Séance du jeudi 13 octobre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 5e session - 29e séance

IN 183-B
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 183 « Initiative populaire pour l'abolition de la taxe professionnelle »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 octobre 2022.
Rapport de majorité de Mme Véronique Kämpfen (PLR)
Rapport de première minorité de M. Christo Ivanov (UDC) sur l'IN 183
Rapport de deuxième minorité de M. Sandro Pistis (MCG) sur l'IN 183
Rapport de première minorité de M. Jean Batou (EAG) sur le principe d'un contreprojet
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S) sur le principe d'un contreprojet

Débat

Le président. Nous abordons notre second point fixe, soit l'IN 183-B. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes... (Brouhaha.)

Des voix. On n'entend rien !

D'autres voix. Chut ! (Un instant s'écoule.)

Le président. Je reprends. Pour commencer, la parole échoit à Mme Véronique Kämpfen.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la taxe professionnelle communale, abrégée TPC, est un impôt qui date de la fin du XVIIIe siècle. Elle a été instaurée à Genève par Napoléon et s'intitulait à l'époque «contribution des patentes». En 1887, elle prend finalement le nom de taxe professionnelle. Genève est le seul canton de Suisse à connaître une telle taxe, ce qui représente clairement un désavantage concurrentiel. La TPC n'est pas un impôt direct et n'est donc pas réglementée par la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes.

La TPC est prélevée selon trois critères dont la pertinence interroge. Le premier est le nombre de collaborateurs: plus une entreprise crée de postes de travail, plus elle est pénalisée. Taxer ainsi la création d'emplois constitue un non-sens. Bien que la taxe ne s'élève qu'à 10 francs par employé, la portée symbolique de cette imposition ne peut pas être ignorée. Le deuxième critère est le chiffre d'affaires, qui représente plus de 90% des recettes liées à la TPC; celui-ci ne reflète cependant en rien le bénéfice des entreprises, qui devrait être la mesure à retenir pour la taxation. La TPC est un impôt non pas sur le bénéfice, mais sur la production; c'est donc une violation du principe cardinal de la capacité contributive, qui doit prévaloir pour tout impôt. Le troisième critère est le loyer ou la valeur fiscale des immeubles dans les cas où les sociétés sont propriétaires et détentrices de leurs bâtiments. Ce paramètre n'ayant rien à voir avec la productivité, on comprend mal en quoi il serait le reflet de la capacité contributive des entreprises.

A ces éléments pour le moins particuliers s'ajoute le fait que les taux de perception de cette taxe sont fixés par une commission dont il est impossible de connaître la teneur des travaux sous couvert du secret fiscal régnant entre les communes et le canton. La transparence fiscale requise pour tout impôt n'est donc pas respectée non plus. Ces éléments auraient dû depuis longtemps conduire à la suppression de la TPC; cela n'a pas été le cas en raison des revenus qu'elle génère pour les communes, de l'ordre de 190 millions de francs par année, dont plus de la moitié pour la Ville de Genève. Il faut noter que certaines communes ne prélèvent pas la TPC et que d'autres le font partiellement, ce qui peut péjorer la situation des entreprises et des indépendants selon la commune où ils se trouvent.

Pour prendre en compte les inquiétudes des communes, la commission fiscale a évoqué des pistes permettant d'abolir la TPC tout en mettant en place un système qui leur éviterait des pertes. Lors des travaux, le Conseil d'Etat a expliqué qu'il pourrait être envisageable d'examiner cette question sous l'angle de la réforme de la fiscalité des entreprises de l'OCDE, qui entend imposer à 15% toutes les sociétés dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions d'euros. Une réflexion dans ce sens a eu lieu au sein du département des finances depuis le début des travaux sur la réforme de l'OCDE dans le but de trouver une mesure pour accompagner les entreprises. L'opportunité de remplacer la TPC par une modification de l'impôt sur le bénéfice pourrait être étudiée. L'impact de cette modification sera à chiffrer dans le cadre des travaux autour d'un éventuel contreprojet. Une chose est sûre à ce stade, c'est qu'une telle solution serait bénéfique pour les indépendants, qui ne seraient plus soumis à la TPC ni à un impôt sur le bénéfice la remplaçant, celui-ci ne s'appliquant pas aux indépendants.

Au vu des solutions qui se dessinent, la majorité de la commission a fait preuve de sagesse, à défaut d'enthousiasme; malgré la tentation d'abolir purement et simplement la TPC pour soulager les PME et les entreprises d'un impôt obsolète, obscur et abscons, elle estime qu'au vu des enjeux fiscaux à venir et de la situation financière des communes, il faut prendre le temps de travailler à un contreprojet qui abolirait la TPC dans sa forme actuelle sans prétériter les rentrées fiscales des communes. C'est dans cet esprit constructif que la majorité de la commission fiscale vous demande de rejeter l'initiative 183 et de soutenir avec conviction le principe d'un contreprojet. A noter que si celui-ci est élaboré avec soin, les initiants pourraient être disposés à retirer leur initiative. Bien entendu, ce n'est qu'à l'issue des travaux sur ce contreprojet - dont quelques pistes ont été évoquées, mais il s'agira de les approfondir sereinement - que les partis pourront définitivement prendre position sur le sort qui sera finalement réservé à l'initiative.

D'un point de vue formel, avant de conclure, je me permets de préciser qu'il y a deux rapports de minorité sur l'initiative en elle-même, puis deux rapports de minorité sur le principe du contreprojet. Pour la clarté des débats, je rappelle que la majorité propose le rejet de l'initiative dans le but d'accepter le principe d'un contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Très bien.

