Séance du
vendredi 24 mars 2023 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
11e
session -
69e
séance
PL 12290-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons à notre prochaine urgence, les PL 12290-A et 12291-A, que nous traiterons conjointement. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ces deux projets de lois ont pour objet la PPE en droit de superficie et la PPE en pleine propriété dans le périmètre du PAV. Le PL 12290 est plus spécifiquement consacré au régime de la propriété par étage en droit de superficie dans le PAV, sur toutes les parcelles en zone de développement propriétés de l'Etat, d'une commune ou d'une fondation de droit public. Le PL 12291 est consacré à la vraie PPE, la PPE classique, c'est-à-dire la PPE en pleine propriété, dans le PAV. Ce projet de loi vise à ce que les logements construits sur les parcelles du PAV appartenant initialement à l'Etat, à une commune ou à une fondation de droit public et en zone de développement comprennent une part minimale de 24% de PPE en pleine propriété contre, malheureusement, 0% aujourd'hui.
Je débute par le PL 12290. Je vais entrer dans les détails, mais pas trop, simplement vous rappeler un article paru dans la «Tribune de Genève» du 12 août 2018, qui, en lien avec les droits de superficie de Genthod, titrait: «Ils sont poussés à devenir locataires de leur propriété. Cruelle surprise pour six ménages: la commune ne veut plus leur louer le sol où se dressent leurs maisons, qu'elle compte racheter.» Un propriétaire - en droit de superficie - disait: «On nous dit que nous pourrons rester, mais tout ce que nous avons par écrit, c'est une lettre nous intimant de partir.» L'insécurité juridique entourant les PPE en droit de superficie dans le PAV est tout aussi criante. Alors que, lors de la campagne du PAV en 2018, le Conseil d'Etat soutenait que les superficiaires en PPE seraient traités comme des propriétaires et que le droit de superficie est de la quasi-propriété, le flou est aujourd'hui savamment et volontairement entretenu au détriment des superficiaires. La loi 10788, même amendée par la loi 12052, est muette sur la durée du droit de superficie, sur le montant de la rente, sur celle du retour du bien immobilier et sur l'application ou non de la loi Longchamp. Il appartenait ainsi aux députés de tenir compte des dangers réels et concrets du droit de superficie lorsque son régime légal ne reprend pas les spécificités minimales requises pour la PPE et de clarifier les conditions applicables.
C'est ainsi que le projet de loi 12290 prévoit en substance ce qui suit: la reprise du mécanisme de la loi Longchamp au droit de superficie dans le PAV, ce pour éviter la spéculation; la durée du droit de superficie, fixée à nonante-neuf ans, renouvelable; la rente de superficie à 10 francs par mètre carré - SPB, je précise bien et je souligne, pour Nicolas Clémence...
Une voix. C'est important de souligner ! (Rire. Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes. ...ce qui ne péjore pas de manière trop substantielle la charge d'usage; enfin, la détermination de la valeur de retour de l'immeuble à l'expiration du droit de superficie, cette valeur correspondant à la valeur vénale du logement en pleine propriété. Je souligne et précise que cette valeur de retour ne prend pas en considération la valeur du terrain. Voilà pour le PL 12290.
S'agissant du PL 12291, comme vous le savez tous, le PAV est le plus grand périmètre du canton en superficie et en potentiel à bâtir. C'est aussi le dernier grand périmètre du canton de Genève. Son développement doit répondre à de nombreux enjeux, dont la mixité, la qualité des logements et des espaces publics, ainsi que la pénurie de logements pour la classe moyenne, la grande oubliée du développement urbanistique de ces dix dernières années. C'est à ces enjeux que répond le PL 12291.
Pour ce qui est de la mixité, il faut d'abord assurer la mixité sociale dans le PAV; cela a été reconnu et relevé par le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, qui disait qu'il est important d'empêcher la construction de ghettos sociaux, que ceux-ci soient d'ailleurs réservés aux plus pauvres ou aux plus riches des habitants du canton, et que c'est la mixité sociale qui structure la paix sociale, la diversité en milieu scolaire, la capacité à se mélanger, etc. Alors qu'il s'agit du projet d'aménagement et de logement le plus ambitieux de l'histoire de Genève et qu'il impactera le canton sur un plan démographique et social, le PAV fait fi de la mixité sociale. Ce sont 62% de logements sociaux qui y sont prévus, sans garantie en ce qui concerne le pourcentage de logements locatifs destinés à la classe moyenne et sans aucun logement en PPE en pleine propriété à prix contrôlés.
Il faut ensuite assurer une qualité dans la construction des logements, comme dans celle des équipements publics. Pour cela, il faut des plans financiers qui tournent. Cette qualité dans la construction impose, exige la présence de PPE en pleine propriété. Il convient enfin de répondre à l'immense demande de la population genevoise en PPE, plus précisément en vraie PPE en pleine propriété. Des milliers de familles genevoises de la classe moyenne ont la ferme intention de devenir propriétaires, étant rappelé qu'à terme, il est moins onéreux d'être propriétaire que titulaire d'un droit de superficie.
L'ensemble des conditions sont favorables à ce que l'accession à la propriété soit garantie à la classe moyenne, hormis la production de PPE en suffisance, qui fait défaut. Il est donc impératif d'augmenter l'offre de PPE dans le canton de Genève pour répondre à cet engouement des familles genevoises et éviter leur départ dans le canton de Vaud ou en France voisine. Il en va de l'intérêt public de répondre à ce besoin. A cela s'ajoute, bien entendu, la nécessité d'éviter des pertes fiscales substantielles avec leur départ. Ce sont entre 500 et 700 millions de francs de recettes fiscales qui sont perdus annuellement par le canton de Genève, qui ne peut se le permettre, tant la pyramide fiscale dépend d'un très petit nombre de contribuables. Il est donc essentiel que le plus grand et dernier périmètre constructible du canton comporte un nombre important de PPE en pleine propriété pour augmenter l'offre. C'est le type de logements pour lequel la pénurie est la plus forte en raison notamment de son prix attractif, avec, régulièrement, des dizaines de postulants à l'achat de chaque nouvelle PPE construite.
