Séance du
jeudi 11 mai 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
1re
session -
2e
séance
RD 1520
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, quatre magistrats terminent leur mandat à la fin de cette législature: M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat et actuel président du gouvernement, ainsi que Mme Anne Emery-Torracinta, M. Serge Dal Busco et Mme Fabienne Fischer, conseillers d'Etat. En ce jour, notre parlement prend congé d'eux.
Hommage à M. Mauro Poggia, actuel président du Conseil d'Etat
Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous avez indéniablement marqué notre canton de votre empreinte au cours de vos deux mandats à l'exécutif tant vos responsabilités auront été étendues et variées, avec comme fil rouge le domaine de la santé; il aura fait partie de tous les dicastères que vous avez dirigés, agrémenté, au gré des circonstances, de l'emploi, de la sécurité et de la population.
Avant d'accéder au Conseil d'Etat en 2013, vous avez d'abord siégé dans ce parlement en 2009, puis au Conseil national à partir de 2011.
Votre force de travail au-dessus de la norme pourrait vous valoir le titre d'«hyper-ministre», car vous êtes parvenu à jongler avec les nombreux dossiers que vous avez suivis; je pense notamment à votre bataille inlassable pour la maîtrise des primes d'assurance-maladie, à votre souci de confier à l'Etat un rôle de garant contre l'ubérisation de la société, à votre action pour réformer la police ou encore à votre force tranquille pour traverser, aussi sereinement que possible, mais aussi vaillamment que nécessaire, la crise du covid.
Vous avez été à l'aise comme un poisson dans l'eau dans votre fonction, n'hésitant pas à porter le fer au Grand Conseil avec un don certain pour enflammer cette salle - au grand dam parfois de la présidence ! -, mais aussi en venant régulièrement en commission présenter vos projets et entendre les préoccupations des commissaires.
Nous relèverons enfin votre statut de conseiller d'Etat de proximité, notamment votre attention à suivre personnellement les nombreuses sollicitations que vous adressent les citoyennes et citoyens.
Nous vous remercions pour votre engagement au service de la collectivité, même s'il ne s'arrêtera pas le 31 mai, puisque vous trouverez une nouvelle place dans cet hémicycle au sein des élus de votre groupe.
Hommage à Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat
Madame la conseillère d'Etat, après avoir siégé huit ans comme députée entre 2005 et 2013, vous avez pris le pari de présider le département de l'instruction publique, complété de la formation et de la jeunesse; une fonction qui aura duré dix ans. Les défis que vous avez relevés étaient nombreux, à commencer par la mise en place de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans prévue par la nouvelle constitution. Vos efforts pour lutter contre le décrochage scolaire ont été couronnés de succès.
Votre expérience d'enseignante vous a conduite à privilégier la qualité de l'enseignement, avec pour conséquence l'amélioration constante des résultats des élèves de notre canton dans les études et comparaisons intercantonales. Je soulignerai également votre investissement sans compter pour l'inclusion des enfants atteints d'un handicap dans les classes ordinaires.
Diriger le DIP n'a jamais constitué une promenade de santé, et on ne pourra nier votre pugnacité pour faire avancer les projets que vous estimiez nécessaires à l'évolution de l'école publique genevoise. Vous avez aussi eu le courage d'affronter un parlement qui vous a mené la vie dure; cela est certainement dû au fait que l'éducation de la jeunesse est le premier des enjeux pour la formation des citoyens de demain.
Nous ne doutons pas que vous achevez vos deux mandats avec le sentiment d'avoir mené la politique que vous visiez au plus près de votre conscience.
Hommage à M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat
Monsieur le conseiller d'Etat, après une expérience formatrice au sein de votre commune de Bernex, d'abord au Conseil municipal, puis au Conseil administratif, occupant le fauteuil de maire à six reprises, vous avez été élu en 2009 au Grand Conseil.
En 2013, vous avez intégré le Conseil d'Etat et géré le département des finances, à une époque où les budgets n'étaient pas une sinécure et où la réforme de la fiscalité des entreprises était vivement débattue. En 2018, vous avez repris le département des infrastructures; vous appuyant sur vos compétences d'ingénieur, vous avez pris des paris courageux, mais suscitant la controverse au sein de ce plénum.
Vous ne vous êtes pas démonté ni découragé et avez sans cesse maintenu le cap que vous jugiez indispensable pour faire prendre à ce canton un virage vers une mobilité plus durable, par exemple à l'occasion de la pandémie. Certains vous ont reproché cette méthode volontariste, à la hussarde, qui tranchait avec la tradition bien helvétique de la politique des petits pas. Face à la contestation, vous n'avez pas dévié, vous avez expliqué, réexpliqué et expliqué encore votre conviction profonde.
Vous n'avez pas ménagé vos efforts non plus pour renouer le contact avec la Berne fédérale et aller y chercher les financements nécessaires à la poursuite de la construction de notre agglomération transfrontalière.
Même si cela peut sembler plus anecdotique, votre présence au Conseil d'Etat aura marqué durablement les travaux de ce parlement en offrant à celui-ci un nouvel écrin. Alors que le gouvernement n'y était pas favorable de prime abord, vous avez assumé le choix des députés et mobilisé vos forces ainsi que celles des collaboratrices et collaborateurs de votre département afin de mener à bien la rénovation de la salle du Grand Conseil. Soyez-en ici remercié.
