Séance du
vendredi 3 mars 2023 à
16h05
2e
législature -
5e
année -
10e
session -
63e
séance
PL 13259
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, soit le PL 13259... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Bien, le calme étant revenu... (Remarque.) Monsieur Ivanov, si vous souhaitez intervenir, je vous remercie d'appuyer sur votre bouton. Je reprends: nous traitons maintenant le PL 13259 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à la première signataire, Mme Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. D'abord, un rappel des faits: une modification du règlement d'application de la loi sur l'accueil préscolaire est intervenue en juillet 2022, qui, si elle est maintenue, conduira à l'exclusion de plus d'une centaine d'enfants, à la fermeture de certaines classes avec tout ce que cela entraîne comme complications pour les familles. Pourquoi est-ce qu'on s'entête à attaquer continuellement le privé ? Nous n'avons pas d'explication.
Toujours dans l'historique, il y a ensuite eu une rupture de dialogue entre la ministre et les associations des écoles privées. Celles-ci ont tenté de parvenir à une solution de conciliation en demandant une échéance, à tout le moins un délai d'une année, et voici ce que le département de l'instruction publique a répondu: «Nous verrons au cas par cas, nous n'instaurons pas de dérogation générale.» Donc tant pis pour vous, les fermetures de classes ne sont pas notre problème. Ce manque d'échange nous a donc amenés à proposer le présent projet de loi.
Pourquoi avons-nous sollicité l'urgence ? Parce que les structures privées ont besoin de visibilité afin de pouvoir accepter les inscriptions pour le mois de septembre. S'il n'y a pas suffisamment d'élèves, elles devront fermer des classes.
Il existe différents systèmes à l'heure actuelle: il y a bien sûr les établissements publics, qui ne sont pas à revoir, ainsi que des institutions alternatives; on parle des écoles internationales qui jouissent de l'attractivité et de la prospérité économique du canton, mais également des écoles Montessori et d'autres établissements qui développent une offre pour les familles dont les enfants ont des besoins spécifiques.
Avec la modification du RAPr opérée en juillet 2022 et que ce projet de loi demande d'annuler - je ne parle pas du règlement qui est en cours de négociation et auquel il ne touche pas -, 150 enfants ont été empêchés de s'inscrire entre le mois de juillet et celui de janvier, et il y en aura probablement beaucoup d'autres. Si ces 150 enfants rejoignaient le système des crèches, ils coûteraient 7 millions à la collectivité. Certaines classes ferment et, du coup, une partie du personnel se retrouve sans emploi.
C'est pourquoi nous estimons qu'il y a urgence aujourd'hui à voter ce texte sur le siège. Nous regrettons que le manque de dialogue de la ministre socialiste et de ses services avec les écoles privées en amont nous ait conduits à déposer ce projet de loi. Tout ce que celui-ci demande, Mesdames et Messieurs, c'est de revenir à la situation qui prévalait avant cette modification incompréhensible du règlement en juillet dernier. Nous demandons le maintien du statu quo ante, et c'est pourquoi le PLR vous invite à adopter cet objet sans le renvoyer en commission. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, discuter de ce projet de loi - de n'importe quel projet de loi, d'ailleurs, comme on l'a vu précédemment - sans un passage en commission est problématique à plus d'un titre, le premier, et non des moindres, étant que cela empêche l'audition du département et que l'on devra se contenter des propos de la magistrate en fin de débat sans pouvoir lui poser de questions. D'un point de vue démocratique, c'est inadmissible.
Ça l'est d'autant plus quand on lit dans la presse d'hier qu'une procédure de consultation est en cours et que, par conséquent, la question de l'accueil des enfants avant 4 ans reste ouverte. La période électorale dans laquelle nous nous trouvons ne devrait pas être une raison suffisante pour court-circuiter le processus en cours en votant un texte sans passer par la case commission. Ce procédé est d'autant plus choquant que, sans ledit passage, qui va répondre aux questions suivantes ?
Premièrement, sachant que le concordat HarmoS est en vigueur depuis 2012 et qu'il fixe, pour tous les cantons, l'âge d'entrée dans la scolarité obligatoire à 4 ans révolus au 31 juillet, qu'en est-il de la pratique des autres cantons s'agissant de l'âge minimum d'entrée dans les écoles privées ? Genève fait-il figure d'exception, s'agit-il d'une Genferei supplémentaire que les mêmes qui ont voté hier l'urgence sur ce projet de loi dénoncent à longueur d'année ?