Le canton de Genève ne peut pas, ne doit pas, rater le développement du PAV, qui constitue le plus important projet urbanistique du XXIe siècle. Il est légitime de considérer que l'impact de ce projet dépassera la simple question de l'aménagement du territoire. Il aura des conséquences sur les rentrées fiscales, les charges de l'Etat, la mixité sociale, etc. La majorité de la commission vous invite en conséquence à accepter les PL 12290-A et 12291-A. Merci.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, première vice-présidente
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant et rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les deux projets de lois dont nous traitons aujourd'hui, je le dis d'emblée, auraient dû être retirés par leurs auteurs. Pourquoi ? Parce qu'ils ont été déposés en mars 2018, moins d'un mois après le vote du Grand Conseil sur le PL 12052-A, qui avait déjà permis d'augmenter la proportion de logements et de renforcer la mixité sociale dans les futurs quartiers du PAV, par l'introduction notamment d'une part minimale de 12% de logements en PPE sur les terrains en mains publiques. C'était le fruit d'un compromis entre les acteurs du PAV, soutenu par le Grand Conseil, les Conseils municipaux de la Ville de Genève, de Lancy, de Carouge, l'ASLOCA, mais aussi des associations de propriétaires comme Pic-Vert. Cette loi a été soumise au peuple par référendum extraordinaire et acceptée par une large majorité de 61% des Genevoises et des Genevois le 10 juin 2018, soit après le dépôt de ces projets de lois. Ils viennent donc remettre en cause, moins de cinq ans après une votation populaire, l'accord trouvé entre les acteurs du PAV.
Concernant la rente annuelle fixée par l'un de ces projets de lois à 10 francs par mètre carré pour les PPE en DDP dans le PAV, si on fait la comparaison avec la zone de développement 3, on voit que ce montant est fixé trois fois moins cher - trois fois moins cher ! - que le prix du marché, et cela arbitrairement. Cela a été d'ailleurs reconnu par les auteurs du projet de loi, qui ont mentionné lors de leurs auditions que ce taux était arbitraire et ne correspondait à rien. De plus, il n'est même pas indexé, on se demande donc ce que ce taux deviendra dans dix, trente, cinquante ou cent ans, à l'échéance de ces DDP, puisque la durée aussi est fixée. On s'interroge d'ailleurs un petit peu sur le libéralisme de certains, quand on voit que, contrairement à ce que permet le code civil suisse dans les accords de droit privé - qui prévoit que les durées des DDP ou les montants des rentes doivent être négociés entre les parties -, là, cela est fixé par la loi, ce qui est assez étonnant.
Ensuite, ces deux lois ont des conséquences financières pour l'Etat de Genève, puisqu'il est propriétaire des terrains. C'est inscrit au patrimoine financier de l'Etat, comme immeubles de placement. Dès lors, toute diminution du rendement public implique une réévaluation à la baisse des valeurs et donc des pertes comptables. Le département a distingué deux conséquences financières directes: des pertes sur l'ensemble des parcelles propriétés de l'Etat dans le PAV, à savoir une moins-value comptable de l'ordre de 20 millions de francs, qui interviendrait immédiatement suite à l'adoption du PL 12290, ainsi qu'un manque à gagner dans le cadre de la valorisation future des terrains concernés, puisque les rentes pourraient diminuer de 4,6 millions par année, c'est-à-dire un rendement inférieur de 19% et donc une érosion sensible des rentes sur les terrains propriétés de l'Etat.
S'agissant du PL 12291, celui-ci exige que les logements dans le périmètre du PAV sur des parcelles propriétés de l'Etat, d'une commune ou d'une fondation de droit public et en zone de développement, soient en pleine propriété pour une part minimale de 24%. Les auditions ont pu démontrer que le nouvel article 4A posait un problème fondamental, puisque en exigeant cette part de 24% uniquement en pleine propriété, le projet de loi revient à aliéner le foncier public, violant ainsi l'article 98 de la constitution, qui normalement exige que chaque aliénation fasse l'objet d'un projet de loi ad hoc, pour chaque parcelle. Par conséquent, cela aussi viole l'accord validé par le peuple en 2018.
Enfin, la Fondation PAV a également été auditionnée. Elle nous a expliqué ses buts, qui étaient d'acheter des droits de superficie d'entreprises industrielles se trouvant actuellement sur les terrains du PAV et de les revendre aux particuliers qui décident de s'installer sur ces terrains, dans le but de pouvoir ensuite rendre les terrains à l'Etat dans quarante ans, sans que celui-ci ait bien sûr perdu d'argent, l'opération devant être blanche. Evidemment, si on change les conditions et qu'on fixe le prix à un tiers du prix de rente du marché, le business plan de la fondation PAV ne fonctionne plus. Celle-ci a confirmé, lors de son audition, que cela mettrait en danger son business plan, à la fois par la rente (pour la perte des recettes), mais aussi par le fait de devoir verser une indemnité à la valeur vénale à l'échéance des DDP, puisque normalement, il aurait fallu fixer en tout cas - c'était précisé par le rapport, mais ce n'est pas dans le projet de loi - que la valeur des terrains n'était pas incluse dans ces retours à la valeur vénale à l'échéance. Enfin, si la fondation devait vendre 24% des terrains dont l'Etat est propriétaire à des investisseurs pour réaliser de la PPE, il y aurait un conflit avec les missions qui lui sont confiées: vendre le quart des terrains du PAV et à la fois construire du logement social est irréalisable.
Le plus grave, c'est que ces projets de lois ne sont pas conformes au droit. Pourquoi ? Parce que, vous l'avez peut-être lu en introduction, ces deux projets de lois sont des modifications de limites de zones. Or les modifications de limites de zones visant à changer l'affectation du sol répondent à des critères très précis; cela correspond notamment à l'article 15 de la LaLAT (la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire), qui demande normalement de passer par une motion du Grand Conseil - outil du parlement pour initier ce type de modification de zone -, un avant-projet de loi du Conseil d'Etat qui ensuite doit passer par une enquête publique, par des décisions, des délibérations des conseillers municipaux concernés et puis, bien évidemment, une procédure d'opposition, et enfin, le dépôt d'un projet de loi par le Conseil d'Etat auprès du Grand Conseil. Toutes ces étapes-là n'ont pas été respectées, on vient directement avec des projets de lois devant notre Grand Conseil, c'est-à-dire que les communes ne se sont pas positionnées, la population n'a pas pu lancer de référendum communal, il n'y a pas eu d'opposition possible par les propriétaires concernés, les riverains ou des gens à même de faire des oppositions dans ce cadre-là.