Hommage à Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat
Madame la conseillère d'Etat, élue en 2021 à la faveur d'une élection partielle, vous avez pris à bras-le-corps la question épineuse et hautement explosive des taxis et des VTC à Genève.
Par ailleurs, vous ne vous êtes pas détournée de vos valeurs et de votre programme pour insuffler plus de durabilité dans notre tissu économique. Vous avez toujours eu à coeur de défendre personnellement vos dossiers devant cette assemblée, et la plupart d'entre eux ont été adoptés.
N'ayant eu que peu de temps au gouvernement, vous avez dû affronter une échéance électorale où la concurrence était particulièrement relevée; au final, le résultat s'est joué à peu de chose.
Nous vous remercions pour votre investissement en faveur de la chose publique et ne doutons pas que vous poursuivrez votre engagement militant pour les causes qui vous sont chères.
A présent, je laisse la parole aux groupes qui souhaitent la prendre. (Un instant s'écoule.) Monsieur Sébastien Desfayes, c'est à vous.
M. Sébastien Desfayes (LC). Merci, Madame la présidente. Personne ne prenant la parole pour les hommages, je vais m'atteler à cet exercice. Mais une chose avant: il a été dit qu'il n'y aurait pas de cadeaux pendant cette législature; tel n'est pas l'avis du groupe du Centre qui, comme chacun le sait, a des origines démocrates-chrétiennes et qui, partant, a gardé le sens de la générosité. Je rassure tout le monde ici: il s'agit de présents fort modestes, de petites peluches qui viennent d'un parc animalier bien connu à Genève et que Christina Meissner va offrir à chacun des conseillers d'Etat.
Pour Mme Fontanet: l'ara hyacinthe; pour M. Antonio Hodgers, qui a toujours été le ministre favori de Mme Meissner, deux animaux: le hérisson et le pic-vert; pour Mme Anne Emery-Torracinta: le lémur catta - pourquoi «catta», je ne sais pas, mais voilà; pour M. Thierry Apothéloz: le pygargue à tête blanche; pour Mme Fabienne Fischer: le suricate; pour M. Mauro Poggia, pas de hasard: le boa de Madagascar... (Rires.) ...et pour M. Serge Dal Busco: l'écureuil roux.
Je tiens maintenant à rendre hommage aux quatre magistrats sortants. Les plus jeunes ne comprendront sans doute pas ce que je vais dire, mais quand on s'appelle «Defaye», on ne peut que parler de cinéma. Voilà pourquoi je vais évoquer le parcours politique des conseillers d'Etat sortants au travers de quatre films cultes.
Je commencerai par Mme Fabienne Fischer, qui reprend le rôle de James Stewart dans «Monsieur Smith» - en l'occurrence Madame Smith - «au Sénat». En voici l'histoire: une nouvelle politicienne, brillante et idéaliste, est désignée candidate par son parti pour remplacer un élu rompu à toutes les expériences politiques. Guidée tout au long de son mandat par ses convictions, elle se bat pour son canton alors que l'homme qu'elle a remplacé projette de revenir dans l'arène au même moment, objectif s'annonçant plus que faisable pour de nombreux pronostiqueurs. La politicienne idéaliste doit éviter les non-dits, les trahisons de son propre camp et les compromissions des hommes et des femmes politiques. Elle refuse de devenir seulement remplaçante et défend jusqu'au bout son poste, ses idées et son bilan, quel qu'en soit le prix à payer.
Le groupe Le Centre remercie Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer; nous garderons d'elle sa sincérité, son intelligence et sa volonté de changement au service de notre république.
Pour Mme Anne Emery-Torracinta, cela ne surprendra personne, un film consacré à l'école: elle tient le rôle de Gérard Depardieu dans «Le plus beau métier du monde». Une professeure d'histoire est arrachée à la tranquillité de sa commune et de son activité professionnelle pour se retrouver à la tour Baudet. Il s'agit d'un établissement qualifié pudiquement de particulièrement sensible. On l'affecte alors au département réputé parmi les plus difficiles à manoeuvrer et à satisfaire au sein d'un gouvernement traversé par les secousses, les crises et les manifestations. La professeure d'histoire va devoir affronter une politique publique et un personnel très différents de ce qu'elle pensait connaître; elle doit aussi faire face aux doléances des parents et de leurs avocats, aux insatisfactions des syndicats d'enseignants et aux récriminations des députés qui, tous, entendent lui imposer leur loi. Décidément, il s'agit bien du plus beau métier du monde !
Le groupe Le Centre remercie Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, lui reconnaissant une remarquable maîtrise des dossiers ainsi qu'une fermeté non flegmatique digne d'une première ministre britannique ! (Rires.)
En ce qui concerne Mauro Poggia, il y a d'abord une ressemblance physique frappante avec Lino Ventura... (Rires.) ...donc nous pensons bien entendu aux «Tontons flingueurs». (Rires.) A la demande de l'un de ses amis, un propriétaire de salon de jeux surnommé «le Napolitain», un avocat au caractère fort et ombrageux se retrouve contraint de quitter son étude. Il est chargé de prendre la tutelle d'une pupille appelée «la grande maison» qui n'est autre que la fille cachée du Napolitain, lequel est parti vers des cieux plus cléments, fiscalement parlant. L'avocat découvre un environnement semé d'embûches et va de surprise en surprise. Contrairement aux attentes du Napolitain, le héros a de la peine à maîtriser sa pupille, qui, bien qu'attachante, se révèle rebelle et farouche. La pupille a également de nombreux courtisans de tout bord qui rêvent de la conquérir et se comptent bien au-delà de la seule bande du Napolitain. Pour tenter, croit-il, de protéger sa pupille, l'avocat va choisir l'épreuve de force, seul contre tous, dans un style percutant et tout personnel. Un second volet est prévu: il s'intitule «Touchez pas au grisbi», mais l'avocat sera remplacé par une avocate.
