Séance du
jeudi 12 octobre 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
5e
session -
25e
séance
M 2830-A
Débat
La présidente. Nous passons au premier point de notre ordre du jour, la M 2830-A, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je vais essayer d'être bref, parce que, vous vous en rappelez peut-être, ceux qui nous écoutent ont déjà entendu un long débat sur les 30 km/h, et je pense qu'on peut les épargner aujourd'hui.
Vous vous souvenez qu'à la suite de la volonté du département d'étendre les 30 km/h, en particulier sur les axes pénétrants, trois motions sur cette limitation de vitesse ont été traitées début septembre. En réaction à ces textes, le groupe Vert a déposé celui dont on parle maintenant, qui vise au contraire à étendre la limitation de jour comme de nuit, sur l'ensemble des axes routiers se trouvant à l'intérieur et au bord des zones I et II définies par la LMCE. Il vise aussi à offrir des compensations aux transports publics, qui verraient leur vitesse commerciale diminuer.
Cet objet a été largement refusé, par une majorité de 9 non contre 6 oui. Je vous invite à en faire de même et à abréger le débat, que nous avons déjà eu il y a maintenant deux mois. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de minorité.
M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Je vais devoir improviser, j'ai un problème informatique. (L'orateur rit.)
La question des 30 km/h a agité de très nombreuses villes, pas seulement en Europe, aussi aux Etats-Unis, et beaucoup d'entre elles, plus grandes, plus petites ou de la même taille que Genève, sont passées aux 30 km/h généralisés. Les résultats sont très satisfaisants, déjà du point de vue de la sécurité, par un fait physique mis en avant par le Bureau de prévention des accidents: en roulant à 50 km/h en pleine ville, si vous voyez quelqu'un traverser la rue et que vous pilez, vous avez besoin de 27 mètres pour vous arrêter. (Remarque.) Lorsque vous êtes à une vitesse de 30 km/h, vous prenez 13 mètres. Donc, avis à toutes les personnes qui se trouvent entre ces 13 et 27 mètres: vous êtes dans une ville où le 50 km/h, vitesse légale, est un droit de tuer, bien sûr accidentellement... (Protestation.) ...mais la limite de 30 km/h sauve des vies dans de nombreuses villes. Genève à son tour est saisie de ce débat: le faire ou ne pas le faire, je vous laisse la conclusion et je vous laisse voter tout à l'heure.
Au niveau du bruit, les faits sont avérés: 210 000 personnes à Genève vivent dans des zones fortement exposées. Et on sait que passer de 50 à 30 km/h réduit de moitié le bruit pour les riverains. Or en réalité, tout le monde est riverain: les habitants de la ville comme ceux de la campagne qui se rendent en ville pour faire des commissions, pour un rendez-vous ou pour aller au travail, se retrouvent piétons ou cyclistes, ils circulent dans la ville, que ce soit Genève, Lancy, Carouge, Meyrin. Et ces personnes-là sont exposées au danger, ce qui fait qu'elles ont moins recours au vélo, par exemple. Le transfert modal vers la mobilité douce est freiné à cause des 50 km/h, parce que c'est tout simplement trop dangereux.
Beaucoup d'entre nous qui se rendent au Grand Conseil à vélo sont en bonne santé et utilisent le vélo régulièrement, mais pour les personnes plus jeunes ou plus âgées, eh bien c'est niet: elles se restreignent, se censurent quant à un passage au vélo, parce que c'est trop dangereux, en raison de cette vitesse légale de 50 km/h insupportable dans les lieux publics.
Pour des raisons de convivialité, pour le respect des familles, des personnes les plus faibles, des personnes âgées - une catégorie qu'on va tous bientôt rejoindre -, je vous invite à soutenir fermement cette motion, et vous remercie pour votre attention. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Suite et fin d'un débat qui a effectivement commencé fin août. Il convient aujourd'hui d'y mettre fin en achevant le mourant, qui est le 30 km/h, et d'euthanasier cette motion dans la dignité en la refusant. On pourra ainsi enfin clore ce débat sur le 30 km/h. Je vous remercie.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il aurait été plus judicieux pour les signataires de cette motion de retirer leur texte, après la décision opérée le mois passé par une large majorité de notre parlement de ne pas généraliser la vitesse à 30 km/h sur quasiment l'ensemble des axes urbains du canton. Le retrait de cette motion nous aurait permis de gagner un temps très précieux dans l'ordre du jour surchargé. Il est évident que la majorité qui a voté contre la limitation de vitesse généralisée il y a un mois ne va pas changer d'avis du jour au lendemain. (Rires.)
