillant dans le cadre d'une assurance sociale obligatoire dont les prestations sont fixées par la loi. La question qui se pose est celle de savoir si on a la possibilité de créer cette caisse au niveau cantonal. S'il s'agit, comme celle proposée ici, d'une caisse publique qui est au milieu des autres acteurs, c'est-à-dire de l'ensemble des assureurs maladie, en concurrence avec eux et avec les mêmes règles, il y a malheureusement un risque, qui s'est avéré par le passé avec une assurance qui s'appelait Accorda. Elle avait été créée par les professionnels de la santé, précisément pour offrir cette transparence, et, petit à petit, avait récupéré tous les mauvais risques de la république. Comme vous le savez, si les risques sont mauvais, l'Office fédéral de la santé oblige à augmenter les primes. Et très rapidement, cette caisse qui n'était pas publique, mais qui était gérée selon les critères du droit public, de la transparence et de l'intérêt public, et non pas selon l'intérêt de ceux qui la géraient, a dû fermer boutique, puisque les primes étaient les plus élevées du canton et que, malheur pour elle, M. Couchepin n'avait pas accepté une augmentation des primes en cours d'année. La caisse avait donc été démantelée.

Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente

Nous ne voulons pas revivre cela, nous ne voulons évidemment pas non plus une caisse qui engage des dizaines, des centaines de fonctionnaires. Donc s'il s'agit d'évaluer la possibilité de la création d'une caisse maladie cantonale publique, oui ! Mais il y a ce risque, bien sûr. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il faut évidemment ajouter un élément, et c'est l'objet du premier amendement qui vous est proposé: le rapport ne doit pas seulement nous dire s'il y a cette possibilité, mais doit évaluer les risques et les opportunités de la proposition qui est faite, pour que l'on sache si véritablement nous devons aller dans ce sens. Une fois que nous aurons ce rapport, le cas échéant, nous irons de l'avant, ou alors nous l'enverrons en commission pour approfondir certains sujets qui mériteraient de l'être. Voilà ce que nous pensons pour la première invite, et nous proposons donc un complément avec l'amendement déposé.

La présidente. Il faut conclure.

M. Mauro Poggia. Pour la seconde invite, il faudra la retirer purement et simplement, puisqu'elle n'a évidemment aucun sens, elle laisse entendre que durant dix ans...

La présidente. Merci.

M. Mauro Poggia. ...on ne s'est pas demandé comment baisser les coûts.

La présidente. Je vous remercie. La parole n'est plus demandée... (Remarque.) Monsieur Léo Peterschmitt, vous avez la parole pour deux minutes vingt.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Merci, Madame la présidente. Est-ce qu'on peut avoir une petite pause pour lire les amendements qui viennent de nous arriver ?

La présidente. Je peux vous les lire, si vous le souhaitez, mais j'allais le faire avant le vote. Le premier amendement de M. Mauro Poggia modifie la première invite: «à évaluer la possibilité de la création d'une caisse maladie cantonale publique et à dresser un rapport sur les risques et opportunités d'une telle création.» Le deuxième amendement vise à supprimer la seconde invite. (Remarque.) La seconde invite disait: «à rendre un rapport à brève échéance sur les moyens possibles pour réduire les coûts de la santé (réseaux de soins, maison de santé, rôle des services d'urgences, délivrance des médicaments à l'unité, par exemple).»

Madame Caroline Marti, vous avez la parole pour une minute quarante.

Mme Caroline Marti (S). Il ne m'en faudra pas tant, Madame la présidente. C'est simplement pour demander une suspension de séance de cinq minutes, afin de prendre connaissance des amendements que nous venons de recevoir.

La présidente. Je suspends la séance pour cinq minutes, afin que les groupes puissent se positionner sur les amendements.

La séance est suspendue à 21h05.

La séance est reprise à 21h09.

La présidente. Je vous prie de regagner vos places et de cesser les discussions. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je donne la parole à Mme Louise Trottet pour une minute vingt-quatre.

Mme Louise Trottet. Je retire ma demande de parole, Madame la présidente.

La présidente. Je vous remercie. Je n'ai plus de demande de parole de députés et donne la parole au conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment que le Conseil d'Etat partage les constats qui ont été évoqués tout à l'heure quant à la gabegie des primes d'assurance-maladie, qui, cette année encore, nous conduit à près de 10% d'augmentation, une charge insoutenable pour de nombreuses familles, et évidemment une charge indirecte importante pour le canton, dont vous aurez à traiter lors du vote du budget. Le député Saudan l'a très bien rappelé tout à l'heure, 140 000 personnes bénéficient d'un subside, ce qui représente une charge - je parle sous le contrôle de Mme la ministre des finances - de l'ordre de 700 millions pour le budget 2024. C'est donc évidemment une préoccupation que nous partageons.

Au gouvernement, nous n'attendons pas que le parlement nous donne des impulsions, mais s'il en donne, et de surcroît si elles sont extrêmement claires - et le gouvernement peut tout à fait faire siens les amendements du MCG, qui ont le mérite de la clarté et qui renforcent encore, si besoin est, la nécessité de renvoyer ce texte directement au Conseil d'Etat, plutôt que de l'envoyer en commission -, alors nous nous réjouirons d'avoir ce vent supplémentaire dans les voiles et de pouvoir, à brève échéance, vous présenter un rapport circonstancié. Je tiens à rassurer ici le député Poggia quant au fait que ce rapport traitera non pas de tout ce qu'on n'a pas fait durant ces dix dernières années - bien sûr que beaucoup de choses ont été faites -, mais de tout ce qu'on pourra faire de plus, quels que soient nos élus à Berne. Parce que, comme vous l'avez compris, et c'est le propos également du prochain texte sur lequel vous allez débattre, une partie de la réponse est à Berne, une partie est à Genève.

Il faut rappeler ici l'introduction à l'article 59b de la loi fédérale sur l'assurance-maladie de la faculté pour les cantons qui le souhaitent de proposer des expériences pilotes: nous pourrions en avoir une ici, et je rejoins le préopinant MCG, il faut évidemment que l'évaluation en amont se fasse sur la base des opportunités, des risques et sur une analyse complète.

Si d'aventure il y avait une majorité claire, nette, franche dans ce parlement pour encourager le Conseil d'Etat dans sa démarche - qui, peut-être, s'incarnera dans son programme de législature - consistant à proposer de façon ambitieuse une manière nouvelle d'aborder les primes d'assurance-maladie, plus transparente, plus directe et - on l'espère - plus maîtrisée, nous lui réserverions un bon accueil et nous prendrions cela comme une incitation à aller de l'avant. Donc d'ores et déjà, si vous votez ce projet et l'envoyez au Conseil d'Etat, ce dernier vous en remercie, et vous verrez que nous vous rendrons très rapidement des résultats encourageants. Merci de votre attention.

La présidente. Je vous remercie. Nous votons d'abord sur le renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2953 à la commission de la santé est rejeté par 63 non contre 32 oui.

La présidente. Nous sommes tout d'abord saisis de deux amendements concernant la première invite. Nous allons voter en premier le plus éloigné, qui est celui proposé par M. Mauro Poggia. S'il est refusé, nous voterons ensuite celui proposé par M. Marc Saudan. Si le premier amendement est accepté, le second tombera. Voici celui de M. Poggia:

«1re invite (nouvelle teneur)

à évaluer la possibilité de la création d'une caisse maladie cantonale publique et à dresser un rapport sur les risques et opportunités d'une telle création.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 91 oui contre 4 non.

La présidente. Le second amendement à la première invite tombe, comme annoncé. Nous passons maintenant à la deuxième invite. Nous votons sur un autre amendement de M. Mauro Poggia, qui vise à biffer cette invite. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 95 oui (unanimité des votants).

La présidente. Nous allons donc voter sur la motion telle que modifiée. (Brouhaha.) Je vous demande un peu de silence.

Mise aux voix, la motion 2953 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 65 oui contre 32 non (vote nominal).

Motion 2953 Vote nominal

R 1020
Proposition de résolution de Louise Trottet, Léo Peterschmitt, Marjorie de Chastonay, Céline Bartolomucci, Sophie Bobillier, Jean-Pierre Tombola, Grégoire Carasso, Jacklean Kalibala, Philippe de Rougemont, Nicole Valiquer Grecuccio, Lara Atassi, Angèle-Marie Habiyakare, Cédric Jeanneret, Sophie Demaurex, Julien Nicolet-dit-Félix pour une caisse maladie publique cantonale unique à Genève (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.

Débat

La présidente. Notre seconde urgence... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! S'il vous plaît, Messieurs au fond ! (Brouhaha.) Monsieur Desfayes ! (Brouhaha.) Monsieur Desfayes, Monsieur Béné ! (Remarque.) Merci, j'aimerais continuer la plénière, si ça ne vous ennuie pas ! (Remarque.) Nous passons à notre seconde urgence, la R 1020, qui est classée en catégorie II, trente minutes. La parole est à la première signataire, Mme Louise Trottet.

Mme Louise Trottet (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, depuis le début du millénaire, nos primes ont augmenté de 160%. C'est-à-dire que nous payons aujourd'hui environ deux - voire trois - fois plus cher pour des soins relativement similaires, si l'on excepte certains traitements oncologiques très chers. Il va de soi que les salaires, les coûts de la santé, la longévité ou encore la qualité des soins n'ont pas suivi cette évolution-là. Cette augmentation des primes, par ricochet, affecte aussi les finances de l'Etat: on l'a déjà dit, 30% de la population genevoise a recours aux subsides pour payer ses primes maladie. Alors qui paie le plus cher cette augmentation ? C'est bien évidemment la classe moyenne inférieure, celle qui est à la limite des barèmes et ne bénéficie pas des subsides, et doit en plus supporter le reste des coûts de la vie, qu'elle paie également au prix fort.

La Suisse fait figure de cavalier seul avec son système d'assurance-maladie actuel, qui mélange obligation d'assurance et de remboursement, avec un vivier unique de caisses maladie privées qui se disputent les bons risques à coup de publicités coûteuses et de concurrence, une concurrence qui, on l'a dit, coûte extrêmement cher en matière de gestion administrative avec les changements de caisse. Vu que les assurés peuvent voguer chaque année vers des primes moins chères dans d'autres caisses, cet essaim de firmes n'a absolument aucun intérêt à investir dans la promotion de la santé ! Pourquoi est-ce qu'on ferait de la prévention pour des gens qui vont partir pour une autre caisse l'année d'après ? Il n'y a aucun intérêt, d'un point de vue néolibéral. Selon sa créatrice Ruth Dreifuss, la LAMal aurait dû être rapidement réformée après sa mise en oeuvre, ce qui n'a pas été fait. Si les coûts de la santé continuent également à augmenter pour d'autres causes, bien évidemment, que celles que j'ai évoquées, l'assurance-maladie constitue quand même un problème assez unique à la Suisse.

Et ce problème a une solution, en tout cas pour les Verts: cette solution s'appelle la caisse maladie unique. Elle avait été acceptée à Genève en 2014, lors de la votation fédérale sur cette question, et elle reste l'alternative la plus convaincante. Par cette résolution du Grand Conseil genevois destinée aux Chambres fédérales, nous proposons que certains cantons, à l'instar de Genève, puissent bénéficier de dérogations pour mettre en place, au niveau cantonal, des modèles d'assurance-maladie avec une caisse publique unique - et non un essaim de multiples caisses maladie. Le cadre légal ainsi modifié donnerait la possibilité, à Genève et aux autres cantons qui le souhaitent, de tester ce modèle de caisse unique, tout comme d'autres systèmes novateurs en matière de pilotage de la politique de santé. Je vous remercie pour votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, je vous ai dit tout à l'heure que mes propos seraient les mêmes sur cette résolution qu'au point précédent. J'aimerais toutefois préciser une chose à l'intention de notre collègue Nicollier - vous transmettrez, Madame la présidente: les assureurs ont en main tous les revenus des médecins, s'agissant de l'assurance de base ! Font exception les revenus concernant d'éventuelles pratiques privées. Ils ont en main les revenus directs et les coûts indirects que les médecins induisent. A l'inverse, les coûts induits par la gestion administrative des assureurs, etc., ne sont pas accessibles !