Le groupe Le Centre remercie M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia, relevant son énergie et sa force de persuasion, qui justifient pleinement la confiance qu'avaient placée en lui non seulement le Napolitain, mais aussi des dizaines de milliers de Genevois.
Enfin, pour Serge Dal Busco, quel autre rôle que Marlon Brando dans «Apocalypse Now» ? (Rires.) Pendant la guerre des transports, les organisations politiques opposées à l'application de la LMCE confient à leurs députés la mission de débusquer et d'abattre politiquement le maître d'oeuvre de cette nouvelle mobilité dont les méthodes sont jugées inquiétantes, voire, pire encore, constitutives de hautes trahisons. Ce prétendu traître est le colonel Kurtz, aussi surnommé «le beau Serge», un chef de guerre réputé aimer l'odeur du napalm, mais qui apprécie également celle de la bande cyclable au petit matin, surtout lorsqu'elle a été fraîchement peinte la nuit. Au cours de cette mission, aucune réconciliation entre les deux camps ne semble d'abord possible. Pour les uns, le maître de ce nouveau paradigme est un gourou à la tête de cyclistes hallucinés et hallucinants; pour les autres, il est un défenseur de la mobilité douce face aux forces des ténèbres automobiles. Pourtant, en étudiant le dossier de Kurtz, un homme au parcours et au caractère exemplaires, les commandos deviennent fascinés par ce dirigeant avec lequel ils finissent par faire la paix.
Le groupe Le Centre remercie M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco, saluant sa détermination, son engagement et sa bienveillance au service sincère de notre canton et de sa population. Merci, Sergio ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Patrick Dimier (MCG). Mon discours sera clairement moins construit. Je tiens à saluer le gouvernement pour une raison très simple: les institutions ne fonctionnent et ne peuvent fonctionner que si votre collège, Mesdames et Messieurs, trouve les moyens et les accords nécessaires pour que la république soit correctement dirigée. Nous avons tous des divergences les uns avec les autres, quel que soit le parti auquel nous appartenons; il n'en demeure pas moins qu'au moment de nous séparer de certains d'entre vous, il convient de vous remercier. Les uns comme les autres, vous n'avez eu qu'une seule préoccupation: servir notre république. Et pour cela, l'ensemble des Genevois vous remercient.
Il y a des désaccords, mais c'est ça, la démocratie. Et ce qui fait la beauté de la démocratie, c'est qu'on arrive à se dire les choses sans nécessairement se faire la guerre, qu'on arrive à discuter et à trouver des voies de concorde. D'aucuns, qui connaissent mal notre système, parlent de la Suisse comme d'un pays de compromis; c'est une immense erreur. Une immense erreur ! La Suisse n'est pas un pays de compromis, mais un pays de consensus. Dans le compromis, on abandonne; dans le consensus, on construit ensemble. Voilà la force de notre système.
A l'heure de prendre congé de certains d'entre vous, il me semble juste de vous remercier, et j'aurai une attention toute particulière pour notre ministre, M. Poggia, que je connais depuis une cinquantaine d'années. Ce fut un confrère, un confrère pugnace. Pugnace ! Ce fut un avocat déterminé à faire sortir la vérité des gens qu'il défendait. Mais en tant que conseiller d'Etat, il a su se placer au-dessus du débat; comme vous toutes et tous, bien sûr, mais spécifiquement dans une période très difficile où on parlait de vide, lui a su faire le plein. Merci, Mauro; merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Madame la conseillère d'Etat, chère Fabienne, j'ai aujourd'hui l'honneur de te rendre hommage, et je le fais avec fierté, mais aussi avec tristesse, puisque le résultat des élections, qui se sont jouées dans un mouchoir de poche, ne te permet pas de poursuivre ce que tu as commencé.
Tu as été une pionnière à plusieurs niveaux. Tout d'abord, tu as repris en cours de législature un département fragilisé, et ceci en pleine crise sanitaire. Pour la première fois en dix ans, tu as rassemblé à nouveau l'économie et l'emploi. En 2021, grâce à ton élection, tu as fait basculer le gouvernement à gauche, ce qui est rare à Genève ! Chère Fabienne, tu es également la première femme à avoir dirigé le département de l'économie et, de surcroît, la première représentante de la gauche à ce poste, un bastion cher à la droite genevoise.
Pionnière et tenace, tu as proposé une nouvelle vision de la promotion économique genevoise en priorisant le soutien aux entreprises locales, les circuits courts et la transition vers une économie durable. Cette évolution passe par le renforcement de notre tissu économique face aux défis climatiques, un changement de paradigme qui ne se fait pas tout seul et qui provoque beaucoup de résistance.
Durant ces deux années, tu as accompli un grand travail de fond sur la régulation des économies de plateforme, et ce n'est que le début. Tu as mis en oeuvre la LTVTC tout comme l'arrêt du Tribunal fédéral sur Uber. Cette décision a permis l'indemnisation de 627 chauffeurs. Une indemnisation collective, une première en Suisse ! Pendant ton mandat, tu as orienté la politique de l'emploi vers l'insertion durable en favorisant la formation et en améliorant l'employabilité. Par ailleurs, grâce à la modification de la LIRT et à une collaboration avec les partenaires sociaux, la lutte contre le travail au noir a fait un pas de géant. Enfin, avec ta grande pugnacité, tu as mis en oeuvre et défendu le salaire minimum, soutenue par une très grande majorité de la population genevoise.
