Séance du vendredi 12 mai 2023 à 18h
3e législature - 1re année - 1re session - 6e séance

La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.

Assiste à la séance: M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Jacques Béné, Florian Dugerdil, Véronique Kämpfen, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Jean-Pierre Pasquier, Caroline Renold et Léna Strasser, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Sami Gashi, Daniel Noël, Thierry Oppikofer et Nicole Valiquer Grecuccio.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 13175-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Stéphane Florey, André Pfeffer, Sébastien Thomas, Gilbert Catelain, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Virna Conti, Marc Falquet, Thomas Bläsi, Pierre Vanek, Jean Batou, Jocelyne Haller, Daniel Sormanni, Danièle Magnin, Olivier Baud, Florian Gander, Gabriela Sonderegger, Jean-Marie Voumard, Jean Burgermeister, Sandro Pistis, Pablo Cruchon modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour un exercice des droits politiques en adéquation avec les réalités d'aujourd'hui)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de majorité de Mme Joëlle Fiss (PLR)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (EAG)

Premier débat

La présidente. Nous poursuivons le traitement des urgences avec le PL 13175-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de minorité de M. Pierre Vanek ne sera pas présenté. Madame Joëlle Fiss, vous avez la parole.

Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, lors de la législature qui vient de s'achever, la majorité de la commission des droits politiques a préconisé le rejet du projet de loi 13175. Le but de ce texte est de diviser par deux le nombre de signatures nécessaires à l'aboutissement d'un référendum ou d'une initiative au niveau cantonal, que celle-ci soit constitutionnelle ou législative. Dans le même esprit, il s'agit aussi de réduire les taux pour une initiative ou un référendum à l'échelle communale. Le Conseil d'Etat sortant a formellement exprimé son opposition à cet objet, la même position que la majorité de la commission de l'époque.

Pour ma part, j'aimerais insister sur le fait qu'il y a un malentendu au sujet de ce projet de loi: soutenir que l'adopter constitue une façon de soutenir la démocratie directe est complètement faux. D'abord, il faut le souligner, les Genevois exercent pleinement leurs droits, aucun problème ne se pose à ce niveau-là aujourd'hui. Et en réalité, si on appliquait vraiment la logique de proportionnalité, la hausse démographique devrait plutôt entraîner le contraire de ce que demandent les auteurs, c'est-à-dire une augmentation du nombre de signatures requises, afin d'assurer la légitimité démocratique.

Baisser le nombre absolu de signatures, c'est diminuer le seuil exigé, on est bien d'accord, pour faire aboutir une initiative ou un référendum, et cela ne permet en rien d'améliorer l'exercice des droits politiques, comme le prétendent les signataires du projet de loi. A l'inverse, je dirais même que le nouveau seuil prévu risque d'effriter la démocratie et de polariser davantage notre société. Ah, je suis ravie que M. Florey soit revenu, Madame la présidente, pour que je puisse enfin m'adresser à lui !

La présidente. Je vous rappelle tout de même qu'on s'adresse à la présidence.

Mme Joëlle Fiss. Oui, il me semble bien avoir dit: «Madame la présidente» !

Deuxièmement, le processus politique à Genève est comparé à la situation d'autres cantons en Suisse, à savoir Zurich et Saint-Gall, mais on ne tient pas compte des prérogatives genevoises, c'est-à-dire que nous, parlementaires, pouvons déposer des projets de lois. Notre république a ainsi le devoir particulier de veiller à un juste équilibre entre la démocratie directe et la démocratie représentative. Or ce PLR dévalorise la fonction des députés, lesquels sont élus...

Des voix. Ce PL !

Mme Joëlle Fiss. Qu'est-ce que j'ai dit ?

Des voix. PLR ! (Rires.)

Mme Joëlle Fiss. Ah, d'accord ! Eh bien ce lapsus me convient ! Ce PL, donc, dévalorise la fonction des députés, lesquels sont élus par le peuple pour légiférer.

Enfin, il faut signaler qu'il y a déjà eu deux baisses des exigences relatives au nombre de signatures: une première en 2012 avec la nouvelle constitution et une autre en 2017. Si ce texte est voté, cela entraînera une inondation de référendums et d'initiatives, dont certains seront superflus; cela risque de fatiguer les citoyens et de diviser davantage la société genevoise. Merci.

M. Jean-Louis Fazio (LJS). Madame la présidente, chères et chers collègues, le groupe Libertés et Justice sociale refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Réduire le taux des quotas ne résorbera pas le déficit de participation aux élections et votations, mais profitera à des minorités agissantes et pas toujours démocrates. Les pays qui ont des quorums trop bas, comme Israël, sont ingouvernables et soumis à des minorités peu démocrates, peu représentatives, plus enclines à la fureur et au bruit qu'au débat. Nous, groupe Libertés et Justice sociale, nous n'avons pas eu peur du quorum ! (Commentaires. Applaudissements.)

Une voix. Mais on ne parle pas de quorum !

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, j'estime, et le groupe du Centre avec moi, que la situation actuelle est satisfaisante. Nous nous méfions de l'opportunisme qui prévaut lorsque certains dans cette enceinte ont recours à des comparaisons intercantonales. On a connu, lors de la crise du covid, l'éternelle comparaison avec Bâle-Ville, mais les faits ont démontré qu'elle était complètement inutile et faussée. Il n'est pas sain d'effectuer des comparaisons qui ne tiennent pas la route. A Saint-Gall et à Zurich, beaucoup moins d'initiatives et de référendums sont déposés qu'à Genève.

C'est dans le caractère du Genevois de contester les décisions que nous prenons ici, nous devons l'admettre; c'est dans le caractère du Genevois de lancer des initiatives. Tant mieux, cela donne vie à notre démocratie, c'est un bienfait que nous acceptons, même si, de temps en temps, nous perdons dans les urnes.

D'autre part, je relève que des modifications ont déjà été apportées: lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, les taux ont été abaissés, puis à nouveau modifiés en 2017, ce qui montre bien que nous n'avons pas besoin, cinq ans après, de refaire l'exercice. On constate d'ailleurs qu'à Genève, le nombre d'initiatives et de référendums est largement supérieur à la moyenne suisse.

La question essentielle que nous avons à résoudre ce soir est la suivante: le Genevois a-t-il toutes les options en main pour s'exprimer ? On peut citer les pétitions, un droit assez rare qui existe en Suisse; on peut mentionner les initiatives, les référendums. Oui, tous les moyens lui sont donnés pour qu'il puisse exercer ses droits, et c'est la raison pour laquelle Le Centre vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Je rebondirai sur les propos de notre collègue Guinchard: c'est précisément parce que nous sommes à Genève que nous avons ce débat aujourd'hui ! Il faut bien comprendre que, dans les faits, ce projet de loi se révélerait gagnant-gagnant pour tout le monde.

Je vais citer quelques exemples. Votre nouvelle conseillère d'Etat s'est ramassée sur un référendum qui concernait les cliniques privées. Le PLR a maintes fois échoué sur des initiatives cantonales, sur des référendums cantonaux et même communaux - je pense aux crèches à Lancy, mais il a également fait chou blanc dans d'autres communes. La gauche aussi a échoué, nous-mêmes avons échoué. Pour notre part, voilà trois ans, bientôt quatre, que nous sommes constamment sur le terrain: nous avons lancé une multitude d'initiatives qui sont soit en traitement en commission, soit vont revenir incessamment dans l'ordre du jour. Nous avons également lancé des référendums communaux.

Actuellement, les choses sont difficiles. Il faut bien comprendre qu'il y a l'avant et l'après-covid. Bon, ce n'était déjà pas évident avant la pandémie, mais il est faux de dire que nous avons déjà eu deux baisses, parce que la modification constitutionnelle de 2013 n'a pas amené une diminution du nombre de signatures, elle a entraîné un changement de pratique: avant 2013, il fallait 10 000 signatures pour un référendum constitutionnel; avec la nouvelle constitution, il fallait toujours 10 000 signatures selon le pourcentage voulu à l'époque, donc il n'y a pas eu de réduction. (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi un instant. Mesdames et Messieurs du groupe des Verts, si vous souhaitez tenir un caucus, je vous invite à le faire à l'extérieur, merci ! Poursuivez, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. Ensuite, nous sommes convenus que le pourcentage était trop élevé, et là, il y a effectivement eu une première baisse adoptée par le peuple.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, nous sommes dans une situation post-covid où il est toujours aussi compliqué, voire encore plus, de récolter le nombre de signatures suffisant. D'une part, la population a été fortement marquée par la pandémie, il faut dire ce qui est, les gens sont toujours réticents à se faire approcher. Certaines personnes vous passent devant... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et vous disent clairement: «Non, non, on ne veut pas signer.» D'autre part, le fait de déposer son nom sur un document constitue aussi un frein.

Je finirai par là, puisque je n'ai plus beaucoup de temps: le rapport de minorité comporte des amendements que je vous recommande de soutenir et que tous les partis ici présents...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Stéphane Florey. ...comprendront, du moins ceux qui les soutiennent: il ne s'agit plus d'une baisse de 50% du nombre de signatures, mais de 25%...

La présidente. C'est terminé...

M. Stéphane Florey. ...donc j'invite les groupes concernés à entrer en matière sur le projet de loi, à voter les amendements...

La présidente. Merci...

M. Stéphane Florey. ...qui figurent dans le rapport de minorité, puis à adopter le texte amendé. Je vous remercie.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe socialiste votera les amendements de compromis figurant dans le rapport de minorité de M. Vanek. On m'a expliqué que ces amendements seraient soumis au vote dans tous les cas; en ce qui nous concerne, nous soutiendrons cette solution raisonnable qui constitue une étape intermédiaire entre la demande initiale des auteurs et autrices du projet de loi, laquelle nous semblait aller trop loin, et la situation actuelle.

Au groupe socialiste, nous estimons important de trouver un équilibre entre la facilitation de l'exercice des droits politiques d'une part et le fait que notre canton doive rester gouvernable d'autre part. Comme l'a souligné mon préopinant Stéphane Florey, nous évoluons dans le contexte d'une société qui se numérise de plus en plus et rencontrons des difficultés croissantes pour récolter des signatures. Il a donné des exemples, donc je n'y reviendrai pas, mais face à cette situation et de manière générale, nous souhaitons, nous, socialistes, favoriser l'exercice des droits populaires.

Comme cela a été signalé, dans de nombreux cantons - et non des moindres, comme Zurich -, les taux sont beaucoup plus bas qu'à Genève. De plus, contrairement à ce qui a été soutenu ou sous-entendu, notamment par la rapporteuse de majorité, le fait d'avoir diminué les taux en 2017 n'a pas du tout conduit à une explosion de l'usage de la démocratie directe. Mais quand on réduit le nombre de signatures, cela facilite quelque peu l'exercice des droits politiques, ce qui est à saluer.

