Séance du
jeudi 26 janvier 2023 à
17h
2e
législature -
5e
année -
9e
session -
50e
séance
PL 12978-A
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 12978-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le suspense est à son comble ! (Rires.) Parce que le vote d'ensemble en commission, c'est 6 contre 6 et 3 abstentions, alors on va enfin savoir ce soir de quel côté sont les Verts et le MCG sur ce beau projet de loi !
Cet objet pose beaucoup de problèmes, parce qu'en fait, si une majorité, ou une quasi-majorité, a refusé ce projet de loi dans le vote d'ensemble, c'est simplement parce que les règles concernant le télétravail n'étaient encore pas totalement approuvées par l'administration. Nous avons eu beaucoup de discussions avec le Cartel, avec l'office cantonal de l'emploi, avec l'office du personnel de l'Etat, avec les deux associations représentantes des cadres, et en fait ce projet de loi... Il ne suffit pas de dire: «On donne un certain montant, on achète du matériel et c'est bon !» Il y a beaucoup de questions qui se sont posées en commission, par exemple sur le droit à la déconnexion, la prise en charge des indemnités, ou sur qui va décider de qui a le droit de faire du télétravail ou pas. Or un règlement a été approuvé à la fin du mois de juin, soit après le dépôt de ce rapport, et, pour pouvoir analyser les choses de manière cohérente, concrète, avec en plus quelques mois d'application de ce règlement, je vous demande de bien vouloir accepter le renvoi de ce projet de loi...
Une voix. Non !
M. Jacques Béné. ...à la commission des travaux. (Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Sur le renvoi, Madame la rapporteure de première minorité ?
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Le parti socialiste refusera ce renvoi en commission, car il a entendu Mme Fontanet, représentant l'employeur, en tant que responsable de l'OPE. Nous suivons son objectif de «Travailler autrement» à l'Etat de Genève. Pour nous, il est important de refuser ce renvoi et de voter enfin ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Monsieur le rapporteur de seconde minorité, sur le renvoi ?
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président. Je trouve un peu spécial de la part d'un parti qui se voulait gouvernemental de soudain tout renvoyer en commission - parce que M. Béné, comme je le connais, va nous faire... Il y a un autre projet de loi qu'il va encore renvoyer en commission, je ne vais pas le citer, mais quand même...
Une voix. C'est le Conseil d'Etat qui demandera le renvoi !
M. Rémy Pagani. Oui, oui. ...et on ne va rien décider ! Aujourd'hui, après le covid, je rappelle l'enjeu de cette affaire: il s'agit de donner des instruments de travail au personnel de la fonction publique, qui, jusqu'à maintenant, pour certains de ses membres en tout cas, ont acheté des ordinateurs portables et se sont construit une bulle chez eux. On peut être pour, on peut être contre, mais c'est un budget qui permettra aux uns et aux autres de travailler dans de meilleures conditions, d'avoir des outils non seulement performants, mais aussi sécurisés.
On est donc repartis pour une année, parce que - je vous la fais courte, même si ce sera long: le 2 avril auront lieu les élections - et j'espère que les gens voteront pour nous... (Exclamations. Commentaires.) Ah, ben oui ! Ah, ben oui ! Il faut quand même mettre les gens devant les réalités ! Certains qui se prétendaient gouvernementaux, notamment le PLR, aujourd'hui, renvoient tout en commission ! (Remarque.) Il faut donner des instruments au service public pour faire en sorte que celui-ci fonctionne ! (Commentaires.) Les 40 000 fonctionnaires dans le petit et le grand Etat ont besoin d'instruments de travail corrects: d'une part, d'une place de travail - et là, on se paie gratuitement sur la bête, si j'ose dire, puisqu'on ne paie même pas les lieux de travail dans les appartements, on ne déduit pas cela des impôts... Non seulement ça, mais on leur fait aussi acheter du matériel pour travailler correctement ! C'est inadmissible ! Nous sommes pour entrer en matière, pour voter ce projet de loi et suivre le gouvernement, qui a, lui, par contre, pris ses responsabilités et qui veut donner des conditions de travail à peu près correctes - à peu près correctes ! - au personnel dont nous sommes responsables, je vous le rappelle !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le conseiller d'Etat Serge Dal Busco, sur le renvoi en commission ?