Une autre voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. Comme cela a été indiqué, Mesdames et Messieurs, la taxe professionnelle communale représente un impôt obsolète datant de la fin du XVIIIe siècle. Instaurée à Genève par Napoléon Ier, elle émanait de la bureaucratie jacobine alors que Genève, sous l'Empire, faisait partie du département du Léman, ce durant quatorze années.

Cette taxe ne tient pas compte de la capacité contributive, comme devrait le faire un impôt tant pour les personnes physiques que morales, et ne respecte pas ce principe constitutionnel inscrit dans la Constitution fédérale. Elle devrait par ailleurs correspondre à une prestation précise, ce qui n'est pas le cas.

Pour lancer cette initiative, le comité est parti d'un constat simple: celui que la TPC n'a plus lieu d'être en raison de son mode de prélèvement, car elle ne prend pas en compte la capacité contributive. Les initiants estiment qu'il conviendrait de revoir la péréquation financière de notre canton en réinstaurant le lieu d'imposition au domicile. Pour toutes ces raisons, la première minorité de la commission fiscale vous demande d'accepter l'IN 183 et de refuser le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Le MCG se trouve dans une situation peu commune, puisqu'il soutient une initiative lancée par des élus PLR et combattue par des élus PLR; vous conviendrez, Mesdames et Messieurs, que cette configuration n'a rien d'ordinaire ! L'IN 183, cela a été indiqué, vise à supprimer la taxe professionnelle communale. En cela, elle porte un message clair: il s'agit de soutenir nos petites et moyennes entreprises. Ce soir, nous assistons à une trahison de la part du PLR vis-à-vis de ses électeurs. En effet, Mesdames et Messieurs, cette initiative a été soutenue par une large majorité d'électeurs PLR, puisque ce sont bien des élus PLR, accompagnés de représentants PDC et UDC, qui en sont à l'origine.

Quel est le but du texte ? Eh bien vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs: en cette période difficile pour nos indépendants, pour nos petites et moyennes entreprises, ceux qui travaillent en tant qu'indépendants ne comprennent pas pourquoi, à Genève, on continue à les taxer via la TPC. A longueur d'année, à longueur de législature, le PLR martèle que Genève est le canton dans lequel il y a le plus de taxes et d'impôts. Vous comprenez, Mesdames et Messieurs, que cette taxe professionnelle, unique en son genre en Suisse et malheureusement pratiquée à Genève, n'a plus lieu d'être.

Le groupe MCG fait partie de la minorité qui acceptera l'initiative, bien qu'il ne l'ait pas lancée, et je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous assistons ce soir à une trahison de la part du PLR, qui a fait croire à ses électeurs qu'en signant cette initiative, ils pourraient une bonne fois pour toutes abolir la taxe professionnelle.

Une voix. N'importe quoi !

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Nous sommes confrontés à une situation où les jeunes membres des partis de droite ont lancé une initiative pour abolir la taxe professionnelle communale sans la moindre compensation, ce qui n'a absolument aucune chance d'aboutir. Pour être clair, cette initiative signifie une baisse de rentrées fiscales de 17,5% pour la commune de Carouge, de 15,6% pour celle de Meyrin, de 15% pour Satigny, de 15% pour Plan-les-Ouates, de 11,4% pour la Ville de Genève, de 10% pour Vernier. Imaginez, Mesdames et Messieurs, une diminution des recettes fiscales de 10% à 15% pour les grandes communes que j'ai citées, c'est strictement impensable.

Alors réfléchissons. Très probablement, les jeunes PLR qui étaient à la manoeuvre avec leurs amis des Vert'libéraux et du Centre... Bon, qu'est-ce qu'ils voulaient ? Ils menaient une opération à deux coups. Le premier coup, c'était lancer l'initiative, et le deuxième coup... eh bien ce sont des têtes brûlées, ils sont un peu jeunes, donc les vieux ont repris la main, et qu'est-ce qu'ils nous expliquent ? Ils nous expliquent qu'il faut bien sûr abolir cette taxe d'un autre âge, mais ils ont une autre idée derrière la tête, à savoir amortir le choc d'une décision internationale qui met Genève particulièrement en difficulté, puisque le taux minimum qui a été choisi pour l'imposition des grandes entreprises est de 15% alors qu'à Genève, le plancher a été fixé à 13,9%. On a été tellement bas dans la taxation des profits des entreprises que maintenant, on subit la pression de Washington et de Bruxelles.

La droite, ne sachant pas tellement comment faire, a dit aux jeunes: «Vous lancez ce machin qui n'a aucune chance d'aboutir, et puis nous, derrière, nous allons faire le boulot sérieux.» Il s'agit donc d'amortir le choc en disant: «C'est très simple, on va supprimer la taxe professionnelle, mais comme l'imposition des grandes entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions va augmenter, passant de 13,9% à 15%, on va affecter cette part aux communes, on va probablement obtenir quelque chose d'équivalent» - cela reste à démontrer - «comme ça les communes se tiendront tranquilles, elles ne résisteront pas à ce coup de force.» Quand on fait de la politique depuis quelques années dans ce canton, on repère bien la manoeuvre: on lance une initiative bidon pour récupérer quelque chose de plus sérieux, et cette chose plus sérieuse permet tout simplement de ne pas augmenter l'imposition des grandes entreprises, comme le demandent Washington, Bruxelles et Berne. Donc voilà, on a compris la combine.

Pour notre part, nous pensons qu'il est indécent, mais vraiment indécent, dans cette période où on augmente la rémunération du Conseil d'Etat, où on réduit les prestations à la population, où on rabote les salaires de la fonction publique, de venir au chevet des grandes entreprises qui ont un chiffre d'affaires de plus de 750 millions en leur disant: «Oui, bien sûr, la taxe professionnelle sera supprimée pour compenser l'augmentation qui nous est imposée, à notre corps défendant, par Washington, Bruxelles et Berne.» C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons évidemment au principe d'un contreprojet.

