Séance du
vendredi 4 novembre 2022 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
6e
session -
37e
séance
M 2774-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons notre dernière urgence, soit les objets liés M 2774-A et M 2825-A, en catégorie II, trente minutes. La parole revient à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a étudié les propositions de motions 2774 et 2825 pendant cinq séances sous l'excellente présidence de Mme Jennifer Conti. Dans le cadre des travaux, nous avons auditionné l'ancien directeur du SABRA et actuel directeur général de l'office cantonal de l'environnement, M. Royer, l'association Médecins en faveur de l'environnement, l'association 5G Moratoire pour la Suisse et l'Association suisse des télécommunications, l'ASUT.
La proposition de motion 2774, qui date de juin 2021, traite des demandes d'installations de téléphonie mobile dites mineures; elle a été déposée car le 15 avril 2021, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice avait invalidé la modification de la LCI adoptée par ce Grand Conseil en février 2020. Suite à cette décision, le Conseil d'Etat a levé la suspension des autorisations de construire pour les antennes de téléphonie mobile. Il faut savoir que l'application de cette procédure a permis aux opérateurs, en 2019 et 2020, de modifier plus de quatre cents antennes sur le territoire cantonal genevois en les préparant à des émissions 5G.
Par ailleurs, Genève est l'un des rares cantons à continuer de suivre les recommandations de la DTAP, la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Seuls sept cantons contre 19 les appliquaient en Suisse à ce moment-là. Par conséquent, 19 sur 26 avaient tout de même décidé de ne plus admettre de demandes de modifications mineures, type 4G+, ceci par simple circulaire administrative aux opérateurs.
Enfin, vu l'évolution de la situation suite à la nouvelle aide à la décision, la DTAP a entamé une réflexion pour une révision de ces fameuses recommandations, révision qui prendrait mieux en compte les conséquences de la nouvelle aide à la décision et viserait un meilleur contrôle des installations. Pour rappel, la fin du moratoire ainsi que les décisions de justice n'empêchent ni une réflexion ni une modération quant aux actions à entreprendre. Au vu de ces informations, l'option prise par le Conseil d'Etat paraît inadaptée. Voilà les raisons pour lesquelles les Vertes et les Verts avaient déposé cet objet.
Entre-temps, la proposition de motion 2825 a été présentée, qui s'inscrit dans la continuité des décisions prises sur le plan fédéral. Ce deuxième texte porte sur la mise en oeuvre de la modification de l'ORNI au niveau cantonal. La commission de la santé a souhaité, par souci de cohérence, examiner ces deux textes ensemble de manière chronologique, puisque l'un fait suite à l'autre.
En effet, le 17 décembre 2021, le Conseil fédéral a modifié cette ordonnance en assouplissant de manière drastique les conditions d'autorisation de transformations d'antennes 5G. Cette décision n'a pas été soumise aux Chambres fédérales et est entrée en vigueur dans un délai très court, à savoir le 1er janvier de cette année 2022, empêchant tout processus démocratique. Les recommandations de la DTAP ne constituent pas des obligations légales, donc les cantons sont libres de les suivre ou non.
L'objectif principal de la proposition de motion 2774 est de respecter le principe de précaution en soumettant toutes les demandes d'installations à une mise à l'enquête alors que celui de la proposition de motion 2825 porte davantage sur la mise en oeuvre de la modification de l'ORNI au niveau cantonal.
Suite à l'audition du SABRA, nous avons discuté des nombreuses contradictions en lien avec l'avis de droit de Fribourg et les décisions politiques suisses. Il a également été question des limites quant à la façon de mesurer et de contrôler, ce qui répond à un souci de la population pour la santé publique et l'environnement. Les réponses fournies lors de l'audition ont été que le canton ne dispose pas de moyens de contrôle et que c'est l'opérateur qui envoie ses propres rapports. Un inspecteur travaille pour cela à temps partiel; c'est peu par rapport aux centaines d'antennes à contrôler. Concernant la santé, nous n'en avons pas vraiment appris davantage. Le même jour, une décision a d'ailleurs été prise, celle que j'ai évoquée tout à l'heure et qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Une rapidité qui a laissé peu de place au débat, à la réflexion, à la collaboration, à l'analyse, à la consultation, bref, au processus démocratique.