Deuxièmement, combien coûte en moyenne l'écolage pour une année en école privée à cet âge, et, question corollaire, cette solution n'est-elle pas réservée aux familles qui peuvent se la permettre ? Troisièmement, sachant que la première primaire est obligatoire, qu'advient-il des élèves qui rejoignent le système public après avoir déjà suivi une année scolaire dans le privé ? Sont-ils nombreux à demander un saut de classe à la fin de ladite année scolaire ? Et si oui, quelles sont les implications pour le département ?
Quatrièmement, combien d'enfants nés entre le 1er août et le 31 décembre ont-ils été accueillis dans les écoles privées lors de chaque rentrée scolaire depuis 2012 ? Cinquièmement, quelles conséquences le changement HarmoS, qui a ramené la date d'entrée en première primaire du 31 octobre au 31 juillet, a-t-il eues pour les institutions de la petite enfance ?
A la lecture de ces questions dont la liste n'est pas exhaustive, il apparaît plus qu'évident qu'un renvoi en commission est essentiel; les Vertes et les Verts le sollicitent par conséquent formellement. La députation Verte est ouverte à la discussion sur ce projet de loi, mais n'aurait d'autre choix que d'en refuser l'entrée en matière si une majorité de ce parlement devait faire du forcing avec un vote sur le siège. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Monsieur Olivier Baud, vous avez la parole.
M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président, mais je pensais qu'on allait voter sur le renvoi en commission, ce n'est pas le cas ?
Le président. Il s'agit d'un projet de loi sans rapport, donc je lancerai le vote après la prise de position de tous les intervenants et de la cheffe du département.
M. Olivier Baud. Ah, d'accord. Mesdames et Messieurs les députés, en effet, l'école est obligatoire dès 4 ans, et la question de l'école avant l'école, si je puis dire, de l'ouverture de classes, mérite véritablement d'être étudiée. Parle-t-on d'enseignement ? Quelle est la formation du corps enseignant ou plutôt du personnel éducatif qui encadrerait ces petits ? Dans quelles conditions cela se ferait-il ? Quel serait le niveau des titres requis ? A Genève, de nombreux élèves suivent un cursus dans des établissements privés, aussi le fait de scolariser les enfants avant l'âge minimum de 4 ans nécessite d'être débattu et examiné très sérieusement.
A Ensemble à Gauche, nous ne sommes pas favorables à mettre les enfants à l'école dès le berceau. C'est une aberration ! Devoir se prononcer comme ça, sur le siège, est tout aussi peu correct. Les nombreuses questions que M. Bonny a soulevées, et je l'en remercie - je ne les ai pas toutes notées, mais elles me semblent parfaitement pertinentes -, justifient pleinement le renvoi en commission de cet objet. Il sera certainement beaucoup dit ces prochains temps que des projets sont électoralistes, mais honnêtement, s'il y en a bien un qui l'est, c'est celui-ci. Nous ne devons pas accepter que nos institutions soient dévoyées de la sorte et nous soutenons sans réserve le renvoi en commission. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Non, Madame Valiquer Grecuccio, quand il n'y a pas de rapport, les demandes de renvoi sont traitées après les interventions de tous les orateurs et du Conseil d'Etat. Mais puisque vous l'avez demandée, je vous cède volontiers la parole maintenant.
Une voix. Il s'agit de l'article 78A LRGC... Mais attendez, il ne dit pas ça, l'article 78A !
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Bien, merci, Monsieur le président. J'ai écouté M. Vanek citer l'article 78A. Pour le parti socialiste...
Le président. Ecoutez plutôt le président ! (Rires.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...il est tout à fait prématuré de voter ce projet de loi sur le siège en faisant fi des discussions qui ont commencé entre les écoles privées et le département. Un règlement est aujourd'hui en consultation, nombre de points ne sont d'ailleurs pas problématiques.
La question qui mérite d'être débattue est l'accueil des petits dès 2 ans et demi, comme le demande ce texte. Il se trouve que selon le système HarmoS - j'insiste là-dessus -, les enfants entrent à l'école dès 4 ans révolus au 31 juillet. Par conséquent, si on acceptait le projet de loi tel quel, on serait en infraction avec notre propre législation.