Pensez-y, il y a un paradoxe saisissant dans cette affaire: on nous a expliqué pendant des mois - des années, devrais-je dire ! - que les entreprises qui n'étaient pas à statut, qui n'avaient pas le privilège de payer beaucoup moins d'impôts que les autres - les entreprises, disons, normales - ne demandaient pas de réduction de leur imposition sur le bénéfice qui était à 24%; à la commission fiscale, nous avons reçu un banquier privé dont je tairai le nom, qui nous a indiqué: «Mais enfin, nous n'avons jamais réclamé de baisse d'impôts pour notre banque, cette décision a été prise sans qu'on la sollicite.» C'était nécessaire pour les grandes entreprises à statut qui disaient: «Attention, si Washington et Bruxelles nous imposent une augmentation, il faut que nous l'acceptions, faute de quoi nous serons taxés également dans un autre pays.»

Aujourd'hui, on a simplement combiné une initiative de têtes brûlées qui n'a aucune chance d'aboutir devant le peuple avec un contreprojet qui permettra d'éviter la hausse d'impôts imposée par les décisions de Washington et de Bruxelles aux grandes entreprises du canton de Genève. Encore une preuve que la droite de ce canton se préoccupe avant tout des privilégiés et n'hésite pas à renoncer à des recettes fiscales qui seraient pourtant très utiles pour défendre nos services publics. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Je m'exprimerai sur le principe d'un contreprojet, mais également sur la valeur de la taxe professionnelle communale; ce sera donc un plébiscite pour le maintien de la TPC et pour le refus de tout contreprojet. On l'a dit, la suppression de la TPC conduirait à des pertes de 200 millions pour les communes, ce serait un manque massif pour financer des prestations dont, plus que jamais, la population a aujourd'hui besoin. L'Association des communes genevoises a exprimé une position unanime en défaveur de l'initiative et de tout contreprojet. Mesdames et Messieurs, 45 communes alignées pour dire: «Nous ne voulons ni de l'initiative ni d'un contreprojet.» Pourquoi ? Parce qu'en abolissant cette taxe qui, de fait, est un impôt indirect, toute autonomie communale en matière fiscale serait coupée.

L'impact de cette décision serait dévastateur pour les communes et réduirait à néant les effets de la péréquation financière dont le principe, vous le savez, est de réduire les écarts entre les communes. Quelques chiffres: Vernier perdrait 6 millions en cas de suppression de la TPC, Meyrin 17 millions, la Ville de Genève 105 millions - c'est plus ou moins toute la politique de la petite enfance qui passerait à la trappe. Vous le savez, le Conseil d'Etat veut transférer des charges et des compétences aux communes; avec 200 millions en moins dans leurs caisses, celles-ci ne pourront plus négocier de transferts de charges. Aujourd'hui, les communes peuvent exonérer certaines entreprises de la TPC, elles perdraient là aussi toute marge de manoeuvre. Cette attaque en règle contre les communes, leurs finances et leur autonomie, le parti socialiste n'en veut pas; pour lui, ce n'est pas acceptable.

Quelques mots sur la TPC, qui repose sur trois principes de base qu'il est important de rappeler: l'imposition sur le chiffre d'affaires, l'imposition à la valeur locative, l'imposition liée à chaque emploi exercé dans l'entreprise. La première variable, soit l'imposition du chiffre d'affaires, représente 90% à 93% des revenus totaux de la taxe. Ces 90% à 93%, du moins en Ville de Genève, 5% seulement des entreprises les paient. Ce sont donc véritablement les sociétés les plus rentables, les plus importantes qui sont soumises à cette taxe, pas les autres. Quant au 5 pour mille du loyer payé par les entreprises, il en représente environ 6%, tandis que les 10 francs par employé constituent 1% des revenus. Il s'agit d'une taxe qui favorise la redistribution des richesses et qui, partant, est extrêmement pertinente.

Pourquoi faut-il la défendre ? J'exposerai plusieurs arguments. Tout d'abord, ce n'est pas parce que la TPC est ancienne qu'elle est obsolète; elle date certes du XVIIIe siècle, mais elle a vu un certain nombre d'évolutions et d'adaptations au cours des siècles. Et pour rappel, le principe de l'impôt date de l'époque égyptienne, ce sont les Romains qui l'ont implanté ici même, donc il est absurde de dire qu'elle est ancienne. Ensuite, il ne s'agit pas d'un frein à l'emploi: 10 francs par employé, c'est plus ou moins trois cafés par an, ce qui est parfaitement supportable pour les entreprises. Les frais de perception sont modérés, les démarches sont simples, les communes apprécient cet outil de fiscalité et, enfin, la taxation est bien moins complexe que l'impôt cantonal sur le bénéfice.

L'embryon de contreprojet qui a été discuté en commission aligne des noix sur un bâton: c'est soit une augmentation des centimes additionnels dans les communes, c'est-à-dire que tant les personnes physiques que morales paieraient plus d'impôts, soit une hausse de l'imposition des bénéfices des entreprises, et là, les communes nous l'ont dit - elles en sont tout à fait conscientes et vous aussi, Mesdames et Messieurs les députés -, on ne sait absolument pas ce qu'il adviendra de ce taux d'imposition avec les potentielles fluctuations à venir. Ainsi, les communes savent très bien ce qu'elles perdent avec la suppression de la TPC, mais en aucun cas ce qu'elles pourraient gagner si on bascule dans un système avec un potentiel contreprojet sur l'augmentation des centimes additionnels.

