Séance du
vendredi 4 novembre 2022 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
6e
session -
37e
séance
PL 12860-A
Premier débat
Le président. Voici la prochaine urgence: le PL 12860-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission de la santé était prête à jeter ce projet de loi aux oubliettes ce soir, ceci pour de multiples raisons, notamment le risque d'accointances avec les industries pharmaceutiques, le risque de perte du double contrôle médecin-pharmacien, le risque d'ouvrir la boîte de Pandore pour d'autres spécialités médicales, le fait qu'il faille développer davantage l'interprofessionnalité entre le médecin et le pharmacien, et j'en passe.
Néanmoins, puisque nous avons reçu des amendements du Conseil d'Etat il y a vingt-quatre heures, nous sommes d'accord de les étudier en commission. En effet, il semblerait que ceux-ci obtiennent l'aval des acteurs du terrain, tant des pharmaciens que des HUG ou des oncologues.
Relevons en particulier ceci: «La remise de médicaments a lieu en pratique plutôt pour des médicaments oncologiques et le département doit délivrer une autorisation pour les institutions de santé qui souhaitent pouvoir le faire. Seules celles au bénéfice d'une autorisation formelle seront admises. L'alinéa 3 fixe les conditions à remplir pour obtenir l'autorisation précitée. Par ailleurs, lorsque le traitement est stabilisé, le patient doit ensuite être transféré vers les pharmacies de ville.» Il est également mentionné à l'article 114, alinéa 2: «La vente directe de médicaments par le médecin traitant (propharmacie) est interdite.»
Pour tous ces motifs, en tant que rapporteuse de majorité sur ce texte, je demande son renvoi à la commission de la santé.
Le président. Je vous remercie. Sur la demande de renvoi en commission, je passe la parole aux rapporteurs de minorité ainsi qu'au Conseil d'Etat. Monsieur François Baertschi, c'est à vous.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, si un renvoi en commission permet d'ôter les doutes de certains députés, pourquoi pas ? C'est vrai qu'il y a un enjeu très important autour de ce projet de loi. En deux mots - je serai très court, parce que c'est une prise de parole sur le renvoi en commission, je vous ai bien compris, Monsieur le président -, cette propharmacie constitue une exception, valable uniquement en oncologie. Il se trouve que l'oncologie est un domaine spécifique et qu'il faut tenir compte de cette spécificité, on parle de traitements très particuliers au bénéfice du client...
Des voix. Du patient !
M. François Baertschi. Du patient, du patient, excusez-moi ! C'est un lapsus hélas révélateur d'un problème que j'aurais voulu éviter d'évoquer; dans mon esprit, c'est le patient, et non le client, mais il y a parfois un problème de client - enfin bon, je ne vais pas entrer dans ces eaux un peu sombres. Je propose de soutenir la demande de renvoi en commission afin de lever les inquiétudes et d'examiner attentivement les amendements.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je préfère un renvoi à un rejet, bien sûr. Il faudrait que ces amendements soient examinés rapidement par la commission de la santé. Je rappelle qu'il s'agit d'un vrai problème de santé publique. Nous savons qu'en oncologie, les médicaments sont de plus en plus pointus, adaptés aux patients et aux patientes, et il est important que lorsqu'un traitement est déterminé par le médecin traitant - cela se fait par des «tumor boards», ce n'est plus simplement un médecin face à son patient, mais véritablement une mutualisation des connaissances qui fixe le type de traitement le plus adapté -, les médicaments puissent être immédiatement remis et qu'il n'y ait pas d'attente, car les pharmacies n'ont pas en stock l'ensemble des médicaments nécessaires.
Il y a eu un refus majoritaire en commission parce qu'on craignait d'ouvrir la porte à une propharmacie, mais je rappelle que la loi l'interdit, et il n'est pas question d'admettre d'autres exceptions. Nous ne voulons pas que le médecin remette lui-même des traitements dans d'autres domaines, donc nous avons circonscrit cette possibilité à des institutions de santé. Il faut que ces établissements disposent d'un pharmacien clinicien avec du personnel, des locaux et des équipements déterminés par le département, donc il s'agit véritablement d'hôpitaux, que ce soient les Hôpitaux universitaires de Genève ou certaines cliniques à Genève qui disposent de leur propre pharmacie et pharmacien responsable.
Il y a vraiment un contrôle du pharmacien, ce n'est pas simplement un médecin qui remet le médicament; «simplement» est certainement un abus de langage, puisque le médecin est censé savoir ce qu'il prescrit, mais la crainte qui avait été exprimée en commission était que le pharmacien n'apporte pas son regard supplémentaire avant la remise d'un médicament. Ce double contrôle sera là.
Comme je l'ai déjà dit, je pense que tout mois qui passe est un mois de perdu, mais je préfère que l'on en «perde», entre guillemets, encore deux ou trois si nous pouvons être certains d'arriver à un projet de loi qui soit finalement accepté ici à l'unanimité. Je pense que ce serait un signe salutaire pour l'ensemble des patients et des patientes qui attendent une réponse immédiate à une problématique que l'on sait douloureuse. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12860 à la commission de la santé est adopté par 74 oui et 2 abstentions.