Même dans le processus parlementaire, les membres de la majorité ont annoncé en commission voter ces deux projets de lois dans le but d'ouvrir de nouvelles négociations entre les partis - parce qu'elles avaient lieu en parallèle des commissions, on avait des discussions aussi avec le Conseil d'Etat et les représentants de chaque parti - et pour provoquer le débat, reconnaissant qu'il y avait un risque que le Conseil d'Etat ne demande pas le troisième débat dans ce cadre-là.
En conclusion, force est de constater que ces deux projets de lois ne respectent ni le droit supérieur, ni la législation existante, ni les procédures d'approbation nécessaires pour la modification de zones de la loi PAV. A l'évidence, les auteurs de ces projets de lois auraient dû passer par le dépôt de motions au Grand Conseil pour respecter les dispositions légales. En plus de cela, ces articles ne respectent pas la constitution, en particulier l'article 98. Nous avons donc pu démontrer que les deux projets de lois fixent des dispositions inapplicables, cassent un accord consensuel entre les acteurs et brisent les bases solides et stables nécessaires aux acteurs pour la construction du PAV et la réalisation de projets de logements sur une longue durée. Si on change les règles tous les ans - ou même tous les cinq ans -, ça ne fonctionne plus, les business plans ne fonctionnent plus. Cette mixité satisfaisante dans le PAV à laquelle faisait référence le rapporteur de majorité a d'ores et déjà été introduite par la révision de la loi PAV, révision acceptée par le peuple. Je ne comprends donc absolument pas qu'on revienne avec ces projets de lois qui sont antérieurs à une votation populaire. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous invite à refuser ces deux projets de lois.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je ne reviendrai pas sur les considérations juridiques, économiques et sur les 10 francs le mètre carré, ce cadeau... Je sais qu'on est en période électorale, mais qui va comprendre, parmi les personnes qui nous écoutent, qu'on va pouvoir avoir un droit de superficie à 10 francs le mètre carré ? C'est subventionner, sur la base de biens publics... Parce que ces terrains ont été achetés par des générations qui nous ont précédés pour en faire des biens communs, pour faire en sorte que nos petites et moyennes entreprises, je vous le rappelle, puissent, elles, être subventionnées, mais là, on passe d'une subvention à des entreprises qui voyaient effectivement leur capital être immobilisé en zone primaire, d'une volonté de la collectivité de les aider à ne pas immobiliser leur capital et à le placer dans l'innovation et la création de richesse, à une situation où on se retrouve avec des gens qui nous proposent 10 francs le mètre carré ! Ça veut dire qu'on met cet argent à disposition pour spéculer - parce qu'il n'y a pas d'autre terme ! On met les terrains de la collectivité - qu'on avait mis à disposition des petites et moyennes entreprises - à la disposition d'une soi-disant classe moyenne - je me permets de rire ! -, de gens qui vont, dans dix, vingt ans, faire des bénéfices faramineux - faramineux ! - sur la rente foncière. Ils ne créeront aucune richesse, eux ! Ils profiteront des biens de la collectivité pour se faire passablement d'argent.
Mais cela ne m'étonne pas qu'on en arrive là. Au tout début, je vous rappelle, il y a quinze, vingt ans, j'ai fait partie de ceux qui ont lancé un référendum contre le déclassement de la zone Praille-Acacias-Vernets, parce que nous savions que, sans projet concret, nous allions en arriver là. Certains ont cru passer des accords, auxquels nous nous sommes toujours refusés de prendre part ! Ensemble à Gauche, la liste d'Union populaire, a refusé de prendre part à ces accords... (L'orateur est interpellé. Commentaires.) ...et nous avons eu bien raison, parce qu'aujourd'hui, les Verts et les socialistes, qui nous font la leçon... (Remarque.) Oui, mais je me permets de le dire ! Parce qu'il y a de quoi ! (Commentaires.) En effet, cinq ans après une votation populaire, la droite n'entérine pas cet accord. A qui peut-on faire confiance ? Nous, nous sommes partis du principe qu'on ne pouvait pas faire confiance à une droite qui ne cherche qu'à faire des profits. (Exclamations.) Sur le dos de qui ? Sur le dos de la majorité: je vous rappelle que 90% de la population à Genève cherche à louer un appartement pour se loger, et vous, vous êtes entrés en matière sur l'idée qu'il faut quand même laisser à des personnes, il faut laisser à la droite un petit espace où on puisse spéculer, acheter son logement, où on puisse avoir le sentiment d'être propriétaire. Aujourd'hui, la droite nous dit: «Ben non ! La propriété en droit de superficie, ce n'est pas de la propriété, c'est une pseudopropriété ! Nous ce qu'on veut, c'est de la propriété pleine et entière, sur le dos de la collectivité !» C'est ça, la logique dans laquelle vous êtes entrés.
Je le déplore, et pour l'instant, j'attends de voir, mais de toute façon, on va aller soit au Tribunal fédéral, qui cassera ces deux lois, soit en votation populaire, pour faire en sorte que le peuple, le corps électoral se prononce une deuxième fois pour dire que sur les terrains de la collectivité, comme il est prévu dans notre constitution, il n'est pas question de faire du profit et de la spéculation. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Jean-Luc Forni, président
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi sommes-nous ici en train de discuter à nouveau du PAV ? C'est très simple, la raison est que la droite ne digère définitivement pas sa défaite sur la loi PAV de 2018, où 61,44% de la population a donné raison à la politique proposée par le Conseil d'Etat. Juste après, nous avons eu des lueurs d'espoir autour de l'accord sur la répartition des catégories de logements en zone de développement, ce qui laissait présager une forme de pacification des discussions politiques sur le logement. Mais non, malheureusement, cela a été un prétexte pour ressortir la hache de guerre et modifier une fois de plus la loi sur le PAV.