Par ailleurs, en admettant que la prise en charge des moins de 4 ans soit comparable à celle de l'accueil préscolaire, cela suppose un taux d'encadrement d'un pour dix s'agissant des 3-4 ans. Ce qu'on constate dans les crèches, c'est que la pénurie concerne les enfants de 0 à 2 ans davantage que ceux de 3 à 4 ans.
Vous voyez bien, Mesdames et Messieurs, qu'un grand nombre de questions restent en suspens. Adopter ce projet de loi aujourd'hui, c'est se mettre en désaccord avec, je l'ai indiqué, les règles sur l'accueil préscolaire, c'est se mettre en désaccord avec le concordat HarmoS, c'est se mettre en désaccord - pour ne pas dire en infraction - avec la loi sur l'instruction publique qui, je vous le rappelle, est entrée en vigueur en 2016.
Faisons-nous plutôt confiance. En tant que représentants de différents partis politiques, au lieu d'instrumentaliser politiquement la question qui nous est posée, nous devrions prendre nos responsabilités, appuyer le renvoi en commission, réaliser un travail sérieux et poursuivre les négociations avec les partenaires comme il se doit, mais certainement pas exploiter le thème des enfants en pleine période électorale.
Nous allons sans doute entendre la conseillère d'Etat à ce sujet. C'est un engagement: si vous renvoyez cet objet à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, dont nous sommes membres, nous y travaillerons de manière diligente. Voilà, donc nous en appelons à un peu raison afin de mener un débat sain et non pas de prendre les enfants en otage. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole va à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mon micro ne clignotait pas, Monsieur le président, mais merci beaucoup. Au MCG, nous affirmons spécifiquement être le parti du bon sens. (Exclamations.) Or il est totalement dénué de bon sens d'interdire à des écoles privées, qui ont des classes dites jardins d'enfants depuis au moins un siècle, d'accueillir les élèves, de vouloir tout à coup les fermer. Moi, j'ai fait toute ma scolarité primaire dans le privé et j'ai toujours vu des jardins d'enfants ! Et soudain, ils n'auraient plus leur place ici ?!
Je trouve que c'est une absurdité et je me demande bien ce que vont faire les parents qui ne peuvent plus y scolariser leurs enfants, qui n'ont pas obtenu de place de crèche, qui doivent jongler avec la famille, les grands-parents, décider de les faire garder ou pas - cas échéant d'arrêter de travailler; que vont-ils faire si leurs enfants ne peuvent plus aller dans ces endroits ? C'est une aberration totale, et nous vous demandons de voter ce projet de loi sur le siège. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC refusera le renvoi en commission et trouve la posture de la cheffe du département totalement irresponsable. Venir ainsi, en fin de carrière, modifier un règlement subrepticement, sans consultation... Voyez le tollé que ça soulève aujourd'hui ! On peut véritablement se demander s'il n'y a pas une petite volonté de vengeance vis-à-vis des écoles privées. Pourquoi vouloir, en fin de législature, changer les règles du jeu et laisser son futur prédécesseur se débrouiller avec... (Commentaires. Rires.)
Une voix. Son futur successeur, pas prédécesseur !
Une autre voix. Bravo !
M. Stéphane Florey. Oui, pardon: son futur successeur se débrouiller avec les établissements privés ? On peut vraiment se poser la question.
De notre côté, nous sommes convaincus que la situation qui prévalait avant la modification du règlement était adéquate, il s'agissait d'un bon système. Nous souhaitons que celui-ci soit maintenu et c'est pour cette raison que nous sommes favorables au vote de ce projet de loi sur le siège. J'espère que cette fois-ci, Mme Torracinta et le Conseil d'Etat auront le courage de demander le troisième débat ! Je vous remercie.
M. Xavier Magnin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est essentiel que Genève garde son attractivité, et les écoles ainsi que la formation en général y contribuent, notamment l'offre privée qui est complémentaire au système public. En effet, nombre d'internationaux recherchent un cadre scolaire qu'ils connaissent afin d'assurer à leurs enfants une continuité dans leur cursus quand ils retournent au pays. Par exemple, le système français permet la scolarisation dès 3 ans, et c'est une option qui ne doit pas disparaître ici. Les établissements privés qui le pratiquent le font à satisfaction des parents, lesquels ne sont d'ailleurs pas tous des expatriés.