Ces pistes ne nous ont pas convaincus, elles mettront de toute façon à mal les finances des communes de même que leur autonomie, elles n'offrent pas les garanties que leur donne la TPC et amènent bien sûr un facteur d'incertitude. On entend souvent Mme Fontanet, la conseillère d'Etat chargée des finances cantonales, nous parler de l'importance de la prévisibilité en matière de fiscalité, de la stabilité du système; aujourd'hui, le système de la TPC est stable, fonctionnel, aucune commune ne s'en plaint, bien au contraire, et on veut renverser la table. A nos yeux, c'est totalement incompréhensible et dangereux.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à refuser non seulement l'IN 183, mais également tout contreprojet, afin que cette mauvaise initiative se retrouve devant le peuple et que celui-ci ait le choix entre maintenir une stabilité, une prévisibilité du système fiscal, ou - et nous savons qu'il s'y refusera - couper à vif dans les finances communales et publiques. Merci.

M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, il ressort des travaux de commission et de l'exposé des motifs des initiants que la taxe professionnelle communale, que seul notre canton pratique, est inique. En raison de son taux calculé en toute opacité, elle engendre des inégalités de traitement entre branches professionnelles, une distorsion de concurrence entre les entreprises genevoises et celles établies dans d'autres cantons, et d'importantes différences de recettes entre communes.

Cette initiative vise à permettre au peuple de trancher un débat qui a trop longtemps duré, au détriment des acteurs économiques qui sont la substance fiscale de ce canton. Elle entend mettre devant leurs responsabilités les formations politiques qui se disent favorables aux entreprises, notamment celles qui sont à l'origine du dépôt de projets de lois sur la suppression de cette taxe et ont inscrit le sujet au fronton de leurs programmes politiques. Elle a pour objectif non seulement de protéger nos PME, mais aussi d'éviter les délocalisations d'entreprises à forte production fiscale; je pense en particulier aux sociétés à statut qui avaient un accord fiscal auxiliaire, qui sont désormais taxées sur les intérêts de prêts accordés à des sociétés de groupes établis à l'étranger. Pour l'une d'entre elles, cette modification a engendré une perception supplémentaire de 10 millions de francs en raison de la réforme RFFA.

Mme la présidente du département des finances, que je salue et que je respecte... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît. Si les rapporteurs voulaient bien éviter de tenir un meeting au centre de la salle, ce serait plus poli pour les personnes qui s'expriment, parce qu'on ne les entend plus parler.

Une voix. Ce sont les membres de votre parti, Monsieur le président.

Une autre voix. Ouais, bon, ça va. Ce n'est pas Ensemble à Gauche qui va nous faire la morale, quand même ! (Rires.)

Une autre voix. Et pourquoi pas ?

Le président. S'il vous plaît !

Une voix. Pourquoi pas ?

Une autre voix. Ils sont mal placés.

Le président. S'il vous plaît ! Reprenez, Monsieur Catelain.

M. Gilbert Catelain. Mme la présidente du département des finances vous recommande de rejeter cette initiative, probablement par devoir de collégialité, quand bien même elle soutenait la suppression de la TPC lorsqu'elle siégeait dans ce parlement; elle reproche aux initiants de ne pas avoir proposé de solution permettant de compenser les pertes fiscales tout en reconnaissant que cette initiative peut se targuer de rassembler 88% d'entreprises gagnantes contre 1% de perdantes.

La question de fond est de savoir s'il convient de compenser ou non les pertes de recettes liées à une taxe inique que l'adoption de cette initiative induirait. En fait, il n'y en a pas, notamment au regard de la production fiscale du canton. Entre 2000 et 2021, les revenus de l'Etat de Genève ont crû de 43% alors que la population a augmenté de 23,8%. Les recettes par habitant ont gonflé de 15,5% sur la même période et de 5% en tenant compte de l'indice des prix à la consommation. L'Association des communes genevoises a défendu bec et ongles le statu quo alors que les résultats communaux ont évolué dans les mêmes proportions que ceux de l'Etat. A titre d'exemple, la commune pauvre d'Onex a vu ses revenus fiscaux croître deux fois plus vite que sa population; d'ailleurs, vous retrouvez sur le site de la commune d'Onex l'évolution de ses recettes qui a toujours été constante.

Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez accepter cette initiative sans états d'âme. Dans tous les autres cantons suisses, les communes ne souffrent ni de l'absence d'une taxe professionnelle ni d'une augmentation d'impôts générée par une absence de taxe; on peut même ajouter que dans l'ensemble des communes de Suisse, globalement dans tous les cantons, la fiscalité est beaucoup moins lourde qu'à Genève. Il suffirait que les communes genevoises fassent le choix d'une meilleure gestion pour que les entreprises de ce canton n'aient pas à en subir les conséquences. Dès lors, je vous invite à soutenir l'IN 183.

Des voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Monsieur Stéphane Florey, vous avez la parole pour cinquante secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rappeler un élément. Voilà vingt et un ans et dix-neuf jours qu'un projet de loi sur la TPC a été déposé; il traîne en commission. Aujourd'hui, c'est le moment de voter. Quand j'entends le PLR nous dire: «Il faut prendre le temps», c'est la manifestation d'une volonté de ne pas valider cette suppression. Ce soir, il faut précisément avoir le courage d'accepter cette initiative, et nous refuserons pour notre part le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

M. Grégoire Carasso (S). Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi, au nom du groupe socialiste et à titre liminaire, saluer la prise de position courageuse de l'UDC, qui n'a pas honte de l'initiative qu'elle a lancée et soutenue. Je pense que d'autres partis auraient sans doute besoin d'une thérapie collective entre les différents niveaux de pouvoir. Je vais vous citer certaines communes qui, en l'occurrence, ne perdraient rien dans l'aventure si la taxe professionnelle était abolie: Anières, Collonge-Bellerive, Cologny, Genthod, Pregny-Chambésy, Russin ou encore Vandoeuvres. Or dans ces communes, les exécutifs se sont prononcés, au sein de l'Association des communes genevoises, contre cette initiative et contre le principe d'un contreprojet. Pourquoi ces communes-là, qui n'ont pas grand-chose à voir dans cette opération un peu atypique, en tout cas pour ce qui concerne le PLR, se sont-elles positionnées de la sorte, unanimement avec les 38 autres ? Il y a sans doute une dynamique de solidarité intercommunale qu'il serait intéressant de creuser, mais au niveau de la commission fiscale, l'envie d'explorer ce terrain était assez limitée.

