Séance du
jeudi 23 mars 2023 à
20h30
2e
législature -
5e
année -
11e
session -
66e
séance
PL 13162-A
Premier débat
Le président. Nous continuons nos urgences avec le PL 13162-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Amanda Gavilanes, remplacée par Mme Nicole Valiquer Grecuccio, à qui je passe la parole... (Brouhaha.) ...s'il est possible d'obtenir le calme dans la salle ! (Un instant s'écoule.) Allez-y, Madame.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens ici en remplacement de ma collègue Amanda Gavilanes, qui est l'auteure de ce rapport, mais qui a été retenue pour des raisons impératives. Je la remplace en ma qualité de présidente de la commission des travaux. (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! Si le premier rang sur la droite voulait bien faire silence, on n'entend plus la rapporteure. Poursuivez, Madame.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Merci beaucoup. Comme vous le voyez, il s'agit de remplacer le système d'information et de communication du DIP. Je ne vais pas entrer dans le détail des éléments techniques qui nous ont été exposés; même si nous les avons entendus et compris, je serais bien en peine de vous les réexpliquer.
Il faut rappeler que nous avions voté une première loi en 2017 d'un montant à peu près équivalent à 10 millions; il s'agissait de nous donner les moyens de réformer le système d'information et de communication en vue d'une gestion beaucoup plus opérationnelle du département de l'instruction publique et de répondre aux besoins de ses directions générales, du service de la recherche en éducation, du service de l'enseignement privé, afin d'assurer le pilotage - c'est extrêmement important - du système éducatif. Au final, il s'est avéré que ce crédit n'était pas suffisant, raison pour laquelle nous sommes aujourd'hui saisis d'un nouveau projet de loi d'investissement d'environ 20 millions.
Un prestataire a été choisi. Alors on peut se demander pourquoi cette entreprise-ci et pas d'autres; il se trouve qu'il est fondamental de pouvoir nous appuyer sur une société bénéficiant déjà d'une expérience dans le domaine de la formation, en l'occurrence auprès de plusieurs départements du canton de Vaud, et capable de satisfaire aux besoins du département de l'instruction publique.
J'aimerais relever deux points qui me semblent importants. D'abord, comme l'a signalé M. Dal Busco lors des travaux - je me permets de le dire, puisqu'il n'est pas là -, ce nouveau crédit d'investissement répare en quelque sorte un péché de jeunesse du projet, car à l'époque, il n'y avait pas eu de crédit d'étude. Nous nous étions lancés directement dans un processus d'opération, et il s'avère que le montant voté est nettement insuffisant, car il nous faut un prestataire qui puisse vraiment résoudre les problèmes qui se posent.
Ensuite, pourquoi retenir cette entreprise en particulier ? En choisir une autre aurait présenté un risque eu égard aux besoins de la formation; au vu de l'ampleur du projet, il convient de s'appuyer sur une expertise éprouvée.
Ces explications ainsi qu'une démonstration dont la commission des travaux a bénéficié «en live», si j'ose dire, ont permis de convaincre la majorité des commissaires d'accepter ce crédit d'investissement d'un peu plus de 20 millions afin de remplir toutes les exigences et de faire en sorte que la gestion opérationnelle du département de l'instruction publique fonctionne et soit à la hauteur d'une école du XXIe siècle. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des travaux, à adopter le présent projet de loi. Merci.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce crédit d'investissement de quasiment 21 millions de francs vient compléter la loi 12080 qui ouvrait un premier crédit d'investissement en vue du remplacement du système d'information et de communication pour l'éducation et la formation.
En substance, il s'agit d'équiper le DIP d'un logiciel de gestion administrative global dans cinq domaines: soutenir les activités administratives et organisationnelles des établissements scolaires; assurer le parcours de formation scolaire et professionnelle des élèves jusqu'à leurs 18 ans; répondre aux obligations cantonales et fédérales d'évolution du système de formation; obtenir des tableaux de bord et indicateurs permettant le pilotage de la politique publique de formation; s'inscrire dans les priorités édictées par le Conseil d'Etat concernant la transformation numérique de l'administration.
Ce dispositif remplacera les actuels programmes qui avaient été créés au fil des ans par des enseignants ou des informaticiens de génie, dont certains arrivent actuellement à saturation - les systèmes informatiques, donc, pas les professeurs ! - ou à la limite de l'obsolescence et représentent un fort risque structurel pour le département en cas de défaillance. Imaginez que le système plante, le DIP ne serait pas capable de gérer les rentrées scolaires !