Autre événement qui s'est produit entre-temps, la votation sur l'initiative fédérale en faveur du logement abordable et des coopératives, où 60% des Genevois ont dit - vous voyez que c'est de nouveau un taux de 60%: «Nous voulons du logement abordable en coopérative.» De quoi est-ce la manifestation ? C'est la manifestation d'une population qui pour ses deux tiers, en gros, souffre de la flambée des loyers et de la pénurie de logements.
Ici, nous discutons de la modification de la loi PAV. Il se trouve que cette modification de loi s'applique à une modification de zone. Par conséquent, nous ne pouvons pas, en réalité, la modifier simplement entre nous, au parlement: cela devrait théoriquement passer par une nouvelle enquête publique. Je fais le pari que cela n'aboutira de toute façon pas et qu'il s'agit donc d'une sorte de gesticulation électorale. Jusqu'à maintenant, nous avons évité cette gesticulation, parce que la droite n'avait pas de majorité sur ces sujets. Comme l'a dit M. Clémence, quatre textes de lois dans les commissions parlent du même sujet. Il n'y avait donc pas de majorité, jusqu'à hier, où le MCG a retourné sa veste, lui qui était jusqu'à maintenant un fidèle allié de la construction du PAV, tant dans le cadre de la loi PAV que de la fondation PAV. Malheureusement, nous ne pouvons visiblement plus compter sur le MCG sur ce sujet ce soir - il a d'ailleurs également retourné sa veste sur le soutien aux coopératives, je me permets de le rappeler ici. En faisant cela, le MCG joue le jeu de la droite, des promoteurs immobiliers et de tous ceux qui prétendent que la seule façon de résoudre la crise du logement à Genève, c'est de construire de la PPE.
Les Verts n'ont rien contre la PPE; simplement, il faut être un petit peu réaliste, surtout aujourd'hui, où les taux d'intérêt pour les crédits immobiliers sont remontés aux environs de 3%, avec une flambée des coûts de construction qui fait que les appartements, même en zone de développement avec coûts contrôlés, produisent... Je ne suis pas un grand spécialiste, mais je dirais qu'un six-pièces pour une famille, c'est environ 1 million. (Commentaires.) Qui est-ce que ça concerne, un appartement à 1 million, avec un emprunt bancaire à 3% ? J'aimerais bien qu'on réponde à cette question.
J'ajouterai que la PPE en pleine propriété, celle qui est souhaitée par la droite, est une PPE contrôlée pendant dix ans. Je l'ai souvent dit dans ce parlement, la PPE contrôlée, après dix ans, qu'est-ce que cela produit ? Cela produit un appartement qui se revend avec une plus-value d'au moins 30%, si ce n'est le double. Par conséquent, si on est défenseur de l'accession à la propriété, on devrait aussi être défenseur de l'accession à la propriété en droit de superficie, parce que la propriété sur un droit de superficie, contrairement à ce qui a été dit avant, est justement la seule garantie possible pour éviter que la PPE ne se transforme en une forme de logement purement spéculatif.
Or les terrains du PAV ont la particularité d'être des terrains publics. On peut le voir comme une tare ou comme une chance. Les collectivités se démènent pour acheter des terrains en vue de les donner notamment à des coopératives ou d'en faire des espaces de qualité dans les quartiers. Ici, nous avons une collectivité qui possède déjà ces terrains. Et la droite nous propose d'en faire de la pleine propriété et donc d'aller vers une aliénation. Nous avons fait cet exercice dans notre parlement il y a quelque temps, lorsque le Conseil d'Etat, à l'initiative de M. Longchamp, voulait produire un certain nombre de PPE dans le quartier des Adrets. Que s'est-il passé ? Il y a eu une alliance entre le PLR et le parti socialiste notamment, qui a refusé cette aliénation de terrain. L'aliénation de terrain demandée par la droite dans le PAV, c'est un scénario qui n'est absolument pas réaliste.
Nous invitons donc à refuser ces projets de lois qui sont en fait une façon de remettre complètement en question la loi PAV, alors que celle-ci a fait l'objet d'un consensus au sein de la population. Ce sont des projets de lois qui visent à détruire complètement l'outil de la PPE en droit de superficie, alors que certains experts, en l'occurrence M. Yvan Schmidt, un expert immobilier reconnu, proposaient justement la PPE en droit de superficie comme un outil très pertinent à utiliser davantage pour construire la ville.
Voilà quelques arguments pour lesquels la minorité Verte vous encourage vivement à refuser ces projets de lois. (Applaudissements.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que, comme moi, vous croyez au partenariat social. Eh bien, en 2018, quand la loi PAV a été votée, c'était une forme de pacte territorial. La population a accepté cette loi PAV à 62%, et ce n'était pas un vote droite-gauche. Seules six communes - ou arrondissements électoraux - s'y sont opposés: Conches, Cologny, Vandoeuvres, Collonge-Bellerive, Corsier et Anières. Cette loi PAV a également été soutenue par des entrepreneurs, par des gens de droite. Ce n'était donc pas un combat gauche-droite. Ce n'était pas non plus un combat avec Ensemble à Gauche, et je rappelle à M. Pagani qu'il était lui-même signataire des accords PAV en sa qualité de conseiller administratif de la Ville de Genève. Donc ce que je demande... (Exclamations. Commentaires.) Donc ce que je demande ici au nom des socialistes, c'est de considérer que la cause du logement est importante et qu'elle requiert de réunir les efforts autour des projets d'architecture et de logements.
Je rappelle que le projet PAV, dans son ancienne loi comme dans la nouvelle, a toujours contenu de la PPE: 1900 PPE en pleine propriété, parce qu'il y a effectivement des terrains sur lesquels il est possible d'en construire. La modification de la loi PAV a permis d'augmenter cette proportion, en faisant certes des PPE en droit de superficie, mais de nombreuses discussions avec les signataires de l'accord du PAV, dont l'ASLOCA, ont été nécessaires pour aboutir à l'acceptation de ce principe de PPE en droit de superficie, qui sont, je vous le rappelle, au nombre de 2100.