Examinons les budgets qui se cachent derrière les pertes prévues, en prenant l'exemple de la Ville de Genève: 110 millions, ce sont, additionnés, les budgets annuels du Grand Théâtre, du Musée d'art et d'histoire, du Musée d'ethnographie, du Muséum d'histoire naturelle et de l'Ariana. Voilà les 110 millions annuels que cette initiative vise à supprimer pour la seule Ville de Genève. Je pourrais faire le même exercice sous l'angle des prestations sociales ou sportives, j'ai simplement fait un focus culturel, parce que je sais nos collègues et amis du PLR apprécier et soutenir ces institutions.

Il y a ainsi dans le positionnement des communes, et en particulier des magistrats PLR, une volonté de se montrer solidaires avec les autres communes, parce que oui, les conséquences financières toucheraient en particulier les communes les plus urbanisées, où les besoins en infrastructures et en prestations publiques sont les plus importants.

J'aimerais terminer cette intervention, Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, en mettant en évidence pas seulement la solidarité - je l'ai mentionnée -, mais l'autre raison qui, à mon avis, explique l'opposition de tous les magistrats communaux à cette initiative vraiment farfelue: c'est l'autonomie communale. Celles et ceux qui se trouvent aujourd'hui un peu embarrassés avec ce cadeau de 200 millions annuels piqués dans les poches des communes oublient qu'avec la perspective d'un contreprojet, aucune des pistes évoquées ne permettra de compenser la perte sèche d'autonomie communale que vous voulez imposer à ces communes. Voilà à mon sens la vraie raison du positionnement de ces communes très riches et très à droite contre cette initiative.

Je conclurai avec un slogan qui pourra être celui de la campagne à venir, dont je me réjouis déjà, et le groupe socialiste avec moi: «TPC: touche pas à ma commune !» Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Je suis content de prendre la parole au nom du PLR, parce qu'à peu près tous les députés ici ont fait des procès d'intention à notre groupe; nous avons entendu la théorie du complot du député d'Ensemble à Gauche, la théorie de la trahison du député du MCG. Le PLR est très clair sur sa position: nous voulons l'abolition de la taxe professionnelle communale. Il s'agit d'un impôt obsolète, d'un autre âge, qui a plus de deux cents ans d'histoire, une espèce de bizarrerie que l'on ne trouve qu'à Genève, qui a démontré à quel point notre canton subissait un désavantage concurrentiel.

Les critères de perception sont totalement abscons, cela a été expliqué. D'abord, on taxe le nombre de collaborateurs, donc on pénalise la personne qui investit et qui emploie. Ensuite, on taxe le chiffre d'affaires et non le bénéfice, ce qui est une aberration, sachant que peu importe le chiffre d'affaires, il n'y a pas nécessairement de bénéfice en bout de ligne, c'est donc complètement contraire au principe cardinal de la capacité contributive. Enfin, on taxe des éléments de loyer, ce qui est absurde, parce que cela ne définit pas le possible résultat que l'entreprise ou l'indépendant pourrait faire. La TPC grève lourdement les PME - les sociétés en général, mais les PME en particulier - ainsi que les indépendants. Aussi, sur le principe, le PLR est favorable à cette initiative.

Cependant, le PLR aimerait donner une chance à un contreprojet. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, si cette initiative devait passer devant le peuple, elle rencontrerait une opposition très marquée de la part des communes, puisqu'on les priverait de revenus très importants - 190 millions - et qu'un certain nombre de prestations ne pourraient plus être fournies. Il faut donc trouver une alternative. Nous avons une aubaine inouïe ces prochaines années, c'est de marier un contreprojet avec la réforme BEPS, soit la réforme de l'OCDE qui vise à augmenter la fiscalité de certaines grosses entreprises. Avec ces revenus, nous pourrions compenser les pertes liées à la suppression de la taxe professionnelle.

Nous voulons, nous, PLR, saisir l'opportunité de travailler à un contreprojet qui puisse satisfaire les communes et avoir une chance devant la population afin que la TPC soit abolie, mais dans le contexte d'une réforme plus large. C'est le pari que fait le PLR et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, nous voterons contre l'initiative et pour le principe d'un contreprojet. Il s'agit d'oeuvrer au sein de la commission et avec l'aide du département à un contreprojet dans le cadre de la grande réforme de l'OCDE que nous allons devoir approuver également. Voilà la position que nous défendons aujourd'hui, Monsieur le président. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'IN 183 visant à abolir la taxe professionnelle rencontre l'opposition unanime de l'Association des communes genevoises. Il n'y a là rien de surprenant, puisque cette suppression entraînerait des conséquences financières négatives pour pratiquement toutes les communes. Cette contribution leur apporte annuellement des revenus d'environ 190 millions de francs, correspondant en moyenne à 9,4% de leurs recettes fiscales. L'initiative aurait de plus un impact majeur pour certaines communes, tout particulièrement pour les plus fortement urbanisées.

En outre, une telle opération aggraverait l'écart entre les communes les plus aisées, qui exonèrent d'ores et déjà les entreprises de la taxe, mais dont le revenu fictif est pris en compte pour la péréquation, et celles où les besoins en infrastructures et prestations de proximité sont les plus importants. C'est ainsi que - écoutez-moi bien - Cologny et Genthod seraient les seules communes gagnantes si on abolissait la taxe professionnelle. Une aberration ! A titre d'exemple, il n'en serait absolument pas de même pour des communes comme la Ville de Genève, qui perdrait 105 millions de francs, soit 11,4% de ses recettes, ou encore Meyrin, Carouge et Plan-les-Ouates, qui verraient entre 15% et 18% de leurs revenus disparaître.