Une petite précision: il n'y a pas eu de baisse en 2012. Le compromis qui a été négocié à la Constituante, c'était le passage aux pourcentages et, en échange, une diminution du nombre de signatures pour les initiatives législatives; il s'agissait d'encourager cet instrument par rapport aux initiatives constitutionnelles.

J'aimerais encore vite répondre à un autre argument de la rapporteuse de majorité qui consiste à dire qu'à Genève, nous avons la possibilité de déposer des projets de lois; mais ça n'a rien à voir ! Ce que nous voulons, c'est favoriser les droits démocratiques... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et on ne peut pas refuser cela sous prétexte qu'il y aurait un outil réservé aux députés. Ici, on parle des droits populaires, pas des droits pour les parlementaires.

Enfin, je suis resté un petit peu pantois en entendant l'intervention de mon collègue sur les questions de quorum...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Cyril Mizrahi. Il me semble qu'on se trompe de débat, mais si vous aimez les comparaisons, alors je peux...

La présidente. Je vous remercie...

M. Cyril Mizrahi. Bien, je m'arrête là, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter cette solution de compromis. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Je ne vais pas invoquer le Genevois ou la Genevoise, comme M. Guinchard, parce qu'il me semble que rien qu'à l'écoute des trois ou quatre dernières interventions, on a entendu trois ou quatre opinions différentes, donc à mon avis, on ne peut pas se baser sur un certain essentialisme genevois, les visions sont plurielles.

En ce qui concerne ce projet de loi, dans son rapport de minorité, M. Vanek a présenté sept bonnes raisons de voter en faveur de l'entrée en matière; je vais en reprendre quelques-unes.

Nous avons à Genève 40 jours pour faire aboutir un référendum; dans le canton de Vaud, c'est 60 jours, soit 50% de plus; à Neuchâtel, c'est 90 jours, soit 125% de plus; c'est aussi le cas à Fribourg, en Valais et à Berne; à Zurich et à Bâle-Ville, c'est 60 et 42 jours respectivement. Ainsi, on constate que les choses varient sensiblement d'un canton à l'autre. Cela étant, aucun canton parmi ceux qui ont été cités ne connaît un délai référendaire aussi bref que le nôtre. Le délai référendaire fédéral, quant à lui, est de 100 jours, soit deux fois et demie plus long que le nôtre.

Par ailleurs, à Zurich, 0,32% du corps électoral peut déclencher un référendum; à Genève, il faut 2%, soit 6,25 fois de plus ! A Berne, c'est 1,34%, avec non pas 40, mais 90 jours, soit 50 jours de plus. Et en Valais, c'est la même chose: 1,34% en 90 jours.

Un autre argument qui est parfois avancé et qui, à mon sens, est tout à fait pertinent, c'est qu'il est particulièrement difficile de récolter des signatures dans notre canton. En effet, Genève compte 40% de population étrangère, laquelle n'a pas le droit de vote aux plans cantonal et fédéral, et ne peut donc pas signer de référendums ou d'initiatives. En Ville de Genève, c'est même plus, puisque la population étrangère frôle les 50%. Et si la récolte de signatures a lieu en été, on a de surcroît toutes les chances de tomber sur des touristes qui, bien sûr, ne disposent pas du droit de vote.

Je vais m'arrêter là, mais voilà déjà quelques éléments objectifs en faveur du projet de loi, en dehors de ceux déjà présentés. Pour conclure, j'aimerais relever que les amendements du rapport de minorité de M. Vanek ne divisent pas les pourcentages de signatures nécessaires par 2, mais par 1,5 et ainsi de suite; ce compromis représente, aux yeux de plusieurs commissaires ou parlementaires, une solution plus raisonnable. Pour toutes ces raisons, je vous enjoins d'accepter, comme moi et plusieurs membres de mon groupe, l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit, donc je vais essayer de ne pas répéter les choses. Les initiatives et les référendums constituent des éléments essentiels de la démocratie. Selon les comparaisons qui ont été citées avec les autres cantons, nous sommes beaucoup plus stricts à Genève, aussi bien sur les délais que sur le nombre de signatures. Il convient dès lors de procéder à ces modifications, et nous soutiendrons ce projet de loi avec les amendements.

Je me souviens de la dernière baisse de 2017, puisque j'étais l'auteur du projet avec Christian Grobet, qui n'est plus dans cette salle. Il s'agissait d'amorcer une réelle diminution, parce que lors de la nouvelle constitution, on est juste passé aux pourcentages, ce qui fait que chaque année, vu l'augmentation de la population, on devait récolter plus de signatures. A mon avis, il n'y a pas de souci à se faire quant à une potentielle inflation du nombre de référendums ou d'initiatives par rapport à ce qui existe aujourd'hui, il s'agit simplement d'une facilitation.

Dans les temps anciens, c'était simple: il suffisait d'aller devant les locaux de vote le vendredi, le samedi et le dimanche, et en trois coups de cuiller à pot, c'était réglé. Aujourd'hui, pour ce qui est du vendredi et du samedi en tout cas, c'est râpé, ils n'existent plus. Aussi, je pense qu'il est temps d'aller dans cette direction et d'abaisser un peu le nombre de signatures.

Tout à l'heure, on a invoqué quelque chose qui n'a aucun rapport, à savoir le fait qu'à Genève, les députés peuvent déposer des projets de lois, mais ce n'est pas le seul canton en Suisse à pouvoir le faire, de loin pas ! Nos voisins vaudois peuvent le faire aussi, et certainement d'autres cantons.

Des voix. Seulement Neuchâtel.

M. Daniel Sormanni. Le canton de Vaud aussi !

Des voix. Non !

M. Daniel Sormanni. Je vous invite à voter ce projet de loi avec les amendements.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, mais que voulez-vous ? Qu'on n'ait pas besoin de faire d'efforts pour récolter des signatures en faveur d'initiatives et de référendums ? Ou alors qu'une seule signature suffise ? J'ai entendu tout à l'heure l'un de nos préopinants s'écrier: «Même le PLR n'a pas réussi à réunir le nombre de signatures nécessaire pour faire aboutir une initiative ou un référendum.» Mais heureusement ! Heureusement !

Une voix. Eh bien bravo !

M. Pierre Conne. Heureusement qu'il existe une barrière et une certaine difficulté à mobiliser suffisamment de voix de la population pour pouvoir faire passer nos idées et obtenir un vote populaire sur un projet !

Où voulez-vous en venir ? Rentrez chez vous, alors, on n'a plus besoin de vous s'il suffit d'avoir une personne dans la rue qui récolte une signature ! On lancera des référendums et le Conseil d'Etat fera des lois qu'on viendra voter ici entre deux bières ! Non, ce n'est pas sérieux, vous ne vous prenez pas au sérieux, vous ne me prenez pas au sérieux. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là.

Nous sommes parvenus à une solution équilibrée qui a été élaborée de façon extrêmement nuancée en introduisant le principe des pourcentages de la population dans le cadre de la constitution de 2012. Il y a eu un ajustement en 2017, d'accord, avec une baisse du nombre de signatures requises, et nous avons trouvé un équilibre. Certains textes aboutissent, d'autres pas.

Arrêtez d'accuser le covid ou je ne sais quoi d'autre en disant que c'est difficile, qu'il y a trop d'étrangers... Vous soutenez qu'il y a trop d'étrangers, qu'on n'arrive plus à récolter des signatures, mais est-ce que vous vous entendez ?

Ce n'est pas raisonnable, revenons à une position un peu sensée, continuons à faire fonctionner nos institutions comme elles fonctionnent très bien et rejetons ce projet de loi, en refusant au passage les amendements qui ne constituent pas une solution de compromis, mais une tentative de sauvetage in extremis d'un objet mal fagoté visant uniquement à détruire la démocratie parlementaire que nous représentons. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien !

La présidente. Merci. Je redonne la parole à Mme Joëlle Fiss pour trente-sept secondes.

Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste réitérer qu'il est important de rejeter ce projet de loi. On ne peut pas, chers collègues, dissocier la démocratie représentative de la démocratie populaire. Il y a des confusions à ce sujet. Genève dispose de droits qui sont différents de ceux d'autres cantons, et c'est pour cela aussi que je vous appelle à refuser ce texte. Merci.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi; il vous enjoint également de rejeter les amendements qui, comme cela vient d'être indiqué, constituent une tentative de sauvetage désespérée d'un texte qui prend l'eau de partout.

Il est vrai que nous devons nous poser ce genre de question. D'ailleurs, vous ne vous en privez pas, puisque à intervalles réguliers, vous réduisez le nombre de signatures nécessaires. Il semblerait que lorsqu'on ne réussit pas à récolter les signatures requises, plutôt que de s'interroger quant à la pertinence de l'initiative ou du référendum qu'on engage, on attribue la faute à un manque de temps; en réalité, on n'a simplement pas trouvé suffisamment de personnes mal informées disposées à signer n'importe quoi.

Il faut dès lors vous donner du temps, parce qu'avec le temps, on parvient toujours - toujours, même avec des objets farfelus - à mobiliser assez de monde. A cet égard, j'aurais bien aimé voir, s'agissant du texte sur le «Cé qu'è lainô» que vous avez voté tout à l'heure, si, dans la rue, vous auriez réussi à convaincre les gens qu'il faut inscrire notre hymne cantonal dans la constitution, des gens qui, parfois, ont de la peine à boucler les fins de mois; ceux-ci auraient pu se poser des questions quant aux préoccupations des parlementaires.

Cela me permet de souligner, comme cela a déjà été rappelé, que Genève est un canton particulier. D'abord, malgré les chiffres et les barrières fixés pour les récoltes de signatures, nous sommes le canton dans lequel sont déposés le plus d'initiatives et de référendums cantonaux, donc il faut croire qu'il ne s'agit pas là d'un obstacle; à la rigueur, cela vous donne l'occasion - cela nous donne l'occasion, puisqu'il m'arrive aussi de le faire - d'aller recueillir des signatures et d'entrer en contact avec la population. Non, ces taux ne constituent pas un frein à la démocratie.

Lorsque parfois, et c'est extrêmement rare, un référendum ou une initiative n'aboutit pas par manque de signatures, est-ce véritablement parce que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour aller chercher les personnes ou, comme je l'ai relevé il y a un instant, parce que la démarche ne méritait pas d'être entreprise et que nous n'avons pas réussi à sensibiliser suffisamment de personnes pour obtenir les quotas exigés ?

Nous sommes un petit canton à la densité de population importante, beaucoup plus grande que dans le canton de Vaud. Récolter des signatures dans le canton de Vaud est plus délicat: il faut s'éparpiller sur l'ensemble du territoire - d'autres cantons ont également une surface plus grande -, il faut une logistique qui n'est pas nécessaire ici, où il suffit de disposer d'antennes dans les plus grandes communes - d'abord la Ville de Genève, puis les communes suburbaines - pour réunir rapidement des signatures. En réalité, il n'y a pas de vrai problème.