En résumé, une porte a été ouverte pour le rééquipement et l'agrandissement de milliers d'antennes en Suisse sans possibilité de recours et sans que nous en connaissions l'impact potentiel sur l'environnement et la santé. Voilà pourquoi cette proposition de motion a été déposée et que la majorité de la commission de la santé vous encourage à la soutenir. Le but, c'est que le canton de Genève affiche une position claire et interdépartementale vis-à-vis de Berne par rapport à ces questions.
Je terminerai mon propos en soulignant que ces textes invoquent des raisons démocratiques, des raisons de contrôle, des raisons juridiques, des raisons scientifiques et des raisons sanitaires, et pour plus de transversalité entre les départements, il est fondamental de les accepter ce soir.
J'ajoute enfin que depuis le vote positif de ces deux propositions de motions par la majorité de la commission de la santé, une initiative populaire a été déposée au niveau fédéral pour une meilleure protection contre le rayonnement de la téléphonie mobile et un réseau durable. Intitulée «SaferPhone», elle vise à ancrer dans la Constitution fédérale une sorte de principe de précaution ainsi que des mesures pour protéger les êtres humains et les animaux. Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'adopter ces deux objets. Merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Chers collègues, la question de la 5G est en soi estimable et mérite d'être évoquée dans notre parlement de diverses façons, oui, mais pas n'importe comment. Or c'est précisément quant à la manière que pèchent ces deux propositions de motions. Il s'agit d'effectuer un travail efficace, c'est-à-dire de proposer des textes qui servent à quelque chose, qui n'enfoncent pas des portes ouvertes, qui ne suscitent pas de faux espoirs auprès d'une grande partie de la population, laquelle attend des réponses. On ne peut pas faire ce genre de choses.
En particulier, on demande au Conseil d'Etat d'aller tirer les oreilles du Conseil fédéral. C'est quand même assez curieux ! Est-ce vraiment le rôle du gouvernement genevois de dire: «Mesdames et Messieurs les conseillers fédéraux, vous n'avez pas bien fait le travail, vous devez changer les choses» ? Non, je regrette. Il y a des élus fédéraux qui sont là pour ça. D'ailleurs, je m'étonne que des partis qui ont des représentants sous la coupole soutiennent ce genre d'objets en passant par notre Grand Conseil au lieu d'intervenir directement à Berne.
En fait, c'est une perte de temps et d'énergie, voire un risque de décrédibilisation pour Genève. Comme on le sait, notre canton est déjà connu pour bénéficier d'une crédibilité limitée, alors si des partis nationaux nous en font perdre davantage encore... Nous, qui sommes un modeste parti genevois, n'avons actuellement pas de représentants à Berne; nous en avons eu longtemps, mais nous n'en avons plus, nous serions donc habilités à déposer ce genre de textes. Mais venant de partis qui sont représentés à Berne ?! Y a-t-il une telle méfiance, pensez-vous que nos conseillers nationaux genevois sont à ce point de piètre valeur ? Je laisse les auteurs de ces propositions de motions prendre toutes leurs responsabilités dans cette affaire.
Si on veut à tout prix perdre de la crédibilité et gesticuler, eh bien allons dans la direction de ces deux propositions de motions. Pour ma part, je conseille aux députés qui ont soutenu ces deux objets d'en déposer d'autres ou de les revoir, de les affiner davantage et d'en faire des textes efficaces. C'est la seule chose que je peux dire.
Ce n'est pas une question de fond sur le problème de la 5G, parce qu'il y a vraiment tout un travail à accomplir, particulièrement un travail d'étude et d'analyse sur les effets de la 5G, il y a des moyens à mettre en action pour analyser ces questions importantes, mais il faut le faire au bon niveau, c'est-à-dire au niveau fédéral. A mon sens, c'est là que les auteurs se sont fourvoyés avec ces deux textes parlementaires, Mesdames et Messieurs, et c'est pour cela que je vous invite à les refuser. Merci, Monsieur le président.
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, la très grande majorité des études scientifiques démontrent la dangerosité des rayonnements non ionisants, mais elles sont systématiquement minimisées et ignorées pour des raisons politiques et économiques. En Suisse, le pourcentage de personnes électrosensibles varie de 5% à 7% selon les estimations. On ne naît pas électrosensible, on le devient. C'est comme un coup de soleil: au bout d'un moment, on sera brûlé. Ainsi, la quantité de personnes qui perdent leur immunité est amenée à augmenter logiquement avec le déploiement de la 5G.