Vous l'aurez compris, chères et chers collègues, Mesdames et Messieurs les conseillères et conseillers d'Etat, nous allons regretter notre magistrate qui, en peu de temps, a réalisé un travail gigantesque, quand bien même Genève traversait une multitude de crises: sanitaire, sociale, humanitaire, climatique et enfin énergétique. Au nom du groupe des Vertes et des Verts, merci et bravo, Fabienne ! (Applaudissements. Mme Marjorie de Chastonay embrasse Mme Fabienne Fischer et lui remet un bouquet de fleurs.)
Mme Caroline Marti (S). Monsieur le président du Conseil d'Etat, le parti socialiste tient à vous féliciter pour ces deux législatures au sein de l'exécutif. Nous avons souvent été en désaccord, mais nous devons toutefois relever le courage, le sérieux et la détermination avec laquelle vous et vos services avez géré notamment la crise du covid; notre système de santé a souffert, mais il a tenu, et en cela, c'est déjà un succès.
Nous souhaitons également, à l'heure des hommages, relever votre action en faveur d'une meilleure protection sociale des VTC - combat qui a ensuite été repris par votre collègue, Mme Fabienne Fischer - et enfin vous remercier, Monsieur le conseiller d'Etat, pour votre implication, votre présence assidue en commission, votre disponibilité pour le travail parlementaire; c'est très appréciable et cela a été très apprécié.
Monsieur le conseiller d'Etat, cher Serge, les mots qui me viennent en tête pour qualifier votre action au sein du département des infrastructures sont les suivants: pragmatisme et courage. Pragmatisme, parce que vous avez su laisser de côté les postures idéologiques, qui caractérisent bien souvent les combats politiques - encore plus quand il s'agit de mobilité -, pour vous concentrer sur une approche plus rationnelle, basée sur une analyse logique de la situation. Mais pour ce faire, vous avez dû vous confronter souvent à votre propre camp politique, et vous l'avez fait avec beaucoup de courage et de détermination.
Au cours des cinq dernières années, vous vous êtes attaché à remettre la politique de la mobilité sur les bons rails: vous avez réussi à opérer le tournant nécessaire vers une mobilité d'avenir, une mobilité rationnelle, efficace et décarbonée, une mobilité qui réduit au maximum ses nuisances pour le bien et la qualité de vie des habitants de notre canton. Vous nous laissez en héritage des infrastructures de transports publics massivement développées, de meilleurs aménagements pour la mobilité douce et des rues apaisées par une réduction de la vitesse de circulation, un héritage que nous prendrons soin de défendre et de faire fructifier. Merci pour votre engagement et bon vent ! (Applaudissements.) Je n'ai pas tout à fait terminé ! (L'oratrice rit.)
Madame la conseillère d'Etat, chère Fabienne, pour répondre aux multiples défis que le changement climatique place devant nous, nous devons imaginer des solutions audacieuses, innovantes, penser autrement, changer nos manières de produire, de consommer, de nous déplacer, d'habiter, et cela, tu l'as bien compris. Et de l'audace, tu en as fait preuve, chère Fabienne, en proposant d'opérer une transition de notre tissu économique vers une économie plus locale, plus circulaire et plus durable.
Malheureusement, comme l'a dit Confucius - pardon pour le cliché de cette citation -, «lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire et l'immense majorité de celles et ceux qui ne voulaient rien faire». Et c'est là tout le paradoxe qui voit se confronter la nécessité d'une certaine radicalité des mesures à prendre pour répondre à l'urgence climatique et la puissance des forces conservatrices qui veulent précisément que rien ne change. Cela ne t'a pas empêchée, chère Fabienne, de faire bouger les lignes, et en cela, tu as planté les graines du changement que nous nous réjouissons de voir fleurir ces prochaines années.
Le PS regrette sincèrement - je serais tentée d'ajouter: amèrement - de ne pas pouvoir compter sur la force de tes convictions et sur ta vision d'avenir dans le futur Conseil d'Etat, mais nous te sommes très reconnaissants pour les impulsions que tu as su donner en faveur d'une économie durable et d'une action publique résolument tournée vers une meilleure protection des travailleuses et des travailleurs. Merci pour tout, Fabienne ! (Applaudissements.)
Madame la conseillère d'Etat, chère Anne, que de défis se dressaient devant toi lorsque tu as repris les rênes du DIP en 2013 ! Pour n'en citer que quelques-uns: la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, le renforcement nécessaire de l'école primaire dans un contexte d'augmentation démographique, mais aussi des besoins spécifiques des élèves, la question de la disponibilité des bâtiments scolaires, l'impérative réforme du cycle ainsi que - et ce projet tient particulièrement à coeur au parti socialiste autant qu'à toi - l'école inclusive. Ces défis, tu les as affrontés avec patience, abnégation et courage. Loin des effets d'annonce et des effets de manche, c'est au contraire avec une certaine discrétion, mais un sérieux et un sens du devoir exemplaires que tu as su mener tes combats. A la commission des finances, nous t'avons vue batailler pied à pied, avec force et conviction pour défendre l'instruction publique et lui assurer les moyens nécessaires afin qu'elle continue à offrir à chaque élève de bonnes conditions d'apprentissage.