Maintenant, il faut quand même se rendre compte que le problème qui existe aujourd'hui vient de la gauche: ces nuisances sonores et cette pollution... A force de vouloir chaque fois fermer des artères, en ville de Genève en l'occurrence, eh bien on concentre la circulation sur d'autres axes, et puis, bien entendu, sur ces axes, comme le boulevard du Pont-d'Arve, etc., il y a plus de pollution, plus de bruit. Et maintenant, ils veulent limiter la vitesse justement à ces endroits-là ! Non, je pense que cette politique anti-voitures doit cesser. Au MCG, nous n'accepterons pas ce texte, comme nous l'avons déjà fait comprendre par les différentes motions qui ont été votées par la majorité de ce Grand Conseil le mois passé. (Applaudissements.)
M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, le mourant n'est pas le 30 km/h, le mourant est plutôt le piéton qui se fera heurter par une voiture à 50 km/h.
Là où je suis d'accord avec mon préopinant, c'est qu'en effet, vous ne changerez pas d'avis. Vous ne changerez pas d'avis, alors que les faits sont clairs: en Suisse - c'est expliqué dans l'exposé des motifs, et c'est l'Office fédéral de la statistique qui le dit -, 450 personnes meurent chaque année des suites de maladies cardiovasculaires liées au bruit routier, 450 personnes ! Rapportées à la population cantonale, sans tenir compte du fait qu'on a un canton plus urbain, ça représente environ 25 hommes et femmes qui meurent chaque année des suites du bruit routier. 25 morts évitables avec une limite à 30 km/h, qui réduit drastiquement le bruit et est une mesure très peu onéreuse et très peu complexe à mettre en place.
Le MCG, l'UDC, le PLR et Le Centre ne souhaitent pas tenter de sauver ces dizaines de vies, souvent d'habitants de quartiers populaires, qui habitent au bord de grands axes routiers faute de mieux. Le MCG, l'UDC, le PLR et Le Centre s'accommodent de 25 morts par année pour ne pas perdre deux minutes sur leur trajet nocturne. Le MCG, l'UDC, le PLR et Le Centre trouvent plus important d'arriver à la maison à 23h13 au lieu de 23h16, après avoir traversé bruyamment la ville, que de prendre soin de la santé de leurs concitoyens et concitoyennes. (Commentaires.)
Où habitent les députés de ces partis ? (Exclamation.) Probablement dans des appartements ou des villas où l'on ne souffre pas du bruit routier, contrairement aux 150 000 personnes qui n'ont pas cette chance. (Commentaires. Quelques applaudissements.) Rentrer à Vandoeuvres plus rapidement vaut bien quelques arrêts cardiaques, non ? Enfin, chez les autres, les arrêts cardiaques, soyons clairs !
Alors, pour tenter de justifier l'injustifiable, le MCG, l'UDC, le PLR et Le Centre s'essaient aux fake news: ce serait la gauche, le 30 km/h ferait plus de bruit que le 50 km/h... C'est faux, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Pire, ils tentent de détourner l'attention en essayant de limiter la vitesse des vélos et des trottinettes sur les trop rares pistes cyclables; on y vient bientôt. Ces gesticulations pourraient simplement servir à prouver que le ridicule ne tue pas. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, 25 personnes de notre canton meurent chaque année des suites du bruit routier ! Combien d'années de vie en bonne santé perdues ? Il s'agit d'une question de santé publique, et le blocage, l'entêtement du MCG, de l'UDC, du PLR et du Centre face au 30 km/h atteint une large part de la population dans sa santé ! (Applaudissements.)
M. Souheil Sayegh (LC). Madame la présidente, chers collègues, je ne pensais pas prendre la parole, pour faire gagner du temps dans le traitement de l'ordre du jour, mais voilà, je voulais juste rappeler quelques faits aux personnes qui nous écoutent: ne traversez pas la route inconsidérément, même une route limitée à 30 km/h ! Je veux dire que ce n'est pas la question d'une limitation à 30 ou à 50 km/h, car avec 30 km/h, vous risquez aussi de vous tuer, même si le risque est moindre. Le conseil que je peux apporter, c'est qu'en général, les piétons soient sur les trottoirs et pas sur la voirie... (Commentaire.) ...et les personnes en voiture sur la voirie et pas sur les trottoirs. Que ce soit avec une limitation à 30 ou à 50 km/h, un accident peut être mortel ! (Remarque.) Ça, c'est la première chose.
