Séance du vendredi 24 mars 2023 à 13h
2e législature - 5e année - 11e session - 67e séance

M 2727-B
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Xhevrie Osmani, Marjorie de Chastonay, Jocelyne Haller, Daniel Sormanni, Salika Wenger, Pierre Vanek, Florian Gander, Nicolas Clémence, Pierre Bayenet, Jean Rossiaud, Caroline Marti, Diego Esteban, Alberto Velasco, Jean Burgermeister, Grégoire Carasso, Didier Bonny, Jean Batou, Nicole Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Amanda Gavilanes, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud, Alessandra Oriolo, Glenna Baillon-Lopez, Badia Luthi, Ruth Bänziger, Thomas Wenger pour des conditions salariales et de travail dignes à Swissport
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)

Débat

Le président. J'appelle à présent la M 2727-B. Monsieur Jean Burgermeister, vous avez la parole.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Alors effectivement, d'une certaine manière, le problème constaté à Swissport a été résolu avec l'édiction d'un contrat type de travail, et c'est la raison pour laquelle la commission de l'économie a pris acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2727. Ce que je relève toutefois, c'est que les commissaires n'ont pas voulu auditionner les syndicats sur ce sujet; j'en ai fait la demande lors des travaux, mais aucun parti n'a soutenu cette revendication. Il me semble pourtant que lorsqu'on évoque une sous-enchère salariale abusive et répétée à l'Aéroport international de Genève, en l'occurrence spécifiquement au sein de l'entreprise Swissport, il y aurait un certain intérêt à ce que les syndicats représentant les travailleurs, qui en sont les premières victimes, soient reçus pour nous parler de la manière dont la situation évolue.

On nous dit: «Tout a été fait, puisqu'un contrat type de travail a été édicté.» Mais ce contrat type de travail vient précisément sanctionner un manquement qui a duré pendant des années et qui a été nié systématiquement par la majorité de ce parlement. J'entends encore le PLR marteler, quand nous traitions de l'aéroport: «Il n'y a pas de sous-enchère salariale à l'aéroport, il n'y a pas de sous-enchère salariale à l'aéroport.» Maintenant, nous le savons, c'était faux, objectivement faux ! Et on aurait tort de se satisfaire de cette solution en estimant que la question sociale est résolue de manière générale sur la plateforme aéroportuaire, laquelle cristallise une grande partie des conflits sociaux que connaît ce canton.

En réalité, ce qu'on voit là, c'est aussi l'effet de la privatisation forcée des services essentiels de l'aéroport, dans le cas d'espèce le service au sol. Nous avons l'obligation de libéraliser ces prestations, et c'est bien le problème. Il faut rompre avec cette logique ultralibérale qui n'engendre que de la casse sociale et, au contraire, renforcer le caractère public de l'aéroport, qui doit, à mon sens, rejoindre le giron de l'Etat pour devenir un vrai service public, pour que ses prestations soient intégrées au service public et que les conditions de travail et les salaires y soient corrects. Mais aussi parce que nous sommes soumis à un impératif environnemental et que ce canton - le Conseil d'Etat, mais ce Grand Conseil également - devrait maintenant se soucier de planifier, et rapidement, la décrue massive du trafic aérien.

Voilà pourquoi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche s'est abstenu en commission; aujourd'hui, nous n'allons pas refuser ce rapport, évidemment, mais nous n'allons pas en prendre acte non plus, parce que le travail n'a pas été effectué, parce que la commission de l'économie, une fois de plus, a montré qu'elle accordait assez peu d'intérêt aux salariés de ce canton. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur. Effectivement, un constat de sous-enchère salariale a été établi - la directrice générale de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail nous a adressé un rapport extrêmement complet à ce sujet - s'agissant uniquement des rémunérations des auxiliaires.

Par la suite, les interventions de la commission des mesures d'accompagnement (CMA) ainsi que de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT), puis les démarches validées par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME) ont abouti à une situation qui est actuellement favorable au sein de Swissport. L'entreprise, qui a été soumise aux usages dans un premier temps, a fini par conclure une convention collective de travail conforme aux exigences posées par l'OCIRT.

Si la majorité - la quasi-unanimité - de la commission n'a pas souhaité entendre les syndicats, c'est que les trois instances que je viens de citer - la CMA, la CRCT et le CSME - sont des commissions tripartites dans lesquelles le patronat, l'Etat et les syndicats sont représentés. Les membres de la commission ont estimé que dans la mesure où il y avait unanimité des partenaires sociaux et de l'Etat au sein de ces entités, des auditions supplémentaires n'étaient pas nécessaires. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). L'affaire Swissport est emblématique des problèmes genevois en général. Quels sont-ils exactement ? Il s'agit de la surconcurrence des travailleurs frontaliers (permis G) sur le marché de l'emploi genevois, surconcurrence qui exerce une pression inacceptable sur les travailleurs locaux.

Je me souviens encore d'affichettes qui avaient été placardées en ville par un employé de Swissport et sur lesquelles il était inscrit: «Je travaille chez Swissport, je ne peux pas me loger à Genève.» On ne peut pas habiter dans le canton de Genève avec les salaires versés ici, c'est un problème global.

Mais il y a également la question des sociétés concessionnaires à l'aéroport. Sans doute faudrait-il revoir le système, car même avec des employeurs bienveillants, il n'est pas possible de rémunérer correctement les salariés. Pour quelle raison ? Parce que la pression économique des compagnies aériennes sur ces sociétés est telle que celles-ci n'ont pas d'autre solution que de sous-payer leur personnel et d'offrir des conditions beaucoup trop défavorables à leurs sous-traitants. C'est un ensemble structurel complètement absurde. On pourrait payer 50 centimes ou 1 franc de plus par billet d'avion pour que les employés soient rémunérés dignement; c'est quelque chose que Genève pourrait faire, c'est quelque chose que Genève devrait faire.