Cela étant dit, nous soutiendrons cette résolution dans la mesure où, depuis une modification récente de la LAMal, les cantons peuvent effectivement lancer des projets pilotes en matière d'assurance-maladie. Neuchâtel a par exemple lancé un superbe projet pilote de développement d'un réseau intégré; à Genève, autre exemple, deux maisons de santé essaient justement de promouvoir ces réseaux de soins intégrés. Je vous remercie donc de suivre la position du Centre et d'accepter cette résolution.

Mme Jacklean Kalibala (S). La LAMal a été instaurée dans un contexte où des malades ne pouvaient pas avoir accès à des caisses maladie. Le but de cette loi était de garantir, à travers une assurance-maladie obligatoire, un accès équitable aux soins à tous les citoyens suisses. Avec notre système de franchises, de primes qui augmentent constamment, ce n'est plus le cas ! L'accès n'est plus garanti aux personnes qui paient l'assurance-maladie de base ! A Genève, une étude qui date de 2017 montrait déjà que 15% de la population renonçait aux soins pour des raisons financières, et le taux montait à 30% pour les revenus les plus bas ! Depuis lors, ce chiffre a encore augmenté. Les Genevois et Genevoises, les Suisses n'ont pas accès aux soins malgré le fait qu'ils paient cher une assurance-maladie de base !

Le parti socialiste a toujours soutenu une caisse publique et nous continuerons à la soutenir. Raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cette résolution. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, au risque de me répéter, je dirai que la résolution est un art mineur qui n'a de sens que lorsqu'un canton souhaite porter à la connaissance des Chambres fédérales un sujet dont elles auraient l'ignorance. Ça sert à ça ! Les partis politiques qui s'apprêtent à voter une résolution à Berne sur ce sujet sont représentés, à Berne, par leurs propres élus; il n'y aurait de sens à le faire que si aucun de leurs propres élus ne trouvait l'idée suffisamment bonne pour la présenter lui-même ! La façon naturelle de fonctionner, pour le Parlement fédéral, c'est que ceux qui y sont élus présentent des projets. Les partis présents ici sont tous - presque tous - représentés à Berne, et s'ils ne trouvent personne parmi leurs propres élus fédéraux pour considérer l'idée suffisamment géniale pour être débattue et présentée sous leur nom - ordinairement, ils adorent se faire de la publicité -, c'est que, probablement, il n'y a pas de sujet ! Et c'est le cas ici !

Les Chambres fédérales débattent constamment de ce problème de la LAMal: M. Berset s'en va bientôt, après avoir été incapable de réformer un système que tout le monde dit malade depuis bien avant qu'il soit élu à ce poste. Les parlementaires fédéraux ont exploré la question de la caisse publique au plan fédéral, l'opportunité d'avoir des caisses publiques au niveau cantonal; nous ne ferions strictement rien d'autre, avec cette résolution, que de nous faire plaisir à nous-mêmes en nous disant, et en disant à nos électeurs potentiels, que nous sommes décidément très virils et faisons quelque chose plutôt que rien ! Cette démarche - pour l'avoir connue de l'autre côté de la caméra, c'est-à-dire comme celui qui reçoit, parmi d'autres à Berne, les résolutions genevoises, je peux vous le dire, et je vous l'ai déjà dit un certain nombre de fois mais, semble-t-il, sans succès - est une démonstration qui malheureusement, à part agacer les Chambres sur le sujet que l'on voudrait leur rendre sympathique, n'a strictement aucun effet.

Alors votez cela si vous le souhaitez; ça vous fera plaisir. Léman Bleu vous montrera peut-être en train de voter, d'appuyer de manière très virile sur le bouton vert...

Une voix. Oh, mais non! (Remarque. Rires.)

M. Yves Nidegger. ...en disant oui à la chose, mais fondamentalement, ça n'aura aucun effet d'aucune sorte, à Berne, sinon celui de vous faire plaisir ici. C'est pourquoi je ne voterai évidemment pas une résolution. Quant à l'idée qu'une caisse publique, parce qu'elle serait peuplée de fonctionnaires, travaillerait pour moins cher et plus efficacement que des caisses privées, laissez-moi exprimer un léger doute sur le fond ! (Rire.)

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous dire que le groupe MCG, une fois à Berne, ne sera pas agacé par les résolutions intelligentes que lui adressera ce parlement ! (Applaudissements.)

Une voix. Ah !

Une autre voix. Ah, c'est bien !

M. Mauro Poggia. Celle-ci en fait partie. Nous avons néanmoins déposé, par ma plume, une demande d'amendement modeste, simplement pour compléter le travail d'examen qui est sollicité des Chambres fédérales, parce que la création de caisses cantonales uniques, comme vous le savez, implique aussi que ces caisses fassent tout le travail effectué par les caisses privées actuelles - y compris le contrôle des factures, travail qu'elles font quand même assez bien, il faut le dire. Le but n'étant pas d'engager des centaines de nouveaux fonctionnaires, l'adjonction qui vous est proposée dans l'amendement précise donc «ou de caisses de compensation cantonales». Ces caisses de compensation fixeront les primes, les encaisseront et s'occuperont de la compensation non des risques, mais des coûts réels entre l'ensemble des assurés du territoire qu'elles concerneront - Genève, mais peut-être, demain, la région. Il est donc important que cette alternative soit examinée pour laisser, par le biais de mandats de prestations, la possibilité aux différentes caisses privées existant actuellement de faire le travail qu'elles ne font finalement pas si mal, qui est celui de contrôler les factures. Avec cette adjonction figurant dans l'amendement qui vous est proposé, le MCG soutiendra par conséquent cette résolution. Je vous remercie.

Mme Louise Trottet (Ve). M. Nidegger - vous transmettrez, Madame la présidente - a décidément l'air bien nostalgique de Berne; on pourrait presque se demander pourquoi il est venu chez nous. Petite précision pour répondre sur le fond: les contextes changent et certains objets échouent parfois la première fois qu'ils sont présentés en votation. C'est le cas par exemple de la caisse unique. En 2014, si elle a échoué en votation fédérale, elle a été acceptée à Genève; nous avons été un peu précurseurs, comme d'ailleurs sur pas mal d'objets.

Le contexte est quand même très différent aujourd'hui, avec une crise économique qu'il n'y avait pas en 2014, des primes qui ont enflé comme jamais, des familles qui ne savent simplement pas comment elles vont boucler leurs fins de mois. Le «momentum», pour utiliser un mot qui n'est pas français, a par conséquent un petit peu changé s'agissant de cette thématique; c'est pourquoi on s'est dit que ce serait une bonne idée de réessayer, et donc oui, nous remettons le couvert avec cet objet.

Et puis porter la voix du canton à Berne, ce n'est pas tout à fait la même chose que si un élu fédéral dépose un texte. Enfin, je n'en sais finalement pas grand-chose, moi: je n'ai pas été conseillère nationale, et je m'excuse donc de m'avancer autant ! Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, j'aimerais tout d'abord remercier chaleureusement le MCG, et en particulier notre collègue Mauro Poggia, qui reprend l'excellente motion déposée par Le Centre relative au modèle d'une caisse de compensation cantonale, qui afficherait une bien plus grande transparence - motion malheureusement refusée par ce plénum alors que nous en demandions l'urgence; elle aurait pu être traitée, et renvoyée au Conseil d'Etat, en même temps que la M 2953.

A l'attention de M. Nidegger - vous transmettrez, Madame la présidente -, qui s'inquiète du salaire des fonctionnaires qui seraient occupés dans cette caisse de compensation, je dirai que le directeur de cette caisse ne touchera jamais entre 500 000 et 900 000 francs par année ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Pierre Nicollier (PLR). Madame la présidente, chers collègues, nous avons maintenant une résolution, après la motion que nous venons de voter. Pour rappel, il existe un article de la LAMal - l'article 59b, mentionné dans la motion précédente - qui stipule qu'il est possible de mener des projets pilotes. On pourrait donc demander au Conseil d'Etat de mener un projet pilote ! Je ne comprends pas très bien le sens de cette résolution, qui à mon avis n'en a aucun !

On va créer, ou on souhaite créer à travers cette résolution une caisse maladie avec un collectif réduit: il n'y aura que les Genevois, qui devront eux-mêmes payer le développement informatique d'une caisse maladie. On a vu comme le canton est efficace, avec un DEP (dossier électronique du patient) très très performant après quinze ans de développement... (Rire.) ...un système de vote électronique qui fonctionne... Ah, qui ne fonctionne plus ! Et vous souhaitez donc que le canton s'occupe maintenant de développer tout un back-office pour pouvoir gérer une caisse, créer une administration distincte. Il faut savoir que les coûts administratifs des caisses représentent entre 3% et 6% de la facture; eh bien ces coûts-là, il faudra les distribuer sur les patients genevois et sur la population cantonale plutôt que sur un collectif beaucoup plus grand, à travers toute la Suisse.

C'est donc une résolution qui montre un manque crasse de compréhension du système, et je demande un renvoi à la commission de la santé pour pouvoir étudier la question et ramener à la raison une partie de notre auditoire. Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. La parole va à M. Mauro Poggia pour une minute vingt-cinq.

M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente; je prends très brièvement la parole pour répondre à M. Nicollier, à qui vous transmettrez. La loi actuelle ne permet pas d'intégrer dans les projets, tels que la LAMal les énonce, la création de caisses cantonales, qu'elles soient publiques ou de compensation. M. Berset me l'a encore confirmé lorsque j'étais dans le comité des directeurs de la santé, malheureusement - il le regrettait, mais c'était un constat, partagé également par son office. Ce n'est donc que par un changement de la LAMal que cette possibilité peut être offerte aux cantons qui le souhaitent.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, M. Poggia m'enlève les mots de la bouche: il est nécessaire d'agir également à l'échelon fédéral, la législation actuelle interdisant par anticipation d'envisager certains modèles. Les deux évoqués ici sont en effet incompatibles avec le droit; voter cette résolution, c'est donc donner le signe - un signe important pour le gouvernement, à l'instar du vote précédent qui donne un signe extrêmement fort, à savoir que le statu quo n'est pas admissible et qu'envisager une caisse publique constitue un élément fondamental de la politique que nous allons développer ces prochaines années - que nous devons, nous, le Conseil d'Etat, faire également un travail auprès des élus fédéraux pour que la LAMal s'adapte à ces différents modèles.

Et je le dis très clairement ici: il n'y aura pas de tabou, pas d'a priori, pas d'exclusive. Nous devons pouvoir envisager un modèle de caisse de compensation, nous devons pouvoir envisager un modèle de caisse unique, nous devons bien évidemment pouvoir envisager un modèle de caisse publique pour des impératifs de transparence. Ce sont ces éléments qui vont guider, encore une fois sans préalable, notre réflexion - une réflexion qui se veut rapide, orientée sur des propositions concrètes - et nous nous réjouissons, plutôt que de l'envoyer en commission et d'y passer quelques mois, même si c'est un peu l'inverse de ce que l'on fait d'habitude, n'en déplaise au groupe PLR, que vous envoyiez le dossier au Conseil d'Etat: il le fera sien, puis le rendra au parlement pour une décision. L'urgence est là, vous l'avez toutes et tous dit: nous ne pouvons pas nous payer, en 2024, le psychodrame que nous connaissons aujourd'hui, qui pèse encore très lourdement sur chacune et chacun dans notre pays, et dans notre canton en particulier. Nous nous faisons donc fort de considérer cela comme une priorité si vous nous donnez ce signal, comme vous l'avez fait avec la motion précédente. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter en premier lieu sur la demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 1020 à la commission de la santé est rejeté par 65 non contre 31 oui.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Mauro Poggia qui modifie l'invite. Vous venez de le recevoir; je vous le lis:

«Invite (nouvelle teneur)

demande à l'Assemblée fédérale

de mettre en place une base légale permettant aux cantons la création de caisses cantonales uniques ou de caisses de compensation cantonales comme d'expérimenter des modèles alternatifs de pilotage de la politique de la santé,

invite le Conseil d'Etat

à soutenir cette initiative cantonale.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 30 non.