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Oui, merci, Monsieur le président. Brièvement, sur le renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés, si j'étais sûr, s'il n'y avait pas ce suspense insoutenable, je serais d'avis d'aller dans le sens des rapporteurs de minorité: il faut voter maintenant, parce que, normalement, on vous a apporté un certain nombre de... On vous a rassurés quant à des inquiétudes qui étaient au demeurant légitimes. Mais voilà, j'aimerais être aussi optimiste que certains d'entre vous, en l'occurrence les minoritaires qui veulent continuer à débattre, parce que ce qui est important, c'est que ce parlement vote ce projet de loi.
C'est ça qui est important, parce qu'effectivement, nous avons de grandes attentes et de grandes ambitions pour la fonction publique: il y a la stratégie et l'outil «Travailler autrement», il y a des projets en cours, notamment de grands déménagements qui se préparent du côté de la Pointe Nord, où tout l'ordonnancement des locaux a été calé et calqué sur le fait que le taux de travail en tant que «nomades» en quelque sorte - pas seulement en télétravail - est croissant. C'est vraiment la manière dont on va travailler à l'avenir, qui permet de concilier davantage la vie professionnelle et la vie privée, etc., qui dépend de ces outils-là.
Par conséquent, je me fie à l'appréciation de ce parlement. J'espère qu'il y a de la clairvoyance dans la décision que vous allez prendre maintenant quant au renvoi en commission. Si vous êtes sûrs que vous allez voter ce crédit, refusez le renvoi en commission; si vous êtes sûrs qu'il ne va pas passer, renvoyez-le en commission... (Rires.) ...mais votez in fine ce projet ! Voilà. (Rires. Commentaires.)
Une voix. C'était pas très clair !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12978 à la commission des travaux est rejeté par 60 non contre 33 oui.
Le président. Monsieur Jacques Béné, vous souhaitez continuer votre intervention ?
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Oui, puisque certains veulent que le suspense s'arrête, on va continuer les débats ! Malheureusement, si on a demandé ce renvoi en commission, ce n'est pas par hasard ! Si vous lisez le rapport et que vous vous penchez sur l'audition des cadres ou du Cartel, vous voyez qu'il y a énormément de questions qui se posent, notamment par rapport aux tensions qui peuvent se créer entre les collaborateurs. L'UCA et le GCA ont même dit qu'il fallait envisager des systèmes qui valorisent aussi les personnes qui ne peuvent pas télétravailler et qu'il n'y avait pas de règle très claire sur les espaces de travail, sur ce que l'Etat allait pouvoir financer ou, comme je l'ai dit, sur le droit à la déconnexion. Le Cartel a très clairement dit qu'ils manquaient d'informations, qu'ils avaient l'impression que les risques n'étaient pas assez réfléchis en amont et que la crainte était que le télétravail fasse que les gens vont trop travailler.
Tous ces éléments ne pouvaient être évalués au sein de la commission que si on avait le règlement clairement sur la table, ce qui n'a malheureusement pas été le cas, puisque le règlement a été adopté après le dépôt de ces rapports; certains voulaient absolument qu'on puisse voter rapidement. On est maintenant fin janvier, ce rapport date du mois de mai, je n'ai pas entendu le Conseil d'Etat demander l'urgence, ce qui m'étonne un petit peu. Il aurait été préférable de prendre un ou deux mois supplémentaires en commission pour le traiter, mais puisqu'on ne peut pas prendre ces deux mois supplémentaires, je vous invite simplement à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste a voté ce projet de loi. Il a suivi en cela un rapport divers que nous avons accepté à l'unanimité de ce Grand Conseil en 2021, qui demandait justement de mettre en place les outils pour le télétravail. Alors quand, en plus, on met en place des outils, que Mme Fontanet est venue rappeler que cela correspondait à son programme «Travailler autrement», qui est basé sur trois principes importants dans l'administration - confiance, autonomie et fixation des objectifs -, et que le télétravail entre dans le programme même de la magistrate qui supervise l'office du personnel de l'Etat, permettez-moi de dire que c'est quand même un peu particulier qu'aujourd'hui, un parti - et le PLR en particulier - ne suive pas sa propre conseillère d'Etat... (Remarque.) ...sur une politique RH qui a été largement acceptée par ce Grand Conseil et que nous suivons.
