Séance du
jeudi 21 septembre 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
4e
session -
20e
séance
PL 13265-A
Premier débat
La présidente. Nous passons au point 17 de l'ordre du jour. Je vous rappelle que le point précédent est un point fixe et sera traité à 20h30. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Si vous pouvez tenir vos discussions à l'extérieur de la salle... Le point 17 est le PL 13265-A, classé en catégorie II, trente minutes.
Je vous informe que nous avons reçu un amendement de M. Jacques Jeannerat, ainsi qu'un sous-amendement de M. Julien Nicolet-dit-Félix qui est retiré par son auteur. Nous sommes donc en présence d'un seul amendement. Cette précision étant apportée, je cède la parole au rapporteur de majorité.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme vous le savez, depuis 2014, à la suite d'un vote populaire, les tarifs des TPG sont inscrits - curiosité genevoise - dans le texte même de la loi sur les Transports publics genevois. C'est une Genferei, qui porte gravement atteinte à l'autonomie des TPG, mais c'est ainsi.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, quant à lui, propose carrément d'inscrire un certain tarif dans la constitution, puisqu'il crée un alinéa 4 à l'article 191 libellé comme suit: «Afin de contribuer à réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre et de diminuer la pollution de l'air, les nuisances sonores et les accidents dus à la circulation motorisée privée, l'Etat encourage le transfert modal en garantissant l'offre d'un "abonnement TPG d'urgence climatique" à 100 francs par an.» Vaste programme !
Si on devait refuser cet objet au moyen d'une brève phrase, on dirait tout simplement: «Le climat a bon dos !» Je ne me contenterai toutefois pas de cela. Il s'avère que nous avons fait un travail de fond à la commission des transports sur cette thématique, et le directeur général de l'office cantonal des transports, M. David Favre, nous a apporté la démonstration que ce texte aurait pour effet de priver chaque année les TPG de 100 millions de francs. En réalité, nous sommes ici confrontés à un projet de loi qui propose une forme déguisée de gratuité. Or, comme on le sait, celle-ci a été déclarée contraire à l'article 81a de la Constitution fédérale, puisque, selon cette disposition constitutionnelle, les usagers doivent supporter une partie raisonnable des coûts, conformément au principe selon lequel l'usager paie pour le service qu'il reçoit. Avec 100 francs par année, contre 500 à l'heure actuelle, on réduit de 80% le tarif de l'abonnement annuel des TPG. C'est exactement de cela qu'il s'agit !
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission vous invite à ne pas voter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il existe une volonté populaire toujours plus large, notamment parmi les jeunes: on souhaite la gratuité des transports publics ou en tout cas un prix très réduit. Dans les pays voisins qui ont mis en place de telles offres, le succès est très large. En outre, comme il a été dit, l'objectif premier du projet de loi est de répondre à l'urgence climatique.
Il faut noter différents points complémentaires, en particulier l'impact positif qu'on pourrait constater sur la santé de la population en favorisant la réduction du nombre de véhicules qui polluent l'atmosphère et émettent des particules fines. On peut aussi évoquer le fait qu'un abonnement à prix modique peut, en abaissant la barrière d'entrée, encourager les personnes non utilisatrices à déplacer plus rapidement leur «curseur modal» - entre guillemets - au profit des transports publics. Il convient donc de rappeler que ce report modal bénéficie à l'ensemble de la population quant à l'appropriation d'espaces urbains, à la santé, à l'espérance de vie, ainsi que sur le plan économique. L'ensemble de la population en bénéficierait très largement, et de plusieurs manières.
A court terme, il est clair que l'impact financier sur les transports publics est un élément à prendre en compte, d'autant plus qu'un prix plus bas crée mécaniquement une demande plus élevée. Alors oui, une baisse des tarifs de 80% nécessiterait des adaptations à court et moyen terme. Plusieurs éléments semblent toutefois être en mesure d'apaiser les craintes quant à la portée des conséquences négatives. Rien n'indique en effet qu'il est impossible d'apporter une compensation pour maintenir l'offre, voire la développer. Maintenir l'offre impliquerait bien sûr une hausse de la subvention cantonale; rappelons cependant que les coûts liés à la pollution, à la congestion et à tous les effets négatifs de notre impact actuel sur le climat - impact trop important - seront bien plus élevés si nous n'agissons pas.
Il est aussi important de rappeler qu'une hausse du financement par l'impôt, liée à une réduction de la contribution sous forme forfaitaire, c'est-à-dire les tickets et les abonnements, est porteuse d'équité sociale et se révèle donc bénéfique pour atteindre une société plus vertueuse et plus juste.
Notons enfin que de nombreuses communes proposent des subventions pour les abonnements. Ce point semble souligner la nécessité de soutenir les transports publics notamment par la baisse de leurs tarifs. Même si, comme toute aide dans les communes, cette subvention n'est pas toujours sollicitée - pour différentes raisons - et est souvent contingentée, on constate la pertinence d'une baisse de tarifs. Cependant, ces subventions communales posent plusieurs problèmes. En effet, certaines communes, aisées, peuvent se permettre de financer l'abonnement jusqu'à hauteur de 400 francs, ce qui revient - tenez-vous bien ! - à un abonnement à 100 francs. On voit donc qu'une commune gouvernée par une majorité de droite propose spontanément ce que la majorité de droite et d'extrême droite du Grand Conseil refuse. Par contre, les habitants des communes moins favorisées, pour leur part, se retrouvent à devoir se contenter de quelques petits montants qui relèguent ces aides à des subventions à effet d'aubaine, nettement moins pertinentes, mais qui restent pesantes sur les finances communales.