Mise aux voix, la résolution 1020 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 65 oui contre 32 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 1020 Vote nominal

PL 12483-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Sandro Pistis, Francisco Valentin, Florian Gander, Thierry Cerutti, André Python, Françoise Sapin, Daniel Sormanni, Patrick Dimier, François Baertschi modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Pour une fiscalité adaptée aux familles avec enfants scolarisés en établissements privés)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

La présidente. Nous passons à notre prochaine urgence, le PL 12483-A, classé en catégorie II, quarante minutes. (Remarque.) Je sais que c'est pour un renvoi en commission, Monsieur le rapporteur. Vous voulez vous exprimer ou vous laissez faire le rapporteur de minorité ? (Remarque.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez donc la parole.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Comme indiqué en début de session, nous souhaitons un renvoi en commission de ce projet de loi. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité, vous voulez vous prononcer sur cette demande ?

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Oui, merci, Madame la présidente. Nous avons traité ce projet de loi lors de plusieurs séances - au moins... (L'orateur compte à haute voix le nombre de séances.) ...sept -, j'aurais donc aimé savoir pourquoi le groupe MCG, en l'occurrence la minorité, souhaiterait le renvoi en commission.

La présidente. Je vous remercie, mais ils n'ont plus la parole: nous garderons donc le suspense jusqu'après le vote ! (Rires.) A moins que le Conseil d'Etat ne veuille s'exprimer ? (La présidente rit. Rire. Commentaires.) Ce n'est pas le cas. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12483 à la commission fiscale est adopté par 76 oui contre 4 non et 14 abstentions.

PL 13376
Projet de loi de Sylvain Thévoz, Sébastien Desfayes, Virna Conti, Marjorie de Chastonay, Christo Ivanov, Nicole Valiquer Grecuccio, Jean-Pierre Tombola, Jean-Marc Guinchard, Grégoire Carasso, Julien Nicolet-dit-Félix, Sophie Demaurex, Skender Salihi, Jean-Charles Rielle, Léna Strasser, Sophie Bobillier, Cyril Mizrahi, Masha Alimi, Jacques Blondin, Thomas Wenger, Diego Esteban, Thierry Cerutti, Alia Chaker Mangeat, Cédric Jeanneret, Thierry Arn pour une contribution humanitaire d'urgence en faveur de l'EPER pour venir en aide aux réfugiés du Haut-Karabagh en Arménie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.

Premier débat

La présidente. Voici notre dernière urgence: le PL 13376, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole échoit au premier signataire, M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, l'Arménie est ce pays relativement petit, sans accès à la mer, situé dans le Caucase, avec trois millions d'habitants - c'est un petit pays, je le disais -, entouré par la Géorgie, la Turquie et l'Azerbaïdjan. 32% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et vous connaissez probablement l'histoire très riche, ancienne, de ce peuple d'origine indo-européenne, issu d'une migration des Balkans jusqu'au Caucase, qui entretient donc des liens très étroits avec l'Europe - au point d'ailleurs que certains le considèrent comme européen -, majoritairement chrétien. Voilà un premier point de situation géographique. Sur le plan historique, vous n'êtes certainement pas sans ignorer non plus... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, j'aimerais demander un peu de silence, y compris au fond de la salle. Visiblement, Mesdames et Messieurs, vous avez beaucoup de choses à vous raconter, mais n'hésitez pas à aller discuter à l'extérieur, merci. Reprenez, Monsieur Thévoz.

M. Sylvain Thévoz. Merci, Madame la présidente. Sur le plan historique, je rappelle le génocide de 1915-1916, où environ 1,3 million de personnes, d'après les historiens arméniens, sont massacrées lors d'un processus de turquification de l'Empire ottoman consistant à expulser, à tuer ceux qui sont considérés comme des «tumeurs internes», selon les propos des nationalistes, ce qui conduit au massacre d'hommes et à la fuite de plus d'un million de femmes et de vieillards, qui périssent sur le chemin de l'exil.

Le présent projet de loi vient à la suite de cette longue histoire - une histoire qui n'est pas terminée -, mais surtout en réaction à une crise terrible qui est la disparition, le 19 septembre dernier, de l'entité du Haut-Karabagh (l'Artsakh), attaquée par l'Azerbaïdjan et dont la population - plus de 120 000 personnes - fuit dans la panique et dans la crainte d'exactions de la part du voisin avec qui les relations sont extrêmement tendues, pour dire le moins.

Le texte que nous vous présentons ce soir ne vise pas à refaire l'histoire ou à se montrer excessivement politique, il a principalement un but humanitaire: il s'agit de se soucier des 120 000 Arméniens du Haut-Karabagh qui se retrouvent maintenant hébergés en Arménie dans des conditions absolument terribles. En effet, des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes sont sans abri, sans refuge. Or, du fait d'un côté de la guerre en Ukraine, de l'autre de la terrible explosion de violence qui a cours actuellement entre Gaza et Israël, ces gens passent subitement sous les radars médiatiques et, partant, au travers des potentiels financements de l'aide humanitaire; vous entendez bien que la préoccupation aujourd'hui n'est pas l'Arménie et ne le sera probablement pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois.

C'est ce qui nous a conduits - il y a de nombreux signataires, une base très large qui, je l'espère, permettra de voter ce projet de loi ce soir - à déposer ce texte dans l'urgence, parce qu'urgence il y a. Nous demandons au Grand Conseil et au Conseil d'Etat de débloquer 2 millions de francs pour soutenir l'EPER, qui mène des activités sur place. Pour l'instant, 300 000 francs ont été engagés par l'EPER, qui ont pu soulager 1650 personnes - vous voyez que les chiffres sont modestes -, leur offrant en urgence un refuge et un peu de «cash base», de quoi survivre.

Nous accueillons de manière positive l'amendement du Conseil d'Etat qui propose, sur ces 2 millions de francs destinés à l'EPER, d'en attribuer 500 000 au CICR. Cette mesure nous semble aller dans la bonne direction, dans le sens de ce projet de loi.

Un petit bémol toutefois sur la dernière phrase de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat: «Ainsi, en finançant les activités du CICR et de l'EPER, nous permettons de contribuer à l'ensemble des besoins humanitaires des Arméniens actuellement affectés par la crise.» Nous ne le croyons pas. Il y a 100 000, voire 120 000 personnes réfugiées en Arménie et aucun espoir de retour au Haut-Karabagh. Il faudra bien plus que ces 2 millions - que, je l'espère, nous allons voter de la manière la plus large et unanime possible - qui ne constituent qu'une goutte d'eau, mais une goutte d'eau faisant honneur à Genève. La Confédération a mis 1,5 million, l'Union européenne a débloqué 5 millions, la Ville de Genève nous a précédés avec 250 000 francs. Il s'agit d'un symbole, d'un symbole humanitaire qui honore Genève, mais qui ne comblera absolument pas les besoins de la population réfugiée en Arménie; malheureusement, nous pensons que sa situation restera extrêmement précaire.

Mesdames et Messieurs, nous vous remercions pour l'accueil favorable que vous réserverez à ce projet de loi et saluons toutes les personnes qui ont contribué à son dépôt et contribueront à son vote ce soir. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je prie les membres de l'UDC de bien vouloir cesser leurs discussions. (Un instant s'écoule.) Messieurs de l'UDC, ça vous concerne ! Monsieur Poncet ? Monsieur Nidegger ? Bien, la parole va à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, comment rester sourd ? Aujourd'hui, près de 120 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabagh, soit la quasi-totalité de la population de cette région. Au cours des deux dernières semaines, ils ont tout quitté, mais en même temps rien quitté, puisqu'ils étaient déjà victimes depuis des mois d'un blocus azéri. Ces personnes, déjà privées de l'essentiel, de la couverture de besoins primaires tels que la nourriture, ont tenu bon jusqu'à la dernière attaque, survenue il y a quelques semaines.

Victimes de la dictature d'un autocrate, les Arméniens du Haut-Karabagh ont dû se résigner à partir: partir par peur de représailles, partir de crainte de subir à nouveau une politique d'assimilation. Ils laissent tout derrière eux, mais presque aucun bien matériel; ils sont contraints d'abandonner leurs terres ancestrales, leurs racines, leur histoire; ils cherchent protection auprès de l'Arménie.

Or nous savons que les autorités arméniennes n'auront pas suffisamment de moyens financiers ni logistiques pour subvenir aux besoins de cette population qui fuit un régime brutal et autoritaire. Ces personnes ont et auront besoin de nourriture, de vêtements, de médicaments et de beaucoup d'autres choses.

2 millions de francs suisses, c'est beaucoup et si peu face à l'ampleur de ce véritable drame qu'on peut qualifier d'épuration ethnique, une tragédie qui s'est déroulée sous nos yeux, dans l'inaction la plus complète de la communauté internationale. Cette passivité du monde entier met en lumière à quel point le droit à l'autodétermination des peuples, principe juridique premier de la Charte des Nations Unies, est à la merci des dictateurs au pouvoir.

Mesdames et Messieurs les députés, nous savons ce qui se passe en Arménie, nous savons qu'une aide d'urgence est nécessaire, nous savons que des milliers de familles sans abri et dans une extrême précarité en ont besoin aujourd'hui. Enfin, nous savons que si les financements n'arrivent pas, des êtres humains mourront; l'Arménie serait ainsi encore davantage déstabilisée et fragilisée.

Pour toutes ces raisons, je vous remercie d'adopter le présent projet de loi qui vise à assurer une contribution humanitaire afin de soutenir les activités de l'EPER en Arménie face à l'afflux de réfugiés issus du Haut-Karabagh. Bien entendu, nous voterons également l'amendement du Conseil d'Etat au bénéfice du CICR. Merci. (Applaudissements.)

M. Sébastien Desfayes (LC). Chers collègues, Le Centre soutiendra bien entendu ce projet de loi. Chacun apprécie à sa juste mesure ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient, mais ces événements, aussi tragiques soient-ils, ne doivent pas occulter ce qui s'est passé ces derniers mois et ce qui se passe maintenant au Haut-Karabagh et en Arménie. Vous aimez sans doute Gabriel García Márquez; eh bien on peut dire qu'il s'agit de la chronique d'une épuration ethnique annoncée. Nous avions déjà évoqué cette épuration ethnique au mois d'octobre 2022 lorsqu'il s'est agi de voter une résolution - d'ailleurs acceptée à la quasi-unanimité des partis de cet hémicycle -, notamment pour le droit à l'autodétermination du Haut-Karabagh.

Ce qui a caractérisé les événements de ces derniers mois en Arménie et au Haut-Karabagh, c'est le silence, c'est la lâcheté de l'Occident. Comme l'a bien dit Sylvain Tesson dans l'un de ses reportages, l'Arménie est un peu un diamant de l'Occident dans les terres de l'ancien monde ottoman.

Ces derniers mois, on a vu l'organisation planifiée d'une épuration ethnique, avec d'abord la fermeture du corridor de Latchine et la volonté d'un Etat - l'Azerbaïdjan, en l'occurrence - d'affamer un peuple, le peuple arménien du Haut-Karabagh. La deuxième étape a eu lieu au mois de septembre de cette année: les forces armées azéries ont procédé à une attaque massive contre des civils; en vingt-quatre heures, la résistance des Arméniens du Haut-Karabagh a été vaincue, l'exode a commencé.

La sinistre besogne, si vous me passez l'expression, de l'épuration ethnique est quasiment terminée: il reste mille Arméniens au Haut-Karabagh. Viendra ensuite le temps de ce que les Azéris appellent la «reconstruction», mais qui n'est rien d'autre que la destruction des églises, des cimetières, de toutes les traces chrétiennes et arméniennes dans ces terres pourtant ancestrales.