Aujourd'hui, dans le canton de Genève, s'il y a une modification conséquente ou une nouvelle installation, il faut passer par une autorisation de construire. En revanche, s'il s'agit d'une modification mineure, une notification des opérateurs au SABRA suffit. Le SABRA contrôle s'il s'agit bien d'une modification mineure.
Mme la motionnaire, que je remercie pour tout son travail sur ce dossier important, a rappelé le contexte du dépôt de ces deux propositions de motions: l'aide à la décision, la fin du moratoire. Nous sommes dans une situation nouvelle, car contrairement à ce qu'affirme le député Baertschi, la position du législateur fédéral est en train d'évoluer. Les services du DETEC et l'OFEV ont eux-mêmes déjà publié des études très alarmantes.
Mesdames et Messieurs les députés, la question ne se résume pas à la valeur limite de rayonnement des ondes; il existe des indices probants selon lesquels non seulement l'apport d'énergie, mais encore les caractéristiques du signal ont un effet biologique. Le rayonnement a une influence attestée sur l'activité électrique du cerveau. Des preuves d'effets cognitifs chez les adolescents ont été récoltées. Les potentiels cancérigènes sont reconnus et doivent maintenant vraiment être pris en compte.
Par ailleurs, nous devons nous montrer vigilants et critiques par rapport aux pourvoyeurs de la 5G et de ces technologies, car il y a un vrai problème environnemental. L'obsolescence programmée constitue un réel enjeu, les circuits de recyclage et le conditionnement des matières premières, des matières plastiques et des métaux ne prennent pas en charge le stockage des déchets informatiques. Toutes ces antennes 5G vont servir à nous faire acheter de nouveaux téléphones qui seront remplacés très rapidement; mal recyclés, ils causeront des dégâts écologiques majeurs. On entre dans une spirale infinie. Nous devrions mettre la question de la réparation, du recyclage, de la prévention des dégâts environnementaux beaucoup plus au coeur de nos interrogations.
La surconsommation a des impacts environnementaux et sociosanitaires délétères, des conséquences sur le comportement, sur le stress, sur la qualité du sommeil. Or ces questions, Mesdames et Messieurs les députés, ne semblent pas vraiment être étudiées de manière transversale au sein de l'administration.
Ces propositions de motions ont l'avantage de plaider pour un développement raisonnable de la communication mobile, pour une technologie responsable. De plus, elles vont dans le sens de l'initiative populaire fédérale très intéressante qui vient d'être déposée pour un développement durable des télécommunications. C'est pourquoi le parti socialiste vous recommande d'accepter ces deux textes. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, les deux propositions de motions que nous traitons nous renvoient à des modes de fonctionnement qui doivent nous interpeller. Tout d'abord, il y a le manque de transparence des opérateurs, qui contournent les normes, ainsi que les décisions des autorités en matière d'installations d'antennes pour la téléphonie mobile, plus particulièrement les manoeuvres sournoises pour transformer les antennes existantes afin d'augmenter leur puissance, implantant ainsi de véritables chevaux de Troie dans les installations de téléphonie mobile.
Mais ce qui devrait nous inquiéter plus encore, c'est la non-application du principe de précaution et l'absence de réflexion quant au choix de société qu'implique cette course à la performance qui, comme le promet la 5G, générerait un accès de dix à cent fois plus rapide que celui que nous connaissons actuellement avec la 4G. Aujourd'hui, il apparaît que l'impact sur le vivant et la santé humaine n'a jamais véritablement été évalué; il y a là une préoccupation en matière de santé publique et d'environnement qui doit questionner les autorités.
Le rapport «Téléphonie mobile et rayonnement» réalisé sous l'égide du Département fédéral de l'environnement considère comme suffisantes les preuves attestant que l'exposition de la tête aux rayonnements de haute fréquence de la téléphonie mobile affecte les ondes cérébrales au repos et pendant le sommeil. Il y a donc là un signal d'alarme dont il faudrait pour le moins tenir compte.