Incarnant une vision de l'école ancrée dans le XXIe siècle, tu t'es employée à rompre avec des conceptions passéistes et conservatrices faisant du parcours scolaire un carcan rigide auquel les élèves doivent se conformer, pour promouvoir, à l'inverse, un système ouvert qui est attentif et qui s'adapte aux besoins spécifiques de chaque enfant. Parce qu'au final, c'est cela, intrinsèquement, le droit à l'éducation: c'est une école inclusive, qui accueille tous les élèves et leur dispense un enseignement de qualité. D'autres projets - qui peuvent paraître plus anecdotiques, mais qui sont pourtant essentiels - illustrent ta vision d'une école ouverte sur le monde et sur l'apprentissage d'autres choses que les disciplines purement scolaires, par exemple «Orchestre en classe», un dispositif qui, je le sais, compte particulièrement à tes yeux.
Toutefois, le meilleur indicateur du succès de tes actions à la tête du DIP, c'est incontestablement l'augmentation du taux de certification des jeunes à Genève qui concrétise ton engagement, un engagement que tu as pris au moment de ton élection et qui sonnait comme une promesse: un jeune, une formation, un avenir. Promesse tenue ! N'en déplaise à certains, c'est sur un renforcement des prestations à la population et en particulier aux élèves que tu quittes le DIP grâce à la mise en place entre autres des équipes pluridisciplinaires dans les établissements primaires, au développement des assistantes et assistants éducatifs en milieu ouvert et à la mise en oeuvre de FO18. Merci, Anne, pour ces dix ans passés à servir notre canton de même que l'école genevoise ! (Applaudissements. Mme Caroline Marti embrasse Mme Anne Emery-Torracinta et lui remet un bouquet de fleurs.)
La présidente. Je vous remercie. A présent, nous laissons la parole aux principaux intéressés, soit aux conseillers d'Etat sortants. Madame Fischer, c'est à vous pour commencer.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec émotion que je m'adresse à vous aujourd'hui. J'ai reçu de très, très nombreux messages de sympathie, notamment de certaines et certains d'entre vous, et je tiens à remercier celles et ceux qui m'ont soutenue avec sincérité, qui ont défendu mon programme, mes actions, mes propositions au cours des deux dernières années; ils et elles se reconnaîtront.
Je ne dresserai pas une longue liste de remerciements, mais il y a trois personnes qui ont oeuvré dans l'ombre ces deux dernières années et que je tiens à saluer spécifiquement: il s'agit de Carole Zgraggen Linser, Laure Faessler et Jean Rossiaud. Trois personnes qui, chacune à leur place et dans des rôles bien différents, ont constitué des chevilles ouvrières pour ma vie quotidienne, mes orientations, mes stratégies; trois personnes qui ont été littéralement arrachées, un certain mois d'avril 2021, qui à l'entreprise qu'elle dirigeait - je parle de Mme Zgraggen Linser -, qui au syndicat dans lequel elle officiait - Mme Laure Faessler -, qui à sa fonction de député à laquelle il a renoncé pour me céder la place - Jean Rossiaud. Que ces trois personnes qui m'ont été particulièrement proches soient ici sincèrement remerciées.
Deux ans, évidemment, c'est beaucoup trop court. C'est trop court, et je nourris des regrets que j'ai besoin d'exprimer devant vous. Ceux-ci ne sont pas d'ordre personnel; depuis le temps et avec ma soixantaine maintenant sonnée, j'ai appris que nul n'est irremplaçable, si ce n'est peut-être dans son rôle parental quand on a la chance d'avoir des enfants. Dans toutes les autres fonctions, nous sommes toujours remplaçables, et en particulier, se mettre au service de l'intérêt public et de la république nous apprend l'humilité.
Ce n'est donc pas pour moi que j'éprouve des regrets, mais de devoir arrêter toutes les actions entreprises au cours des deux dernières années pour faire avancer des causes et des objectifs qui me sont chers, qui sont chers aux Vertes, aux Verts et, même au-delà, qui ont rencontré - cela a été démontré sur le terrain - l'adhésion de personnes de tout horizon, de tout âge, de toute expérience professionnelle et de tout engagement politique. Oui, je regrette de ne pas pouvoir continuer à faire avancer l'économie genevoise vers la durabilité; oui, je regrette de ne pas pouvoir continuer à oeuvrer pour que notre économie soit au service de l'emploi, d'emplois dignes, décents, correctement rémunérés et qui préservent les Genevoises et les Genevois de la précarité.
Ce qu'il me reste à dire à présent, c'est bonne chance à Delphine Bachmann. Je dois avouer que je suis satisfaite que le département de l'économie et de l'emploi soit maintenu et que ces deux politiques publiques continuent à être menées de front de manière cohérente, parce que comme je viens de le souligner, notre économie doit servir l'emploi. Je souhaite bonne chance à Delphine Bachmann, que vous connaissez d'ores et déjà toutes et tous, parce qu'elle pourra concrétiser un certain nombre de projets que j'ai initiés; elle le fera bien sûr à sa manière, avec ses propres convictions, mais je suis convaincue qu'au-delà des débats idéologiques, les valeurs que j'ai portées et les projets que j'ai développés sont de bon sens: de bon sens pour la cohésion sociale, de bon sens pour la prospérité des Genevoises, des Genevois et de notre canton tout entier. Je suis persuadée aussi qu'elle saura adopter une méthode fondée sur ce principe si délicat et pourtant indispensable qu'est le partenariat social, sans lequel on ne peut rien faire avancer.