Comme cela a été dit, à force de réduire les taux, peut-être pourrait-on instaurer une initiative individuelle ! Chaque citoyenne, chaque citoyen pourrait lancer ce qu'on nomme un appel au peuple; quand quelqu'un a une bonne idée, eh bien il la dépose dans une boîte à suggestions, puis nous organisons une votation populaire !

Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs, la démocratie est trop importante pour être galvaudée de cette manière, d'autant plus dans un canton qui, comme celui de Genève, accorde à la démocratie indirecte une place importante. Contrairement à ce qui a été soutenu il y a un instant, le canton de Vaud ne permet pas aux députés de déposer des projets de lois; ils peuvent enjoindre au gouvernement de préparer un texte de loi sur un sujet déterminé, et ensuite le gouvernement fait son travail.

Chez nous, et cela arrive régulièrement, certains projets de lois sortent de nulle part et amènent parfois le Conseil d'Etat à ne pas demander immédiatement le troisième débat en raison de problèmes de conformité. Et je ne parle même pas des textes qui sont déposés, puis ajoutés à l'ordre du jour avec discussion immédiate, qui ne sont même pas renvoyés en commission et que vous adoptez dans l'enthousiasme général. D'ailleurs, l'objet sur le «Cé qu'è lainô» aurait été ainsi voté en une seule séance, sans même passer en commission - il n'y a pas été renvoyé -, sans même que le Conseil d'Etat puisse être entendu et s'exprimer.

Vous ne vous gênez donc pas - et vous avez raison - pour utiliser les voies de la démocratie indirecte afin de faire passer des projets, donc n'importe quel citoyen peut sensibiliser chacune et chacun d'entre vous sur des textes divers, sur des sujets multiples, et vous êtes précisément là pour cela: pour relayer les préoccupations de la population.

Aussi, soyons raisonnables. Notre démocratie fonctionne bien, je dirais même qu'elle fonctionne mieux qu'ailleurs quand on en voit la vivacité tous les jours à Genève. Ne galvaudons pas ce que nous avons dans les mains et faisons en sorte que lorsque l'on saisit la population sur un sujet, on ait au moins fait l'effort d'aller vers cette même population pour savoir si elle est véritablement intéressée dans une part importante. Voilà la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser à la fois le projet de loi tel que déposé et les amendements du rapport de minorité. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. A présent, nous procédons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13175 est adopté en premier débat par 53 oui contre 34 non.

Une voix.  Ça n'a pas fonctionné !

La présidente. Alors changez de place, Madame la rapporteure de majorité; de toute manière, comme pour le précédent objet, nous n'étions pas à une voix près.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis d'une série d'amendements qui figurent dans le rapport de minorité aux pages 29 et 30. Voici le premier:

«Art. 56, al. 1 (nouvelle teneur)

1 2% des titulaires des droits politiques peuvent soumettre au Grand Conseil une proposition de révision totale ou partielle de la constitution.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 56, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement suivant, qui est libellé comme suit:

«Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)

1 1,5% des titulaires des droits politiques peuvent soumettre au Grand Conseil une proposition législative dans toutes les matières de la compétence de ses membres.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 34 non.

Mis aux voix, l'art. 57, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous passons au troisième amendement:

«Art. 67, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 1,5% des titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 67, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous nous prononçons sur le prochain amendement:

«Art. 71, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Peuvent demander au conseil municipal de délibérer sur un objet déterminé:

a) 10% des titulaires des droits politiques dans les communes de moins de 5000 titulaires des droits politiques;

b) 5% des titulaires des droits politiques, mais au moins 300 d'entre eux, dans les communes de 5000 à 30 000 titulaires des droits politiques;

c) 3% des titulaires des droits politiques, mais au moins 1800 et au plus 2400 d'entre eux, dans les communes de plus de 30 000 titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 71, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Le dernier amendement a la teneur suivante:

«Art. 77, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les délibérations des conseils municipaux sont soumises au corps électoral communal si le référendum est demandé par:

a) 10% des titulaires des droits politiques dans les communes de moins de 5000 titulaires des droits politiques;

b) 5% des titulaires des droits politiques, mais au moins 300 d'entre eux, dans les communes de 5000 à 30 000 titulaires des droits politiques;

c) 3% des titulaires des droits politiques, mais au moins 1800 et au plus 2400 d'entre eux, dans les communes de plus de 30 000 titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 36 non.

Mis aux voix, l'art. 77, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13175 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 37 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13175 Vote nominal

PL 13143-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la vente, par la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif (FPLC), de la parcelle n° 13236 de la commune de Meyrin, sise Promenade des Champs-Fréchets 13, 15 et 17
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 octobre 2022.
Rapport de majorité de M. Jacques Blondin (LC)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

La présidente. Voici la dernière urgence: le PL 13143-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole revient à M. Jacques Blondin.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente... (Brouhaha.)

La présidente. Attendez un instant. Comme précédemment, Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous rendre à la buvette si vous voulez fêter le vote précédent ou le déplorer. Je souhaite qu'on écoute les orateurs dans la salle, s'il vous plaît. Reprenez, Monsieur Blondin.

M. Jacques Blondin. Si vous envoyez tout le monde à la buvette, Madame la présidente, je vais me retrouver tout seul ! (L'orateur rit.)

La présidente. Non, je resterai avec vous. (Exclamations.)

M. Jacques Blondin. Ah, très bien, merci beaucoup ! Bon, alors buvette pour tout le monde ! (L'orateur rit.) Non, plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi comporte une seule et unique disposition qui a pour titre «Aliénation» et que je vais vous lire:

«Article unique    Aliénation

La Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif est autorisée à aliéner dans le cadre d'une vente volontaire aux enchères publiques, avec fixation d'un prix de réserve à hauteur de 5 800 000 francs (cinq millions huit cent mille francs suisses), l'immeuble suivant:

Parcelle n° 13236 de la commune de Meyrin, sise Promenade des Champs-Fréchets 13, 15 et 17.»

Voilà en quoi consiste le texte. La première chose à signaler, c'est que dans le cadre du transfert des actifs de la Fondation Cité Nouvelle, qui se trouvait à Meyrin, la FPLC s'est retrouvée propriétaire de cette parcelle, parcelle sur laquelle se trouve un immeuble, immeuble au sein duquel il y a un centre commercial. Or cette fondation, vous le savez, n'a pas vocation à gérer un centre commercial et à générer des rendements afin de payer les charges du bâtiment, voire de gagner de l'argent, elle a pour mission de construire des logements d'utilité publique.

C'est la raison pour laquelle l'entité a essayé de se séparer de cet objet. Bon, les gens ne se sont pas précipités. Juste pour information, la CPEG n'était pas du tout intéressée à le reprendre. Une chose est sûre, c'est que pour pouvoir aliéner un bien via une vente aux enchères publiques, la validation du Grand Conseil est nécessaire, faute de quoi l'opération n'est pas autorisée. La discussion a porté sur le prix de vente, lequel est fixé à 5,8 millions, mais c'est évidemment un minimum; si ce seuil n'est pas atteint, la transaction ne s'opérera pas. Ce n'est pas du tout illusoire de penser qu'il est possible de réaliser une marge plus importante, la fondation l'espère bien.

Pour le moment, la FPLC est toujours propriétaire de ce bâtiment avec le centre commercial. Aucun acheteur ne s'annonce, puisque la vente n'est pas ouverte, le projet de loi n'ayant pas été voté par notre parlement. Il faut savoir qu'un changement d'affectation sur cette parcelle n'est pas possible, parce qu'il s'agit d'un foncier sans réserve de droits à bâtir, donc d'une certaine façon, la fondation est coincée avec son bien et ne fait que demander à cette autorité supérieure de lui donner l'autorisation de s'en séparer via une vente aux enchères publiques.

La commission a écouté les différents intéressés, notamment les responsables de la fondation, et vous recommande à une très large majorité d'accepter ce projet de loi, c'est-à-dire d'autoriser la FPLC à vendre cet objet dont elle a hérité de manière indirecte et qui ne correspond pas à ses activités, lesquelles consistent à construire des LUP. Merci, Madame la présidente.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'aimerais apporter quelques précisions. Effectivement, Mesdames et Messieurs, le prix de réserve est à hauteur de 5,8 millions, mais la valeur fiscale, elle, est estimée à 10,78 millions de francs ! Nous n'avons toujours pas compris, en commission - enfin, certains d'entre nous - pourquoi la FPLC brade cet objet.

Ensuite, il faut dire que les travaux n'ont pas été effectués avec diligence, voyez-vous, le département n'a même pas été entendu. Quand on voit de pareilles différences, il faut tout de même demander au département ce qui se passe, pourquoi il autorise cela.

Après que le rapport a été déposé, la commune de Meyrin, qui est intéressée par ce bien, peut-être pour des équipements municipaux, a demandé à être auditionnée par notre commission, et c'est la raison pour laquelle, Madame la présidente, je demande le retour en commission afin de terminer les travaux sur ce texte. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Le rapporteur de majorité veut-il s'exprimer sur cette demande ?

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Non, la fondation attend une décision depuis pas mal de temps pour pouvoir procéder à la vente de cet objet, qu'elle a sur les bras pour l'instant. On pourra discuter tout à l'heure de l'argument qui fait mention de la valeur fiscale par rapport au prix de vente, il y a d'éminents fiscalistes et spécialistes dans cette salle, mais je rappelle que pour vendre un bien, il faut un acheteur. Je préconise le refus du renvoi. Merci.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat appuie la demande de renvoi en commission.

La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13143 à la commission des finances est adopté par 59 oui contre 17 non.

La présidente. Mme Valiquer Grecuccio souhaite signaler qu'elle n'a pas participé au vote, étant membre du conseil de fondation de la FPLC.

PL 13073-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Jean-Marc Guinchard, Olivier Cerutti, Jacques Blondin, Jean-Charles Lathion, Jean-Luc Forni, Souheil Sayegh, Claude Bocquet, Danièle Magnin, Patricia Bidaux, Pierre Vanek, Salika Wenger, Christina Meissner, Bertrand Buchs, Patrick Dimier, Xavier Magnin, Boris Calame, Yves de Matteis, Pierre Eckert, Marta Julia Macchiavelli, Romain de Sainte Marie, Marjorie de Chastonay modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Pour des auditions de commissions ouvertes à la population)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de minorité de Mme Badia Luthi (S)

Premier débat

La présidente. Nous avons terminé nos urgences et entamons l'ordre du jour ordinaire, ce qui n'est pas arrivé depuis un certain temps ! Le premier point est le PL 13073-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de minorité de Mme Badia Luthi, qui n'est plus députée au sein de ce Grand Conseil, a été repris par M. Romain de Sainte Marie. Je cède la parole à M. Pierre Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, je vous informe d'emblée que je demanderai le renvoi en commission de ce projet de loi. Je ne le sollicite pas formellement maintenant, mais je dois déjà le signaler, parce que c'est évidemment cette perspective-là qui guidera mon intervention.