Les trois principes - confiance, autonomie et fixation des objectifs - qui fondent le télétravail sont aussi rappelés... Par qui ? Par la FER, qui dit qu'il faut «dédramatiser la question du télétravail. [...] Il permet une meilleure conciliation des vies privée et professionnelle». C'est un principe qui est, je pense, cher à tout employeur et qui permet aussi de répondre à des questions de mobilité. Le règlement auquel M. Béné a fait référence a été abondamment expliqué en audition par la conseillère d'Etat dans ses principes. Aujourd'hui, ce règlement est là, il est public, vous auriez largement eu le temps de le lire, il cadre parfaitement le télétravail, il répond aux soucis qui ont été exprimés tant par les cadres des différents départements et l'Union des cadres que par les syndicats.
Très clairement, je demande le vote nominal... (Commentaires.) ...sur la question de la mise en place de ces outils. Il faut savoir aujourd'hui accepter que ces outils servent et existent déjà au sein de l'administration. M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco vous a expliqué que des fonctionnaires vont déménager en mars-avril de cette année à la Pointe Nord... (Remarque.) ...avec l'idée aussi de pouvoir télétravailler et de mettre en place... (L'oratrice est interpellée.) ...de nouvelles formes de travail. (Commentaires.)
Alors, je vous en prie, on vote, parce que c'est aussi mettre en place des outils cohérents, demandés par l'ensemble du Conseil d'Etat. C'est illusoire - et je vous le dis en tant que présidente de la commission des travaux - de penser qu'on peut faire pour tous les projets de lois des retours en commission et qu'on va pouvoir venir voter dans la composition actuelle du parlement. (Remarque.) C'est une manière dilatoire de ne pas faire avancer des projets, et le parti socialiste ne bloquera pas les actions du Conseil d'Etat en faveur de l'administration publique. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Vous demandez donc le vote nominal pour l'entrée en matière ? Parce que le vote final est de toute façon nominal.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Pour l'entrée en matière, effectivement.
Le président. C'est noté. Merci, Madame la... (Commentaires.)
Une voix. Il faut qu'elle soit soutenue !
Le président. Ah oui - êtes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Le vote d'entrée en matière se fera donc à l'appel nominal. Je passe maintenant la parole à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Mme Valiquer, mais quand même, quand j'entends M. Béné défendre nominalement les représentants de la fonction publique, je m'interroge. J'ai été pendant dix ans responsable syndical au syndicat des services publics, et je connais, je sais écouter la fonction publique. Jamais la fonction publique et les représentants des cadres n'ont dit qu'ils étaient opposés à ces instruments qui seraient mis à leur disposition. Ils ont, à raison, relevé un certain nombre de problèmes. J'en citerai un. J'ai été aussi, dans mon parcours de syndicaliste, chargé de la défense des ouvrières de l'horlogerie: il y a très longtemps, on apportait des montres aux ouvrières et elles travaillaient dans leur appartement, en faisant en parallèle leur ménage. Et ça, ça a conduit à des dérives - elles étaient payées à la pièce - et la dérive existe, Mesdames et Messieurs ! C'est-à-dire qu'on donne un ordinateur, et ce qu'on appelle le droit de se débrancher doit être garanti - et non seulement d'être débranché, mais de ne pas travailler à la pièce ! Parce qu'évidemment, un employeur peut très bien contrôler aujourd'hui déjà et de manière systématique - il le pouvait bien avant le covid - la productivité des uns et des autres.
Il doit y avoir une législation qui protège - parce qu'on ne peut pas faire autrement avec les virus qui traînent sur toute la planète, malheureusement... On doit donc mettre en place une législation qui protège et qui évite toutes les dérives qu'on a connues dans les années 30 notamment ou au début du siècle passé.
Nous sommes très attentifs à cette problématique-là et nous défendrons pied à pied non seulement les fonctionnaires... (Exclamation.) ...mais tous les salariés qui subissent ce contrôle patronal, comme nous les avons défendus quand il s'était agi d'installer des télévisions - je vous rappelle toute cette période en 1980, où on voulait mettre des caméras sur les postes de travail ! (Commentaires.) Il est interdit en Suisse d'installer des caméras sur les postes de travail, parce que, justement, il est interdit de contrôler la productivité des uns et des autres. Nous sommes donc pour payer des instruments et des outils de travail à la fonction publique, mais nous resterons très vigilants en ce qui concerne leurs conditions d'utilisation. Je vous remercie de votre attention.