L'ACG estime à juste titre qu'il serait impossible aux communes - qui, pour la plupart, font face à de fortes augmentations de leurs charges du fait du développement attendu de leurs prestations, notamment dans les domaines préscolaire et parascolaire - de compenser un manque à gagner d'une telle ampleur. A moins bien évidemment d'augmenter les centimes additionnels des communes où ils sont déjà les plus élevés et de creuser encore un peu plus l'écart déjà abyssal qui existe entre communes riches et pauvres. Encore une aberration ! Les recettes que génère la taxe professionnelle par son prélèvement direct et/ou son système redistributif via la péréquation sont indispensables pour les communes. Dès lors, la députation Verte refusera cette initiative.

Reste à trancher la question de lui opposer ou non un contreprojet; vous connaîtrez la position des Vertes et des Verts à ce sujet en écoutant l'intervention de mon excellent et estimé collègue Pierre Eckert, à qui, Monsieur le président, vous allez céder la parole. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. En effet, Monsieur Pierre Eckert, la parole vous revient maintenant pour deux minutes quarante-cinq.

M. Pierre Eckert (Ve). Oui, merci, Monsieur le président. Nous avons cru rêver lorsque nous avons auditionné les initiants, Mesdames et Messieurs les députés. Leur discours était pour le moins paradoxal: sous prétexte de gros boni dans les comptes 2021... (Rires.) Ah, elle est bien bonne ! Sous prétexte de gros boni...

Une voix. Pourtant je ne suis pas gros ! (Exclamations.)

M. Pierre Eckert. ...dans les comptes 2021, donc, ils ont d'abord laissé entendre que les communes dilapidaient joyeusement l'argent des contribuables et qu'elles pourraient bien se passer des revenus de la TPC. Nous leur avons fait remarquer que cela ne valait pas pour l'ensemble des communes, notamment pas pour les plus peuplées du canton. A ce moment-là, ils nous ont fortement incités à développer un contreprojet qui permettrait de compenser d'une façon ou d'une autre les pertes de recettes provenant de la suppression de la TPC; l'idée d'un contreprojet est donc une patate chaude et blette que nous ont lancée les initiants.

On peut ergoter longtemps sur les critères de calcul de la TPC que sont le chiffre d'affaires, la valeur locative et le nombre d'employés. Selon l'ACG, tous ces paramètres sont justifiés; il s'agit même d'un type de pratique qui est en train d'acquérir un certain degré de modernité, comme cela a été mis en évidence dans le rapport de minorité de M. Thévoz. On peut critiquer les grilles de calcul et le fait que la TPC ne soit pas incluse dans le minimum de 15% demandé par l'OCDE, mais cela ne nous suffit pas comme justification pour valider le principe d'un contreprojet, surtout pas d'un contreprojet dont le seul objectif serait, comme cela a été exposé par le PLR, d'absorber les pertes de recettes de la TPC dans une hausse du taux d'imposition des personnes morales. Les entités qui ne payaient pas d'impôts précédemment n'en paieraient toujours pas dans le cadre du nouveau système tandis que les autres verraient leur imposition augmenter.

A notre sens, une entreprise, que cela soit une société ou une personne indépendante, bénéficie largement des prestations de la commune dans laquelle elle est implantée; je pense par exemple aux infrastructures mises à disposition, aux barèmes spéciaux pratiqués dans les crèches pour les entreprises qui se trouvent sur son territoire. Il nous paraît dès lors légitime que l'ensemble des sociétés participent aux finances communales. Cet impôt n'est pas inique, comme cela a été indiqué, il est tout à fait justifié.

Il faudrait imaginer une réforme plus générale, comme le Conseil d'Etat l'a esquissée, qui intégrerait l'ensemble des paramètres: la répartition des tâches entre les communes, la répartition des tâches entre le canton et les communes, la péréquation intercommunale, la fixation d'un minimum au centime additionnel communal. Il s'agit toutefois d'un chantier global, et nous ne pouvons pas le résoudre par un simple contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bonny, vous avez visiblement été mis en cause, souhaitez-vous un droit de réponse ? (Le président rit. Rires.)

M. Didier Bonny. Merci, Monsieur le président, je renonce !

Le président. Très bien, merci. Je prends note. La parole va maintenant à M. Sébastien Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Il s'agit d'un sujet trop important pour céder à la facilité et aux petites postures de politique politicienne, et c'est la raison pour laquelle j'ai été particulièrement déçu de la position de Grégoire Carasso qui, d'un côté, félicite l'UDC de maintenir et de soutenir cette initiative sans contreprojet et, de l'autre, semble combattre l'initiative.

Le député Pfeffer, rapporteur de première minorité, a dit au sujet de la taxe professionnelle communale qu'il s'agissait d'un reliquat de la bureaucratie jacobine. Peut-être bien, mais il faut justement éviter de lui couper la tête sans autre forme de procès, bref, d'être une sorte de Saint-Just, il faut penser ici à l'intérêt général et à celui de la population. Et cet intérêt commande de ne pas se débarrasser de la TPC. Pourquoi ? Parce que la taxe professionnelle, cela a été souligné à réitérées reprises - je vais insister là-dessus une dernière fois -, rapporte bon an mal an 196 millions de francs aux communes. Si on devait leur supprimer ces revenus fiscaux, celles-ci auraient un réflexe responsable sans doute, pavlovien très certainement, et que feraient-elles ? Elles augmenteraient immédiatement les impôts.