Ce projet de loi a un double objectif: d'abord, il s'agit de protéger cette population affamée, précarisée, qui n'a ni nourriture ni médicaments, mais il y a par ailleurs un autre enjeu, c'est la survie de l'Arménie. En effet, l'Arménie, petit pays enclavé de trois millions d'habitants, n'a les moyens ni logistiques ni financiers d'accueillir, sans aide de l'extérieur, plus de 120 000 réfugiés. Dès lors, si l'on veut empêcher la Turquie et l'Azerbaïdjan de terminer, si vous me permettez d'utiliser ce terme, le génocide de 1915, si l'on veut prévenir ce drame, nous devons soutenir l'Arménie à travers cette aide humanitaire. Merci. (Applaudissements.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). L'humanité vit des heures sombres. Nous avons déjà évoqué ici l'agression russe en Ukraine, ses 500 000 morts et blessés, ses crimes de guerre. Depuis une semaine, nous connaissons des attaques barbares et terroristes sur le sol israélien. Et puis, depuis deux semaines, il y a le drame du Haut-Karabagh et ses 120 000 réfugiés arméniens. L'expression «épuration ethnique» a été formulée, et je pense qu'elle est appropriée suite à l'attaque d'attrition opérée par l'Azerbaïdjan contre cette minorité du Haut-Karabagh, minorité qui, rappelons-le, a déjà été touchée il y a plus de cent ans par un génocide, perpétré à l'époque par l'Empire ottoman. Alors oui, nous devons soutenir la population arménienne déplacée, en particulier au travers d'une aide d'urgence pour l'accès à l'eau, pour les besoins essentiels, pour les services de santé.

Cela étant, même s'il y a urgence, même s'il faut agir vite, le PLR souhaite un rapide retour de ce projet de loi en commission. En effet, c'est faire preuve de bonne gouvernance que de se poser les questions suivantes: comment aider ces gens, pourquoi un montant de 2 millions - pourquoi pas 1, pourquoi pas 3 ? -, avec quels partenaires ? Nous respectons énormément le travail de l'EPER, nous savons qu'elle collabore avec deux ONG de qualité sur place. Il convient toutefois de se poser ces questions: on ne peut pas, si on veut se montrer responsable, voter ce texte sur le siège. Nous estimons que nous pouvons avancer très vite en commission pour pouvoir voter le projet de loi lors de la prochaine plénière.

Cependant, si ce renvoi en commission est refusé, le PLR soutiendra tout de même l'amendement proposé par le Conseil d'Etat, qui nous semble essentiel, de même que ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. François Baertschi (MCG). Le MCG est sensible à la détresse de la population du Haut-Karabagh. Le MCG votera ce projet de loi ainsi que l'amendement du Conseil d'Etat, qui est tout à fait pertinent et nous permettra d'offrir notre aide à ces pauvres gens en détresse, perdus dans un conflit qui nous effraie tous.

Toutefois, nous avons un problème avec l'exposé des motifs du projet de loi. Pour le MCG, Genève n'a pas à émettre de jugement; en tant que canton, en tant que pays, en tant que ville de paix, nous n'avons pas à formuler de jugement sur les conflits. Genève doit rester l'endroit où se mènent les discussions de paix. Chacun, bien entendu, peut avoir son opinion en tant qu'individu, en tant que citoyen, en tant que personne libre, mais Genève doit rester la ville de paix où les négociations peuvent avoir lieu, où tous les belligérants peuvent se réunir. Nous n'avons pas à adopter ce type de position, j'en suis convaincu, et nous déplorons dès lors les termes utilisés dans l'exposé des motifs.

Il est évident que notre action humanitaire sera d'autant plus forte qu'elle ne porte aucun jugement sur les belligérants. Voilà notre force, c'est ce que nous devons aux victimes. Notre neutralité n'est pas seulement une fantaisie, ce n'est même pas du tout une fantaisie: c'est une obligation morale que nous avons en mémoire de certaines personnalités qui ont fait de Genève ce qu'elle est maintenant, qui lui ont conféré sa grandeur. Nous voterons ce projet de loi avec l'amendement du Conseil d'Etat, mais en manifestant notre total désaccord avec l'exposé des motifs. Merci.

M. Yves Nidegger (UDC). J'aimerais m'inscrire dans le prolongement de ce qu'ont indiqué les deux préopinants du MCG et du PLR, qui, chacun, ont apporté un élément correct de l'analyse. Lorsqu'on voit des flots de gens se ruer sur les routes pour quitter une région et rejoindre l'Arménie, on ne peut naturellement qu'être ému devant le désastre humain, le désastre humanitaire, l'abandon de terres par une centaine de milliers de personnes. Une réaction émotionnelle est parfaitement compréhensible.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, la Suisse n'est du côté de personne; la Suisse est du côté du droit international, et laissez-moi vous dire quand même, après tout ce qu'on a entendu, que sur le plan du droit international, l'Arménie a tout faux. En droit international, le Haut-Karabagh appartient à l'Azerbaïdjan. Plusieurs résolutions des Nations Unies demandent d'ailleurs que ce territoire soit restitué à l'Azerbaïdjan, à qui il revient: il a été conquis en 1993 dans le cadre d'une guerre. On peut détester cette idée, mais sur la base du droit international, si quelqu'un a raison quant à qui a le droit de gouverner le Haut-Karabagh, c'est l'Azerbaïdjan.

Alors je suis bien conscient que les Azéris sont une bande de Turcs qui, de surcroît, ont le mauvais goût d'être musulmans et ex-soviétiques et qu'à l'inverse, l'Arménie est un pays chrétien avec lequel nous entretenons des liens émotionnels très forts et qui dispose par ailleurs d'une diaspora extrêmement brillante dans le domaine des arts visuels, de la musique. Nous ressentons un puissant attachement charnel avec l'Arménie et montrons un désintérêt plutôt actif envers cette peuplade turcophone que sont les Azéris. On peut très bien le comprendre.

Mais la question a été posée à plusieurs reprises au Département fédéral des affaires extérieures: pourquoi la Suisse n'est-elle pas du côté du Haut-Karabagh et contre l'Azerbaïdjan ? Eh bien la réponse de M. Cassis a toujours été la même: parce que la Suisse est du côté du droit international, elle ne peut faire que ça. Ainsi, le MCG a raison lorsqu'il souligne que les jugements, bien qu'on puisse les comprendre émotionnellement et humainement, n'ont pas leur place dans le gosier de la Genève internationale, qui est supposée constituer le lieu qui ne juge pas et qui, lorsqu'il juge, le fait à l'aune du droit.

Le PLR a également raison de solliciter un retour en commission. Ce projet de loi émotionnel a été écrit avec les pieds, sur un coin de table, dans la précipitation, sans savoir ce qu'on allait faire. On change le destinataire de l'aide, on nous dit: «Octroyer des fonds à l'EPER, qui ne se trouve pas dans cette région, n'a pas de sens, versons-en un petit peu au CICR qui s'y trouve, parce qu'il reste un millier de personnes dans des situations dramatiques au Haut-Karabagh.» Bon. On entend d'un autre côté: «Donnons l'argent au gouvernement arménien» - qui, soyons clair, a provoqué tout cela - «afin qu'il puisse gérer le problème»...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Yves Nidegger. ...problème dont il est lui-même responsable ! Là encore, c'est peu réfléchi. Renvoyons ce texte en commission, essayons d'analyser les choses la tête froide...

La présidente. Merci...

M. Yves Nidegger. ...et si nous avons 2 millions à mettre quelque part que l'on retirera de la bouche... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. Jacques Jeannerat (LJS). Je n'ai pas envie de faire une leçon de géopolitique à la Nidegger, excusez-moi ! Nous avons la chance, Mesdames et Messieurs, de vivre dans un pays où il n'y a plus de conflits depuis très longtemps. Le groupe LJS est très sensible à ce qui se passe dans cette région du monde; sur le principe, nous sommes favorables à ce projet de loi.

Toutefois, je m'interroge. Il ne s'agit pas, comme aux points précédents, d'une motion ou d'une résolution, textes qui manifestent des intentions générales. Là, il y a certes du bon sens, l'objectif est d'aider des gens qui se trouvent dans la détresse.

Dans trois semaines aura lieu une nouvelle session du parlement. Je rejoins le député de Senarclens: peut-être faudrait-il un tout petit passage en commission. Nous pouvons demander à la commission des finances de traiter cet objet en priorité, revoter l'urgence dans trois semaines afin de l'adopter ensuite définitivement. C'est 2 millions, c'est peut-être plus ! C'est peut-être 3 ou 4 millions. J'ai un peu peur qu'on vote sur le siège, rapidos - passez-moi l'expression -, un texte sans éléments chiffrés.

Par ailleurs, il s'agit d'un projet de loi, il y a un délai référendaire ! L'argent ne peut pas être débloqué comme ça, en une semaine. Je comprends bien les auteurs du texte, il y a urgence. Je compatis... Non, ce n'est pas le bon terme: je suis d'accord avec la notion d'urgence, mais je propose qu'on renvoie cet objet à la commission des finances avec une demande expresse pour qu'elle le traite rapidement et qu'un rapport soit établi; ainsi, dans trois semaines, nous pourrons voter à l'unanimité l'urgence sur ce qui est ressorti de commission, avancer et débloquer de l'argent pour venir en aide à ces gens qui se trouvent dans une détresse absolument abominable.

Dernier élément: nous ne sommes que l'un des 26 cantons de la Confédération. Peut-être qu'un petit coup de fil à Berne serait judicieux pour savoir ce qui se passe, si les Chambres fédérales s'apprêtent aussi à entreprendre quelque chose. Grâce à ce délai de trois petites semaines, il nous sera éventuellement possible de répondre à ces questions.

Voilà, donc nous soutiendrons le renvoi en commission, mais avec une demande de traitement en urgence. Nous pourrions demander à la commission des finances - je crois que c'est M. Baertschi qui en est le président maintenant...

Une voix. Oui.

M. Jacques Jeannerat. Alors, Madame la présidente, nous pourrions demander à M. Baertschi de traiter ce projet de loi en urgence à la commission des finances, et nous serions les premiers à revoter l'urgence dans trois semaines pour qu'il figure tout de suite à l'ordre du jour et qu'on en discute rapidement. Voilà notre proposition. Cela étant, si le texte ne devait pas être renvoyé à la commission des finances, nous adopterions l'amendement du Conseil d'Etat et, par voie de conséquence, le projet de loi, cela va sans dire.

La présidente. Merci beaucoup. Je passe la parole à Mme Lara Atassi pour quatorze secondes.

Mme Lara Atassi (Ve). Ça suffira, Madame la présidente, merci. Je suis extrêmement choquée par les propos de certains dans cette assemblée selon lesquels parce qu'ils sont européens, chrétiens ou représentent une «perle de l'Occident», les Arméniens mériteraient plus d'aide humanitaire que d'autres. Tout le monde mérite ce soutien. Merci.

La présidente. Je vous remercie. La parole retourne à M. Sylvain Thévoz pour cinquante-neuf secondes.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente. Non, il ne faut pas renvoyer cet objet en commission. On l'a dit, il s'agit d'un projet de loi humanitaire, on parle de 2 millions. Ce n'est pas une fortune, le Conseil d'Etat a lui-même attribué 4 millions au CICR voilà quelques semaines et cela n'a fait sursauter personne.

Les mots qui figurent dans l'exposé des motifs du projet de loi sont soumis à l'appréciation politique de chacun; ils sont peut-être durs, mais ils sont le reflet de la réalité. C'est aussi l'honneur de la Genève internationale qui est en jeu, la Genève humaniste qui s'est toujours placée aux côtés des peuples opprimés, aux côtés des réfugiés.

Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt: M. Nidegger a toujours marqué ses orientations pro-turques, il a été l'avocat de certains mouvements turcs s'opposant notamment au mémorial arménien qui se trouve aujourd'hui dans le parc Trembley; c'est juste une manoeuvre dilatoire pour essayer de ne pas aider ces populations en souffrance parce qu'elles sont arméniennes, et là, on trahit la Genève internationale, on trahit la Genève humanitaire. Il faut absolument éviter le renvoi en commission. Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Martin, je vous ai déjà demandé de cesser vos discussions à travers les allées. La parole va à M. Patrick Dimier pour trente-huit secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Je n'aurai pas besoin d'autant de temps, Madame la présidente, merci. Je signale simplement que personne ne peut ignorer et surtout minimiser ce que le peuple arménien a vécu. Je pense que nous devons tous nous incliner avec respect devant les Arméniens. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Martin, ça ne sert à rien de vous cacher, c'est toujours la même remarque ! (Rires.) A présent, la parole revient à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vous remercie, Madame la présidente. La situation du peuple arménien et en particulier de celles et ceux qui vivaient dans le Haut-Karabagh est effectivement très inquiétante. Notre monde a actuellement mal à son humanité; nous sommes confrontés à des crises qui se succèdent et qui génèrent des souffrances épouvantables pour les civils.