La commission des droits politiques travaillant sur un texte de loi visant à abaisser l'âge de vote à 16 ans avait, à une très grande majorité, exprimé le besoin de rencontrer, pour un échange, pour un débat, pour une «audition», entre guillemets, les personnes concernées, c'est-à-dire des jeunes de 16 à 18 ans. Grâce à une très bonne collaboration avec le DIP et la direction de la Nouvelle Comédie, nous avons organisé une rencontre dans les locaux de ce théâtre avec plus de 250 jeunes. Les membres de la commission sont montés sur scène pour jouer, en quelque sorte, une forme d'audition d'un public particulier à l'occasion d'un sujet politique important qui concernait les jeunes.

Forts d'un grand succès et suite à l'enthousiasme exprimé aussi bien par les personnes présentes - c'est-à-dire des collégiens, des étudiants et des élèves des filières professionnelles - que par les commissaires, nous sommes convenus qu'il fallait travailler sur une modification de la LRGC pour rendre «plus facile», entre guillemets, la reconduite d'événements de ce genre à l'avenir.

Je lis un bref extrait de l'exposé des motifs: «Le but du présent projet de loi est [...] d'autoriser de cas en cas l'organisation de séances de commissions [...] avec des publics directement concernés par un texte législatif et lorsque les autres moyens tels que les auditions ou des consultations écrites ne sont pas susceptibles d'obtenir le même résultat.» Voilà l'intention initiale.

Or aujourd'hui, nous nous retrouvons avec un texte qui demande d'organiser des auditions publiques. Mais cela n'a rien à voir, Mesdames et Messieurs ! Rencontrer un public touché par une thématique politique, ce n'est pas la même chose que procéder à une audition à laquelle une audience sera présente. En fait, il y a eu un malentendu, et je vous demande très sincèrement - d'autant plus qu'il y a de nouveaux députés dans cette assemblée, notamment un nouveau groupe, qui n'ont pas du tout participé aux travaux - de renvoyer cet objet en commission.

Il convient d'aborder le sujet indépendamment de l'expérience réussie avec les collégiens, de nous poser la question suivante: voulons-nous vraiment des auditions de commission publiques à Genève ? Cela modifierait nos pratiques parlementaires, cela soulèverait réellement la question des relations qui existent, au moment de l'audition, entre la personne entendue et le public. Nous avons évoqué ces thèmes très globalement, nous n'avons pas tranché sur ce point. Pour toutes ces raisons qui sont des interrogations de fond et eu égard à l'importance du dossier, je sollicite le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Merci. Monsieur Romain de Sainte Marie, vous avez la parole sur cette requête.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je ne m'exprimerai que sur le renvoi en commission, auquel je suis favorable également. S'il y a un malentendu sur le terme «auditions publiques», alors je pense que la commission devrait en discuter et trouver une formulation qui convienne, dans l'esprit du projet de loi, à une majorité, voire à l'entier des membres. En effet, la séance organisée avait été particulièrement réussie, l'ensemble des commissaires s'étaient montrés satisfaits de cette expérience. Il serait dommage de balayer ce texte aujourd'hui et de ne pas réitérer ce type de pratique. Dès lors, je suis aussi en faveur d'un renvoi en commission.

La présidente. Merci. J'ouvre le vote sur la demande.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13073 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 73 oui (unanimité des votants).

PL 13137-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de André Pfeffer, Stéphane Florey, Gilbert Catelain, Virna Conti, Marc Falquet, Thomas Bläsi modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Renforcement démocratique en matière budgétaire : l'usage des fonds publics est la plus importante prérogative du Grand Conseil, y compris lors du refus du budget du Conseil d'Etat !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de M. Jean Batou (EAG)

Premier débat

La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, soit le PL 13137-B, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport, qui a été rédigé par M. Jean Batou, est repris par M. Alberto Velasco, à qui je laisse le temps d'aller à la table des rapporteurs. (Commentaires.) On m'a dit que vous aviez repris ce rapport ! (Remarque. Rires.) Installez-vous. (Remarque.) Comme le groupe Ensemble à Gauche n'est plus représenté au parlement, la commission des finances a dû choisir un nouveau rapporteur et elle vous a désigné. En tout cas, c'est l'information qu'on m'a donnée ! Si une autre personne a été désignée, qu'elle se fasse connaître, sinon, Monsieur Velasco, je vous cède la parole en tant que rapporteur de la commission des finances. (Commentaires.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Je vais improviser ! (Rires. Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui a été déposé par le groupe UDC, concerne les demandes de crédits supplémentaires. Comme vous le savez, à l'époque, lorsqu'un budget était refusé, le Conseil d'Etat était obligé de passer ensuite devant la commission des finances pour solliciter des crédits supplémentaires; en effet, si le Grand Conseil refusait le budget, le Conseil d'Etat repartait avec celui de l'année précédente. Vous me corrigerez si nécessaire, Monsieur le conseiller d'Etat ! Partant, chaque fois que le Conseil d'Etat voulait obtenir des crédits qui lui avaient été refusés sous la forme du budget déposé, il devait venir à la commission des finances. Or, certains députés de cette noble assemblée ont estimé qu'il y avait un contournement des compétences du Grand Conseil, puisque la commission des finances acceptait parfois de voter des sommes de 1, 2, 3, voire 4 millions. Face à cette situation, le groupe UDC a déposé un projet de loi, que nous traitons aujourd'hui, en vue de limiter ce montant à 2 millions.

Cela étant, chers collègues, la majorité de la commission a refusé ce texte, puisque la commission des finances dispose de ces compétences, comme vous le savez. Le problème n'est pas du tout là ! Le fait est qu'auparavant, chaque fois que la commission des finances ou plutôt le Grand Conseil refusait un budget, le Conseil d'Etat devait en représenter un nouveau dans les deux mois suivants. Ce n'était pas un gros livre; il s'agissait de quelques pages qui présentaient un nouveau budget deux mois après le refus. Le problème, c'est que cette disposition, qui figurait dans la LGAF, a disparu. J'ai donc déposé un projet de loi visant à remettre cette modalité obligeant le Conseil d'Etat à redéposer un budget en cas de refus, et ce texte a obtenu pratiquement l'unanimité de la commission, à l'exception d'Ensemble à Gauche, qui s'est abstenu.

Mesdames et Messieurs, je crois que le projet de loi que je viens d'évoquer, qui figure aujourd'hui à l'ordre du jour - on aurait d'ailleurs peut-être dû le lier au point qui nous occupe en ce moment -, remplace largement le texte de nos collègues de l'UDC. Je vous demande donc de refuser le PL 13137 et d'accepter le projet de loi que mon groupe, par ma personne, a déposé et qui a été adopté pratiquement à l'unanimité de la commission des finances. Merci, Madame la présidente. Voilà, l'improvisation est terminée !

M. André Pfeffer (UDC). La question qui se pose ici est simple, en réalité: les dépenses publiques sont-elles du ressort du Grand Conseil ? J'aimerais juste dire que c'est quasiment le cas partout: dans tous les autres cantons, la responsabilité des dépenses publiques est exclusivement de la compétence du Grand Conseil. A Genève, la pratique veut que la commission des finances, soit un groupe de quinze députés de notre parlement, puisse décider des crédits supplémentaires. Or ceux-ci sont votés sans débat public et, pour nous, initiants de ce projet de loi, c'est à ce niveau que le problème se situe.

Prenons l'exemple du budget que nous avons refusé en 2021: après son rejet par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat n'en a pas déposé un nouveau et la commission des finances - soit ces quinze représentants - a tout simplement voté 1,6 milliard de crédits supplémentaires. Ces quinze personnes ont donc voté sans débat public des crédits de 1,6 milliard, à savoir principalement des dépenses qui avaient été refusées par le Grand Conseil.

Ce projet de loi est relativement raisonnable; nous nous basons sur ce qui s'applique dans d'autres cantons de Suisse romande (Neuchâtel et Fribourg), de façon que toutes les dépenses publiques soient de la compétence du Grand Conseil. Ce texte prévoit effectivement une limite de dépenses, mais la commission des finances aura tout de même la possibilité de voter des crédits, parce qu'il n'est absolument pas question, avec ce projet de loi, que nous bloquions le fonctionnement de l'Etat.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. André Pfeffer. Nous voulons simplement rétablir ce qui nous semble correct, à savoir que toutes les dépenses publiques soient votées par le Grand Conseil, et surtout qu'il y ait systématiquement un débat public. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous sommes conscients que le fait que la commission des finances puisse voter un certain nombre de crédits supplémentaires est de nature à poser des problèmes démocratiques. Nous en sommes conscients ! Seulement, il faut aussi garder à l'esprit qu'il y a des objets qui doivent être traités avec une certaine urgence. Je ne vais pas rappeler tous les crédits supplémentaires qui ont été votés dans le cadre du covid, mais je pense qu'il était nécessaire de pouvoir réagir de façon rapide à ce moment-là. Je constate par ailleurs que la commission a refusé d'entendre le Conseil d'Etat et je me réjouis de l'écouter tout à l'heure, puisque M. Poggia est là. Nous aurons au moins son avis à cette occasion.

Nous sommes conscients du problème qu'il peut y avoir. Maintenant, est-ce qu'il faut trouver une solution ? L'UDC a proposé que la commission des finances puisse accorder des crédits supplémentaires seulement s'ils ne dépassent pas 2 millions, mais cette somme nous paraît basse. Je pourrais suggérer 10, 15 ou 20 millions, mais ce n'est pas mieux ! On peut fixer une limite, mais elle sera de toute façon arbitraire, ça n'a pas tellement de sens. (Le micro de l'orateur produit un bruit.)

La présidente. Ce bruit provient de vos feuilles lorsqu'elles touchent le micro.

M. Pierre Eckert. Ouh là, excusez-moi ! Nous avons vu que l'UDC avait fait une proposition d'amendement général, qui ne me paraît pas être meilleure. En voici la teneur: «Un crédit supplémentaire ne peut toutefois pas être demandé sur des dépenses refusées ou limitées par le Grand Conseil lors du vote ou de l'absence de vote de la loi budgétaire.» J'aimerais bien savoir comment on va appliquer ce principe d'une façon ou d'une autre: lors du vote du budget, de nombreuses lignes budgétaires sont acceptées, modifiées, etc., et je ne vois pas très bien comment tout ça peut fonctionner.