Comme si cette alerte ne suffisait pas, il faut encore savoir que le chef de la section rayonnement non ionisant à l'Office fédéral de l'environnement a reconnu dans la presse qu'un rayonnement dans les fréquences utilisées pour la téléphonie mobile peut provoquer un réchauffement des tissus. Durant les travaux de la commission, il est apparu qu'effectivement, on dispose sur le plan médical de peu de certitudes quant à l'impact des ondes téléphoniques sur la santé, ce qui tendrait à renforcer notre conviction que des recherches rigoureuses en la matière s'imposent. Cependant, il a été mis en lumière, c'est d'ores et déjà attesté, des atteintes sur les tissus mous, en particulier les yeux et la peau.
Ces indications ainsi que les doutes qui subsistent rendent indispensables de véritables études cliniques et épidémiologiques sur les modifications cellulaires et les éventuelles altérations susceptibles d'être développées par l'expansion des antennes de téléphonie mobile. Pour des raisons évidentes de crédibilité et d'objectivité scientifique, elles devraient impérativement être menées par des experts réellement indépendants.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, une question centrale demeure: la volonté d'aller toujours plus vite est-elle à ce point impérative que nous en venions à prendre des risques pour la santé de la population et l'environnement ? Il s'agit là d'un choix de société qui mérite à tout le moins qu'on y réfléchisse consciencieusement et honnêtement. C'est ce à quoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite et ce pour quoi il vous recommande pour l'heure de soutenir ces deux propositions de motions. (Applaudissements.)
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je suis surpris d'entendre que les scientifiques de la Confédération ne sont pas indépendants. Je suis également étonné d'apprendre qu'il y a dans cet hémicycle de bien meilleurs spécialistes que les ingénieurs et biologistes de la Confédération. A vous d'en tirer les conclusions que vous souhaitez.
Si vous vous souvenez bien, une majorité de ce parlement a voté un moratoire sur l'installation d'antennes 5G dans le canton de Genève au début de la législature. Une Genferei de plus, puisque la justice a établi que ce texte était contraire au droit fédéral. Cette décision n'est malheureusement pas la première de ce type, et chacun de ces jugements n'améliore pas l'image de notre canton au sein de la Confédération. Visiblement, cela ne suffit pas, parce que nous voilà face à une nouvelle salve antitechnologique avec ces propositions de motions.
Je souhaite ici rappeler à votre attention la question écrite urgente de notre brillant collègue Hiltpold, qui a montré que le gouvernement refuse systématiquement l'installation de nouvelles antennes téléphoniques sur les bâtiments dont l'Etat est propriétaire. Une fois de plus, des décisions sont prises par la bande, sans débat public, sans débat politique, puis elles sont annulées par un tribunal. Cette manière de procéder est proprement scandaleuse.
Pour revenir aux propositions de motions, en juin 2022, l'Office fédéral de l'environnement a publié un premier rapport de monitoring du rayonnement non ionisant. L'objectif était de déterminer à quel point la population est exposée au rayonnement non ionisant. Cette étude, basée sur des mesures scientifiques et des tests, démontre que la technologie ne présente pas de risques pour la santé. Les mesures vont continuer pendant cinq ans en Suisse.
Pour rappel, la 5G fonctionne sur de courtes distances et se transmet difficilement au travers des bâtiments; elle offre en outre des antennes à faisceau directionnel qui permettent de diriger les ondes radio dans la direction souhaitée. Avec la 5G, nous éliminons les ondes qui sont aujourd'hui envoyées dans toutes les directions. La question qui reste en suspens est de comprendre l'évolution du mix d'ondes avec l'augmentation des équipements. C'est précisément l'objet des recherches de l'OFEV.
Nous devons garder en tête qu'en Suisse, les fréquences attribuées actuellement pour la 5G se trouvent entre 800 MHz et 2,6 GHz. La dernière technologie de wifi que vous avez à la maison utilise 5 GHz. Si vous êtes vraiment inquiets, vous feriez mieux d'éviter la multiplication des wifis et d'éteindre les routeurs dans votre appartement.
Mettre un frein à une technologie qui doit nous permettre de créer un canton plus intelligent est un non-sens. La 5G nous aidera à gérer les transports, les flux, l'énergie. Ne votons pas sur des émotions, votons sur des faits ! Dites non à ces deux textes !
Une voix. Bravo.