Aujourd'hui, de quoi parle-t-on ? On parle de fragiliser les règles d'un dossier qui porte sur 12 500 logements à construire. Peu à peu, ces règles vont se développer; elles ont déjà été appliquées au secteur des Vernets. Bientôt, nous allons voter sur Praille-Acacias 1, ce projet qui fait l'objet d'un référendum au niveau municipal. Alors que voulons-nous dans ce parlement ? Appuyer la construction de logements ? Répondre aux besoins, pour toutes les catégories de logements ? Ou voulons-nous, par nos querelles incessantes, fragiliser ce projet de développement et donner de l'eau au moulin à ses opposants ? Nous avons la chance unique de construire un centre-ville urbain de qualité, avec une renaturation des rivières, que nous avons votée ici; nous avons la capacité de développer des projets d'architecture de qualité et, grâce à ceux-ci, de développer des activités de proximité, et c'est ce projet d'envergure pour notre canton que nous voulons fragiliser !
J'en appelle à respecter les accords du PAV, à nous réunir pour la construction de logements, mais aussi pour dire à la population qu'elle a droit à un quartier de centre-ville de qualité et que c'est cela que nous allons lui offrir ! Alors, s'il vous plaît, j'en appelle, particulièrement à droite et au MCG, à renoncer à ces projets de lois, à rester dans le cadre de ce que le peuple a voté, pour construire ensemble ce quartier de qualité - c'est notre responsabilité ! - et non pas, à chaque stade, à fragiliser cette construction, ainsi que les superficiaires, dont vous changez les règles du jeu chaque fois. Pour les superficiaires, y compris pour les entreprises qui sont sur place, c'est une situation d'incertitude qui n'est pas tolérable ! Alors s'il vous plaît, réunissons-nous autour du projet, soyons un peu plus positifs et construisons ce centre-ville de qualité ! Merci beaucoup.
M. Sandro Pistis (MCG). Vous transmettrez, Monsieur le président, au rapporteur de minorité que le groupe MCG n'a pas changé d'avis. (Remarque.) Le groupe MCG a, en commission, voté oui pour des appartements en pleine propriété. Le groupe MCG soutient également les propriétés de maisons et de villas dans notre canton, alors que le groupe des Verts est un bétonneur. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aujourd'hui, on a tendance à vouloir raser nos villas, qui font quand même partie du poumon de notre canton, et, en lieu et place, on veut y construire absolument...
Une voix. C'est hors sujet, là ! C'est hors sujet !
Une autre voix. Mais non ! (Commentaires.)
Le président. Laissez parler l'intervenant, s'il vous plaît. Allez-y, Monsieur le député.
M. Sandro Pistis. Et nous sommes, nous, pour la pleine propriété. Ce qu'il faut aussi rappeler - vous transmettrez, Monsieur le président, au rapporteur de minorité -, c'est qu'aujourd'hui, nous avons également besoin de propriétaires: plus de 30% d'entre eux quittent notre canton pour aller s'installer en France, de l'autre côté de la frontière. Quel est le message qu'on veut donner aujourd'hui à celles et ceux qui souhaitent devenir propriétaires dans notre canton ? Le message qui est donné par le groupe des Verts, c'est: nous ne sommes pas d'accord que vous deveniez propriétaires et nous vous invitons à quitter le canton pour vous installer en France. Et ça, le MCG ne peut pas l'accepter.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter ces projets de lois qui donneront la possibilité à la classe moyenne d'accéder à des appartements à des prix raisonnables - parce qu'aujourd'hui, il est encore possible à Genève d'acheter des appartements à des prix raisonnables et de dire stop à cette évasion de Genevoises et de Genevois qui vont s'installer en France, ce qui n'est pas acceptable ! La politique menée par les Verts aujourd'hui dans notre canton est juste destructrice ! Merci.
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, j'ai été un peu pris à partie, mais...
Une voix. Oh !
Une autre voix. Oh non ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. Puisqu'il est question de ma petite personne, humblement... J'ai d'ailleurs la possibilité de dire que quand il s'est agi de voter au Conseil administratif, je m'y suis opposé, mais évidemment, en vertu de la collégialité, le Conseil administratif a validé cet accord.
Cela étant, ce qui a été soulevé par Mme Valiquer est tout à fait vrai. Nous allons affronter un référendum des habitants de la Ville de Genève - de la Ville de Genève, Mesdames et Messieurs ! - sur Praille-Acacias, Acacias 2 - je crois que c'est comme ça qu'on l'appelle...
Une voix. 1 ! (Commentaires.)
M. Rémy Pagani. Acacias 1 ! ...et les référendaires vont bien évidemment s'appuyer sur notre discussion et sur le vote de ce jour. Ils diront aux électeurs de la Ville de Genève qu'ils ne pourront pas avoir de logement locatif au PAV. L'espoir qu'avaient les habitants de la Ville de Genève pour loger leurs enfants ! Parce que c'est bien de cela qu'il est question, les jeunes couples ! Eh bien, les référendaires pourront dire: «Ce sera de la PPE !» Si vous n'avez pas, allez, 300 000 francs d'économies - parce que, selon les chiffres qui ont été annoncés, c'est 300 000 francs qu'il faudra mettre sur la table pour accéder à la PPE, voire à la PPE en droit de superficie, parce que c'est un peu la même technique -, il est illusoire pour la population de la Ville de Genève d'accéder à ces logements que vous leur faites miroitez. Et, une fois de plus, ils contesteront le fait qu'on ne s'occupe pas de la majorité, mais qu'on s'occupe d'une minorité, de riches, voire d'ultrariches, qui auront la possibilité d'acquérir un logement et de spéculer après dix ans, cela a aussi été dit.
Par conséquent, moi j'avais l'idée, dans ce vote référendaire, de rester neutre, parce que mon droit de réserve me l'impose... (Remarque.) ...mais, à partir du moment où on attente à ce point-là à la constitution genevoise, je me permettrai de reconsidérer ma position et de me mettre du côté des référendaires, parce que je vous signale immédiatement qu'ils auront raison de faire valoir cet argument consistant à dire que la collectivité, les générations précédentes, ont fait des efforts importants pour acquérir ce terrain et qu'aujourd'hui, il est bradé - bradé ! et je pèse mes mots ! - en faveur de gens qui ne sont pas membres de la population genevoise, mais qui pourront mettre de l'argent au chaud en achetant des appartements en pleine propriété. Je vous remercie de votre attention.