Fixer une limite arbitraire ne me paraît pas convenir, et l'amendement proposé ici ne semble pas être plus fonctionnel. Même si nous nous sommes abstenus en commission, nous avons changé d'avis et vous invitons à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi aurait une conséquence logique et évidente: le blocage du fonctionnement de l'Etat. De manière irrémédiable, de nombreux objets arriveraient dans ce Grand Conseil, ils devraient d'abord être traités en commission pour préavis, puis seraient ensuite examinés en plénière, ce qui impliquerait un engorgement encore plus conséquent que celui que nous connaissons aujourd'hui. Voyez cet ordre du jour ! Actuellement, il comporte déjà 300 points. 300 points ! Nous ne sommes pas capables de les traiter; pourtant, nous voulons accroître encore cet ordre du jour en doublant le nombre de points.

Que cherche-t-on avec ce projet de loi ? A détruire le fonctionnement de l'Etat de Genève ?! Il faut être responsable ! J'ai le souvenir de ce qui s'est passé, notamment pendant la crise covid - le magistrat est présent, il peut en témoigner -, quand ce dernier a dû nous soumettre en catastrophe des dépassements de crédits considérables, pour que l'Hôpital cantonal puisse fonctionner pendant la crise. C'est très précis, très clair, très concret.

Si on suit l'opinion des personnes qui, malheureusement mal informées, ont déposé ce projet de loi, la conséquence sera évidente: le fonctionnement de l'Etat de Genève sera véritablement obstrué, des institutions comme les HUG ou d'autres services de l'Etat seront mis à mal et on arrivera à une anarchie généralisée. Si c'est ce qu'on veut, alors votons ce projet de loi, mais si on apprécie le bon fonctionnement de l'Etat, si on veut l'encourager, par pitié, refusons ce texte avec détermination. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur l'argument de l'impact de ce projet de loi sur les travaux de notre Grand Conseil. Durant cette séance - et toutes les nouvelles et nouveaux députés le découvrent -, on voit que nous n'arrivons à l'ordre du jour ordinaire que maintenant, soit environ une heure avant la fin de la session. Je crois que vous avez là un aperçu du rythme que possède notre Grand Conseil: nous ne parvenons pas à avancer dans le traitement de nos objets parlementaires. L'impact serait donc catastrophique, car tous les crédits devant être votés à la commission des finances - qui aujourd'hui sont votés uniquement en commission - devraient passer ensuite sous forme de projets de lois devant notre plénière, alors que celle-ci n'arrive déjà pas à traiter son ordre du jour ordinaire.

Un argument assez particulier a été avancé, puisque a priori la représentation des partis politiques est mathématiquement la même au sein des commissions - dont la commission des finances - qu'au sein de notre Grand Conseil en séance plénière; nos nombres de sièges en commission représentent en effet les forces en présence lors de la plénière. Il n'y a donc pas de changement de force ou de majorité entre un vote durant une séance de commission de 15 membres et un vote durant une séance plénière de 100 députés.

S'agissant de la critique à l'égard du manque de transparence entourant les crédits qui pouvaient être votés à la commission des finances, eh bien elle n'a plus lieu d'être puisque, depuis maintenant je crois un an ou deux, une communication est publiée sur chaque crédit voté par cette commission. Tous les crédits sont par conséquent rendus publics à la population et il n'y a aucune opacité. Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Pierre Eckert pour cinquante-deux secondes.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Madame la présidente. Je n'aurai pas besoin d'autant, car je voulais dire la même chose que mon collègue de Sainte Marie. Je signalerai juste à celles et ceux qui ne le savent pas que les demandes de crédits supplémentaires figurent sur le site du Grand Conseil, sous «Commission des finances», «Demandes en autorisation de crédits supplémentaires». Cela permet à l'ensemble des députés de dire aux commissaires de leur groupe ce qu'ils peuvent ou non accepter. La transparence à l'égard du reste du parlement est donc existante.

La présidente. Je vous remercie. L'UDC n'ayant plus de temps de parole, je cède le micro à M. Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet (LJS). Merci, Madame la présidente. Le groupe Libertés et Justice sociale - composé de novices, comme vous le savez - a pris connaissance avec intérêt de ce rapport et des pratiques qui ont cours dans cet hémicycle; en effet, on constate - et je crois que c'est moins le problème de transparence que de cohérence qui s'exprime à cette occasion - que dans l'enceinte de la commission des finances les majorités basculent parfois à la faveur du passage à l'année suivante, et surtout dans le cadre d'une série de crédits complémentaires.

Néanmoins, nous sommes d'une part légitimistes et d'autre part attachés au fait que l'Etat puisse fonctionner. Pour ces raisons, le groupe Libertés et Justice sociale désapprouvera cette proposition, mais se réserve, dans les mois à venir, la possibilité de formuler à l'intention de ce parlement quelques suggestions sur son mode de fonctionnement, notamment sur les aspects invoqués par les uns et les autres concernant la transparence, la traçabilité des décisions et la capacité pour les citoyennes et citoyens de s'approprier des choix démocratiques, qui - il faut bien le dire - le sont un peu moins lorsqu'ils s'opèrent dans une commission, dont les débats restent par définition confidentiels. Nous voterons donc non à ce texte, mais nous serons attentifs, dans les mois à venir, aux propositions d'amélioration qui pourraient émerger.

La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de commission pour une minute quatorze.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Magnifique ! Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure: un projet de loi figure au point 132 de l'ordre du jour, sauf erreur, et nous en demanderons le traitement en urgence. Ce texte veut rétablir l'obligation pour le Conseil d'Etat, lorsqu'un budget est refusé, lorsque les députés refusent un budget pour des raisons qui leur sont propres, de revenir avec un nouveau budget, qui tienne peut-être compte de la majorité de la commission des finances et de ses souhaits, afin que l'Etat ne soit pas soumis au système des douzièmes provisoires pendant une année. Si en définitive, le budget est refusé une deuxième fois malgré cela, alors on ira en douzièmes, mais durant quelques mois - c'est ce qui figure dans ce projet de loi, que nous traiterons incessamment. Voilà, c'est une information que je tenais à vous donner, et je vous propose de rejeter l'entrée en matière sur le texte qui vous est soumis ce soir. Merci, Madame la présidente.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande également de rejeter ce projet de loi. Celui-ci émane - vous l'avez constaté - des représentants d'un parti politique qui, de manière dogmatique, refuse systématiquement toute augmentation de budget d'une année à l'autre. Le but de cette démarche n'est pas d'assurer plus de transparence, puisque les crédits supplémentaires sont publiés et donc portés à la connaissance de tous; le but est de bloquer le processus budgétaire pour empêcher l'activité de l'Etat et l'engagement de nouveau personnel. Il faut bien comprendre ce qui se trouve derrière cette proposition: ce n'est pas une démarche démocratique d'ouverture et de transparence, c'est une démarche de blocage, je dirais même d'opposition.

C'est d'autant plus surprenant que la commission des finances est composée de députés qui représentent très exactement les forces politiques en présence dans ce parlement. Cette mesure de défiance à l'égard de la commission des finances, qui serait un ovni échappant à tout contrôle des partis politiques et qui accorderait en catimini ce que la plénière aurait refusé, est évidemment une vue de l'esprit pour le moins particulière. Par la force des choses, nous devons pouvoir fonctionner. D'autant plus que - les nouveaux dans ce parlement le verront - les refus des budgets reposent quelquefois sur des positions pas toujours très compréhensibles ou transparentes, lesquelles sont parfois motivées par le jeu de forces politiques qui décident de mettre en délicatesse tel ou tel conseiller d'Etat et sa politique publique, plutôt que par une démarche de transparence et de défense de l'intérêt public. Or, si l'on en vient à empêcher l'Etat de fonctionner en passant systématiquement devant le parlement pour tout crédit supplémentaire, la conséquence sera celle qui est voulue et qui a été expliquée: le blocage du fonctionnement de l'Etat.

Quant au fait d'inviter le Conseil d'Etat - même si je ne suis bientôt plus concerné - à revenir avec un nouveau budget lorsque le premier est refusé, je dois dire que si cette pratique avait été demandée ces dernières années, j'aurais pour ma part été très en peine de savoir pourquoi le budget a été refusé et comment le modifier pour qu'il soit enfin accepté et qu'il reçoive l'onction de la sacro-sainte commission des finances, puis de la plénière. Sur ce point, je pense qu'il faudrait que les parlementaires s'astreignent aussi à un travail d'une certaine rigueur: ils devraient explicitement formuler leurs voeux et clairement désigner les postes sur lesquels il y a un dissentiment par rapport à la position du gouvernement au lieu de procéder à un rejet en bloc, parce qu'à un moment donné il faut s'allier à l'un ou à l'autre, ou montrer à l'un ou à l'autre que l'on n'est pas son allié. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, je soumets à vos votes l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 13137 est rejeté en premier débat par 63 non contre 27 oui.

RD 1514
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier les méthodes de la police judiciaire en matière d'interpellations et d'interrogatoires
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Débat

La présidente. Nous traitons à présent le RD 1514, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je ne serai pas très long, parce que, d'abord, le rapport est assez complet. Je pense que ceux et celles qui étaient intéressés par ce sujet l'ont lu. Ensuite, il y a eu une conférence de presse et les médias en ont suffisamment parlé. Je ne vais donc pas m'étendre sur ce point.

J'insisterai seulement sur deux des recommandations du rapport, notamment la quatrième, qui dit ceci: «Dans son action, la police judiciaire doit s'astreindre à respecter non seulement les règles de procédure, mais également les principes de proportionnalité et d'éthique professionnelle.» Sur ce point, je crois que le Ministère public a déjà procédé à une modification.

J'insisterai aussi sur la septième recommandation: «Le secret de l'instruction doit bénéficier d'une protection totale, et les violations de ce secret doivent systématiquement faire l'objet d'une enquête approfondie par les services de police ou par le Ministère public.» Vous savez qu'alors même que la personne - le député - en question était dans les locaux de la police, les journaux savaient ce qu'il se passait, et ce bien avant tout le monde. Des informations circulaient pratiquement au moment où il était interrogé. C'est donc gravissime, gravissime !

Ensuite, c'est vrai, la situation dans laquelle s'est retrouvé cet ancien collègue... C'est quelqu'un de connu; mais je me suis posé la question: imaginez-vous ce qui se serait passé pour un citoyen lambda ou un habitant lambda qui n'a pas les mêmes ressources ! Nos institutions sont fragiles - je finirai par là, Madame la présidente; il faut donc éviter de les utiliser à des fins personnelles, parce que, sinon, on arrive à ce qu'on a vécu à Genève pendant deux ou trois ans. J'espère que ce rapport servira à ce que n'arrive plus jamais ce à quoi a été soumis notre collègue. Merci, Madame la présidente.