Alors oui, s'agissant des chantiers ouverts autour de l'économie de plateforme, d'Uber, du travail au noir, de la politique des sanctions - qui, bien souvent, sont également des enjeux fédéraux - ou encore du salaire minimum, de la promotion économique recentrée sur Genève plutôt que sur Abou Dhabi ou Shanghaï, de la formation pour les chômeurs, de l'employabilité pour que notre société soit capable de faire face aux défis qui nous attendent, j'espère qu'à sa façon, avec sa patte, Mme Bachmann - et avec elle tout le Conseil d'Etat nouvellement élu - continuera à travailler dans ce sens, parce que ce sont des projets nécessaires pour Genève. Je vous souhaite à toutes et à tous, Mesdames et Messieurs les députés, une législature fructueuse. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames les députées, Messieurs les députés, mes chères et chers collègues, Mesdames et Messieurs, tout d'abord, merci beaucoup à vous, Madame la présidente, et à celles et ceux qui se sont exprimés. J'ai perçu beaucoup de reconnaissance et de respect dans vos propos, beaucoup d'humour également; je vous en remercie très sincèrement.
Ces presque dix années passées au gouvernement de notre république ont été pour moi un privilège et un honneur. C'est ce sentiment-là qui m'habite toujours quand, chaque mercredi matin, j'entre dans la salle du Conseil d'Etat pour sa séance hebdomadaire, et c'est ce que je ressens aussi ce soir en vous adressant ces quelques mots à vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui êtes les représentants du peuple de Genève, celles et ceux à qui il a confié ses destinées.
Devant vous, je dis ma reconnaissance et ma fierté d'avoir servi un canton qui, s'il se démarque parfois - trop souvent, même - des autres Confédérés, sait également accomplir de grandes et belles choses, comme intégrer celles et ceux qui, même venus d'ailleurs, peuvent être appelés à y occuper les fonctions les plus hautes. Ce Conseil d'Etat, me semble-t-il, en est la démonstration.
Je dis ma reconnaissance d'avoir pu exercer ce mandat au cours de deux législatures à la fois passionnantes et très différentes. A qui pourrait encore nourrir des doutes à ce sujet, je répondrai que j'ai toujours agi en appliquant les mêmes principes, en suivant les mêmes convictions profondes et en veillant à la même cohérence tant au département des finances qu'à celui des infrastructures.
Ce fut le cas par exemple durant les cinq premières années, au moment d'engager, Mme la présidente l'a rappelé, une réforme de la fiscalité des entreprises véritablement ciselée pour Genève. J'y ai consacré beaucoup d'énergie, et cela en a valu la peine, ainsi que cela est démontré aujourd'hui de manière éclatante. Ce fut la même chose, je vous prie de le croire, durant les cinq années suivantes où je me suis notamment employé à mener une autre réforme, peut-être plus difficile encore, puisqu'elle touche directement nos habitudes quotidiennes, parfois si difficiles à changer. Dans l'un et l'autre de ces domaines qui m'ont beaucoup occupé, la fiscalité comme la mobilité, les enjeux sont exactement les mêmes: c'est de la prospérité de Genève qu'il s'agit et des conditions indispensables pour qu'elle soit durable. Et ce, dans tous les sens du terme.
Dans les deux cas, l'évolution était absolument nécessaire; il a fallu bousculer des certitudes et aller au-delà des postures, car ce sont elles, ces certitudes et ces postures, j'en suis convaincu, qui nous empêchent d'évoluer. L'avenir nous dira si c'était la bonne méthode. J'ai cru comprendre que pour d'aucuns, dans certains dossiers à tout le moins, c'est surtout la forme qui était critiquable, pas forcément le fond. Nous verrons bien.
Notre rôle, à l'exécutif, est de faire avancer les choses et de toujours choisir l'action lorsque c'est nécessaire. Pour ma part, j'y ai mis toute mon énergie et tout mon coeur. Merci au Grand Conseil de m'avoir soutenu dans cette entreprise, souvent sur la base de majorités différentes, il faut le reconnaître, auxquelles toutefois un groupe parlementaire que je connais bien a toujours participé. Au cours des derniers mois, votre parlement a voté à l'unanimité ou à de très larges majorités de nombreux et importants crédits d'investissement qui vont concrètement faire progresser notre canton vers la transition. Voilà ce qui compte en définitive.
Je voudrais conclure ce propos en insistant sur l'énorme, la gigantesque importance que revêt notre implication dans les instances intercantonales et auprès de la Berne fédérale. C'est là que se jouent de nombreux enjeux du futur - on l'a vu cette semaine encore avec l'annonce concernant la desserte ferroviaire -, en particulier pour remettre à niveau et développer nos infrastructures - surtout pour développer nos infrastructures. Nous devons continuer à être très présents dans ces entités intercantonales et fédérales.