M. David Martin (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le télétravail fait beaucoup parler de lui et semble étonnamment très clivant ce soir, alors que, dans les usages, il s'installe très confortablement. On entend ici que, pour certains, c'est la panacée et la solution à tout; pour les autres, c'est la fin des relations sociales, l'éclatement de la collaboration en équipe. C'est très surprenant de voir le PLR ce soir être contre le télétravail, notamment... (Remarque.) En tout cas, contre ce projet de loi. C'est particulièrement étonnant de la part des représentants de la FER, qui est une référence sur le sujet à Genève. Bref, ce sujet est très clivant.
Le télétravail, en résumé, c'est quoi ? C'est une solution tout simplement très utile pour celles et ceux qui souhaitent mieux concilier la vie privée et la vie professionnelle. Toutes les enquêtes montrent que, tant dans la fonction publique que dans le privé, une nette majorité des gens souhaitent pouvoir télétravailler un à deux jours par semaine - et non pas en permanence: un à deux jours par semaine. Cela veut dire qu'il y a tous les autres jours où on va au bureau. C'est donc une demande sociétale.
Maintenant, évidemment, se pose la question du volet environnemental du télétravail. C'est vrai que, pour les Verts, c'est un point sensible. Cela implique une augmentation de l'équipement informatique, et nous en avons amplement débattu dans notre caucus. Il faut relativiser cela dans la mesure où le télétravail est une option volontaire. Ce n'est donc pas un dédoublement des bureaux, mais les personnes, si elles le veulent, peuvent travailler à certains moments depuis la maison. En plus, la tendance actuelle, c'est que les gens sont équipés de laptops: il n'y a donc pas deux ordinateurs. Il y a du travail au bureau et du travail à la maison, voire du travail nomade. C'est une évolution qui est en cours.
Nous sommes majoritairement très favorables au fait de faciliter le télétravail pour la fonction publique, d'autant plus qu'il est maintenant encadré par un règlement qui a été annoncé et qui est adopté. En revanche, et ce sont nos points de vigilance, les Verts demandent que l'Etat intègre pleinement les bonnes pratiques de souveraineté et de responsabilité numérique. Sur ce point, il y a encore beaucoup à faire, que ce soit sur les questions de la responsabilité environnementale dans le choix des équipements informatiques, du recyclage, de la durée de vie de l'équipement informatique, de la protection des données ou de la protection de la vie privée. Ces éléments-là sont des points de vigilance. Nous demandons au Conseil d'Etat qu'il en tienne compte par la suite, que ce soit d'ailleurs à propos de l'équipement de télétravail ou du numérique à l'école, dont on parle aussi souvent. Moyennant ces cautèles, nous vous encourageons à adopter ce projet de loi.
M. Stéphane Florey (UDC). Je l'avais dit en commission, mais je le répéterai ici: l'UDC comprend mal l'utilité d'un tel projet de loi, ainsi qu'il nous est proposé aujourd'hui. Pour nous, il est clairement primordial de préserver les liens sociaux entre employeurs et employés, et le meilleur moyen, c'est justement de se rendre à son travail. Nous en sommes convaincus.
Maintenant, pour conclure - parce que je serai assez bref sur ce point -, j'invite le Conseil d'Etat à déjà remettre de l'ordre s'agissant de ceux qui, justement, font du télétravail, comme on l'a dit à plusieurs reprises. Quand on voit qu'il y en a qui télétravaillent depuis Colmar et puis bientôt depuis Tombouctou, on peut se poser la question: à quoi sert vraiment le télétravail aujourd'hui ? Voilà, moi, c'est le message que j'aimerais délivrer aujourd'hui: que l'Etat remette de l'ordre dans ce que pourrait être éventuellement le télétravail ! En ce qui concerne ce projet de loi, l'UDC le refusera. Je vous remercie.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi part d'un bon sentiment et vise à inscrire dans la durée les expériences effectuées durant la crise covid, alors que les collaborateurs ne pouvaient pas se rendre sur leur lieu de travail. Par contre, il faut être conscient que l'Etat n'est pas un employeur ordinaire. En conséquence, ne pourra pas travailler à distance qui veut. Certaines fonctions demandent une présence physique, par exemple à un guichet, dans un service, à domicile chez des patients ou au volant d'un véhicule - de transports publics notamment. Il y a ensuite tous les collaborateurs qui vivent dans de petits logements inappropriés à la mise en place d'un poste de travail et, à l'inverse, celles et ceux qui exercent des activités ne nécessitant pas une présence physique au bureau et qui disposent d'un logement suffisamment spacieux pour y installer un bureau.