M. Guy Mettan (UDC). Je voulais rendre hommage au travail remarquable de la sous-commission et de son président, M. Velasco. Je voulais aussi saluer le travail des deux autres commissaires. M. Velasco est trop modeste, mais je trouve que lui et nos deux anciens collègues, M. Thomas Bläsi - au nom duquel je parle aujourd'hui, puisqu'il ne siège plus parmi nous - et M. Charles Selleger, ont réalisé un travail absolument remarquable. Pour celles et ceux qui n'auraient pas lu ce rapport, je les engage vraiment à le lire de la première à la dernière ligne, parce qu'effectivement, c'est un constat triste des dérives malheureuses auxquelles on peut arriver dans notre république. Vu du dehors, cela donne l'image d'une république bananière. Je trouve que cela a fait beaucoup de tort à l'image de Genève, pas seulement auprès de notre population, mais aussi à l'extérieur, quand on sait le traitement infâme qui a été réservé à notre ancien collègue Simon Brandt - pour le citer -, qui a eu un courage remarquable pendant cette épreuve.

Eu égard au travail de nos anciens collègues, les sévices qui ont été infligés à l'un d'eux, au mépris de toute séparation des pouvoirs - beaucoup a été fait, beaucoup a été dit, on ne va pas trop s'étendre, mais je pense que c'est important de le rappeler dans cette enceinte -, tout ça pour extorquer au prévenu, par des fouilles absolument ignobles, des informations sur un ancien conseiller d'Etat qui siège aujourd'hui parmi nous, m'ont, personnellement, beaucoup révolté. Mais je tiens à saluer le travail remarquable effectué au sein de cette sous-commission. Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour M. Mettan, j'étais aussi dans cette sous-commission; je suis un des rares qui a fait toute la distance, puisque, pour des raisons évidentes, il y a eu des changements. Ce rapport est effectivement exemplaire et contient deux ou trois points que j'avais envie de relever.

Cela a très mal commencé: on a refusé à notre ex-collègue le droit d'être assisté par un avocat. Alors que l'interpellation a commencé pratiquement à 7h ou 7h30 du matin, il a fallu attendre 17h avant qu'on lui permette d'appeler son avocat. Aussi bien le chef de l'IGS que celui de la PJ ont reconnu qu'il y avait un problème et que, même si pendant les premiers actes d'instruction, l'avocat ne peut pas être là, il peut tout de même être prévenu et arriver dès que possible, dès que les interrogatoires commencent. Cela a donc effectivement mal commencé.

Concernant les fuites au cours de l'instruction, c'est quand même assez fort de café de voir que quand on a interrogé tant le chef de l'IGS que celui de la PJ ou la commandante de la police, on nous a dit: «Ah, mais les fuites viennent certainement de l'avocat !» Non, mais vous voulez rire ou bien ? Peut-être que dans certains cas, cela arrive, mais en tout cas ici, c'était absolument impossible, puisque l'avocat n'avait pas été prévenu, il ne l'a été qu'en fin de journée, à 17h ! Cela ne peut donc pas venir de lui. Je trouve que tenir ces propos est inadmissible.

Abus d'autorité: cela a été dit, je pense qu'il y a eu des abus d'autorité - cette fouille à nu qui a eu lieu, alors qu'on n'avait pas affaire à un grand criminel, que je sache ! D'ailleurs, il a été totalement blanchi pour tous les chefs d'accusation qu'on lui a reprochés. On aurait bien aimé aussi, dans le cadre de cette sous-commission, entendre l'inspecteur qui a procédé à l'interrogatoire: cela n'a pas été possible, on nous l'a refusé. Ce n'est pas normal.

C'est quelque chose qu'on ne veut plus jamais voir et qu'on espère ne plus jamais voir. Evidemment, on espère que toutes les recommandations seront suivies et appliquées. En quelque sorte, à travers cette affaire, on a jeté aux chiens l'honneur d'un homme pour pas grand-chose ! Pour rien ! Puisque au bout de la course, il a été totalement acquitté, je le dis encore. C'est inadmissible, et j'espère bien que plus jamais, plus jamais on n'aura affaire à des situations telles qu'elles ont été décrites dans ce rapport, que je remercie M. Velasco d'avoir rédigé. J'ai dit.

M. Pierre Maudet (LJS). Le groupe Libertés et Justice sociale a également pris connaissance de ce rapport, même s'il a été largement commenté précédemment dans la presse. Les députés membres de ce groupe s'associent aux propos des députés Mettan et Sormanni. Ce rapport, d'excellente facture, met le doigt sur des abus d'autorité, des abus de pouvoir et sur une lecture assez particulière de la séparation des pouvoirs. De plus - et c'est en ça que ce document est intéressant -, il définit assez précisément ce en quoi ce parlement, qui est l'autorité de haute surveillance et doit disposer de moyens pour effectuer son travail, est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie.

Très brièvement, mais de façon très synthétique aussi, pour nous, ce rapport est fondamental, parce qu'il lave l'honneur d'un député de la république qui, par la force des choses, s'est vu interdire de siéger le jour le plus important pour un parlementaire, le jour du vote du budget. Mais ce rapport fait aussi honneur au parlement, parce qu'il rappelle ce qu'est un Etat de droit, un Etat dans lequel la séparation des pouvoirs n'est pas une vaine chose, n'est pas un vain mot, mais doit s'exercer et se pratiquer, notamment avec sa commission de contrôle de gestion. Raison pour laquelle le groupe Libertés et Justice sociale, en l'honneur également de Simon Brandt, souhaite ici marquer d'une pierre blanche ce rapport et faire en sorte qu'il puisse guider, dans la législature à venir, l'action de celles et ceux qui composent ce parlement.

Mme Patricia Bidaux (LC). Effectivement, on ne peut que rester avec quelque chose qui est peut-être même de l'ordre de la boule au ventre. Comment est-ce possible que de telles choses arrivent dans notre république ? Comment est-ce possible qu'alors que le travail est tellement bien cadré, accompagné d'une formation professionnelle complète, on en arrive là ? Comment est-ce possible qu'un député puisse être pratiquement kidnappé juste avant d'arriver chez lui ? Comment est-ce possible ?

C'est ce qui a fait l'objet du travail de la commission de contrôle de gestion et de sa sous-commission. Pour le groupe Le Centre, si celles-ci ont bien fait leur travail, il est inadmissible de même imaginer que cela puisse se reproduire. Merci pour le travail effectué, toutes nos pensées encore et encore à notre ancien collègue, et je vais laisser le Conseil d'Etat s'expliquer et nous raconter peut-être ce qu'il s'est passé plus en avant que ce que mentionne le rapport.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'ai dû remplacer au pied levé notre président, M. Selleger, qui a quitté son groupe. Je dois aussi lui rendre hommage, parce qu'il a maîtrisé ces travaux, il les a dirigés avec beaucoup de diligence; si ce rapport est ce qu'il est, c'est parce qu'il a imprimé une certaine rigueur dans son travail. Je tiens donc à lui rendre hommage.

Un élément m'a quand même choqué: alors même que, dans la matinée, le Ministère public avait, je crois, levé les accusations contre notre collègue, ce dernier a continué à être harcelé par la police ! C'est-à-dire que, dans la matinée, les choses étaient claires, mais il a continué à être harcelé jusqu'au soir ! On est allé chez lui ! La police a dépassé ce que le Ministère public voulait ! Elle n'a même pas respecté l'ordre du Ministère public - même si on peut effectivement se demander pourquoi ce dernier avait demandé... Mais enfin, c'est quand même gravissime ! Franchement, Monsieur le conseiller d'Etat, je suis d'accord avec ma collègue Mme Bidaux, j'espère que cela n'arrivera plus. Parce qu'à ce moment-là, la Genève internationale, la Genève des droits de l'Homme, la Genève exemplaire, notre démocratie directe, nos beaux parlements, je ne sais pas où on va les mettre ! Franchement, je ne sais pas où on va les mettre ! C'est gravissime. Merci beaucoup.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, ce qu'il s'est passé ne peut que bouleverser le destin d'un homme, qui bascule du jour au lendemain. Je n'entrerai pas dans les détails de cette affaire, puisque des procédures sont encore en cours auprès du Tribunal fédéral. Je n'ai donc pas à dire qui est coupable et qui ne l'est pas, mais il y a évidemment des interpellations que vous avez exprimées dans ce rapport qui sont aussi les miennes: la commission a pu m'entendre et écouter les préoccupations que j'ai exprimées à ce moment-là.

Que les choses soient claires pour les personnes qui nous écoutent: le Conseil d'Etat n'est pas à la manoeuvre dans les procédures pénales, qui sont dirigées par le Ministère public. Je ne suis pas en train de dire ici que le Ministère public a fait juste ou faux, je veux simplement vous dire que le Conseil d'Etat a eu connaissance des faits en question, comme chacune et chacun de nous, par un communiqué de presse, le jour en question. Il n'y a donc pas eu d'intervention du pouvoir exécutif - et heureusement, c'est la séparation des pouvoirs -, ni dans l'ordre ni dans la décision d'intervenir ou d'organiser cette intervention, et encore moins, évidemment, dans les actions qui ont pu être menées sur le terrain. L'exécutif prend donc acte du fait qu'une procédure pénale, secrète, est ouverte et instruite par le Ministère public. Nous attendons, comme tous les citoyens, bien sûr, les résultats pour savoir si, du point de vue administratif et disciplinaire, il s'agit d'intervenir contre des forces de l'ordre qui auraient outrepassé leur devoir dans le cas particulier.

Ce que je ne voudrais pas, c'est que le comportement de certains - qui est ici décrit comme il l'a été - jette l'opprobre sur la quasi-totalité des policières et des policiers de notre république qui font leur travail consciencieusement, avec l'utilisation difficile dans certaines situations du principe de proportionnalité. Ce principe de proportionnalité figure lui-même dans la loi, est connu, et chaque policier doit à chaque instant se demander si son comportement est adapté aux buts qu'il doit atteindre, aux objectifs qui doivent être réalisés et si les moyens mis en oeuvre pour y parvenir sont adéquats.

Il est vrai qu'en ce qui concerne les fouilles, il y avait antérieurement des directives, qui laissaient une marge de manoeuvre pratiquement nulle au policier; il est arrivé, malheureusement, que des personnes interpellées et placées en cellule mettent fin à leurs jours, ayant avec elles des objets qui ont servi à cette fin. Il y avait donc des directives, qui étaient strictes et qui - dans le cas particulier, clairement - lorsqu'elles étaient appliquées, arrivaient à un résultat disproportionné, puisque, manifestement, en tout cas avec le recul d'un regard rétrospectif, ces mesures n'étaient pas justifiées par rapport aux faits reprochés à la personne interpellée.