Alors on peut se dire pas de problème, elles augmenteraient les impôts des personnes morales, c'est-à-dire des sociétés. Eh bien non, ce n'est pas si simple que cela, parce que la loi générale sur les contributions publiques ne permet pas d'augmenter le centime additionnel des personnes morales sans augmenter celui des personnes physiques, ces deux centimes additionnels sont liés.

Quelle est la conséquence concrète de cette exigence ? Eh bien en supprimant purement et simplement la taxe professionnelle, on diminuerait la charge fiscale de la Migros, de la Coopérative ou encore de Denner et, parallèlement, on augmenterait celle des ménages les plus faibles soumis à l'impôt. Est-ce là véritablement le résultat qu'un parti politique, quel qu'il soit, peut souhaiter à Genève ? Bien entendu que non. Cela n'a aucun sens de faire un cadeau fiscal à la Migros pour augmenter les impôts d'une famille de la classe moyenne. Personne ne peut soutenir une telle théorie, c'est évident.

Mais faut-il pour autant abandonner l'idée d'un contreprojet ? Eh bien non, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, il est tellement facile de dire «Supprimons la taxe professionnelle» qu'il existe un risque que cette initiative passe avec les conséquences que je viens d'évoquer; ce risque ne doit pas être pris.

Le deuxième élément qui plaide en faveur de l'élaboration d'un contreprojet, c'est le caractère inique de la taxe professionnelle qui, cela a été répété, ne tient pas compte de la capacité contributive d'un indépendant ou d'une société: on paie des impôts alors même qu'on peut avoir une exploitation commerciale déficitaire. Alors on peut soutenir: «Oui, c'est peut-être inique, mais cela rapporte de l'argent.» Pour moi, cet argument est sans valeur, parce que si on dit: «Peu importe l'iniquité de l'impôt, il rapporte des recettes», alors on n'est même plus dans la bureaucratie jacobine, on est dans l'Ancien Régime et on dit: «Gardons la dîme, gardons la gabelle, gardons le denier», tous ces impôts absolument iniques, mais qui rapportaient de l'argent dans les caisses de l'Etat. Ce n'est pas un argument.

Enfin, il y a la question de la compétitivité fiscale de Genève. Il n'est pas possible d'augmenter à 15% l'imposition des personnes morales tout en conservant la taxe professionnelle, qui viendrait s'y ajouter. Ainsi, la BEPS, soit la réforme de l'OCDE dont il a déjà été abondamment question aujourd'hui, représente une opportunité à ne pas manquer.

Pour conclure, j'ai entendu de nombreuses personnes prétendre que l'ACG était contre le principe d'un contreprojet; c'est totalement faux, je peux vous garantir qu'au contraire, les services juridiques de l'ACG sont aujourd'hui en train de travailler à une proposition. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Saudan pour deux minutes et demie.

Une voix. C'est une erreur.

Le président. Bien, alors elle revient à M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ce débat était intéressant, il nous a livré quelques enseignements. J'ai pour ma part écouté attentivement M. Desfayes notamment, et son discours donne le sentiment qu'il verse dans une forme de jeu d'apprenti sorcier: «On ne veut pas couper de têtes, on ne sait pas trop quoi faire, alors élaborons un contreprojet, octroyons-nous une année pour essayer de concocter quelque chose qui puisse à la fois ne pas trop fâcher les communes et plus ou moins s'aligner sur les 15% de la réforme BEPS; on ne sait pas trop comment procéder, on va peut-être devoir aider la Migros plutôt que les petites entreprises; au final, ce sont sans doute les personnes physiques qui ramasseront plein pot, mais faites-nous confiance, ça va passer.»

Pour le parti socialiste, non, ce n'est pas une façon digne, ce n'est pas une façon stable et professionnelle de travailler. On dépose une initiative qui vise à supprimer 200 millions, puis on essaie, en improvisant, avec une majorité chancelante, de faire passer un contreprojet; ça ne va pas. Séance après séance, Mme Fontanet nous parle de stabilité fiscale, de ne pas effrayer les entreprises, et là, ça jongle avec des suppressions d'impôts, avec des augmentations d'impôts. C'est de la science-fiction, les apprentis sorciers sont de sortie. Pour le groupe socialiste, ce n'est pas acceptable et, à nouveau, nous refuserons tout contreprojet; il faut évidemment écarter cette proposition. Merci.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Un élément a peu été souligné ce soir, c'est que les communes vont faire face à des hausses de charges. Elles vont faire face à des hausses de charges premièrement parce que des besoins sont insatisfaits; les plus importants sont la prise en charge de la petite enfance, les structures d'accueil pour la petite enfance. Vous savez toutes et tous, Mesdames et Messieurs, qu'il s'agit d'un domaine social sous-développé dans notre canton et qu'il relève de la compétence des communes. Ainsi, répondre aux besoins de la population s'agissant de l'accueil de la petite enfance va imposer, dans les années à venir, des hausses de charges aux communes.

Deuxièmement, elles vont faire face à des hausses de charges si le Conseil d'Etat arrive à leur transférer des charges, ainsi qu'il l'a prévu. Vous n'avez qu'à jeter un coup d'oeil - je sais que c'est un document que peu de députés consultent - au plan financier quadriennal et vous vous rendrez compte que le gouvernement projette par exemple de leur transférer 70 millions de subventions aux TPG. Il y a donc augmentation des besoins de la population, transferts de charges, et voilà qu'on arrive et qu'on nous dit: «Nous allons leur enlever 200 millions de recettes fiscales !»

A cette proposition, le député PLR qui était fier de parler au nom de son groupe - vous lui transmettrez, Monsieur le président, c'est Pierre de Senarclens...

Une voix. Alexandre !