Le Conseil d'Etat partage les constats dressés quant à la nécessité d'apporter une aide. Nous avons la chance de pouvoir nous le permettre. Le Conseil d'Etat souhaiterait également que ce projet de loi soit discuté en commission. C'est vrai, Monsieur Thévoz, vous avez raison: le Conseil d'Etat a fait voter dernièrement un crédit supplémentaire de 39 millions - pas 4 millions, 39 millions ! - en faveur du CICR, crédit qui a été examiné en commission. Certes, ce n'est pas l'entier du parlement qui l'a validé, nous avons pris un raccourci, mais en l'occurrence, si le crédit que vous demandez dans ce projet de loi est accepté, ce serait l'ensemble - du moins une majorité - du Grand Conseil qui l'adopterait.

L'amendement du Conseil d'Etat vise à permettre au CICR de bénéficier également de ce soutien financier. Pourquoi ? Parce que dans le Haut-Karabagh, Mesdames et Messieurs, il n'y a aujourd'hui plus que le CICR. Un millier de personnes sont restées là-bas, qui ont besoin de soins médicaux, de nourriture. Dans ce sens, il nous paraît extrêmement important de subventionner aussi le CICR qui est présent sur place.

S'agissant de la dernière phrase de l'exposé des motifs de l'amendement, ce que nous voulions souligner, c'est qu'en aidant à la fois l'EPER et le CICR, nous permettons à toutes les situations vécues par le peuple arménien aujourd'hui d'être prises en charge. Bien entendu, nous n'allons pas tout régler avec 2 millions, mais il s'agit simplement de prendre également en considération celles et ceux qui sont restés sur place, qui n'ont pas d'autre possibilité; c'est ce qui nous semblait essentiel.

Mesdames et Messieurs les députés, sous réserve que vous acceptiez l'amendement à ce projet de loi, le Conseil d'Etat vivra tant avec un renvoi en commission qu'avec un vote sur le siège. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur la proposition de renvoi à la commission des finances; en cas de refus, je mettrai aux voix l'entrée en matière, puis la proposition de modifications du Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13376 à la commission des finances est rejeté par 53 non contre 38 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 13376 est adopté en premier débat par 90 oui contre 1 non.

Deuxième débat

La présidente. Nous sommes saisis d'amendements du Conseil d'Etat portant sur le titre et les articles 1 et 2. Je propose que nous les votions en une seule fois. En voici la teneur:

«Titre du projet de loi (nouvelle teneur):

Projet de loi pour une contribution humanitaire d'urgence en faveur du CICR et l'EPER pour venir en aide aux réfugiés du Haut-Karabagh en Arménie

Art. 1 But (nouvelle teneur)

La présente loi vise à assurer une contribution humanitaire d'urgence afin de soutenir les activités de l'EPER et du CICR en Arménie en relation avec l'afflux de réfugiés issus du Haut-Karabagh.

Art. 2 Financement (nouvelle teneur)

Une subvention pour un montant total de 2 000 000 francs est accordée par l'Etat, soit 1 500 000 francs à l'EPER et 500 000 francs au CICR afin d'assurer la poursuite de leur action humanitaire en faveur de la population arménienne.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 93 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, le préambule est adopté.

Mis aux voix, les art. 1 et 2 ainsi amendés sont adoptés.

Mis aux voix, l'art. 3 est adopté, de même que les art. 4 et 5.

La présidente. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 68 oui contre 23 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13376 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13376 Vote nominal

M 2888-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Sandro Pistis, François Baertschi, Jean-Marie Voumard, Daniel Sormanni, Thierry Cerutti, Christian Flury, Francisco Valentin : Protégeons nos enfants contre la promotion excessive des sucreries !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2023.
Rapport de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Débat

La présidente. Nous avons fini le traitement de nos urgences, nous revenons donc à notre ordre du jour ordinaire avec la M 2888-A. Nous traitons cet objet en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Jocelyne Haller; il est repris par M. Sandro Pistis. (Un instant s'écoule. Brouhaha.) S'il vous plaît, comme d'habitude après les votes importants, n'hésitez pas à aller fêter ou regretter les résultats à l'extérieur, pour qu'on puisse continuer nos débats. Je vous prie d'interrompre vos discussions, y compris à l'UDC. (Remarque.) Messieurs de l'UDC, toujours vous ! Merci. Monsieur Pistis, vous avez la parole.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. La commission de la santé a été saisie de ce texte qui demande que dans les grandes surfaces commerciales, notamment dans le domaine alimentaire, on retire les sucreries qui se trouvent proches des caisses, par où le passage est obligatoire, ce qui les rend faciles d'accès. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, on sait que tout ce qui est à base de sucre ajouté n'est pas bon pour la santé de nos enfants; c'est clairement un problème, notamment pour l'obésité.

Lors de l'étude de cette proposition de motion en commission, certains professionnels de la santé sont intervenus et ont indiqué que ces produits à base de sucre ou tout simplement sucrés, qui sont faciles d'accès, notamment pour nos enfants, ont un coût pour la collectivité. Ce que demande cette motion, c'est tout simplement qu'on arrête de mettre des sucreries à proximité des caisses de ces grandes surfaces, de façon à ce qu'on n'incite pas nos enfants de six, sept ans à se jeter par terre parce que leurs parents ne leur achètent pas des sucreries.

Il s'agit tout simplement d'un texte rempli de bon sens et qui est nécessaire quand on voit l'effet négatif de ces aliments, de ces sucres, de ces bonbons sur la santé, pour nos enfants, pour nous, mais également pour les plus anciens. Mesdames et Messieurs, de mémoire, la commission de la santé a voté à une assez large majorité cette motion... (Remarque.) ...amendée. Elle a été votée largement pour demander que les grandes surfaces - que je ne souhaite pas nommer ce soir - fassent un effort et retirent ces sucreries qui sont proches des caisses enregistreuses, lieu de passage obligatoire lorsque vous allez faire vos courses avec votre famille dans les surfaces commerciales. Au nom de la majorité de la commission de la santé, nous vous invitons donc à soutenir cette motion telle qu'amendée par la commission. Merci.

M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, en mars 2021, Laurence Fehlmann Rielle, conseillère nationale socialiste, avait déposé à Berne une interpellation pour proposer des produits sains à proximité des caisses de supermarché. En Suisse, des organisations de consommateurs et consommatrices ont par le passé présenté la même revendication - avec un certain succès puisque plusieurs enseignes ont installé des caisses pour familles où il n'y a pas de sucreries -, mais de nombreuses grandes surfaces n'ont pas donné suite à cette idée.

Durant les précédentes décennies, la prévalence du surpoids et de l'obésité a augmenté en Suisse et en Europe. Selon l'OBSAN, 42% de la population suisse est actuellement en surpoids ou obèse. Les enfants doivent être protégés dès leur plus jeune âge, et il est important d'influer sur les habitudes de consommation par la promotion d'une alimentation équilibrée.

S'il est nécessaire de sensibiliser la population en faisant appel à la responsabilité individuelle, les études sur l'efficacité des programmes de prévention montrent qu'il faut aussi agir par des mesures structurelles. Celles-ci posent un cadre qui facilite la prise de décisions compatibles avec une alimentation saine. Dans son avis du 12 mai 2021, le Conseil fédéral a répondu que la stratégie suisse de nutrition 2017-2024 vise à promouvoir une alimentation équilibrée et variée pour le maintien de la santé et la prévention de diverses maladies.

Dans la mise en oeuvre de cette stratégie, la première priorité est de mieux informer les consommateurs, par exemple grâce à l'instauration facultative du système d'étiquetage Nutri-Score, et d'améliorer la composition des produits alimentaires, en collaboration avec l'industrie alimentaire. C'est ainsi que plusieurs entreprises signataires de la Déclaration de Milan se sont engagées à réduire progressivement, sur une base volontaire, la teneur en sucre de leurs yogourts et de leurs céréales pour le petit-déjeuner.

Un autre objectif important de mise en oeuvre de la stratégie suisse de nutrition est l'abandon volontaire de la publicité destinée aux enfants pour des denrées alimentaires trop sucrées, trop grasses, trop salées ou trop riches en énergie. Dans sa réponse, le gouvernement se dit favorable à l'idée: aménager la zone des caisses est une mesure qui permet de protéger les enfants contre une forme spécifique de publicité. Le Conseil fédéral est donc favorable à l'idée d'émettre, à titre de mesure complémentaire, une recommandation destinée notamment aux grands distributeurs, afin qu'ils aménagent leurs caisses avec des produits sains. Des commissaires auraient souhaité que cette motion soit plus contraignante, tant on peut estimer pernicieux de placer des sucreries aux caisses, là où les clients sont captifs.

Il faut donner un signal clair quant à la volonté politique d'en finir avec ce marketing qui fait fi des problématiques de santé publique, volonté qui s'inscrit dans la politique du canton. Ces mesures ciblées doivent accompagner les campagnes de prévention de portée plus générale.

La situation n'est pas nouvelle. Un parallèle peut ainsi être tiré avec les kiosques qui offrent des bonbons et autres friandises à hauteur des yeux de nos bambins, attirant ainsi leur regard sur l'assortiment de cigarettes et tabac, prétendument destinés aux adultes, normalisant ainsi les futurs comportements de ces enfants.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Jean-Charles Rielle. Le groupe socialiste vous demande d'accueillir favorablement cette motion, qui va dans le sens des recommandations de l'ensemble des spécialistes de santé et qui a déjà fait l'objet, en réponse à l'interpellation d'une conseillère nationale, d'un soutien du Conseil fédéral. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Léo Peterschmitt (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, voici un exemple de promotion de la santé et de prévention, certes léger, puisque peu contraignant pour les principaux responsables, mais qui a le mérite d'exister. Nous soutenons largement la promotion d'une alimentation saine et équilibrée auprès de la population, surtout que celle-ci se situe aux interfaces des enjeux sanitaires, sociaux et environnementaux.

Concernant les sucreries proches des caisses, nous ne le cachons pas, nous pensons qu'il s'agit d'une micromesure s'agissant de la santé publique, mais nous espérons que c'est un premier pas dans la bonne direction. Eloigner les susucres des caisses des supermarchés au nom de la santé, c'est bien; c'est faire la première partie du chemin, et nous espérons qu'à la suite, c'est toute la chaîne, du sucre à la carie, qui sera prise en compte.

Je ne peux pas parler de caries sans citer l'initiative qui vient d'arriver en commission, en espérant que les soins dentaires seront bientôt moins coûteux pour la classe moyenne et les personnes précaires. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Chères et chers collègues, nous avons tous une fois ou l'autre assisté à des drames à ces caisses garnies de friandises, ou vu des enfants se rouler par terre et hurler en essayant de faire plier leurs parents.

Il faut peut-être rappeler quelques chiffres. En 1975, 6,9% des garçons et 7,4% des filles souffraient de surpoids, alors qu'en 2016, ces pourcentages étaient de 21,4% pour les garçons et 19,5% pour les filles. En 1975, l'obésité était de 0,7% parmi les deux sexes, en 2016 elle est présente chez 6% des garçons et 5,2% des filles.

La pandémie n'a pas arrangé la situation. En effet, une analyse de l'évolution du poids corporel pour les années 2021-2022 chez les enfants entre 5 et 6 ans scolarisés dans le canton de Genève montre une augmentation significative de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les filles et les garçons. En 2021, nous avons 4,59% des garçons et 6,68% des filles qui sont en situation d'obésité.

La représentante de la DGS auditionnée en commission a mis en évidence le fait qu'en comparaison intercantonale, Genève se trouvait en 2019-2020 parmi les cantons à prévalence élevée de surpoids et d'obésité.

Parmi les déterminants potentiels de l'augmentation du surpoids et de l'obésité chez les enfants figure ce qu'on appelle les «environnements obésogènes». Les publicités visant particulièrement les enfants en font partie. Les facteurs environnementaux qui influencent l'apport énergétique sont: l'offre, la promotion des produits, la pub, les marques, les emballages, l'environnement social et culturel. Les supermarchés et les commerces de détail sont des exemples d'environnements obésogènes, à travers lesquels l'industrie alimentaire influence les choix et les comportements alimentaires des enfants.