La deuxième, c'est qu'effectivement, il y a des gens qui habitent à la campagne et d'autres qui habitent en ville; si on inversait les rôles, si toutes les personnes en ville habitaient à la campagne, on aurait le même problème. Donc à un moment donné... Nous soutenons la lutte contre le bruit, mais ce n'est pas le sujet de la motion. Nous sommes pour la réduction des nuisances sonores dans les quartiers: le 30 km/h est une évidence dans les zones habitables, mais pas de manière généralisée, on a déjà eu l'occasion de le dire.
La composition de ce parlement étant nouvelle, la tête du département ayant changé et les choses étant en cours - le nouveau plan de mobilité va nous être proposé prochainement -, le mieux à faire serait de refuser cette motion et de passer à autre chose, à l'image de la nouvelle législature qui nous attend. Je vous remercie.
M. David Martin (Ve). Chers collègues, vous qui avez majoritairement accepté les autres motions récemment, si vous souhaitiez raccourcir le débat, vous auriez pu proposer de lier les objets, vous aviez la majorité pour le faire. Ça vous aurait évité qu'on vous en reparle.
On vous en reparle, pourquoi ? Cette proposition de motion, effectivement, est assez radicale, je peux le concevoir. Elle a surtout pour but de dénoncer cette pluie de motions arrivée tout d'un coup de la part de la droite, avec des titres racoleurs: le MCG disait «Limitons les bouchons au centre-ville, pas la fluidité du trafic !», l'UDC «Stop aux 30 km/h anarchiques [...]»... (L'orateur insiste sur le mot «anarchiques».) ...et le PLR «Généralisation du 30 km/h: pour une solution raisonnable [...]».
Le but de ce texte était justement de dire que la solution proposée par le département était déjà tout à fait raisonnable et que cela n'avait pas de sens d'avoir une réaction complètement offusquée. Pourquoi ? D'abord parce que ce qu'a fait le département est parfaitement prévu dans la loi: l'article 7 LMCE stipule que «le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral» et que «la création de zones 30 est favorisée, selon les conditions prescrites par le droit fédéral et la loi sur les zones 30 [...]», etc. Ces propositions sont donc parfaitement prévues par la loi que vous avez tous votée à l'époque.
Le deuxième élément qu'il me semble important de relever, c'est que dans tout ce débat, on a entendu parler à tort et à travers de la généralisation du 30 km/h - c'est justement le titre d'une des motions. Mesdames et Messieurs, la généralisation du 30 km/h est pratiquée dans certaines villes, c'est le cas de Zurich, c'est le cas aussi, sauf erreur, à Nantes ou dans le coeur de Bruxelles. A Genève, ce n'était pas ça qui était proposé par le département: c'était justement un plan très nuancé qui disait que la plupart des axes à 30 km/h étaient limités uniquement la nuit. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cette nuance était peut-être trop difficile à percevoir pour vous, mais c'était justement une solution nuancée et raisonnable. (Commentaires.)
En synthèse, c'est donc une motion pour dire qu'on pourrait aller en fait beaucoup plus loin que ce qui était proposé à l'époque, parce que d'autres villes l'ont fait, et que...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. David Martin. ...c'était vraiment un peu exagéré de parler d'une généralisation, alors que ce n'était pas la réalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est à M. Roger Golay pour une minute trente-cinq.
M. Roger Golay (MCG). Merci, ce sera relativement court. Si la gauche veut vraiment faire un effort pour limiter la pollution et le bruit, qu'elle commence déjà à vouloir, comme le MCG, stopper l'afflux des frontaliers... (Rires. Exclamations. Applaudissements.) ...qui, je le redis, utilisent leurs véhicules: sur les 108 000 frontaliers, 80% utilisent leurs véhicules pour se déplacer en ville de Genève. Alors commencez déjà... (Commentaires.) ...par stopper cet afflux de frontaliers, et nous aurons moins de bruit et moins de pollution ! Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Nous n'avons plus de demande de parole, nous allons donc procéder au vote de cette... Ah, Madame Magnin, vous avez la parole pour une minute.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Madame la présidente, ce sera de trop. Vous vous rappelez que lundi soir, nous étions tous invités à la Revue. Mon fils devait me rejoindre, il est venu en trottinette et s'est fait shooter par un vélo qui n'a pas respecté un stop. Alors vous voyez, les méchants automobilistes sur les gentils piétons, ce n'est pas un sens unique ! Merci.
Une voix. Bravo. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie et souhaite un bon rétablissement à votre fils. Nous procédons maintenant au vote sur cette motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2830 est rejetée par 56 non contre 31 oui (vote nominal).