Cette pluralité, cette mixité constituent les atouts de notre canton, les systèmes ne s'opposent pas. Il est important de conserver une diversité et de ne pas restreindre l'action de ces structures en cherchant à les faire entrer dans un seul et unique moule; cela se ferait au détriment des élèves et aussi de parents qui sont en quête d'autres méthodes pédagogiques. Pour un canton réputé ouvert, une telle restriction est pour le moins étonnante. A ce propos, n'importe qui ne peut pas ouvrir une école sans autorisation ni contrôle ! Les institutions privées permettent de soulager pour partie la demande en garde d'enfants d'âge préscolaire, l'offre étant déficitaire. En fait, la réflexion devrait plutôt s'opérer dans l'autre sens: il faudrait se demander si notre école publique ne devrait pas commencer ou être accessible dès 3 ans.
Le changement tombe particulièrement mal dans ces phases d'inscription scolaire qui sont également des périodes électorales, mais les établissements concernés ne maîtrisent en aucun cas l'agenda politique. Ils ont reçu la consultation fin janvier avec un délai de réponse à début mars, ce n'est pas de leur ressort; partant, ils ont gelé les inscriptions. A ce jour, cela a été relevé, entre 150 et 200 enfants sont en attente sur une prévision d'accueil de plus de 500 enfants. Voilà qui répond à l'une des questions du député Bonny - vous transmettrez, Monsieur le président. Je vous laisse effectuer le savant calcul pour déterminer à quoi cela correspond quant aux besoins en effectifs de crèches.
Pour toutes ces raisons, il est fondamental de maintenir la possibilité de scolariser les petits dès 3 ans en école privée. La discussion est malheureusement difficile, voire impossible, en ce moment, et c'est bien dommage. Il faut dès lors accepter ce projet de loi sur le siège. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour une minute vingt.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, on est en train de sacrifier les petits enfants sur l'autel d'une opération électorale. Ensuite, la droite passe les plats de l'enseignement aux établissements privés; c'est normal, ce sont leurs amis, ils ont fait leurs études dans le privé, ils en avaient les moyens. Enfin, c'est une manière de colmater le trou abyssal de notre canton en matière de prise en charge de la petite enfance et donc de places de crèche.
Notre groupe s'oppose fermement à cette solution, à ce pis-aller pour les plus riches, et appelle à soutenir l'initiative de la Liste d'union populaire pour des crèches gratuites pour tous les enfants... (Exclamations.) ...c'est-à-dire à offrir aux 4000 à 5000 enfants... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui ne bénéficient pas d'une place en crèche la possibilité d'être accueillis dans des conditions qui permettent aux familles les plus modestes d'avoir accès à l'éducation préscolaire.
Le président. Merci...
M. Jean Batou. Nous soutenons le renvoi en commission de ce projet absolument absurde...
Le président. C'est terminé.
M. Jean Batou. ...afin de prioriser le développement du système d'accueil préscolaire, c'est-à-dire des crèches. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Cyril Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR). Il ne me faudra que quelques secondes, Monsieur le président. Je voudrais juste réagir aux propos de M. Bonny, qui vient nous donner des leçons de démocratie par rapport au renvoi en commission - je ne m'exprimerai que sur ce point-là: quand, lors de la dernière session, j'ai tenu les mêmes propos que lui - au mot près - s'agissant de la proposition de résolution 1010, son groupe en a fait peu cas et le texte a été voté sur le siège. (Commentaires.)
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je vais juste éclaircir la situation, puisque certains députés de gauche n'ont pas bien compris: ce projet de loi ne vise qu'à perpétuer la situation qui prévalait avant la modification du règlement entrée en vigueur en juillet 2022. Il y a deux règlements en parallèle: le premier est actuellement en consultation et n'est pas concerné ici; le second, qui est entré en vigueur en juillet 2022, n'a pas fait l'objet de débats entre le département et l'AGEP ainsi que les autres associations d'écoles privées. (Remarque.) Donc... (Remarque.) Monsieur le président, je n'arrive pas à me concentrer avec ces discussions annexes ! (Commentaires.)