Malgré ces constats, le département a accueilli froidement cette motion, estimant qu'il est préférable de s'en tenir au programme de prévention 2024-2027 et qu'un délai de six mois pour y intégrer les invites de la motion est trop court.

L'audition de Genève Commerces se résume à trois positions: la concurrence de l'e-commerce et celle de la France voisine sont fortes, il faut respecter la liberté du commerce et les commerçants sont là pour vendre leurs produits. Sans commentaire, sauf de dire que l'e-commerce est une question de confort et le tourisme d'achat une question de coût. Les parents ne vont pas aller faire leurs courses en France parce que Genève interdit la présence de produits sucrés aux caisses !

Le sucre est un produit parmi les plus addictifs et l'excès de sa consommation chez les enfants a des conséquences graves tout au long de leur vie d'adultes, en particulier au niveau du diabète. Ils induisent des coûts directs et indirects de plusieurs dizaines de millions de francs. Je vous remercie d'accepter cette motion amendée en commission.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Si le groupe PLR peut partager les constats qui ont été posés tout au long de cette discussion, il n'approuve pas la solution proposée par la motion. Même si elle semble s'imposer pour certains, elle est, comme on l'a vu, une sorte d'emplâtre sur une jambe de bois, puisque les caisses ne sont qu'une petite partie de l'exposition à tous ces produits truffés de sucre et qui constituent effectivement un problème majeur de santé publique, surtout auprès des jeunes.

Les constats sont donc partagés; nous relevons simplement qu'il est évident qu'il faut agir à plus large échelle. Il faut bien sûr mettre en avant tous les programmes de prévention, qu'il convient absolument de renforcer. Si nous voyons un seul avantage à la crise actuelle et au fait que les produits coûtent toujours un peu plus cher, vu que le prix du sucre augmente, c'est que tous ces produits, qui sont d'un accès très facile aussi en raison de leurs prix très limités, seront peut-être finalement moins accessibles.

Nous constatons que dans la société dans laquelle nous vivons, les horaires d'accès à des magasins, à des bureaux de tabac, à des restaurants en tous genres, se sont largement élargis et que les personnes sont toujours plus tentées d'acheter à manger, surtout les jeunes qui n'avaient pas la possibilité de le faire avant.

Vous l'aurez compris, le PLR veut faire en sorte que la réponse soit plus globale, beaucoup plus large, qu'elle se situe au niveau national et aussi au niveau du sport, de l'éducation, du sens critique et d'une action réelle à réinventer. La réponse doit également tenir compte de nombreux facteurs, tels que ceux qui ont été cités, puisque si Genève est malheureusement un mauvais élève dans ce domaine, c'est sans doute pour des raisons d'environnement socioéconomique, qui est parfois difficile pour certains. Et ce n'est pas en supprimant, en plus uniquement dans les grandes surfaces, les accès à des sucreries aux caisses que nous réglerons ce problème majeur de santé publique. Je vous remercie.

M. Michael Andersen (UDC). On dit souvent «la nuit porte conseil»; de notre côté, la nouvelle législature a porté conseil, et l'UDC a changé sa position sur cette motion: comme vous le constaterez, l'UDC la refusera. Je vais vous expliquer les raisons pour lesquelles nous arrivons à ce résultat aujourd'hui.

Nous sommes pleinement conscients des enjeux liés à la santé, à la consommation de sucre, à la sédentarité des enfants - cela a été rappelé par M. Guinchard et Mme Buffet-Desfayes -, mais cette motion a été mise en avant par son premier signataire, on peut le constater dans le rapport, comme un instrument de sensibilisation. Alors je ne sais pas si j'ai vu les mêmes invites que l'ensemble des députés, mais quand je lis dans la première invite «prendre contact avec les acteurs de la grande distribution en leur demandant de retirer les sucreries [...]», je ne vois pas où est la sensibilisation.

Par ailleurs, du point de vue de l'UDC, cette motion risque de créer une inégalité de traitement: pourquoi se fixe-t-on sur la grande distribution ? Et quelle est la concurrence vis-à-vis du tabac ? Pourquoi uniquement la grande distribution, vis-à-vis par exemple de la concurrence des stations-service ? Aujourd'hui, on ne vise qu'un domaine de la consommation, alors que la réponse devrait potentiellement être plus large. On peut également réfléchir aux machines, mentionnées dans le rapport, qui distribuent des sucreries dans les cafétérias scolaires alors qu'à côté de cela, des menus Fourchette verte sont proposés aux élèves.

On l'a rappelé, le commerce genevois souffre déjà d'une forte concurrence. Ne lui mettons pas encore des bâtons dans les roues en votant en faveur d'une motion de la sorte. Comme l'a dit Mme Buffet-Desfayes, nous devons avoir une politique de prévention ambitieuse: en formant les consommateurs, responsabilisons-les ! Mais arrêtons d'interdire ! Nous n'allons pas résoudre l'obésité grâce à cette motion. J'ai l'impression, en entendant le député Guinchard - vous transmettrez, Madame la présidente -, qu'à travers cette motion, on résoudra tout le problème de la sédentarité. Ayons plutôt une politique ambitieuse pour le sport; le canton n'a pas une politique assez ambitieuse dans ce domaine. Investissons, cela permettra de résoudre des problèmes liés à la sédentarité. C'est pour toutes ces raisons que l'UDC a modifié sa position et refusera cette motion.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Stéphane Florey pour quarante secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Je voulais juste rajouter qu'il s'agit bêtement d'une question d'éducation. Si des parents laissent leurs enfants tout faire ou leur achètent tout et n'importe quoi, cela leur donne déjà un mauvais signal. Mais il y a une chose sur laquelle on ne retrouve aucun élément dans cette motion: si, pour ceux qui boivent du thé ou du café, vous essayez simplement...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Stéphane Florey. ...de réduire de moitié le sucre que vous mettez dedans, ce n'est pas du jour au lendemain que vous y arriverez, il vous faudra au minimum six mois. (Le micro de l'orateur est coupé.)

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le MCG considère que les petits pas sont toujours préférables à l'inertie. J'entends un discours consistant à dire: «On ne va pas assez loin, donc autant rester là où on est.» Je pense que nous devons au contraire essayer de progresser sur la voie dans laquelle le département chargé de la santé s'est déjà engagé. Je vous invite d'ailleurs toutes et tous à examiner le plan cantonal de promotion de la santé et de prévention, qui est, je dois le dire, remarquable. Je n'en suis pas l'auteur, ce sont mes services qui l'ont rédigé et j'en ai été le porteur. Le prochain plan va certainement sortir, puisque l'actuel s'arrête en 2023. Vous verrez à quel point le travail est élaboré à Genève. Je pense que ce qui a été déposé est remarquable, même au niveau suisse.

Mais bien entendu, le problème reste: le sucre est une problématique sournoise, créant des pathologies qui avancent à bas bruit, comme on le dit, avec aujourd'hui des enfants qui se trouvent non seulement en obésité, mais aussi affectés par le diabète. Je ne peux évidemment que vous encourager à vous faire dépister régulièrement pour le diabète, parce que c'est une maladie contre laquelle on peut lutter avant qu'il ne soit trop tard et qu'on ne doive prendre des traitements lourds. Mais évidemment, il faut se faire tester dès le départ.

Alors vous me direz: «Ce n'est pas qu'au niveau des caisses qu'il faudrait enlever les sucreries, il faudrait les enlever à hauteur d'enfant partout dans le magasin»; certains vous diront peut-être que le fait de les mettre à portée des enfants sert à leur apprendre assez tôt à gérer leur frustration, et que ce sont plutôt les parents qui cèdent aux crises de nerfs de leurs enfants qu'il faudrait blâmer. Certes. Néanmoins, si l'on peut éviter la tentation sous le nez des bambins, il faut le faire et sensibiliser les grandes surfaces. Oui, les grandes surfaces, parce que ce sont elles qui majoritairement accueillent les familles, et donc dans lesquelles les enfants sont emmenés par leurs parents. Il faut absolument le faire et poursuivre ce travail de sensibilisation.

C'est dans ce sens que la motion a été déposée par des députés du MCG, et je vous demande, puisque c'est l'expression du bon sens, de la soutenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite brièvement vous dire que le Conseil d'Etat, si vous décidez de lui renvoyer cette motion, lui fera bon accueil. Elle participe d'une démarche plus générale, on vient de le rappeler, qui consiste à faire de la sensibilisation.

J'aimerais rassurer le préopinant UDC: on n'y arrivera pas par des mesures d'interdiction pures et dures. Vous l'avez dit et vous avez raison de le souligner, on y arrivera par des plans ambitieux - celui concernant le sport devrait arriver en décembre - en matière de lutte contre la sédentarité, de soutien, notamment dans les communes, au développement d'infrastructures comme des piscines, qui sont absolument indispensables pour inciter les uns, les unes et les autres à développer une activité sportive.

On y parviendra également par une sensibilisation sur un élément qu'on aurait tort de croire comme reposant uniquement sur la volonté du consommateur ou de la consommatrice: réellement, quand on fait le constat du déploiement du sucre, Mesdames et Messieurs, on réalise qu'on y est confronté en tout temps. La conviction du Conseil d'Etat est que la capacité du consommateur à refuser de façon systématique ces intrusions sucrières dans sa vie personnelle est relativement limitée. Elle est limitée, comme cela a été dit avec pas mal de pertinence par la préopinante PLR; je n'ai pas totalement compris si cette dernière poussait le vice jusqu'à dire qu'il faudrait réduire les horaires et augmenter les prix, ce qui ne serait pas des plus libéral, mais j'ai cru comprendre que ça allait dans cette direction. Mesdames et Messieurs, c'est ce qu'il faut aujourd'hui poser sur la table.

Et j'aimerais ici rappeler - c'est la contribution du Conseil d'Etat dans ce débat - qu'a été tout à l'heure renvoyée en commission l'IN 193, M. Peterschmitt l'a dit également, qui va poser ces questions du principe du pollueur-payeur, pas consommateur-payeur, mais pollueur-payeur: est-ce que l'industrie sucrière - qui est une industrie importante en Suisse, notamment pour le domaine agricole -, est prête à entrer en discussion sur ces éléments, notamment sur une taxe au sucre - ce débat a été lancé sur le plan fédéral et le sera assurément à la faveur de l'IN 193 -, et sur des incitations de l'ordre de la présence moindre ou de l'interdiction de ces produits dans les magasins ?

Ce sont ces points dont nous nous réjouissons de discuter dans le cadre de l'IN 193 et du potentiel contreprojet. Mais il faudra y aller à fond, notamment sur la question des prix, sur les questions d'accessibilité et d'horaires, et avec des programmes ambitieux en matière de sport, si l'on veut, au-delà des petits pas, réduire le poids important, pour ne pas dire considérable, que vont faire porter les maladies chroniques, au nombre desquelles le diabète - on l'a rappelé avec pertinence -, sur les coûts de la santé, dont on parlait par ailleurs précisément il y a quelques instants.

La présidente. Je vous remercie. Nous votons sur cette motion.

Mise aux voix, la motion 2888 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 23 non et 1 abstention (vote nominal).

Motion 2888 Vote nominal

M 2890-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Salika Wenger, Yves de Matteis, Didier Bonny, Jean Batou, Pierre Vanek, Marta Julia Macchiavelli, Marjorie de Chastonay, Ruth Bänziger, Anne Bonvin Bonfanti, Nicole Valiquer Grecuccio, Jocelyne Haller, Badia Luthi, Jean-Charles Rielle pour un mémorial des victimes du VIH-sida
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 31 août et 1er septembre 2023.
Rapport de majorité de M. Yves Nidegger (UDC)
Rapport de minorité de M. Matthieu Jotterand (S)

Débat

La présidente. Nous passons à la M 2890-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole si vous la demandez.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Je la demande et je la prends, merci, Madame la présidente. La commission des Droits de l'Homme a examiné le 15 juin 2023 cette proposition de motion déposée par Mme Salika Wenger tout à la fin de la législature passée, le 1er décembre 2022. Elle demande l'érection à Genève d'un mémorial pour les personnes décédées du sida. Après en avoir débattu, la majorité de la commission a décidé, par 6 voix contre 3, de rejeter cette motion, avec deux arguments principaux: le premier est qu'un mémorial, qui fait état d'un devoir de mémoire, n'a de sens que lorsqu'une génération veut projeter vers l'avenir, à l'attention des générations futures, un souvenir qui soit de nature à éviter qu'un fait ne se reproduise. En particulier, lorsqu'une idéologie surgie d'un esprit criminel a causé un grand nombre de morts, on tient évidemment, lorsqu'on est dans la génération qui a connu tous ces morts, à faire savoir pour le futur que certaines façons de penser, par exemple, peuvent conduire à des conséquences criminelles ou meurtrières. Le devoir de mémoire, c'est cela.