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Pour répondre à M. Pistis - vous transmettrez, Monsieur le président -, je mentionnerai trois éléments. La première chose, c'est que les Verts, comme d'autres groupes de ce parlement, ont adhéré à l'accord sur la répartition des catégories de logements en zone de développement, qui prévoit trois tiers: un tiers de logements d'utilité publique, un tiers de biens locatifs et un tiers à la libre décision du développeur, mais dont 20% de PPE. Nous nous sommes ralliés à ce consensus et acceptons que, dans la zone de développement, une partie des logements de ce canton soient réalisés en PPE. Il est donc faux de prétendre que nous disons à l'ensemble des Genevois: «Vous n'avez pas le droit d'acquérir un appartement en pleine propriété.»
Ensuite, l'allusion de M. Pistis à la zone villas n'a pas véritablement de sens, puisqu'il est ici question du PAV, qui est tout sauf un périmètre de villas: il s'agit d'un secteur qui comporte une part de friches industrielles et surtout des entreprises qu'il conviendra de déplacer, et c'est peut-être là l'enjeu essentiel - qui, soit dit en passant, n'a pas vraiment été relevé lors du débat de ce soir.
Enfin - troisième point -, j'aimerais souligner qu'avec la loi actuellement en vigueur, toute une série de PPE pourront voir le jour: 1900 sur les terrains privés à l'intérieur du PAV et, si mes calculs sont bons, 1700 en droit de superficie. Ça fait tout de même pas mal d'appartements, il faut le dire, qui permettront à la population de ce canton d'accéder à la propriété. J'insiste encore une fois sur le fait qu'acquérir un logement PPE en droit de superficie est très intéressant: les prix sont moins élevés à la fois au moment de l'achat et dans la durée, car lorsqu'un propriétaire succède à un autre, lorsqu'il y a une vente, eh bien le prix est maintenu. Ainsi, dans la logique de favoriser l'accession à la propriété sur le long terme, ça en vaut largement la peine.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je redonne la parole à M. Nicolas Clémence.
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant et rapporteur de première minorité. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Le président. Quarante-trois secondes.
M. Nicolas Clémence. Merci beaucoup, alors j'irai droit au but. Je voudrais revenir sur la PPE en pleine propriété, la «vraie PPE» - j'ai entendu ces mots dans la bouche de M. Desfayes. La PPE, c'est un modèle où, de toute façon, on n'est pas tout à fait propriétaire; alors on l'est de son logement, oui, mais pas du terrain, puisqu'on le partage en quotes-parts avec ses voisins propriétaires. Aussi, le modèle n'est pas si différent de celui de la PPE en droit de superficie.
La seule différence en DDP, c'est qu'on n'achète pas le terrain, donc c'est quand même 15% à 20% moins cher d'acquérir ces appartements. L'avantage, c'est que plus de personnes y ont accès; on parlait de classe moyenne, alors ça peut être la classe moyenne supérieure, mais il n'empêche qu'il y a quand même 20% de moins à mettre en DDP qu'en pleine propriété. Et la pleine propriété n'est pas vraiment de la pleine propriété, puisqu'on est propriétaire avec tous ses voisins. Voilà, je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Pour rassurer Stéphane Florey, qui veut absolument traiter le projet de loi sur le «Cé qu'è lainô»... (Rires.) ...je serai très bref. Il est toujours jouissif de prendre la gauche en flagrant délit d'hypocrisie; ils invoquent aujourd'hui le vote de la population qui, à 64%, s'était rangée derrière le PAV... (Remarque.) 62%, c'est encore mieux par rapport à la démonstration que je veux faire. Ce faisant, ils omettent la votation de 2015 sur la traversée du lac... (Exclamations.) ...qui avait obtenu un score de 62% aussi ! (Commentaires.) Et pourtant, ensuite de ce résultat, la gauche s'est systématiquement opposée aux crédits d'étude, alors ne nous parlez pas de volonté populaire !
C'est absolument incroyable, tout ce que l'on a entendu parmi les arguments de la gauche. Ils ont dû parler pendant trente minutes, et aucun ne s'est prononcé sur le fond du dossier. Nicolas Clémence s'est borné à étaler des arguties juridiques, au demeurant fausses, M. Pagani a exprimé sa haine de la propriété privée, qu'il confond avec la spéculation - manifestement, il n'a pas lu la constitution -, et David Martin a expliqué en quoi le droit de superficie est mieux, le même David Martin qui a déposé hier un projet de loi pour que les coopératives soient subventionnées dans l'acquisition de terrains en pleine propriété.
Non, le fond n'a pas été abordé, et le fond, qu'est-ce que c'est ? C'est l'accession à la propriété pour la classe moyenne. Vous n'avez apporté aucune réponse. M. David Martin, Monsieur le président, a évoqué l'existence de PPE dans l'ensemble du PAV, mais la plupart de ces PPE sont en zone ordinaire et donc inaccessibles pour la classe moyenne. Il n'y a pas eu de réflexion sur la mixité sociale et l'importance de celle-ci. Que veut-on pour le plus grand périmètre du canton ? Entend-on créer des ghettos sociaux avec les conséquences que l'on peut déjà anticiper ou souhaite-t-on une Genève équilibrée avec une place pour l'ensemble des composantes de la société ? Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. David Martin, qui dispose encore de deux minutes.
M. David Martin (Ve), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de deux minutes. Je voudrais juste apporter une précision ou plutôt une correction. Dans le périmètre du PAV, 1700 appartements PPE sont en zone de développement, c'est-à-dire avec des prix contrôlés, ainsi que 1200 en droit de superficie, également avec des prix contrôlés. Voilà, c'était pour revenir sur les propos du rapporteur de majorité, qui prétend que l'ensemble des PPE sont en zone ordinaire. Non, il y a bel et bien des PPE prévues pour la classe moyenne dans le PAV.