J'ai le privilège de représenter Genève au sein du comité de la CdC, la Conférence des gouvernements cantonaux, qui siège demain à Berne. J'y serai et ne pourrai donc pas être parmi vous; je m'en excuse par avance et vous souhaite à toutes et à tous, Mesdames et Messieurs les députés, comme au nouveau Conseil d'Etat qui prendra tout prochainement ses fonctions, une belle et fructueuse législature. Vive la République et canton de Genève, et vive notre pays, la Suisse ! (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues du Conseil d'Etat, j'aimerais d'abord vous remercier pour vos mots chaleureux et vous dire que c'est forcément avec un peu d'émotion que je prends congé aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que pour moi, c'est un double départ: c'est d'une part la fin de dix-huit ans de politique active - j'ai fait deux législatures, donc huit ans au Grand Conseil, puis dix ans au Conseil d'Etat -, mais aussi de quarante-cinq ans au service de la jeunesse de ce canton, comme enseignante d'histoire pendant trente-cinq ans - cela a été rappelé -, suivis de dix ans à la tête du DIP.
Malgré les difficultés - et Dieu sait s'il y en a eu, encore récemment avec la crise de l'OMP ou de Mancy -, malgré les «y a qu'à» et les «faut qu'on» - parce que tout le monde est pédagogue -, malgré les attaques parfois très dures et souvent excessives, ce fut un privilège pour moi de diriger ce département. Un privilège, car l'école publique reste à mes yeux l'une des avancées historiques majeures de notre société; un privilège, parce que l'école publique est le ferment de l'égalité des chances et qu'il n'y a pas d'émancipation sans éducation.
Certes, vous l'aurez constaté, il faut être solide et avoir le cuir particulièrement épais pour mener cette politique publique, parce que tout le monde a été à l'école, tout le monde a un avis sur l'école, et puis, on le sait bien, «c'était tellement mieux avant; maintenant, l'école, c'est n'importe quoi».
A propos du «c'était mieux avant», je ne résiste pas au plaisir de vous lire un extrait du registre de la Compagnie des pasteurs de Genève datant du début du XVIIe siècle. Les pasteurs déploraient alors le comportement des élèves, indiquant notamment: «L'école s'écroule», ou encore: «Les scandales se multiplient tous les jours dans les écoles, tels les rixes, le port d'armes, le tapage nocturne» - bon, ça, c'était hors de l'école -, «la fréquentation des tavernes, le bruit dans les temples ou les canulars.»
Sans même remonter si loin, j'ai souvent entendu pendant ces dix ans parler de l'école de Chavanne: une période bénie où tout allait bien, où les budgets étaient votés sans problème, où les radicaux et surtout les libéraux de l'époque acceptaient allégrement tout. Alors je me suis dit que j'allais revenir à 1978, l'année où j'ai commencé à enseigner, et je me suis plongée dans les archives du «Journal de Genève» qui, comme vous le savez, était d'obédience libérale. Je n'entends pas procéder à de longues lectures, mais j'ai apporté quelques articles ici et je vais vous en citer certains extraits, notamment un papier intitulé - c'était en octobre 1978: «Les enseignants malades de la presse»; et un autre de la plume de Jacques-Simon Eggly: «L'enseignant, un être mal dans sa peau».
Il y a surtout une interview de Marie-Laure François, qui était la nouvelle secrétaire générale du département, et de Dominique Föllmi, qui deviendra par la suite conseiller d'Etat, mais qui reprenait alors les services administratifs et financiers du DIP, signée Françoise Buffat et titrée ainsi: «L'école genevoise, cette mal-aimée». Je vous lis un extrait des propos de Françoise Buffat: «Le DIP donne l'impression d'être une tour d'ivoire où des spécialistes coupés du reste de la population élaborent des projets éducatifs qui sont ressentis comme tant de remises en question des parents, de ce qu'ils sont, de ce qu'ils ont aimé.» Et elle mentionnait plus loin: «Ce que les gens redoutent, c'est le nivellement par le bas.» Autres temps, autres moeurs ? Je n'en suis pas si sûre. Ce que je constate, c'est que le temps finit toujours par nous donner raison.
Nous avons accompli de nombreuses choses au sein du département pendant ces dix ans - avec votre soutien, naturellement. Certains projets ont été évoqués, je ne vais pas épiloguer, mais puisque nous sommes dans un parlement, souvenons-nous que les deux lois-cadres qui définissent cette politique publique, soit la loi sur l'instruction publique et la loi sur l'enfance et la jeunesse, ont été adoptées durant cette période. La loi sur l'enfance et la jeunesse constituait même une première, puisque Genève, contrairement à d'autres cantons, ne possédait pas de texte de ce type.
Nous avons concrétisé d'importants chantiers. Je pense bien sûr à la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, mais également au rajout du mercredi matin à l'école primaire, à l'éducation au numérique ou à la réforme de la protection des mineurs. Par ailleurs, cela a été rappelé et j'en suis extrêmement fière, l'augmentation du taux de certification a amené Genève à ne plus être le cancre de la Suisse: notre taux de certification nous rapproche désormais de la moyenne helvétique, nous plaçant en deuxième place des cantons romands.
Toutefois, ce que j'aimerais souligner, parce qu'on a souvent la mémoire courte, c'est notre action lors de la pandémie. Il est clair, cela a été signalé au sujet de mon collègue Mauro Poggia, que le département de la santé était en première ligne, mais le DIP également. Pas en soi parce que les écoles étaient fermées, mais parce qu'il a fallu maintenir le système: il a fallu faire en sorte que les apprentis au sein d'entreprises qui ne tournaient plus pendant quelque temps puissent poursuivre leur formation; il a fallu assurer la promotion des élèves d'un degré à l'autre alors que les établissements étaient fermés; il a fallu garantir la certification des élèves des classes terminales. Tout cela a été rendu possible grâce à un engagement sans faille, à tous les échelons. En plus, c'était une année où nous n'avions pas de postes au budget, donc la rentrée scolaire s'était avérée particulièrement compliquée.