Aujourd'hui, nous avons modifié les directives, ce qui fait que le policier qui doit procéder à une fouille doit se poser la question de l'adéquation de celle-ci par rapport à tout le complexe de faits. Il va de soi que ce n'est pas la même chose si l'on interpelle un trafiquant de stupéfiants dans la rue ou quelqu'un à domicile ou à peine sorti de chez lui, alors qu'il n'a aucune raison de s'attendre à être interpellé et qu'il n'a sur lui aucun élément - aucune pièce à conviction et aucune arme - dissimulé. Aujourd'hui, la police doit faire cet examen. C'est une tâche supplémentaire, qui n'est pas toujours simple; certaines situations sont des cas d'école, dans lesquels on peut, pa r un questionnaire à choix multiples, dire: oui, non, il faut le faire, il ne faut pas le faire. Mais il y a des cas qui sont plus subtils, et l'erreur est évidemment toujours possible.

En ce qui concerne la déontologie, il faut le savoir, depuis le mois de mai de l'année dernière - sous mon impulsion, mais je crois que cela correspondait à une volonté collective au sein de la police -, il existe un nouveau code de déontologie, qui a été élaboré en associant le plus de partenaires possible. Il ne s'agit pas seulement de feuilles affichées dans les salles, c'est un document qui doit vivre. Il existe une commission d'application de ce code, au sein de laquelle les cas sont rapportés, où une discussion doit être menée et où une culture de l'erreur doit être aussi instaurée: l'erreur ne doit pas simplement être source de sanctions - ce qui mène à ce que l'on essaie de la dissimuler -, mais aussi une source d'apprentissage, non seulement pour celui qui l'a commise, mais aussi pour celles et ceux qui pourraient la commettre; dans certains domaines, comme celui de l'aviation, cela est pratiqué. La culture de l'erreur dans certains autres secteurs, comme dans les corps uniformés, c'est autre chose, parce que la culture de la sanction est encore bien présente, et là aussi, il faut apprendre, en termes de hiérarchie, à faire la part des choses entre l'erreur et la faute: toute erreur n'est pas fautive, il y a des erreurs dont on apprend, il y a des fautes qui sont inadmissibles et qui doivent être sanctionnées.

Je n'en dirai pas plus sur cette affaire, qui est regrettable et qui n'est pas terminée du point de vue judiciaire. C'est en tout cas un drame humain - pour avoir rencontré la personne, je peux confirmer qu'il y a encore aujourd'hui une souffrance exprimée; je pense que l'on aurait, à n'en pas douter, pu faire autrement et éviter cette souffrance qui, à l'évidence, n'a pas aidé à la résolution de l'enquête pénale. Voilà ce que j'avais à dire sur cette triste, triste affaire, en demandant bien sûr à chacune et à chacun de faire la part des choses entre ce qui peut être certainement un dérapage à un moment donné et l'activité irréprochable qu'accomplissent la très large majorité de nos policières et de nos policiers. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur ce rapport.

Mis aux voix, le rapport divers 1514 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 81 oui et 5 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

PL 12310-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Vanek, Jocelyne Haller, Jean Batou, Olivier Baud, Salika Wenger, Christian Zaugg, Caroline Marti, Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Marion Sobanek, Salima Moyard, Isabelle Brunier, Nicole Valiquer Grecuccio, Maria Casares, Cyril Mizrahi modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (LEDP) (A 5 05) (Le Grand Conseil n'est pas à vendre ! - Plafonnement des dépenses de campagne)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (LC)
Rapport de première minorité de M. Pierre Vanek (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Premier débat

La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne siégeant plus parmi nous, le rapport de première minorité de M. Pierre Vanek ne sera pas présenté. Je cède la parole à M. Jean-Marc Guinchard, rapporteur de majorité.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Le travail de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, qui s'est étalé sur près de trois ans, a été conséquent et approfondi. Le PL 12310 - qui a du reste été traité parallèlement au PL 12215 sur la transparence que nous avons adopté dans cette enceinte - soulève en effet des problèmes importants sur le financement des campagnes électorales, le plafonnement des budgets de campagne, l'éventuelle provenance étrangère des fonds et l'information du corps électoral quant à ces aspects.

Il a été qualifié par plusieurs entités auditionnées de novateur et original sur le plan suisse, dans la mesure où aucun autre canton, à l'exception de Fribourg (et de façon très partielle, d'ailleurs), n'a encore légiféré sur un tel objet. Ces différents éléments positifs ont été reconnus par l'ensemble des commissaires, puisqu'ils ont dans un premier temps voté à l'unanimité l'entrée en matière, certains rappelant toutefois que ce vote ne préjugeait pas de la décision finale de la commission à l'issue du troisième débat.

Au-delà des aspects positifs que je viens de souligner, le PL 12310 s'est révélé porteur de trois défauts majeurs aux yeux de la majorité de la commission. En premier lieu, le système de contrôle qui est institué porte sur le budget de la campagne électorale pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, avec un plafond fixé au double du nombre des membres du corps électoral. Or un budget de campagne est une projection, un schéma attendu, qui ne correspond pas forcément aux résultats finaux des comptes, ceux-ci étant d'ailleurs produits quelques mois après les élections. Selon les auteurs du projet de loi, la référence au budget aurait dû permettre aux citoyens et citoyennes d'élire leurs représentants en sachant quelles étaient les sources de financement des partis.

Deuxièmement, ce système de contrôle pré-électoral nécessiterait l'engagement de forces de travail sporadiques, une fois tous les cinq ans, ce qui n'était pas possible tant pour la chancellerie que le service des votations et élections ou la commission électorale centrale, faute de ressources humaines disponibles. En revanche, je dois à la vérité de dire que la Cour des comptes - qui a été auditionnée - aurait pu, selon ses dires, se charger de ce contrôle.

Troisièmement, la sanction proposée par le projet de loi, à savoir enlever un certain nombre de sièges au parti pris en faute, présenterait - au-delà de son aspect manifestement tout à fait inconstitutionnel - le désavantage majeur, sur le plan démocratique, de ne pas respecter la volonté de l'électeur. En effet, si un député est élu majoritairement par la population, il ne peut pas, par le biais d'une sanction venant de l'extérieur, se voir dire qu'il n'est pas autorisé à siéger parce que son parti a fauté. Plusieurs auditionnés ont exprimé leur certitude quant à la seule efficacité de sanctions pécuniaires.

S'ajouterait à cela un travail administratif conséquent et lourd, particulièrement intrusif, dont la valeur ajoutée demeure d'ailleurs incertaine. Qui plus est, ce projet de loi - et son auteur l'a clairement signifié à plusieurs reprises - est la conséquence directe des montants spectaculaires annoncés de façon tonitruante à l'époque par le parti Genève en Marche, avec du reste un résultat très inversement proportionnel dans les urnes, ce qui démontre que la population n'est pas dupe et que tout ce qui est excessif est finalement insignifiant.

En conclusion, partant du principe qu'il n'est pas souhaitable de légiférer en raison d'un événement qui ne s'est produit qu'une fois en deux siècles, je vous recommande, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de refuser le PL 12310 avec la même majorité que celle obtenue en commission. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Cet objet, qui faisait suite aux événements que le rapporteur de majorité a rappelés à l'instant, a été étudié par la commission des droits politiques au début de la précédente législature, et nous espérions qu'il puisse déployer ses effets pour l'élection qui vient de se dérouler. Bon, maintenant cette élection a eu lieu, on regardera les comptes de campagne à un moment ou un autre, mais le problème c'est qu'il va falloir attendre une année que les comptes de chacun des partis soient publiés pour avoir une idée de ce qui a bien pu se passer.

Je pense que la transparence ne doit pas rester un vain mot. Chez les Vertes et les Verts, c'est une valeur cardinale; le financement du parti et même de ses représentants de façon individuelle est systématiquement rendu public, et cela nous paraît important. Comme je l'ai dit, dans le canton de Genève les comptes annuels des partis doivent être rendus publics, mais la difficulté c'est qu'on n'a pas de visibilité sur les comptes de campagne eux-mêmes, ou seulement très tardivement. C'est ce que cherchait à résoudre ce projet de loi, de façon à obtenir une meilleure transparence et un contrôle des dépenses effectuées.

Je précise que suite à l'entrée en matière, une sous-commission a été formée, que j'ai eu l'avantage de présider. J'aimerais également relever un point: le rapporteur de majorité a mis en évidence un certain nombre d'aspérités du projet de loi initial - notamment les sanctions consistant à retirer des sièges -, mais on s'est bien rendu compte que ça ne marchait pas de cette façon-là et son contenu a été fortement amendé par la sous-commission. Il faudrait donc voter non pas sur le projet de loi initial, mais sur le texte tel qu'il est sorti de la sous-commission. En effet, si vous le lisez bien, vous verrez qu'il contient très nettement moins d'aspérités.

Je rappelle en outre que pendant longtemps - et c'est d'ailleurs encore le cas - la Suisse a été épinglée par le GRECO, le Groupe d'Etats contre la corruption, qui est lié au Conseil de l'Europe. Notre pays est donc très régulièrement épinglé par ce groupe, qui formule un certain nombre de recommandations - je ne les lirai pas, mais vous pouvez les trouver dans le rapport de minorité - que ce projet de loi cherchait à mettre en évidence.

Suite aux diverses auditions et au travail de la sous-commission, le texte a été rendu compatible avec le droit supérieur et les éléments les plus rugueux ont été supprimés. J'ajouterai que le dépôt d'un budget des dépenses de campagne me paraît être un aspect intéressant, car il permet aux électrices et électeurs de se prononcer en toute connaissance de cause pour un parti ou l'autre. Ils pourront par exemple se dire: «Tiens, ce parti a un très gros budget de campagne, ça ne me plaît pas de voter pour lui.» Il nous semble donc qu'il serait tout de même intéressant de mettre en place cette pratique.

Le financement trop important d'un parti par des sources extérieures met en danger son autonomie par rapport à ses bailleurs de fonds. Ça a été le cas dans l'exemple cité par le rapporteur de majorité. On ne sait pas très bien d'où sont venus ces fonds qui se montaient à plus de 1 million, d'après ce qu'on a pu comprendre. Et bien entendu, les bailleurs de fonds sont tout sauf désintéressés ! Genève peut prendre un temps d'avance en adoptant un projet de loi sur le financement des campagnes électorales cantonales et ainsi servir d'exemple aux autres cantons. Pour une fois, c'est une Genferei qui peut se révéler utile ! La minorité vous recommande donc de soutenir le texte tel qu'il est sorti des travaux de la sous-commission. Je vous remercie. (Brouhaha.)