La solution retenue au terme du processus de sélection est opérationnelle dans d'autres cantons et dans diverses écoles hors de Suisse et donne entière satisfaction. Le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la très large majorité de la commission des travaux et à soutenir ce projet de loi qui permettra au DIP de disposer d'un outil de gestion, de suivi et d'information performant et au goût du jour. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui concerne les besoins qui ont été relevés par M. Flury et Mme Valiquer, on peut être d'accord, mais il faut juste comprendre, et c'est là où nous sommes en désaccord, que nous avons déjà déboursé pas loin de 10 millions, et on vient nous dire aujourd'hui qu'il faut encore ajouter 20 millions. Mais enfin, à un moment, il faut arrêter ! Si le système ne fonctionne pas avec 10 millions, alors il n'est tout simplement pas approprié. On prétend qu'il marchera mieux avec 20 millions supplémentaires; je suis désolé, mais nous émettons de larges doutes là-dessus.
C'est dans ce sens que l'UDC s'est abstenue en commission, nous n'avons pas été convaincus. En plus, reprendre ce qui vient d'un autre canton pour l'étendre à ce qui existe déjà à Genève, est-ce réellement la bonne solution ? L'UDC n'en est pas persuadée. Il aurait peut-être mieux valu dresser un constat d'échec, reconnaître l'erreur : «Non, le dispositif prévu avec les 10 millions ne fonctionne pas, abandonnons-le, reprenons de zéro toute cette affaire et utilisons ce qui marche ailleurs.»
Mais vouloir ajouter 20 millions à un projet de 10 millions qui n'a pas fait ses preuves jusque-là, excusez-moi encore une fois, ça nous laisse dubitatifs quant à l'efficacité de la mesure. Au final, nous nous abstiendrons à nouveau, parce que nous ne sommes largement pas satisfaits de la méthode; pour nous, il aurait fallu trouver autre chose. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est très bien que j'intervienne juste après M. Florey, parce que je partage une partie de ses préoccupations. On a lancé un appel à projets pour ce système informatique - toute la procédure a été respectée -, on a déjà perdu une somme considérable - 10 millions - sans être arrivé à grand-chose. Des artistes - parce qu'il s'agit vraiment d'artistes informaticiens - sont venus plaider leur cause et nous réclament 20 millions de plus.
Alors on se dit: soit on jette les dix premiers millions par la fenêtre et on recommence tout, soit on prend le risque de relancer la mise. C'est comme au casino: c'est quand vous en sortez que vous vous rendez compte si vous avez fait des affaires ou si vous avez perdu votre chemise. En l'occurrence, on risque bien de perdre notre chemise ! Mais il faut tout de même aller de l'avant, parce qu'on parle d'un montant important, et on ne peut pas juste passer 10 millions, comme ça, en pertes et profits.
Un autre problème nous rend encore plus dubitatifs, c'est la question du contrôle. Un mot a été lynché... lâché, je veux dire - vous comprendrez pourquoi j'ai commis ce lapsus -, à savoir le profilage des élèves. En effet, on va suivre les élèves à la trace, on saura ce qu'ils ont fait quasiment depuis l'école primaire jusqu'à l'université - pour celles et ceux qui auront la chance de fréquenter l'université.
J'ai cité, parce que je viens d'un quartier populaire - la Jonction - le cas d'un copain qui était près des radiateurs, comme on dit, qui n'était pas très bon à l'école. Aujourd'hui, il est directeur d'une grande boîte automobile. En fait, il se trouve qu'il a eu la chance, en quelque sorte, de perdre ses carnets scolaires. Et heureusement qu'il les a égarés, car ça lui a permis de se présenter à des employeurs en valorisant des compétences qu'il n'avait pas développées à l'école, mais ailleurs. Avec le système qu'on veut mettre en place ici, on va profiler les élèves, lesquels n'auront plus la chance de perdre leurs carnets de notes.
Pour moi, c'est quelque chose de grave, ça marque une rupture avec l'idée qu'il faut offrir une chance à tout un chacun. Je vous rappelle qu'André Chavanne avait permis à des élèves qui n'avaient pas suivi le cursus scolaire traditionnel d'intégrer l'université après un examen succinct de leurs connaissances. A cet égard, M. Florey a partiellement raison, et c'est pour ça que nous nous abstiendrons. Je vous remercie de votre attention.
M. Jacques Béné (PLR). Je rappelle que ce dossier nous occupe quand même depuis 2015 ! Le crédit d'étude avait été refusé en 2016, et on essaie de nous faire croire que c'est parce qu'il avait été rejeté qu'il y a maintenant un dépassement du crédit d'investissement de 10 millions adopté en 2017. La méthode nous fait un peu sourire, puisque en 2015 déjà, le PLR avait mis en doute le fait que le coût s'élèverait vraiment à 10 millions; on nous avait garanti que oui, qu'il n'y aurait pas de problème: «Ne vous inquiétez pas, ça ne dépassera pas ce montant.»