Justement, la question budgétaire a constitué l'une de mes principales difficultés, et cela ne vous étonnera pas que je le rappelle ici, non seulement parce qu'il a fallu parfois, cela a été indiqué par Mme Marti, défendre pied à pied des moyens pour de nouveaux projets, mais aussi simplement pour compenser la hausse du nombre d'élèves. Sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que quand j'explique cela à mes collègues de Suisse romande, ils s'en étonnent, partant du principe qu'il s'agit d'un automatisme: quand il y a davantage d'élèves, il doit y avoir plus de postes.
Cela m'amène à formuler un constat de même qu'un voeu. Ce parlement a une façon quelque peu française, si j'ose dire, de faire de la politique. Tout à l'heure, le député Dimier a parlé de compromis ou de consensus; la Suisse fonctionne par le consensus, au pire par le compromis, par le respect des minorités, et c'est quelque chose que nous faisons très bien au Conseil d'Etat, mais dans ce Grand Conseil, parfois et même souvent, on est dans une logique de majorités et d'oppositions, on avance à coups de rapports de force. Dès lors, si j'ai un souhait à exprimer, c'est que votre plénum sache se montrer un petit peu plus helvétique durant cette législature et que vous trouviez des solutions pour amener notre république à développer de beaux projets.
Après dix ans à la tête du DIP, je mesure à la fois le chemin parcouru et tout ce que j'aurais aimé accomplir encore, mais en réalité, on ne finit jamais, car le monde change et il faut savoir passer la main. Vous ne m'en voudrez pas, en tant que socialiste, de conclure ces propos en citant Jaurès qui, en 1903, avait livré un magnifique plaidoyer devant des lycéens, le «Discours à la jeunesse»: «Les hommes qui ont confiance en l'homme [...] sont résignés d'avance à ne voir qu'une réalisation incomplète de leur vaste idéal, qui lui-même sera dépassé; [...] L'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l'invincible espoir.»
Au terme de cette intervention, j'aimerais vous remercier une nouvelle fois: remercier le Grand Conseil, remercier toute l'équipe du secrétariat général pour son soutien, remercier mes collègues du Conseil d'Etat, parce que nous avons très bien travaillé toutes et tous ensemble. Je souhaite le meilleur à Anne Hiltpold; une Anne qui succède à une autre Anne, cela ne saurait être trop mauvais, j'imagine ! Je remercie enfin toutes mes équipes et l'entier des collaboratrices et collaborateurs du DIP qui, chaque jour, s'investissent sans compter pour l'avenir de nos enfants. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, chères et chers collègues avec qui j'ai eu le privilège de siéger, Mesdames et Messieurs les députés, chers futurs collègues, très touché par vos bonnes paroles, je ne peux que vous en remercier.
Fait peu banal et en cela remarquable, par un véritable virage à 180 degrés, je quitterai prochainement ce siège-ci pour rejoindre les bancs d'en face. Non seulement, en raison d'une manifeste erreur architecturale, je serai placé plus haut que je ne me trouve en cet instant, mais c'est davantage à une réorientation de mon esprit critique que je devrai me soumettre: alors qu'aujourd'hui, je suis convaincu de faire face à un parlement qui n'y comprend pas grand-chose, dès le mois prochain, je serai confronté à un gouvernement à qui l'on doit tout expliquer ! (Rires.) Permettez que j'exprime le conflit intérieur qui m'anime dans une forme certes désuète, mais qui m'apporte la distance propice à l'expression sereine de mes sentiments.
A l'heure de vous dire ce que j'ai sur le coeur,
Je me sens maintenant n'en avoir plus l'humeur.
Pourtant, depuis des jours, je ciselais ma prose,
Gardant les épines et oubliant les roses,
Pour vous dire comme il est dur d'être conseiller d'Etat
Quand nombre d'entre vous voudraient qu'on ne soit pas là.
A n'en point douter, vous gardez de Montesquieu
L'idée qu'on serait mieux si l'on n'était pas deux.
A votre tour, souffrez d'entendre la pareille:
En silence, nous rêvons d'Etat sans Grand Conseil.
Comment ne pas céder à une sombre folie
Quand de la lumière on quitte la galaxie ?
A moins qu'au contraire, on laisse l'obscurité
Pour entrer dans un monde qui n'est que clarté.
Dès la prochaine session, sans aucune transition,
De là-haut, audacieux, je donnerai des onctions
Avec Sandro Pistis, dont le costume jamais ne plisse,
Roger Golay, qui a quitté son beau Valais,
André Pfeffer, qui sait mieux que tous comment faire,
Mais aussi Thévoz et notre «Cé qu'è lainô»
Et puis Yvan Zweifel, plutôt caviar que falafel.
De vos singularités je cesse de parler
Pour ne point me perdre dans la perplexité.
Mais ce n'est guère sans un pincement au coeur
Que je laisse derrière moi dix ans de bonheur.
Car si parfois, taquins, vous m'avez houspillé,
Je ne retiens de vous que des gestes d'amitié.
Puissions-nous faire ensemble de cette législature
Le terreau fertile pour que notre Genève dure !
Vive notre République et canton de Genève, vive la Suisse ! Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Ainsi s'achève la cérémonie d'hommage aux conseillers d'Etat sortants.