M. Bertrand Buchs (PDC). Ces propositions de motions s'inscrivent dans la droite ligne du moratoire qui avait été voté. Pour ma part, j'aimerais renverser les arguments présentés. Actuellement, au niveau scientifique, Monsieur Deonna, on n'a rien de clair. Sur le plan médical, on n'a strictement rien de probant s'agissant de l'action des rayonnements non ionisants. Pourquoi ? Parce qu'ils n'existent pas encore ! Cette 5G est une monstre arnaque. Pourquoi ? On nous vend de la 5G, on vous vend des téléphones en vous disant qu'il y a de la 5G, mais il n'y en a pas encore. C'est de la 4G+. La 5G n'existe pas encore.
La 5G, ce sont des ondes millimétriques, et aucune étude n'a encore été réalisée sur les ondes millimétriques et leur action sur le corps humain. Alors le minimum, avant de se lancer dans une nouvelle technologie, c'est quand même de mener des enquêtes sérieuses pour déterminer s'il y a un risque ou pas. A l'heure actuelle, aucune étude sérieuse n'a été mise en place. Ce qui est très intéressant, c'est que le Conseil des Etats a demandé des recherches supplémentaires et a voté contre la 5G dernièrement, parce qu'il veut des études scientifiques, il a des doutes quant à la technologie de la 5G.
On n'est pas contre la 5G, on n'est pas contre la technologie, mais celle-ci est-elle nécessaire pour tout le monde ? La 5G est extrêmement utile, comme vient de le souligner M. Nicollier, pour gérer les flux de circulation, pour manipuler les robots chirurgicaux utilisés dans les salles d'opération des hôpitaux, pour contrôler en temps réel les appareils qui produisent des biens dans l'industrie. En revanche, est-elle indispensable pour le commun des mortels, pour que les téléphones fonctionnent encore plus vite, pour que chacun puisse y regarder des conneries - excusez-moi du terme - à longueur de journée et soit complètement scotché à son portable en dehors de toute réalité ? Non ! La 5G est nécessaire pour des choses extrêmement précises, mais pas pour tout le monde.
Maintenant, il est quand même aberrant de développer une technique qui n'arrive pas à traverser les murs des bâtiments ! Et vous utilisez votre 5G dans votre immeuble ! Il faut des zones extrêmement ciblées et des rayonnements très forts pour traverser les murs des bâtiments. Mais on marche sur la tête ! On est en train de proposer, pour vendre aux gens des appareils inutiles, une technique qu'on ne connaît pas et qui n'existe pas encore. Arrêtons-nous, réfléchissons et réalisons des études, puis on ira de l'avant, c'est tout. Nous allons voter ces propositions de motions. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Patrick Saudan pour une minute et demie.
M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne comptais pas intervenir dans ce débat parce que, pour répondre à M. Nicollier, je ne suis pas du tout un expert. Mais je m'étonne tout de même des propos de M. Deonna, qui nous parle des effets dangereux de la 5G sur la santé. Je ne suis pas un expert, mais j'ai un petit peu consulté ce qui se trouve dans la littérature. En 2021, une revue australienne a compulsé assez exhaustivement les résultats de 107 études sur la 5G et n'a relevé aucun impact néfaste pour la santé. Alors c'est du court terme, ce ne sont que 31 études épidémiologiques, mais actuellement, il n'y a pas de preuves quant à des effets négatifs de la 5G sur la santé.
Certes, cette absence d'évidence n'est pas une évidence d'absence. Vous connaissez le principe de précaution, et il se peut que dans quelques années, on mette en lumière le fait que la 5G est délétère pour la santé humaine. Je rejoins les propos de mon préopinant, le Dr Buchs: à l'heure où on devrait tendre vers une certaine sobriété numérique afin de diminuer notre consommation de gaz à effets de serre induits par l'utilisation extensive de nos appareils, eh bien la 5G ne va pas dans la bonne direction. Je m'abstiendrai sur ces deux propositions de motions. Merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je ne peux pas m'empêcher de pointer du doigt deux éléments des invites de la proposition de motion 2825. Le Conseil d'Etat est invité «à protester vivement auprès du Conseil fédéral». Je vois bien le gouvernement genevois s'exclamer vivement: «Je proteste !» devant le Palais fédéral, venir trépigner en s'écriant: «Je proteste, je proteste !» J'ai la scène en tête, j'attends le moment où le Conseil d'Etat nous annoncera qu'il va protester sur la Place fédérale, nous serons là pour observer la chose.