La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, il reste encore trente minutes de séance, je vous remercie donc de continuer dans le calme, comme c'était le cas auparavant. La parole est à M. Romain de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi représente un enjeu majeur pour notre démocratie. En effet, notre démocratie n'est pas à vendre, et il est essentiel de pouvoir aujourd'hui fixer un cadre, des limites au financement des campagnes électorales. Un autre objet relatif à la transparence a déjà été voté par ce parlement, mais le texte qui nous occupe renforce encore un peu plus cette transparence et il agit sur deux niveaux s'agissant du bon fonctionnement de notre démocratie: le plafonnement des dépenses des campagnes électorales et la transparence de leur financement.

J'ai été surpris par les propos du rapporteur de majorité, qui a indiqué ici que le dépôt d'un budget ne servait à rien. Je tiens d'abord à préciser qu'il s'agit aussi du dépôt des comptes de campagne après coup, de façon qu'ils soient justement analysés, une sanction pouvant être prononcée si le plafond n'est pas respecté. Alors pourquoi introduire un plafond au financement d'une campagne électorale ? Eh bien parce que notre démocratie n'est pas à vendre ! Aujourd'hui on peut le voir plus que jamais, notamment avec les réseaux sociaux et certaines entreprises telles que Cambridge Analytica: lors de campagnes dans le cadre du Brexit ou d'autres comme celle de Donald Trump, cette société a pompé sur ce type de plateformes des millions de profils qui ont servi à influencer, justement via ces réseaux, le comportement électoral des citoyennes et citoyens. En l'occurrence, on constate que derrière ces campagnes, il y a des millions en jeu... Nous ne nous situons pas sur la même échelle à Genève et en Suisse, mais nous voyons tout de même que lors des campagnes, le comportement électoral et le vote sont effectivement dictés par des moyens d'influence, qui aujourd'hui me semble-t-il peuvent nous dépasser en comparaison des simples campagnes qu'on imagine avec quelques affiches et outils publicitaires. Il est donc essentiel, si on veut assurer une certaine protection des données, de mettre un cadre et de faire en sorte que des moyens disproportionnés ne puissent pas être utilisés pour influencer le vote des électrices et électeurs. Un plafond est par conséquent indispensable, et celui qui figure dans le projet de loi qui vous est présenté est proportionné, puisqu'il a été fixé de façon tout à fait transparente: les différents partis présents à la sous-commission des droits politiques ont été interrogés pour que l'on sache à peu près quelles sommes avaient été investies durant la dernière campagne électorale. Et la proportion de deux francs par électrice et électeur - soit environ 540 000 francs par campagne électorale - représente un plafond supérieur à ce que les partis les plus fortunés avaient pu dépenser à cette occasion.

Aujourd'hui, ce cadre est imposé pour éviter tout abus qui pourrait servir - si tout à coup un parti reçoit un don mirobolant et achète justement les compétences d'une société comme Cambridge Analytica - à fausser le comportement électoral. Bien sûr, s'il s'agit de fixer un plafond et d'apporter aussi de la transparence grâce au dépôt des budgets de campagne, de sorte que les électrices et électeurs puissent savoir en toute transparence au moment de voter quels sont les budgets à disposition des partis, quelles sommes précisément ont été investies, eh bien il convient également de sanctionner si ce plafond est dépassé. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Bien évidemment, nous nous sommes posé des questions à la commission des droits politiques, et il se trouve que sanctionner au moyen d'une amende pécuniaire ne sert à rien dans le cadre d'un plafonnement portant justement sur les finances de campagne; il s'agit donc de prévoir une sanction ayant trait à la représentation des partis au Grand Conseil en diminuant le nombre d'élus au pro rata de ce dépassement.

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. Et ce n'est pas une atteinte à la démocratie ! La véritable atteinte à la démocratie, c'est le fait que des campagnes puissent être financées de façon disproportionnée. Aujourd'hui, pour la sauvegarde de notre démocratie, il s'agit donc d'instaurer ce plafond, et le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi tel que sorti de commission. (Applaudissements.)

M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chers collègues, notre groupe refusera ce projet de loi, qui impliquerait la mise en place d'une véritable usine à gaz pour le contrôle des dépenses électorales et l'instauration de pénalités pour les partis politiques qui ne s'y conformeraient pas. De plus, Mesdames et Messieurs les députés, ne soyons pas dupes: il serait très facile de contourner cette loi et de dépasser les barèmes des dépenses électorales avec les faîtières et les associations qui pourraient soutenir certains candidats des partis politiques. Nous refuserons donc l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG). Chers camarades... (Exclamations.) ...bien entendu que la démocratie n'est pas à vendre ! Sachant que l'idée vient d'un groupe politique heureusement ou malheureusement disparu, dont la nature même n'implique pas nécessairement un amour fou pour la démocratie... Ce qu'il convient de relever, c'est que ce projet de loi est né d'un excès. Alors doit-on suivre un tricheur napolitain, amateur de poker menteur ? Je n'en suis pas sûr. Il faut dans tout garder raison. Cela dit, je crois que nous avons un système extrêmement bien bordé, qui veille justement à ce que les outils démocratiques à la disposition des uns et des autres soient correctement utilisés. Maintenant, si c'est un combat que certains entendent mener les uns, moins argentés, contre les autres, plus argentés ou disposant d'autres moyens, alors le débat n'est évidemment plus démocratique, il devient idéologique. Notre groupe s'est rallié à la majorité et nous soutiendrons le rapport de M. Guinchard, mais encore une fois, on doit sortir d'une vision idéologique ou dogmatique. Est-ce que notre système dysfonctionne ? La réponse est non. Est-ce que notre système ouvre la porte à des dérives très importantes ? Là, la question devient plus intéressante et peut être sujette à caution. Mais il n'en demeure pas moins que c'est une infime - infime ! - minorité de gens et de citoyens qui pourrait abuser ainsi de notre système. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à rejeter ce projet de loi. Merci beaucoup.

Une voix. Bravo !

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais juste préciser un élément: le texte sur lequel la minorité souhaite se prononcer n'est pas celui du projet de loi initial, mais celui qui a été amendé par la sous-commission et que vous trouvez à la page 119 du rapport. L'entier du texte y est reproduit et on peut le considérer comme un amendement général. Au cas où vous auriez la bonté d'accepter l'entrée en matière, c'est donc cet amendement-là qui sera proposé.

Par ailleurs, j'aimerais quand même récuser l'expression «usine à gaz». Si vous regardez ce texte, vous verrez qu'il n'y a pas vraiment de complication. Chaque parti doit de toute façon rendre des comptes annuels, comme je l'ai dit tout à l'heure, or il est relativement facile d'extraire ces comptes annuels ou ceux d'une campagne électorale, il n'est pas nécessaire d'y consacrer des heures. Si je prends l'exemple de notre parti, nous avions établi un budget de campagne pour les élections cantonales, nous en avons actuellement un pour les élections nationales, et je pense que chaque groupe, chaque parti correctement formaté, d'une façon ou d'une autre, élabore un budget de campagne, sinon on ne s'en sort pas ! De notre côté, nous n'avons aucune difficulté à le publier. Il fait partie des comptes, et créer un budget de campagne pour chaque élection me paraît assez naturel. Je ne vois donc pas la complication administrative inhérente à cette pratique.

De plus, comme vous le voyez dans le texte, la diminution du nombre de députés au Grand Conseil en cas de dépassement du plafond a été remplacée par une amende. Et il n'est pas très difficile de mettre en place des amendes, ça existe déjà, la LEDP - la loi sur l'exercice des droits politiques - contient probablement quelque part une disposition indiquant que des amendes peuvent être infligées. Je récuse donc l'affirmation selon laquelle il s'agit d'une usine à gaz, et il me paraît tout à fait possible d'aller dans la direction voulue par le projet sorti de la sous-commission. Pour toutes ces raisons, je vous incite à entrer en matière, à accepter l'amendement figurant à la page 119, puis à voter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. J'aimerais préciser à l'intention de mon aimable contradicteur que l'expression «usine à gaz» désigne simplement tout ce qu'il faut mettre en place tous les cinq ans. Je pense à toute cette administration qui doit être mise sur pied tous les cinq ans seulement et pour laquelle il est difficile d'avoir les ressources humaines nécessaires.

Une dernière remarque en guise de conclusion: l'échec patent de Genève en Marche, malgré un budget de campagne assez mirobolant à l'époque, a bien démontré que nous pouvions faire confiance au jugement des électeurs. Voilà l'élément sur lequel je souhaitais terminer. Je vous remercie et vous incite à refuser ce projet de loi.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demandera de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Non pas qu'il ne partage pas les préoccupations qui ont été exprimées ! Nous avons tous à coeur que l'argent ne permette pas d'utiliser des moyens par lesquels le libre discernement de nos électrices et électeurs est fourvoyé. Cela dit, ce qui figure dans ce projet, c'est que les dépenses de campagne supérieures à 50 000 francs entraînent le dépôt d'un budget. Cela touche donc tout le monde, sauf quelques personnages qui, seuls, pour leur gloire personnelle, décident de se lancer dans une campagne électorale. Tout le monde devrait préparer un budget, lequel serait déposé quatre semaines au préalable. Vous imaginez le travail que cela implique non seulement pour les entités concernées, mais aussi pour l'Etat, qui devrait - comme l'a dit très justement M. le rapporteur de majorité - vérifier que les règles ont bien été respectées ?! Aujourd'hui, parce que nous avons mis en place des règles suffisamment strictes, nous savons d'où vient l'argent qui va financer une campagne électorale, ce qui à mon avis est le plus important.

Maintenant, on voit bien (et cela a été rappelé à juste titre) que celui qui a inspiré l'idée de ce projet de loi - ce parti nouveau qui a marché peu longtemps, en définitive, ou alors en marche en arrière - et qui a investi beaucoup d'argent dans sa campagne n'a finalement pas trouvé place sur ces bancs. Cela signifie donc que nos concitoyennes et concitoyens sont effectivement capables de faire la part des choses entre le nombre de spots électoraux et la qualité du produit qui leur est présenté. Partant de l'idée que cela continuera - il y aura toujours la possibilité, le cas échéant, de procéder à des ajustements -, nous n'avons pas à nous inquiéter d'une potentielle dérive aujourd'hui, alors évitons de nous prendre pour les Etats-Unis d'Amérique et de fixer des règles qui, malheureusement, dépassent largement les possibilités de contrôle qui sont les nôtres. Je vous remercie.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant nous prononcer sur l'entrée en matière.

Une voix. Vote nominal !

La présidente. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.

Mis aux voix, le projet de loi 12310 est rejeté en premier débat par 59 non contre 30 oui (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous remercie toutes et tous pour le travail accompli durant cette session. Nos débats ont été respectueux et efficaces, et une grande partie des groupes ont retiré des objets en vue de nos séances. Si j'ai un souhait, c'est que nous continuions l'année comme ça; nous réussirons ainsi à diminuer la taille de l'ordre du jour ! En attendant, je vous souhaite une bonne fin de semaine et une excellente soirée.

Des voix. Bravo !

La séance est levée à 19h45.