Pour toutes les raisons évoquées, la minorité pense que cette mesure a une réelle pertinence et aiderait le canton à remplir ses objectifs climatiques. Nous vous invitons donc à accepter le présent projet de loi.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi semble de prime abord partir d'une bonne intention. Je reprends néanmoins deux propos du rapporteur de majorité: premièrement, on est dans une Genferei absolue. Vous allez me dire qu'on a bien mis le «Cé qu'è lainô» dans la constitution: pourquoi, alors, ne pas y mettre les tarifs des TPG ? Non, n'exagérons quand même pas ! Les tarifs des TPG n'ont rien à faire dans la constitution ! En outre, Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez raison, le client, l'usager des TPG doit supporter une partie des coûts. Raison pour laquelle nous sommes opposés à ce qu'on descende ce prix à 100 francs.
Aussi, j'ai déposé un amendement général. Celui-ci, d'une part, modifie la loi sur les TPG et non plus la constitution - avec l'inscription de ces 100 francs - et, de l'autre, pour tout de même faire un petit pas vers l'attractivité des transports publics, part du principe d'un abonnement annuel pour les adultes de 1 franc par jour, soit de 365 francs; on garde les 100 francs pour les mineurs, les personnes à l'AVS et celles qui sont bénéficiaires d'une rente de l'AI. Vous avez cet amendement sous les yeux. On se base sur le bon sens, on fait un pas dans la direction du projet de loi initial et de son esprit; mais je pense que celui-ci était mal cadré, mal positionné, un peu excessif dans sa forme et dans le fond. Je propose qu'avec cet amendement général, on lui donne un aspect un peu plus réaliste et qu'on le rende ainsi plus acceptable. Je vous remercie.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, nous revoilà à décider, au Grand Conseil, des tarifs des TPG, après avoir déjà refusé leur gratuité. Nous voilà encore à marchander le coût du billet ici, en plénière. Pour notre part, nous sommes naturellement favorables au report modal, aux transports en commun ainsi qu'à l'encouragement maximum de leur utilisation au sein du canton.
Nous avons tous pu, malheureusement, relever une Genferei supplémentaire: LJS, d'un côté, propose le prix du billet, et de l'autre, par le biais du PL 13344, refuse que le Grand Conseil se détermine sur ce prix. Pour ces raisons-là et parce que nous pensons que le coût du billet est effectivement un élément incitant au report modal, nous préférons suggérer un renvoi de ce texte en commission afin qu'il soit traité en même temps que le PL 13344 intitulé «Plus d'autonomie pour les TPG en matière de tarification». Je vous remercie.
La présidente. Merci. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Monsieur le rapporteur de minorité, vous pouvez vous exprimer sur le renvoi.
M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Le renvoi nous semble pertinent, étant donné que les propositions que vient d'émettre le groupe LJS devraient faire l'objet d'un traitement en commission plutôt qu'en plénière. Nous soutenons donc le renvoi.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Effectivement, le groupe LJS a déposé aujourd'hui un amendement qui propose un abonnement à 365 francs par année. On ne sait pas du tout à quoi correspond ce montant ni comment il a été calculé. Symboliquement et arbitrairement, on a dit: «C'est 1 franc par jour, soit 365 francs par année.» Je regrette que ce groupe n'ait pas saisi l'opportunité des travaux en commission pour y proposer un amendement. Je relève en outre, avec M. Souheil Sayegh, que des représentants de ce groupe ont aussi signé le projet de loi de l'UDC qui veut rendre aux transports publics la compétence de fixer les tarifs, ce qui est contradictoire.
Cela étant dit, je rappelle ce que le PLR dit depuis toujours: en définitive, si vous avez une gratuité totale ou déguisée, dans tous les cas, la différence, c'est au contribuable de la payer. Cela, nous n'en voulons pas ! Ce dont aujourd'hui les TPG et leurs usagers ont besoin, c'est une amélioration de la vitesse commerciale, de la desserte et de la fréquence des transports publics. Or, on l'a vu, lorsqu'en 2014 on a réduit les tarifs, on a affaibli la qualité de l'offre, réduit la fréquence des trams. C'est tout sauf ce dont nous avons besoin, surtout si nous voulons encourager les gens à prendre les transports en commun.
J'ajoute enfin - et ce point a aussi été constaté dans le cadre des travaux de commission - qu'il n'y a strictement aucune corrélation entre le tarif des transports publics et le climat ou le réchauffement climatique. C'est une lubie de gauche ! C'est n'importe quoi ! Ce n'est rien d'autre qu'une réflexion dépourvue d'une analyse sérieuse, qui consiste à dire: «On veut que les transports publics soient gratuits, parce que dans notre vision du monde, dans notre vision de l'Etat, tout est gratuit.» (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. Nous procédons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13265 à la commission des transports est adopté par 91 oui (unanimité des votants).