Le président. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Diane Barbier-Mueller. Il s'agit de rétablir la situation. Les écoles privées ne sont pas concernées par le concordat HarmoS dont le but est d'harmoniser le système public. De plus, elles ont toujours eu à coeur, depuis aussi longtemps qu'elles existent, de permettre à leurs élèves de passer dans le public, il n'y a pas de changement de ce côté-là. Je le répète: le dispositif HarmoS n'est pas touché. Les établissements privés aimeraient qu'on les laisse vivre en paix et fonctionner comme ils le font depuis toujours.
C'est tout ce que nous demandons, le maintien du statu quo ante. Les élèves ne sont pas sacrifiés, bien au contraire. Quant aux crèches, elles ne sont pas concernées par le projet de loi; on parle des enfants dès 3 ans, pas de la petite enfance dès 4 mois. L'idée, c'est que les petits qui entrent en école privée à 3 ans libèrent des places de crèche pour d'autres qui en auraient besoin, cela a plutôt une valeur sociale. Encore une fois, il s'agit de revenir au statu quo. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il y a une immense confusion dans ce débat. Il n'est pas question, Madame Magnin, d'empêcher les écoles privées d'accueillir des petits. La problématique qui se pose ici, c'est de savoir, s'agissant des enfants de moins de 4 ans, s'ils sont soumis au règlement relatif à l'enseignement privé, qui fixe les normes et autorisations pour les établissements privés, ou au règlement d'application de la loi sur l'accueil préscolaire, qui concerne les crèches et autres jardins d'enfants.
Pourquoi ? Je vous explique l'origine de l'affaire. En 2019, votre parlement - ce parlement ici présent - a voté la loi sur l'accueil préscolaire - rappelez-vous, c'était dans le cadre de la RFFA, il y avait toute une série d'éléments en lien avec cette réforme; son règlement d'application est entré en vigueur en juillet 2022. Lors du travail sur ce règlement, nous nous sommes aperçus qu'il y avait un vide juridique, lequel avait d'ailleurs pris de plus en plus d'ampleur dans les faits, concernant les enfants de moins de 4 ans au 31 juillet (âge HarmoS pour l'entrée à l'école): nombre d'entre eux étaient scolarisés dans le privé de plus en plus tôt.
Le problème soulevé ici est le suivant: quelle surveillance exerce-t-on ? Souhaitez-vous réellement que des enfants en bas âge ne soient pas pris en charge dans un cadre rigoureux avec du personnel formé et un taux d'encadrement suffisant ? Nous avons constaté que rien n'était prévu, si vous voulez, qu'il y avait un vrai vide.
Or il existe une ordonnance fédérale sur le placement d'enfants - je l'ai sous les yeux - qui contraint les cantons à fixer des règles. Lors de l'élaboration du règlement sur l'accueil préscolaire, nous avons ainsi instauré des normes pour l'entier des crèches et jardins d'enfants. Mme Valiquer en a cité une en exemple; on peut discuter de sa valeur, mais le fait est que dans une crèche accueillant des enfants de 3 à 4 ans, le taux d'encadrement doit être d'un pour dix; une formation du personnel est également exigée, tant et tant de pourcentages des employés doivent être formés.
Dès lors, la question suivante s'est posée pour les écoles privées: est-ce que l'on continue ou pas à les laisser accueillir, sous le régime de l'école, des petits qui devraient relever du régime des crèches ? Ce qu'a décidé le département à ce moment-là, c'est d'accorder une dérogation d'une année, c'est-à-dire d'autoriser les établissements privés à prendre en charge des enfants de 3 ans au 31 juillet sous le régime de l'école, et non celui des crèches. Il s'agissait d'une dérogation.
Le point qui est en discussion - voilà pourquoi nous traitons maintenant avec les institutions privées - touche essentiellement les enfants de 2 ans et demi, c'est-à-dire ceux qui, au mois d'août ou de septembre, quand l'école commence, n'ont pas encore 3 ans révolus, mais auront atteint cet âge le 31 décembre. La problématique se situe vraiment à ce niveau-là et la réflexion est en cours. Prenons l'exemple des écoles privées qui suivent le système scolaire français: vous savez que celui-ci permet aux petits de débuter l'école à 3 ans, et c'est l'année civile des 3 ans qui compte, pas le mois de juillet ou la date de la rentrée scolaire. Il s'agit maintenant de déterminer si on autorise ou non l'entrée à l'école durant ces quelques mois, avec potentiellement une dérogation pour les établissements qui appliquent le système français.