L'Etat, plus que tout autre employeur, doit veiller à éviter toute forme de clivage parmi ses collaborateurs. Il serait catastrophique pour l'image de l'Etat qu'il puisse être perçu comme un employeur qui distingue deux classes de collaborateurs: les aptes et les inaptes au télétravail. A l'Etat, service public par excellence, il n'y a qu'une seule catégorie de collaborateurs: ceux qui sont là pour servir celles et ceux qui ont besoin de ce service public.
A ces questions fondamentales sur le rôle de l'Etat et sa place dans la cité, s'ajoutent ensuite les questions d'ordre matériel. Celles sur le financement de meubles ou de chaises spéciales, des connexions internet à haut débit ou une participation au loyer compensant la chambre-bureau dédiée au télétravail. Sans compter toutes les problématiques de sécurité informatique qui peuvent rapidement devenir cruciales, notamment pour les collaborateurs frontaliers.
Pour ces derniers, il convient de s'interroger très sérieusement sur l'utilisation sur sol français d'ordinateurs propriétés de l'Etat de Genève. Le principe de précaution, si cher à certains, plaide de toute évidence pour le bannissement de cet usage; pour les autres, attachés à la sécurité de l'Etat et de ses secrets, la conclusion n'est vraiment pas différente ! Ajoutons à cela que si une allocation était accordée par l'Etat de Genève pour financer une pièce, celle-ci serait considérée comme une délégation de l'action étatique sur sol étranger. S'agissant de la France, il y a fort à parier qu'une telle activité au service d'un Etat étranger est soumise à autorisation. Par ailleurs, une fois les dérogations covid écoulées, dès sa première minute, le travail pour un gouvernement étranger effectué sur sol français serait soumis à pleine imposition. Ce qui ne manquerait pas de placer ces collaborateurs et notre canton dans des situations délicates. En conséquence, au vu de ces éléments, le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la première question que j'aimerais vous poser est la suivante: qu'est-ce que le télétravail apporte en plus à la population et aux fameuses prestations à la population ? Parce que c'est de cela qu'il s'agit. Les collaborateurs de l'Etat sont là pour effectuer un travail au service des citoyens, et il ne faut pas inverser le débat en disant: «On va créer un cadre sympathique et favorable aux collaborateurs.» Le but essentiel, c'est de servir des prestations à la population. Une fois qu'on a défini ce cadre, on met des cautèles. On l'entoure. Et ce sont des mesures qui sont, oui, en faveur des collaborateurs... Vous soutenez que la FER est pour le télétravail. Effectivement ! La grande différence avec le privé, la différence fondamentale, c'est que, dans les entreprises, on fixe des objectifs, on a un suivi de ces objectifs, et s'ils ne sont pas atteints, on réaffecte la personne à un autre projet ou on peut s'en séparer. Ce qui n'est de loin pas le cas à l'Etat, avec une politique RH corporatiste ! Et je remercie Mme Valiquer qui parle au nom de la présidence de la commission des travaux - d'ailleurs, ça n'a rien à voir là-dedans ! Vous pouvez parler en votre nom, mais pas comme présidente de la commission des travaux ! C'est un rôle institutionnel ! Et s'agissant du vote nominal, il sera intéressant de voir toutes les personnes qui travaillent à l'Etat, qui bénéficieront de cela et qui voteront sur leur propre équipement !
Maintenant, s'agissant des auditions, c'était stratosphérique ! Quand on pense à l'audition des cadres, qui disent: «Il faut aller plus loin, avec des chèques d'équipement, on est en train d'équiper nos appartements, comment on fait ? Il faut pousser la réflexion plus loin, sur les loyers...» Mais on en est où ? On en est où pour les citoyens ? A un moment donné, je suis complètement d'accord que les cadres de l'OBA, les ingénieurs, peuvent faire du travail à la maison, mais il ne faut pas donner ça à tout le monde ! Il faut le cadrer avec des conventions ! Et vous citez la FER. La FER fait effectivement des conventions, c'est un partenariat, et il y a une certaine équité entre les différents collaborateurs.