Lorsque vous vous adressez à des virus qui peuvent muter sans arrêt aux quatre coins du monde, la mémoire du virus n'est pas forcément très perméable aux messages symboliques. Ces virus se promènent rarement devant les mémoriaux afin de s'imprégner et de s'édifier de la sagesse qu'ils peuvent renforcer. En d'autres termes, on ne va pas prévenir par une action de mémoire la survenance de nouveaux virus éventuellement capables de nous tuer.

Et puis, la deuxième raison: les victimes d'une maladie, certes, mais pourquoi celle-ci ? On meurt beaucoup plus à travers le monde, et de manière écrasante - prenez les chiffres de l'OMS -, de maladies cardiovasculaires ou de maladies respiratoires, beaucoup plus mortelles que n'a pu l'être le sida, qui par ailleurs ne tue pas directement: il affecte votre système immunitaire, et ce qui vous tue au final, ce sont d'autres maladies opportunistes qui se développent parce que votre système immunitaire est défaillant.

Pour ces deux raisons, la majorité de la commission a considéré que l'idée d'un mémorial n'avait pas grand sens et qu'il convenait par conséquent de rejeter cette motion, ce que la majorité vous invite à faire également ce soir. Je vous en remercie par avance.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il existe de par le monde de nombreux mémoriaux pour de nombreuses raisons, et là où je rejoins le rapporteur de majorité, c'est que si on a un mémorial sur un sujet, pourquoi pas sur un autre ? Ça, c'est tout à fait vrai. Cela dit, il existe déjà de nombreuses villes où des mémoriaux pour le VIH-sida sont érigés: on peut citer Londres, San Francisco, New York. A n'en pas douter, la Genève internationale, siège de l'Organisation mondiale de la santé et d'ONUSIDA, serait certainement une ville indiquée pour en accueillir un. Mais il n'en va pas de même pour les commissaires d'extrême droite, malheureusement rejoints pour l'occasion par les commissaires de droite, à la commission des droits humains.

La première question, posée par le commissaire UDC, consistait à se demander s'il s'agissait de se souvenir de morts ou, je cite, des «victimes de l'homosexualité masculine». Voilà donc un raccourci, et si les questions qui ont suivi étaient moins directement formulées, elles allaient toutefois dans le même sens, à savoir qu'un mémorial qu'ils estiment être, entre guillemets, «pour les homosexuels» n'a pas lieu d'être. La désignation de ce commissaire UDC, M. Nidegger, comme rapporteur de majorité par la commission semble confirmer le ralliement malheureux des commissaires de droite et d'extrême droite.

Il s'agit d'un virus, c'est vrai, mais il s'agit aussi de la réponse que les humains y ont apportée. Et là, c'est vite oublier ce qui s'est passé dans les années 80 et 90, Mesdames et Messieurs, c'est vite oublier les discriminations, les comportements inhumains qui ont eu lieu, l'absence de réponse et de moyens alloués. Pourquoi ? Evidemment, parce que ça a touché des pauvres, des personnes défavorisées, des personnes discriminées. C'est vite oublier ça, Mesdames et Messieurs.

Mais alors, qu'a fait la commission ? Elle a refusé toute audition, sans débat ! On en a discuté vingt minutes, on a refusé toutes les auditions et on n'a rien fait d'autre. On aurait pu entendre certains acteurs, certains survivants et survivantes. On aurait pu se forger ainsi une opinion et pas seulement se baser sur le dogme. Malheureusement, l'opinion était déjà arrêtée. Le commissaire MCG a estimé qu'auditionner des personnes et refuser ensuite l'objet pourrait engendrer un «ressenti subjectif de méprise à leur égard». Ce qui est certain, c'est que refuser ne serait-ce que de les entendre engendrera chez eux un ressenti totalement objectif de la méprise de la majorité de la commission à leur égard.

Etant donné que la commission des droits humains a jeté le bébé avec l'eau du bain, pour un objet qui somme toute ne demande pas grand-chose, et la commission n'ayant pas été en mesure de comprendre les enjeux sous-jacents à l'apparition d'une maladie totalement nouvelle, à la réaction humaine à cette maladie qui touche plusieurs pans souvent défavorisés de la population et qui avait causé de graves discriminations liées à la réponse apportée à l'époque, la minorité propose un renvoi à la commission de la santé pour réétudier l'objet, en espérant un travail un peu plus objectif et moins dogmatique. (Commentaires. Applaudissements.)

La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de la santé. Monsieur le rapporteur de majorité, souhaitez-vous vous exprimer à ce propos ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Oui, merci, Madame la présidente. Je m'oppose au renvoi. Je signale au passage que j'accepte volontiers la controverse, mais de là à me citer de travers, ce n'est pas très honnête de votre part.

Une voix. C'est dans le procès-verbal.

M. Yves Nidegger. Ce n'est pas ce que j'ai dit. (Remarque.)

La présidente. Je vous prie de ne pas tenir un dialogue à deux. Monsieur le rapporteur de minorité, s'il vous plaît, vous aurez la parole après. (Remarque.)

M. Yves Nidegger. Tout à fait d'accord, mais lorsqu'on est capable de citer un collègue de manière fausse afin de faire déraper sur l'homophobie le débat... Il ne faut pas aller le faire en commission de la santé, ça n'apportera rien.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons voter sur la demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 56 non contre 33 oui.

La présidente. Nous continuons le débat, la parole est à M. Pierre Conne.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, un mémorial est destiné à conserver ou à perpétuer un souvenir; or, je tiens à rappeler ici que nous sommes dans l'actualité: en 2022, près de 40 millions de personnes dans le monde vivaient avec le VIH-sida; plus de la moitié, 53%, étaient des femmes et des filles, et sur ces 40 millions, seules un tiers des personnes ont accès au traitement.

On n'est donc pas, Mesdames et Messieurs, dans une situation de mémoire aujourd'hui, on est face à une épidémie active qui nous menace tous, y compris en Suisse, et pour laquelle nous devons non seulement continuer à être vigilants sur le plan de la santé publique par tous les moyens - nous les avons heureusement à Genève -, mais également soutenir des actions de santé publique pour les pays qui en ont besoin dans le cadre de projets de coopération. Nous sommes dans l'actualité, nous sommes dans un combat à l'échelon mondial pour pouvoir permettre à toutes et à tous de se protéger et, le cas échéant, de vivre avec la maladie, ainsi que pour éradiquer cette maladie à terme - c'est évidemment l'espoir que nous mettons dans la recherche. Le jour où elle aura disparu, peut-être que le moment sera venu de se poser la question d'un mémorial. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose de rejeter cette motion. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (LC). Effectivement, les mémoriaux s'adressent aux humains par rapport à des actes de barbarie qui ont été commis par des humains et dont on souhaite qu'ils n'aient jamais lieu à nouveau. Leur but est donc d'influencer la mémoire des humains pour qu'ils se rappellent ce qui s'est passé et les conséquences catastrophiques de ces événements.

Comme l'ont dit le rapporteur de majorité et M. Conne avant moi, effectivement, le problème des maladies en général, mais spécialement des maladies virales, c'est qu'il y en a eu, il y en aura encore, et elles sont pleinement d'actualité. Ce n'est donc pas un mémorial qu'il faut faire, mais plutôt lutter encore et toujours contre des maladies dont certaines ont eu des conséquences dramatiques - il n'y a pas que le VIH, je crois qu'en matière de virus, on a eu notre dose dernièrement avec le covid. C'est un travail médical qui est nécessaire, un travail de lutte au niveau mondial auquel il ne faut pas mettre fin. Le Centre refusera cette motion.

M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion, dont la première signataire est notre ancienne collègue Salika Wenger, est particulièrement modeste. Elle ne demande pas de financement et ne coûtera pas un centime à l'Etat, mais constituerait un soutien symbolique important de la part de notre Conseil. En effet, le mémorial dont il s'agit fera l'objet d'une souscription auprès des citoyens et citoyennes qui désireront l'appuyer. Ce texte avait été corédigé peu avant le 1er décembre, Journée mondiale du sida, par des personnes directement ou indirectement concernées.

D'aucuns pensent que l'épidémie de sida est derrière nous, que les situations qu'elle a engendrées étaient certes dramatiques, mais que plus personne aujourd'hui n'est concerné, en tout cas chez nous; c'est faux. Il y a une année, j'ai mangé et discuté avec de nombreuses personnes séropositives à l'occasion d'un repas organisé par PVA Genève, et j'ai pu constater que malheureusement, encore aujourd'hui, des personnes contractent cette maladie, dont certes les conséquences, et c'est heureux, sont moins graves que par le passé.

On meurt encore du sida aujourd'hui à Genève. D'ailleurs, peu de temps avant la rédaction de ce texte, j'ai moi-même perdu un ami de cette maladie après des années de rémission. De plus, il y a tous ceux et toutes celles qui restent. C'est peut-être avant tout pour elles et pour eux qu'il faudrait édifier un tel monument, et pas seulement pour celles et ceux qui ne sont plus avec nous et ne pourront plus le voir.

L'épidémie de VIH-sida a créé plus de stigmatisation et de discrimination qu'aucune autre maladie depuis des décennies, voire des siècles. J'en veux pour preuve la Journée mondiale du sida, qui a toujours lieu aujourd'hui, et l'existence de l'ONUSIDA, qui siège dans notre ville. Chaque année, le 1er décembre voit un service interreligieux réunir les Eglises chrétiennes ainsi que des responsables musulmans, juifs, voire d'autres religions. Beaucoup de ces personnes verraient peut-être d'un oeil favorable l'édification d'un mémorial un peu plus durable que cette expression de la solidarité et du souvenir légitime, mais qui n'a lieu qu'une fois par an. Nous aurions d'ailleurs pu demander en commission leur avis aux personnes concernées, voire aux membres de cette coalition, mais la majorité a voulu agir de manière plus expéditive. Pourtant, tant la thématique que les personnes concernées auraient mérité mieux, ce d'autant plus que la motion ne demandait, je le répète, qu'un soutien symbolique.

Pour cette raison, je me permets de vous redemander un renvoi en commission, afin que ces associations ou ces personnes puissent être auditionnées, même de manière groupée; je parle ici de la commission des Droits de l'Homme. J'ai peine à croire que les partis qui placent l'humain au centre ou qui ont été durant des années les défenseurs d'un humanisme qui caractérise encore aujourd'hui l'«esprit de Genève» refuseront cette demande de renvoi en commission, que je me permets de réitérer. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, souhaitez-vous vous exprimer au sujet de cette nouvelle demande de renvoi ?

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Oui, très brièvement, pour vous dire que la demande de renvoi en commission est tout à fait légitime. (Brouhaha.) Cet objet n'a pas eu de réel...

La présidente. Excusez-moi. Mesdames et Messieurs, pas besoin de vous préciser qu'une discussion en travers de la salle, ça pose problème. Merci.

M. Matthieu Jotterand. A moins évidemment que ce soit pour le renvoi en commission, auquel cas...

La présidente. Et je vous rappelle, pour ceux qui ont un doute: lors d'une demande de renvoi en commission pour un objet qui sort de commission, nous votons immédiatement sur le renvoi. Si c'est un nouvel objet, nous votons à la fin du débat. Allez-y, Monsieur le rapporteur de minorité.

M. Matthieu Jotterand. Je profite de cette rapide intervention pour rappeler que les propos que j'ai prêtés à M. Nidegger proviennent exactement du procès-verbal. Je le répète, cet objet n'a pas bénéficié d'un réel traitement en commission: je vous invite à lui donner une réelle chance de traitement, quitte à le refuser, et pas à juste servir du dogme tel que cela a été fait à la commission des droits humains. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Ma position est la même que pour la première demande de renvoi, Madame la présidente.