Le problème, aujourd'hui, c'est que comme il y a eu un vide juridique pendant un certain nombre d'années, des structures privées se créent - je ne parle pas des grands établissements - qui se disent être des écoles, mais qui reçoivent en réalité des petits sans la surveillance exigée dans le cadre de l'accueil préscolaire. Voilà le noeud du débat, Mesdames et Messieurs les députés. Il faut savoir: voulez-vous pour les petits une prise en charge correcte quant à l'encadrement et à la formation, ou pas ?
Vous voyez bien que la question juridique n'est pas simple, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous prie de renvoyer ce projet de loi en commission. Si vous vous entêtez à vouloir le voter aujourd'hui, eh bien je ne demanderai pas le troisième débat... (Exclamations.) ...non pas tant en raison du fond, parce que j'estime qu'il s'agit d'une vraie question dont il est légitime de débattre... (Commentaires.) S'il vous plaît ! ...que parce qu'aux yeux du Conseil d'Etat, en ce qui concerne les projets de lois - des textes qui ont une incidence importante, donc -, on ne les adopte pas sur le siège, on se donne la peine d'examiner les choses sous l'angle juridique, c'est fondamental.
J'en veux pour preuve, Madame la députée Barbier-Mueller, que vous reconnaissez vous-même implicitement qu'il s'agit d'accueil préscolaire, puisque vous entendez modifier la loi sur l'accueil préscolaire. Or cela n'a rien à voir avec la loi sur l'accueil préscolaire ! Nous avons certes inscrit dans cette loi une dérogation pour les écoles privées qui devraient lui être soumises s'agissant des enfants en dessous de 4 ans, mais c'est bien le règlement relatif à l'enseignement privé qu'il convient de modifier si on souhaite aller dans le sens - et c'est un autre débat politique - d'un changement de l'âge d'entrée à l'école.
Je vous en prie, Mesdames et Messieurs les députés, pensez au bien de nos enfants ! Il s'agit aussi d'éviter que des responsables de crèches et de jardins d'enfants privés, communaux et publics se disent: «Ah, mais attendez, quand on se déclare école privée, on peut accueillir les petits dès 2 ans et demi sans encadrement suffisant ? Eh bien nous allons faire pareil !» Sans parler des complications potentielles s'agissant d'enfants de 4 ans révolus le jour de la rentrée scolaire (qui sont nés par exemple début août) et à qui on refuse tout de même de commencer l'école en raison de l'harmonisation scolaire - qui n'était franchement pas ma tasse de thé. Je serais parent, je ferais recours à la Chambre administrative en arguant: «Regardez les écoles privées, elles peuvent les prendre, il y a inégalité de traitement !»
Ce que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, c'est simplement que nous examinions les choses sereinement en commission et que nous poursuivions la consultation en cours; certes, elle est difficile, mais je m'engage à ce que nous trouvions un accord avec les établissements privés qui satisfasse tout le monde. Je vous en prie, ne votez pas sur le siège un projet de loi dont les implications pourraient se révéler extrêmement problématiques d'un point de vue juridique. Encore une fois, je ne me prononce pas sur le fond, je ne dis pas qu'il faut accueillir les enfants à 2 ans et demi, à 3 ans ou à 3 ans et demi, je m'occupe uniquement des aspects juridiques.
Une dernière chose: l'argument sur les places de crèche ne tient pas véritablement la route, parce que la pénurie, qui est réelle, importante - il faut toutefois s'adresser non pas au canton, mais plutôt aux communes dont c'est la prérogative principale -, concerne surtout les petits, les moins de 2 ans ou 2 ans et demi; la situation est beaucoup moins grave pour les plus âgés, d'autant que l'offre des jardins d'enfants s'ajoute à ce moment-là.
Aussi, Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à renvoyer ce projet de loi en commission. Si vous refusez de le faire, je vous préviens en toute transparence que nous ne demanderons pas le troisième débat, de façon à discuter d'abord avec les groupes et à aborder ces questions juridiques ensemble. Cela étant, j'ai confiance dans la capacité du parlement à réfléchir avant de voter ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote sur le renvoi de ce texte à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13259 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 57 non contre 38 oui et 1 abstention.
Le président. A présent, j'ouvre le scrutin sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 13259 est adopté en premier débat par 56 oui contre 39 non et 1 abstention.
Le projet de loi 13259 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'est pas demandé.
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.