En ce qui concerne la procédure dans le cadre des marchés publics, moi, franchement, je ne suis absolument pas convaincu qu'elle ait été respectée. Très peu d'entreprises ont répondu à l'appel d'offres. L'une des deux sociétés qui aurait éventuellement pu être retenue a finalement été écartée, parce qu'elle ne remplissait pas certains critères du marché, donc on se retrouve avec un seul prestataire dont on nous dit, dans l'exposé des motifs, que c'est un «spin-off de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne» - l'entreprise en question nous a indiqué en commission que ce n'était pas le cas - et que le produit qu'elle commercialise, soit IS-Academia, «a été [...] développé pour l'EPFL». Ce n'est pas vrai non plus: le cahier des charges a été établi par l'EPFL et la HES-SO, certes, mais il n'a pas été conçu pour l'EPFL.
Nous émettons de gros doutes, et c'est pourquoi le PLR s'abstiendra ce soir, surtout en raison de la procédure engagée depuis 2015. On nous dit que c'est urgent, mais à part aujourd'hui, le Conseil d'Etat n'a jamais sollicité l'urgence sur les différents crédits d'étude ou d'investissement déposés. De notre côté, nous ne sommes toujours pas persuadés que cette solution est réellement la meilleure. Des systèmes différents existent dans d'autres cantons; visiblement, à Genève, on doit demander 50% à 60% de plus que partout ailleurs, on a vraiment de la peine à comprendre pourquoi. C'est la raison principale pour laquelle le PLR, bien que conscient qu'il faut entreprendre quelque chose, s'abstiendra sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le crédit demandé pour ce projet a explosé de manière exponentielle. Je tiens toutefois à préciser, pour que les choses restent factuelles, qu'il y a une bonne raison à cela: les méthodes comptables au département et à l'Etat ont changé et les ETP nécessaires au développement de ce type d'application sont désormais traités dans le budget d'investissement. Dans le cas d'espèce, cela représente tout de même 5 millions, il ne faut pas l'oublier. Alors cela ne change pas le montant global, mais il me semblait important de le relever.
Ensuite, on peut remettre en question la procédure, mais le prestataire de services sélectionné - la société Equinoxe, qui a déjà développé des logiciels équivalents dans certains cantons suisses - se retrouve tout seul sur le marché avec un client captif qui est l'Etat de Genève. Quand on a demandé aux représentants de l'entreprise où ils en étaient par rapport au coût et au délai, ils nous ont répondu: «Dépêchez-vous, notre carnet de commandes est plein, on se porte bien, on peut travailler.» Quelque part, on n'a plus vraiment le choix et on est bien obligés de reconnaître que ce système est indispensable pour une école moderne, cela nous a été démontré lors des auditions, c'était assez convaincant.
Je souligne néanmoins deux points importants. Le premier concerne le pilotage du projet, non pas par Equinoxe - il s'agit d'un prestataire et il sera bien payé, merci pour lui -, mais par l'Etat de Genève: il faudra des collaborateurs capables d'obtenir d'Equinoxe des informations permettant de mettre le dispositif en phase avec les besoins; nous devons juste être sûrs que le personnel compétent sera en place.
Enfin, et M. Pagani l'a évoquée, il y a la problématique de la protection des données; qu'on soit premier ou dernier de classe à l'école primaire ne joue pas de rôle, mais c'est un vrai enjeu. On nous a garanti que cela ne poserait pas de problème, mais il sera bon de s'en soucier et d'opérer un contrôle de manière que des informations ne circulent pas lorsque cela n'a pas lieu d'être. Cela dit, malgré quelques réserves, le PDC-Le Centre votera ce projet de loi. Merci.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je serai extrêmement brève, Mesdames et Messieurs, parce que vous avez présenté tous les éléments techniques. Il convient simplement de rappeler l'importance de ce projet. Le problème remonte déjà à plus d'une quinzaine d'années, il a été reporté par les conseillers d'Etat précédents, et nous sommes maintenant en situation de risque majeur. En effet, le fait que le système soit susceptible de planter fait partie des risques majeurs reconnus à l'Etat; par hypothèse, cela signifie que nous ne serions pas en mesure d'organiser une rentrée scolaire, de délivrer des CFC et des certificats de maturité ou encore d'établir des horaires scolaires. Dès lors, il faut impérativement que nous avancions dans ce dossier, et je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir le projet de loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, j'ouvre la procédure de vote sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 13162 est adopté en premier débat par 40 oui et 33 abstentions.
Le projet de loi 13162 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13162 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 36 oui et 36 abstentions (vote nominal).