Et puisque j'ai la parole, j'aimerais encore indiquer que parmi les objets prévus dans la catégorie logements d'utilité publique, qu'on appelle logements sociaux et qu'on a peut-être tendance à déconsidérer quelque peu, eh bien il y a une grande diversité de types d'appartements. A l'époque de la votation sur le sujet, les calculs mettaient en évidence qu'un couple avec deux enfants gagnant 200 000 francs par année pouvait sans aucun problème entrer dans ces logements. Si ça, ce n'est pas permettre à la classe moyenne d'avoir accès aux futurs biens du PAV, eh bien qu'on vienne m'expliquer ce qu'il en est. Merci beaucoup.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais juste donner quelques éléments d'information. On nous dit: «Oui, on va faire accéder la classe moyenne à la propriété.» Bon, maintenant, ça a changé, on parle de classe moyenne supérieure, parce que les taux d'intérêt ont augmenté. Mais enfin, je me suis occupé de personnes qui, dans les années 80, n'avaient pas résisté à acheter un appartement en zone de développement à 600 000 ou 700 000 francs - ce sont les prix qui étaient encore pratiqués il y a quelques mois, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, on l'a vu, ils vont monter à un million, voire plus d'un million et demi, en fonction de la hausse des taux hypothécaires. Et en fait, l'une des deux personnes que vous citez, Monsieur Martin, est tombée au chômage, et ces gens se sont retrouvés en faillite personnelle. En faillite personnelle !
C'est ce que vous proposez comme logique en faisant miroiter la propriété à la population, voilà pourquoi nous soutenons qu'il s'agit d'un miroir aux alouettes, sauf - sauf ! - pour les personnes qui ont soit des parents extrêmement riches, soit des revenus très élevés et qui peuvent prendre le risque de voir les taux hypothécaires monter. Parce qu'ils vont monter, c'est certain, pour juguler l'inflation; les banques centrales vont augmenter les taux hypothécaires, c'est évident.
Ainsi, on va encourager ces personnes à risquer la faillite personnelle. C'est la responsabilité que vous prenez, Mesdames et Messieurs, en faisant miroiter aux gens qu'ils auront la capacité de devenir propriétaires. Nous ne sommes pas contre le droit de propriété, nous soulignons simplement qu'avec votre logique, à terme, vous placez les couples qui ont l'espoir d'acquérir un logement bien à eux dans des situations infernales. Je vous remercie de votre attention.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'emblée de signaler que l'adoption des deux projets de lois tels qu'ils sont formulés aujourd'hui ne serait pas conforme à l'article 16 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, puisqu'ils n'ont pas fait l'objet d'une procédure d'enquête publique ni technique. Nous l'avons dit et répété en commission, le directeur juridique de l'office de l'urbanisme l'a dit et répété en commission, mais malheureusement, une majorité s'entête à vouloir aller de l'avant sur des textes qui seront sans aucun doute annulés par les tribunaux. En effet, la dernière fois que votre parlement a décidé de faire de même, la justice vous a rappelés à l'ordre. Je pense que pour le dernier débat de la législature, ce n'est pas une démarche institutionnelle très glorieuse.
Je le regrette, parce que si la plupart des députés ne connaissent pas la matière, les membres de la commission, eux, le savent très bien, et malgré tout, ils font croire que ce Grand Conseil peut adopter, de manière complètement souveraine, des projets de lois modifiant des limites de zones alors que le droit fédéral est très clair: il y a un devoir de procédure qui relève de l'enquête technique ou publique. Les trois communes concernées - Ville de Genève, Carouge et Lancy - ont d'ores et déjà exprimé leur opposition à ces objets, mais de toute manière elles doivent, de par le droit, être saisies formellement d'une modification aussi substantielle. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. (Commentaires.)
Cela ne m'empêche pas, au nom du gouvernement, de relever quelques éléments de fond sur ces deux objets. Tout d'abord, le PL 12290; celui-ci comporte trois volets. La première disposition prévoit que la loi Longchamp - l'article 5 LGZD - s'applique aux PPE en DDP dans le PAV. Mais la loi Longchamp s'applique dans le PAV ! On instaure ici une redondance juridique. La loi Longchamp s'applique sur tout le territoire, la LGZD s'applique dans l'ensemble de la république, donc elle s'applique au PAV.
Le deuxième article stipule que le contrôle de l'Etat pendant dix ans, qui est inscrit dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires (la LGL), est aussi valable dans le PAV. Mais enfin, la LGL s'applique dans le PAV ! Ainsi, la première chose à noter s'agissant de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il crée des doublons normatifs. On se demande souvent pourquoi le canton de Genève est le champion de la densité normative, eh bien en voici un parfait exemple: parce qu'on dépose des projets de lois qui disposent: «L'article général s'applique dans les cas particuliers.» Sans blague ! Première année de droit à l'université.
Enfin, ce texte apporte une nouveauté, et c'est un aspect singulier, à savoir qu'il établit un prix des droits de superficie de l'Etat de Genève, un prix légal, législatif - c'est la première fois qu'on introduirait un tel principe dans notre législation, encore une Genferei, encore une rigidité normative genevoise ! -, un prix déterminé à 10 francs le mètre carré. Pourquoi pas 8 francs ? Pourquoi pas 12 francs ?
Une voix. Pourquoi pas 1000 francs ? (Rires.)
M. Antonio Hodgers. Aucune étude n'a été menée, aucune justification n'a été donnée ni par les signataires ni dans le cadre des débats en commission.
Or 10 francs le mètre carré, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas anodin. Il faut comparer ce chiffre avec les autres, parce qu'on parle de 10 francs le mètre carré pour les PPE en DDP uniquement, pour les «PPE-istes»; ceux qui habiteront dans un logement social, eux, restent à 20 francs le mètre carré, et la classe moyenne qui sera logée dans du locatif standard à 30 francs le mètre carré. Vous voulez ainsi, Mesdames et Messieurs, détruire la valeur des actifs de l'Etat pour subventionner des classes moyennes supérieures et faire payer deux fois moins cher des propriétaires de PPE que des bénéficiaires de LUP. Non, mais il faut atterrir et se rendre compte de l'absurdité de cette proposition !
Naturellement, cela engendrera des pertes pour l'Etat. Le département des finances a calculé une dépréciation d'actifs immédiate de 20 millions liée à cette valorisation arbitraire et absurde de 10 francs le mètre carré, et là-dessus une perte de rendement de 5 millions par année, puisqu'on fixerait normalement le prix des PPE plutôt autour de 30 francs le mètre carré - comme le locatif, d'ailleurs. Et pourquoi cela ? Au nom de quoi ? Pourquoi les locataires et les bénéficiaires de logements d'utilité publique ne pourraient-ils pas, eux aussi, profiter de cette aide de l'Etat que vous voulez accorder aux «PPE-istes» ?