Ensuite, fondamentalement, c'est de nouveau une mesure en faveur du collaborateur - ce qui est très bien ! Mais le problème, avec les syndicats des services publics et les syndicats, c'est qu'il n'y a aucune contrepartie ! On l'a vu dans le débat budgétaire ! L'indexation: pas assez ! L'annuité: pas assez ! L'employeur, il n'a rien en retour ! Strictement rien en retour ! Et les citoyens non plus n'ont rien en retour, sur les prestations publiques ! C'est pour ça qu'on a un regard critique quant au cadrage de ce télétravail, à la politique RH, qui est bien loin de celle du secteur privé, et c'est pour ça qu'on refusera en l'état ce projet d'investissement. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les deux commissaires PDC de cette commission ont fait partie de ceux qui ont accepté ce projet de loi, et le groupe va faire de même ce soir. Tout d'abord, tout un chacun dans cette salle, en sa qualité de député, avec le travail qu'il mène tous les jours, sait ce que travailler à distance veut dire. C'est vrai que ce n'est peut-être pas adapté à tous les postes de l'administration cantonale, mais quand même, c'est devenu une réalité de notre société. Et aujourd'hui, avoir un débat pour ou contre le télétravail, ça me surprend. Je ne suis personnellement pas le plus concerné par la problématique, mais quand même, c'est une réalité dans notre société. Elle se justifie.
Alors bien entendu, contrairement à ce qu'ont dit certains, il faudra peut-être quand même... Alors le faire, oui, mais évidemment, il faut cadrer tout cela, il faut le cadrer avec deux objectifs: celui du collaborateur de l'Etat, qui a droit aussi à certaines considérations, à un temps de travail, à des équipements, qui n'a pas forcément un appartement adapté pour travailler, avec des enfants, etc. Cela doit donc être discuté. Et puis, bien sûr, celui de l'Etat, qui doit, lui, quand même savoir qui fait quoi, quand et comment, parce qu'effectivement, il ne faut pas rêver: les gens sont employés pour effectuer une tâche, quelle qu'elle soit, et il faut qu'elle soit faite. Alors il ne s'agit pas de leur coller une caméra sur le front pour savoir ce qu'ils font de leur journée, mais un ordinateur est branché ou pas branché, il fonctionne ou il ne fonctionne pas, et ça permet quand même de voir ce qu'il se passe.
Faire un distinguo entre l'administration et le privé, nous, ça nous paraît une erreur. Avancer, oui, parce que notre société avance, et notre administration doit avancer; quand bien même il y a effectivement quelques dérapages - il y en aura toujours -, ce n'est pas une raison pour bloquer l'avancement de ce dossier. Par conséquent, nous vous invitons à voter ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à la rapporteure de première minorité, Mme Nicole Valiquer Grecuccio, pour deux minutes trente.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous pouvez rassurer M. Hiltpold: bien sûr que nous partageons avec lui le souci de l'objectif premier de fournir des prestations à la population.
Maintenant, il est important de souligner quelques éléments: le télétravail est une possibilité offerte aux collaboratrices et aux collaborateurs de l'Etat, mais n'est aucunement un droit. Le télétravail, à l'Etat, requiert l'accord du supérieur hiérarchique, afin de garantir le bon fonctionnement du service. Il n'est donc pas question de le déployer dans tous les services. En cela, j'espère que vous serez, Monsieur Flury ainsi que votre groupe, rassurés. Le télétravail est réglementé: pour un plein temps, il est impossible pour un collaborateur ou une collaboratrice de l'Etat d'effectuer plus de 40% de son activité en télétravail. Il existe un règlement. Il est aujourd'hui cadré. Mme Fontanet l'a dit et répété. Il y a un règlement public, d'ailleurs accessible sur le site de l'Etat de Genève. Enfin, Mme Fontanet l'a redit lors des auditions, quand bien même cela pouvait ne pas faire plaisir, y compris à certains cadres: il n'y aura pas de défraiement, quel qu'il soit, pour les personnes qui font du télétravail depuis le domicile. Donc voilà, les règles sont établies.