Ensuite, on invite le Conseil d'Etat «à agir auprès [...] du Conseil fédéral», donc on lui demande en quelque sorte d'être un magicien. Vous agissez sur le Conseil fédéral, vous avez un pouvoir magique sur le Conseil fédéral ! C'est peut-être la 5G, la 10G, la 15G ou même la 20G qui confère des pouvoirs magiques via des ondes très particulières. Je ne sais pas, j'imagine, mais au point où on en est, on arrive un peu à ce genre de situation.
Soyons sérieux, refusons ces deux propositions de motions, demandons aux conseillers nationaux et conseillères nationales d'effectuer leur travail sérieusement et arrêtons de faire perdre du temps à l'administration cantonale ainsi qu'à notre Grand Conseil. Merci.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les débats auxquels nous venons d'assister sont certainement très intéressants, mais ils sont du niveau d'une discussion entre copains ou entre amis. Nous sommes ici dans un parlement, je vous le rappelle, il s'agit d'établir des actes parlementaires dont on peut espérer non pas avec certitude qu'ils aboutissent à un résultat, mais à tout le moins que leurs chances d'aboutissement soient proportionnellement adaptées à l'énergie déployée pour les établir et les adopter.
Ces deux propositions de motions ont uniquement pour but de revenir à la modification de la LCI qui a été annulée par la Chambre constitutionnelle - c'était le 15 avril 2021 -, laquelle a statué que l'intention que vous aviez exprimée dans cette modification de la LCI était contraire au droit fédéral. Je peux concevoir qu'une décision de justice ne plaise pas, mais il s'agit tout de même d'en prendre acte.
Depuis cette décision de justice, le Conseil fédéral a revu sa copie, et le 17 décembre 2021, il a modifié l'ORNI, c'est-à-dire l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant, et il l'a fait suite à une demande de la conférence des directeurs cantonaux dans ce domaine, lesquels avaient constaté, sur la base d'un avis de droit, qu'il y avait une faiblesse juridique et qu'il fallait trouver une solution.
Le Conseil d'Etat était lui-même intervenu au mois de novembre 2021, soit environ un mois avant la modification de l'ORNI, pour demander que tout cela soit éclairci. Le rapport explicatif concernant la révision de l'ORNI de l'Office fédéral de l'environnement stipule que «[...] l'application d'un facteur de correction aux antennes adaptatives déjà autorisées n'est pas considérée comme une modification d'une installation au sens de l'ORNI, mais que seul un formulaire actualisé doit être remis à l'autorité compétente pour des questions de traçabilité». La question était réglée. La justice et l'autorité fédérale compétente, unanimes, indiquaient l'une que le droit fédéral s'applique, l'autre que selon ce même droit fédéral, on ne peut pas aller dans le sens de la première proposition de motion.
Alors voilà qu'on dépose une deuxième proposition de motion le 7 février 2022, celle qui m'invite à aller trépigner sur la Place fédérale, pour reprendre les mots du rapporteur de minorité. La M 2825 demande de ne pas appliquer le droit fédéral, parce que ce droit fédéral ne plaît pas. Beaucoup de choses ne me plaisent pas, Mesdames et Messieurs, je peux vous en dresser la liste, mais à un moment donné, il existe une hiérarchie des normes, et le droit fédéral est supérieur au droit cantonal.
C'est bien gentil de me dire d'aller protester, mais si toutes les forces - excellentes, bien sûr - que les partis ici représentés ont à Berne n'arrivent pas à faire changer les choses, comment voulez-vous que le petit Conseil d'Etat genevois y parvienne en se rendant sur la Place fédérale et en criant, avec des calicots: «Nous ne sommes pas d'accord» ? Je plaisante à peine.
Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs. Nous déposons de nombreux textes au niveau fédéral dont on sait l'issue qu'ils connaissent en majorité, si ce n'est dans leur ensemble. Essayons de conserver un peu de crédibilité et de travailler de manière sérieuse. Alors, par pitié, ai-je presque envie de dire, n'acceptez pas ces propositions de motions, pour que nous, petit Conseil d'Etat genevois, puissions sauver la face ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2774 est rejetée par 40 non contre 39 oui et 4 abstentions (vote nominal). (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la proposition de motion 2825 est rejetée par 41 non contre 38 oui et 2 abstentions (vote nominal).