Cette proposition, Mesdames et Messieurs, témoigne d'une fixette autour de la propriété en droit de superficie. Or il ne s'agit pas d'un modèle que le Conseil d'Etat entend généraliser. Certes, ce régime existe dans notre canton, mais alors la question suivante se pose: pourquoi, sur les propriétés de l'Etat qui se trouvent dans le PAV, le prix serait-il fixé à 10 francs le mètre carré alors qu'il peut être plus élevé sur celles sises hors du PAV ? Ce projet de loi ne porte que sur le PAV, mais l'Etat détient aussi des terrains avec de la PPE en dehors de ce quartier ! Il y aura donc deux prix, en fait: si vous possédez une PPE dans le périmètre du PAV, vous payez 10 francs le mètre carré à l'Etat, mais si vous êtes en dehors, c'est 30 francs ? Enfin, c'est aberrant ! Au nom de quoi ?
Il faut bien comprendre, Mesdames et Messieurs, que le droit de superficie est un modèle qui n'est pas très généralisé à Genève et que le Conseil d'Etat ne compte pas étendre. Cela étant, il existe, et il existe également ailleurs: plus d'un tiers de la ville de Londres fonctionne selon ce régime, les terrains étant détenus par la noblesse et la royauté; plus d'un tiers de la ville de Berne appartient à la bourgeoisie avec de la PPE en DDP; Singapour, fleuron économique de l'Asie du Sud-Est, est essentiellement basé sur de la propriété par étage en DDP. Singapour, comme Genève, est un petit Etat avec peu de surface et a compris que maîtriser le foncier constitue un moyen d'éviter la spéculation.
Que fait la spéculation ? Elle mange le pouvoir d'achat, elle restreint la capacité d'investissement des entreprises et des propriétaires, elle détruit l'économie réelle, en réalité. En effet, l'argent servant à verser des rentes extrêmement importantes aux propriétaires spéculatifs manque à l'économie réelle. Aussi, ne venez pas dire que le droit de superficie tue l'économie.
Qu'est-ce qui fonctionne très bien en droit de superficie chez nous ? Notre zone industrielle ! L'essentiel de la zone industrielle à Genève est en DDP. Est-ce que nos entreprises, les fleurons internationaux de l'industrie genevoise qui vendent à l'étranger s'en plaignent ? Non, ce système fonctionne. Le droit de superficie fonctionne dans de nombreux domaines, et notre industrie réclame ce régime, parce qu'il évite aux industriels de dépendre des spéculateurs immobiliers qui maîtrisent les fonds. Défendre le droit de superficie est une façon de soutenir l'économie réelle, non pas l'économie qui sert des rentes aux propriétaires fonciers, mais celle qui investit, qui crée et qui crée surtout de l'emploi.
Ensuite, il y a le PL 12291, plus politique, celui-là, et qui souffre d'une malformation de naissance: il a été déposé au moment où le peuple se prononçait sur cette question. Des députés ont présenté un texte pour contredire l'opinion populaire, sentant sans doute qu'ils allaient perdre malgré une immense campagne menée contre la nouvelle loi PAV; ils demandent d'aliéner des terrains publics à hauteur de 24%. Alors on peut entendre la volonté de favoriser la mixité sociale, je la partage et je l'ai communiqué publiquement, mais aliéner des terrains publics, qu'est-ce que cela signifie ? Eh bien cela implique, parcelle par parcelle, de déposer des projets de lois.
Comme l'a rappelé l'un des rapporteurs, lorsque le Conseil d'Etat s'est risqué à venir devant vous pour vous présenter un projet de loi portant sur un tout petit secteur - cinquante logements en PPE - afin de l'aliéner et de faire de la PPE en pleine propriété, plus de deux tiers des députés l'ont rejeté, à commencer par le PLR. Oui, le PLR était en tête pour refuser un texte de loi d'aliénation de juste cinquante logements.
Aussi, comment voulez-vous que l'on applique cette disposition de manière massive sur des centaines de logements ? Il conviendra de réunir des majorités dans cette enceinte, ce qui se fera peut-être, mais ensuite, il faudra - parce que des référendums seront lancés, c'est certain - défendre ces projets devant le peuple. L'argument des référendaires sera facile, à savoir lutter contre la spéculation, ce sur quoi ils auront raison. Qu'est-ce que cela veut dire pour les entrepreneurs ? Qu'est-ce qui en résultera pour les entreprises du PAV que nous tentons de convaincre de se déplacer pour réaliser cette ville ? De l'incertitude, Mesdames et Messieurs ! Ce projet de loi créera d'énormes incertitudes sur le marché immobilier du développement du PAV, parce qu'il surpolitisera la vente de chaque parcelle.
Mesdames et Messieurs les députés, le peuple s'est prononcé sur une nouvelle loi PAV; celle-ci n'est pas parfaite, je ne suis pas fermé à la discussion, mais elle doit se déployer dans un cadre négocié. Aujourd'hui, il y a une mobilisation forte des agents pour concrétiser le PAV, et une remise en cause permanente de la loi PAV n'est pas de nature à rassurer les investisseurs et les entrepreneurs. Par conséquent, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Vous aurez le loisir, lors de la prochaine session, de revenir sur le sujet, mais en l'état, je vous invite à vous opposer à ces deux projets de lois. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, nous allons nous prononcer successivement sur les deux textes. Je mets d'abord aux voix le PL 12290.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas, aussi procédons-nous au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 12290 est adopté en premier débat par 53 oui contre 40 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12290 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'étant pas demandé, nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 12291.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon.
Mis aux voix, le projet de loi 12291 est adopté en premier débat par 52 oui contre 40 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12291 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'est pas non plus demandé, c'est donc un joli héritage qui sera transmis à la prochaine législature !
Le troisième débat relatif au rapport sur les projets de lois 12290 et 12291 est reporté à une session ultérieure.
Troisième débat: Séance du vendredi 12 mai 2023 à 16h
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons besoin de quelques instants pour remettre les stylos souvenirs à celles et ceux qui quittent ce parlement. Je suspends la séance quelques minutes.
La séance est suspendue à 19h23.
La séance est reprise à 19h29.