La présidente. Je vous remercie. Nous votons sur cette demande de renvoi à la commission des Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 47 non contre 36 oui et 3 abstentions.

La présidente. Nous continuons le débat, et c'est Mme Jacklean Kalibala qui a la parole pour deux minutes vingt-cinq.

Mme Jacklean Kalibala (S). Merci, Madame la présidente. Pour revenir au devoir de mémoire et au mémorial, ce dernier a en effet pour but que nous nous rappelions quelque chose. Maintenant, je pense qu'il est important de relever qu'en ce qui concerne le virus du VIH-sida, la mémoire n'est pas là pour rappeler quelque chose au virus, mais aux gens. C'est un virus contre lequel on doit encore lutter, mais il faut bien comprendre que la lutte contre le VIH-sida passe essentiellement par des moyens individuels. Il faut influencer le comportement des gens: il faut porter un préservatif, il faut se faire tester; et pour que les gens fassent ça, ils doivent se sentir concernés par ce qui se passe.

Aujourd'hui, grâce aux avancées des traitements, on ne voit plus les malades du VIH comme des malades graves, et c'est une bonne chose. Mais ça a pour résultat que les gens ne se sentent plus concernés par cette maladie. Pourtant, même si en Suisse, par rapport à d'autres endroits dans le monde, nous sommes peu touchés par cette maladie, en Suisse romande, notamment à Genève, nous avons le taux d'incidence de nouveaux cas du VIH le plus haut de notre pays, à savoir 6,2 pour 100 000 personnes, contre 3,6 au niveau national. Nous sommes donc particulièrement touchés par cette maladie. Nous devons rappeler aux jeunes, à toutes les personnes qui ont des rapports sexuels, de se protéger pour lutter contre cette maladie. C'est pour cette raison-là qu'il y a un devoir de mémoire.

L'autre point qui a été rappelé est que Genève est un lieu important pour ONUSIDA, l'organisation internationale qui défend les malades du sida et travaille dans la lutte contre ce virus. On est un chef-lieu pour cette organisation et beaucoup d'autres qui se consacrent au sida, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'International AIDS Society, etc.

Il y a donc beaucoup de raisons d'ériger un mémorial contre ce virus à Genève. C'est seulement en gardant cette mémoire active et vivante qu'on pourra lutter contre cette maladie qui touche des millions de personnes dans le monde et qui tue encore aujourd'hui. Je demande un renvoi à la commission de la santé... (Commentaires.) ...parce que c'est un problème de santé publique et pas un problème de droits humains, qui doit être traité par des personnes compétentes qui ont une sensibilité par rapport à la santé ! Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, avez-vous quelque chose à ajouter concernant le renvoi en commission ? (Commentaires.)

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Je pense que c'est bien ce qui a été dit par ma préopinante qui compte. Il y a vraiment une nécessité de mémoire et surtout, il n'y a pas besoin d'attendre que ce soit terminé: on a par exemple des mémoriaux sur des conflits armés, sur des guerres, qui ne sont pas forcément terminés; il n'y a pas maintenant la paix sur terre partout, tout le temps, et pourtant on érige des mémoriaux. Que ce soit absolument terminé, ce n'est pas la question.

Les mémoriaux représentent un devoir de mémoire vraiment beaucoup plus complexe que ce qui a été établi de manière extrêmement expéditive par la majorité, qui en réalité a envie d'évacuer ce mémorial sur un sujet qui l'ennuie - sachant que, bien entendu, celui-ci n'empêche pas de faire des monuments sur d'autres sujets. D'ailleurs, on a voté plus tôt un projet de loi sur le Haut-Karabakh, cela ne veut pas dire pour autant que les autres causes ne valent rien. On est ici exactement dans la même configuration, il faut donc absolument traiter de cet objet sérieusement, même s'il y a des réticences. Pour l'instant, ce traitement sérieux n'a pas eu lieu, le Grand Conseil n'a pas daigné le faire; pour cette raison, un renvoi en commission me semble tout à fait nécessaire.

La présidente. Je vous remercie. Même s'il est tard, j'invite les personnes à rester à leur place et à ne pas lancer de discussions dans les travées, merci. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission, vous avez la parole.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Madame la présidente, on vient de rejeter le renvoi à la commission de la santé. On nous demande de voter à nouveau dix minutes, cinq minutes plus tard, sur la même question, donc évidemment, ma position n'a pas changé. C'est maintenant un problème de santé; peut-être qu'étant donné qu'il s'agit d'un monument, c'est aussi un problème d'aménagement du territoire ! On peut essayer toutes les commissions jusqu'à la fin de la soirée... (Remarque.) ...mais si véritablement l'argumentation adverse et minoritaire n'a pas d'autres arguments que d'énumérer nos commissions telle une litanie, il vaudrait mieux arrêter et procéder au vote.

La présidente. Je vous remercie. Je ferai volontiers voter sur cet objet quand nous serons à la fin du débat. Pour l'instant, nous votons sur la nouvelle demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 55 non contre 30 oui et 2 abstentions.

La présidente. Nous continuons le débat. La parole est à M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est pernicieuse. Pourquoi l'est-elle ? Parce qu'elle prend le parlement en otage, en laissant entendre à celles et ceux qui nous écoutent que les parlementaires qui ne la soutiendraient pas ne seraient pas sensibles à ce qu'ont vécu les victimes du HIV. C'est inadmissible !

Je pense que le travail qui a été fait pour la préparation de cette motion est mauvais puisqu'on essaie aujourd'hui, par une pirouette qui s'éloigne du texte, de nous faire croire qu'on va voter sur autre chose que ce qui nous est soumis.

Je rappelle que le texte demande un mémorial pour «rappeler à notre mémoire les milliers de personnes décédées des suites de l'épidémie de sida». On ne nous demande pas d'ériger un mémorial pour la souffrance issue de la discrimination dont ont été victimes les personnes atteintes du sida. Si on veut un mémorial en souvenir des personnes qui sont décédées du HIV, il faudrait, par égalité de traitement, ériger des mémoriaux pour toutes les personnes décédées en raison d'une épidémie, d'une catastrophe naturelle ou de je ne sais quoi d'autre. C'est tout simplement pour cela que nous ne voulons pas ce mémorial.

L'invite demande de «réaffirmer une nécessaire solidarité avec les personnes vivant avec le VIH ou malades du sida qui vivent dans notre canton»: on va faire un mémorial pour rendre hommage aux personnes qui souffrent du sida, or ce n'est pas d'un mémorial qu'elles ont besoin, mais d'une action ! Et cette action est menée quotidiennement par les associations qui ont des mandats de prestations de l'Etat pour détecter la maladie, évidemment, la prévenir avant tout, et ensuite pour prendre en charge ces personnes de manière correcte, quel que soit d'ailleurs le lieu de la contamination.

Qu'on ne se trompe donc pas de débat: il n'est pas question ici de mémorial, et quand j'entends dire: «Il faut un mémorial pour que les gens se souviennent d'aller se faire tester», bien sûr, on va passer devant le mémorial et se rappeler que peut-être il faut se faire tester... Non, évidemment ! Il faut d'autres mesures beaucoup plus efficaces, et ces mesures sont en cours. Des millions sont investis par le canton de Genève pour continuer à lutter, avec l'OMS, contre cette terrible maladie. Pour toutes ces raisons, le MCG vous demandera de rejeter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Il n'y a plus de temps de parole pour le groupe des Verts. Je donne la parole à M. Pierre Conne pour une minute trente-neuf.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Madame la présidente. Je souhaite rappeler que Genève n'a pas à rougir par rapport à ce qui a été fait politiquement et médicalement pour lutter contre la maladie. Genève, au début des années 90, grâce à l'initiative de l'ancien conseiller d'Etat chargé de la santé Guy-Olivier Segond, a été le premier canton en Suisse à rendre accessibles les premiers traitements aux personnes qui vivaient avec un virus qui à l'époque était systématiquement mortel.

Par la suite, ça vient d'être dit, des engagements ont été pris, ils sont maintenus et sont très actifs, notamment avec les associations comme Personnes vivant avec (PVA), et également avec le Groupe sida Genève, devenu Groupe santé Genève. Ces engagements montrent bien à quel point nous sommes actifs politiquement à Genève aujourd'hui pour permettre aux personnes atteintes par la maladie d'avoir accès aux traitements et à celles qui seraient à risque de se protéger.

Je crois donc que la question liée à la prise en charge médicale et sanitaire est réglée: il n'y a dès lors absolument aucune raison de s'orienter vers cette question-là en renvoyant cette motion à la commission de la santé. Une fois de plus, le PLR vous propose de passer maintenant au vote et de rejeter cette motion. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Je donne la parole à M. Sylvain Thévoz pour vingt secondes.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente, je serai très rapide. Il y a des mémoriaux pour l'épidémie de sida à Londres, à New York, à San Francisco, il y en a un pour la peste en Autriche, celui de Montréal érigé en 1997 rappelle évidemment le nombre de victimes, mais est aussi un symbole...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sylvain Thévoz. ...d'espérance pour les personnes atteintes aujourd'hui et un rappel de la nécessité de tout faire pour éviter que d'autres personnes soient contaminées. Donc les arguments du type «on n'en veut pas, ça sert à rien»...

La présidente. Merci, vous avez terminé.

M. Sylvain Thévoz. ...ce sont des arguments qui visent simplement à refuser ces mémoriaux. (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements. L'orateur continue de parler hors micro.) Je demande le renvoi à la commission de la santé... (Vives exclamations.) ...que vous accepterez grâce à mon dernier argument, j'en suis sûr !

La présidente. Je vous remercie. La prochaine fois, je saurai que vingt secondes, ce n'est pas suffisant pour vous donner la parole. Monsieur le rapporteur de minorité, sur le renvoi en commission ?

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on est parfaits, à savoir qu'il y a une épidémie mondiale mais qu'on a tout sous contrôle: on est parfaits ! Non, ce n'est pas ça, Mesdames et Messieurs les députés, le VIH, c'est actuellement encore beaucoup de nouvelles infections, ça reste une problématique complètement actuelle.

Et je m'étonne des propos de l'ancien conseiller d'Etat à la santé, qu'on a la chance d'avoir maintenant dans nos rangs. Ce dernier, alors que le parlement avait voté deux fois une motion pour rendre les tests VIH gratuits dans un but de prévention pour cette maladie, ne l'a pas mise en oeuvre - étonnant ! -, et il nous dit ensuite que tout va bien, alors que justement les personnes qui en souffrent aujourd'hui seraient probablement les premières à souhaiter que d'autres n'aient pas les mêmes épreuves à vivre. (Commentaires.) On voit bien l'hypocrisie qui saisit ce parlement. Je ne peux donc que recommander de renvoyer ce texte dans une commission qui souhaitera en faire un traitement sérieux !

La présidente. Merci. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez déjà donné votre opinion, c'est tout bon ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Oui, c'est tout bon. Je suis un peu lassé par le chantage émotionnel: on parle d'hypocrisie, seulement parce que la majorité a changé dans ce parlement. Vous savez, la démocratie, c'est comme ça, les élections, ça arrive !

La présidente. Je vous remercie. Nous allons voter sur cette nouvelle demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 57 non contre 29 oui et 2 abstentions.

La présidente. La parole est à M. Murat-Julian Alder pour vingt-quatre secondes.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Rassurez-vous, je serai bref. Je tiens simplement à dénoncer une instrumentalisation à des fins électorales totalement scandaleuse... (Commentaires.) ...de la part des auteurs de cette motion. Si véritablement un tel mémorial pouvait sauver la moindre vie, ça se saurait ! Je vous invite à refuser cette motion, merci beaucoup. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. La parole est à M. Francisco Taboada.

M. Francisco Taboada. Je retire ma demande.

La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole, nous passons au vote sur la proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2890 est rejetée par 54 non contre 28 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Nous avons fini le traitement de nos objets pour aujourd'hui. Je vous souhaite à tous un bon retour. Nous reprendrons nos travaux demain à 14h.

La séance est levée à 23h05.