On se retrouve dans une situation où Swissport, société privée - comme d'autres concessionnaires -, subit toute la pression économique de l'aéroport et ne peut pas faire autrement que mal payer ses collaborateurs... Enfin, «mal» n'est peut-être pas le bon qualificatif, il faudrait plutôt dire: les rémunérer de manière insuffisante étant donné le contexte économique genevois, qui nécessite des revenus plus élevés. Dans l'absolu, l'économie genevoise pourrait leur permettre de verser des salaires suffisants; ce qui ne fonctionne pas, c'est le système et les conditions économiques imposées par les compagnies aériennes. Il y a une surconcurrence absurde.

Alors qu'est-ce qu'on fait ? On demande aux entreprises aériennes de s'entretuer ? On veut encore les charger avec des taxes écologiques. En plus de ça, on aura de pauvres employés maltraités. Non, c'est un mode de société dont le MCG ne veut pas; nous réclamons des changements structurels importants, et l'aéroport comme le canton de Genève peuvent les apporter.

Une voix. Bravo, François.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia (PLR). Et je la prends avec d'autant plus de plaisir qu'il s'agira probablement de l'une de mes dernières interventions au cours de cette législature. Je ne résiste pas au plaisir de donner suite aux propos tenus sur l'extrême gauche des bancs de ce parlement, qui traduisent au mieux une méconnaissance des enjeux, au pire, et je le crains, une posture à laquelle nous sommes coutumiers, une posture aiguisée par les appétits électoralistes qu'on leur sait, quand bien même ils sont éminemment divisés et pourraient donc se neutraliser, ce dont chacun se réjouirait.

Il est faux, Mesdames et Messieurs, d'affirmer que la commission de l'économie, au sein de laquelle l'extrême gauche est par ailleurs représentée, n'exerce pas le mandat qui lui a été confié. Bien au contraire, ainsi que cela a été exposé avec toutes les précisions d'usage par l'excellent député Guinchard, la commission de l'économie a jugé que les auditions n'étaient pas nécessaires car l'entier des parties prenantes et des syndicats étaient clairement représentés dans le cadre du dialogue social mené, dialogue social dont je précise qu'il était extrêmement nourri.

Naturellement, tout cela vous offre une occasion en or pour stigmatiser une fois de plus les acteurs économiques, celles et ceux qui créent de la valeur et de l'emploi, comme c'est le cas de l'aéroport dont je rappelle ici l'importance critique qu'il revêt pour notre canton, avec 10 000 emplois directs... (Remarque.) Je vous ai écouté attentivement lorsque vous avez pris la parole ! ...aéroport qui s'est par ailleurs engagé sur la voie de la durabilité.

Monsieur le président, vous transmettrez ceci aux députés d'Ensemble à Gauche: j'ai souvent eu le sentiment, et je crois ne pas être le seul, que plutôt que d'assumer le mandat qui leur était initialement confié, à savoir défendre et promouvoir l'emploi, ils trahissaient celles et ceux qu'ils prétendent défendre, parce qu'à force de dénoncer des dérives nourries par leur seul imaginaire, c'est finalement à celles et ceux qui créent effectivement de l'emploi, à commencer par l'aéroport - qui constitue l'un des fondements de la prospérité genevoise -, qu'on s'y prendra, et alors il n'y aura plus d'emplois à défendre. A bon entendeur ! Je vous remercie.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais recentrer quelque peu le propos sur le dossier lui-même, si vous le permettez. Il s'agit ici d'un excellent exemple du bon fonctionnement du tripartisme, cette manière d'opérer développée tout particulièrement à Genève et qui inspire jusqu'à Berne. Le système tripartite a très bien marché dans le cadre de ce litige. Il est vrai que la situation et les conditions de travail à l'aéroport occupent trop souvent la Chambre des relations collectives de travail, les conflits sociaux s'y sont succédé au cours de la législature. Mais récemment, le dialogue social a repris et a permis de trouver des solutions.

Dans le cas d'espèce, la solution répond précisément à la motion dont il est question maintenant: nous avons relancé les négociations pour aboutir à une convention collective de travail chez Swissport. Et parallèlement, parce qu'il n'a pas encore été possible pour le moment de conclure une convention collective de travail chez Dnata - deuxième acteur de l'assistance au sol à l'aéroport de Genève -, nous avons édicté un contrat type de travail fixant des salaires minimaux pour tous les employés, y compris les auxiliaires, ce que l'ancienne CCT ne faisait pas. Ainsi, nous avons élargi le cercle des personnes protégées par le contrat type de travail, leur assurant qu'elles puissent toutes bénéficier des minima salariaux en vigueur.

Alors bien sûr, à partir de là, on peut bifurquer sur des considérations toutes générales; ce qui me tient à coeur, pour ma part, c'est que, de manière globale à l'aéroport, les conditions de travail soient respectées dans tous les secteurs, pas seulement dans l'assistance au sol, mais également au sein des compagnies aériennes, des entreprises effectuant des services techniques ou des commerces, c'est-à-dire pour l'ensemble des acteurs actifs sur la plateforme aéroportuaire, et surtout que le partenariat social permette de trouver des solutions de manière rapide et efficace, avant qu'on en vienne à des conflits collectifs. Le département de l'économie et de l'emploi comme le Conseil d'Etat tout entier continueront à oeuvrer en ce sens. C'est la raison pour laquelle je vous invite à prendre acte du rapport qui vous est présenté aujourd'hui.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2727.