Par conséquent, non seulement nous avons été, nous, rassurés déjà en commission, mais par la suite, si vous lisez les documents qui sont publics sur la question du télétravail, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez aussi être rassurés: le télétravail sera utilisé à bon escient, pour la délivrance des prestations, et je pense que cet objectif-là doit être le nôtre, et le confort au travail fait aussi partie du plaisir au travail et de la bonne délivrance des prestations.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. L'essentiel a été dit, mais quand même, il faut rappeler que le travail n'est pas un plaisir: c'est une contrainte. (Commentaires.) J'entends... (Commentaires.) Oui, eh bien, dans le système capitaliste, dans lequel nous vivons, c'est une contrainte ! (Exclamations. Commentaires.) Alors vous avez la chance, pour certains, de pouvoir choisir; toujours est-il que n'importe quel travailleur vous dira: «La seule liberté que j'aie, c'est de vendre ma force de travail, et encore, avec le chômage qu'on connaît, je n'ai même plus cette liberté de vendre ce qui correspond à ma force de travail.» Malheureusement, la situation est ainsi. Non seulement elle est ainsi, mais en plus, une fois que vous êtes contraint d'accomplir une tâche avec des objectifs, ce qu'on appelle un cahier des charges, votre responsable, ou plus exactement le patron, l'employeur, a généralement tendance, d'autant plus qu'il y a une concurrence (je ne parle pas du service public, et encore: certains partis réclament une plus grande productivité et réduisent les postes de travail), à augmenter les cadences, et je pourrais le démontrer facilement ! Et ces outils de travail permettront d'augmenter les cadences. C'est pour cela que je dis que c'est une contrainte. Quoi que vous en disiez, c'est une contrainte.
Par conséquent, nous resterons très attentifs - très attentifs ! -, y compris aux côtés des syndicats et des employés, à faire en sorte que ce règlement, qui est aujourd'hui emballé avec du beau papier cadeau et un joli noeud, ne se dégrade pas au fil du temps pour en venir à contraindre encore plus les employés à fournir un service public de qualité. Nous voterons ce projet, et je vous remercie de votre attention.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il semblerait que le suspense soit un peu moins grand qu'avant le vote sur le renvoi en commission, ce qui me réjouit tout particulièrement.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué le règlement sur le télétravail qui a été présenté par ma collègue, qui est effectivement public. J'invite certaines et certains d'entre vous à aller le consulter, parce que, visiblement, il n'a pas été porté à leur connaissance. Le télétravail n'est pas un droit, en effet, Mme Valiquer l'a rappelé, et c'est 40% maximum. Il fait l'objet d'un accord entre le collaborateur et sa hiérarchie, que l'on peut estimer être l'équivalent de la fameuse convention de certaines organisations économiques qui a été évoquée.
Je ne veux pas entrer dans le détail, mais j'invite les personnes intéressées, en tout cas celles qui ont affirmé un certain nombre de choses, à aller consulter ce règlement, qui a été adopté par le Conseil d'Etat deux mois après la reddition du rapport concernant cet objet. On peut donc imaginer - j'en suis même absolument certain - que certaines récriminations qui figurent dans ce rapport n'ont plus lieu d'être du fait de l'adoption de ce règlement.
Je voudrais juste dire encore une fois, pour celles et ceux qui estiment que ce projet de loi et ce crédit d'investissement pourraient constituer des dépenses exagérées, qu'au contraire, l'autre volet, c'est-à-dire la prise en compte du nomadisme dans l'organisation du travail, conduit à davantage de sobriété, puisque les gens qui sont équipés d'un ordinateur portable prennent cet équipement et le branchent sur leur place de travail. Un certain nombre sont déjà organisés ainsi aujourd'hui à l'Etat de Genève; par exemple à l'OCSIN, il y a tout un étage où plusieurs services fonctionnent selon ce qu'on appelle le «smart office», en anticipation de ce qu'il va se passer à la Pointe Nord de la Jonction. Là, vous avez une économie de moyens qui est mise en oeuvre et qui, au demeurant, plaît beaucoup, suscite l'adhésion, j'ai pu moi-même m'en rendre compte en visitant ces locaux et en parlant avec les personnes qui y travaillent: on est véritablement dans un contexte qui à la fois profite aux collaboratrices et collaborateurs, qui peuvent mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle, et qui, de toute évidence, convient également à l'Etat employeur, puisqu'il nous permet d'optimiser nos moyens et nos infrastructures.
J'ai totalement omis d'évoquer l'élément le plus important peut-être dans ce projet de loi: cela nous permet de nous équiper et d'être préparés si des crises similaires à celle qui nous a largement occupés pendant deux ans surviennent à nouveau, que ce soit des crises de type sanitaire ou liées à la situation qu'on connaît aujourd'hui sur le plan de l'énergie. A mon sens et aux yeux du Conseil d'Etat, tout cela va dans la bonne direction, et je vous invite à voter ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix l'entrée en matière sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 12978 est adopté en premier débat par 47 oui contre 44 non (vote nominal).
Le projet de loi 12978 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12978 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 45 non (vote nominal).