M. Jean Batou. Alexandre, évidemment ! Pierre, c'est son papa; je le confonds toujours avec son papa, qui était plus à gauche. (Rires.) Parfois, les choses ne vont pas dans le bon sens avec les générations ! Bon. (Commentaires.) Oh, excusez-moi... Excusez-moi, excusez-moi ! Un tout petit peu de fatigue de fin de soirée. Ce que je voulais dire, c'est qu'il est intervenu pour nous dire qu'il ne fallait pas soutenir cette initiative sans contreprojet, parce qu'elle ne passerait pas. Parce qu'elle ne passerait pas ! Touche pas à ma commune, bien sûr, c'est parfaitement clair, et les communes tout comme la population voteront contre cette initiative. Il faut dès lors un contreprojet, et ce contreprojet est tactique pour Alexandre de Senarclens.

Quant à Sébastien Desfayes - vous transmettrez, Monsieur le président -, eh bien il invoque un argument social, il dit: «Mais enfin, en supprimant la taxe professionnelle, vous allez charger les ménages populaires par la hausse du centime additionnel, cela servira de compensation par rapport aux entreprises que vous allez soulager comme la Migros, la Coopérative et Denner.» Naturellement, il s'adresse à un public plus populaire que celui du PLR.

Pour ma part, je dirais qu'il faut d'une part maintenir la TPC - parce qu'en taxant la Migros, Denner, la Coopérative et les grandes entreprises, on peut répondre à des besoins insatisfaits tels que la prise en charge de la petite enfance -, d'autre part s'opposer à un contreprojet. En effet, c'est le deuxième étage de la fusée; ce n'est pas la théorie du complot, mais nous comprenons tous que si on abolit la taxe professionnelle et qu'on augmente, parce que nous y serons bien obligés, l'imposition des bénéfices des grandes entreprises, cette suppression permettra de venir en aide à celles-ci, puisqu'elles seront taxées un peu plus à cause de ce plancher international fixé à 15%. Voilà la raison pour laquelle il faut maintenir la taxe professionnelle et ne pas entrer dans la logique d'un contreprojet, qui ne vise qu'à soulager les grandes entreprises alors que nous leur avons déjà fait, pour l'essentiel d'entre elles, un gros cadeau avec la RFFA. J'ai terminé, merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. Je rappelle les deux principes du comité d'initiative. Premièrement, cette taxe est un impôt déguisé qui n'est pas basé sur un revenu ou un gain. Il s'agit d'une pratique inadaptée à la réalité du monde de l'économie et de l'entreprise. La TPC est par ailleurs injuste et pénalise fortement les sociétés qui créent de nombreux emplois. Par conséquent, elle doit être purement et simplement supprimée.

Deuxièmement, il est vrai que l'abolition de la taxe professionnelle engendrera un manque de recettes pour les communes, mais en lieu et place de maintenir cet impôt obsolète et économiquement injuste, il faut compenser les baisses de revenus des communes. A ce sujet, l'UDC propose une autre initiative qui demande l'imposition des personnes physiques et morales sur le lieu de domicile. Encore une fois, au nom du comité, je précise qu'il faut accepter l'initiative et refuser le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Beaucoup de choses ont été dites au cours du débat. Tout d'abord, il a été reproché à mon groupe, le PLR, d'avoir changé d'avis sur la question de l'abolition de la taxe professionnelle. J'aimerais préciser qu'au départ, ce sont les sections jeunes du PLR, de l'UDC, du PDC et des Vert'libéraux qui ont lancé... (Remarque.) Merci de me laisser parler, Monsieur Burgermeister, je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure - vous transmettrez, Monsieur le président. Ce sont les sections jeunes qui ont lancé cette initiative au moment où nous venions de voter la RFFA.

Les élus cantonaux, qui ne faisaient pas partie des initiants de la première heure, n'étaient donc pas compris dans le projet, et les partis cantonaux ont alors exprimé des positions diverses par rapport à cette initiative déposée, je le répète, par les sections jeunes. Nous les comprenons, c'est vrai, puisque comme cela a été dit et redit, la TPC est basée sur des critères peu pertinents aujourd'hui.

Le PLR soutient l'abolition de la TPC, comme il le déclare depuis de nombreuses années, mais pas à n'importe quel prix. Je ne vois pas ce que nous allons gagner à étrangler financièrement les communes. Dès lors, j'en appelle ce soir à la raison: pour une fois, nous avons l'opportunité de travailler sereinement à un contreprojet intelligent et intéressant qui permettra de nous débarrasser une bonne fois pour toutes d'un impôt complètement obsolète et de trouver une solution pour que cela ne prétérite pas les communes. C'est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs, de refuser l'initiative et d'accepter le principe d'un contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci bien. Monsieur Bläsi, il vous reste quinze secondes.

M. Thomas Bläsi (UDC). Ce sera parfaitement suffisant, Monsieur le président. Je me dis juste que pour éclaircir le débat, ce serait bien que ceux qui paient réellement la taxe professionnelle dans cette salle lèvent le bras, parce que nous ne devons pas être plus d'une dizaine. (Rires. Quelques mains se lèvent.) Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. La rapporteuse de majorité nous tient un discours peu audible ou plutôt inaudible. En effet, cette initiative a été lancée par le groupe PLR et soutenue par le PLR; il y a eu plus de 7000 signatures, presque 8000, donc une grande partie de l'électorat du PLR l'a signée. Ce soir, Mesdames et Messieurs, les membres du PLR tournent le dos à leurs électeurs en leur faisant croire qu'ils sont pour la suppression de la taxe professionnelle.

Le député UDC vient de demander qui payait cette taxe, eh bien je vois qu'il y a un certain nombre de personnes soumises à l'article 24, les mêmes qui, en leur temps, ne s'étaient pas gênées pour attaquer d'autres députés parce qu'ils faisaient prétendument l'objet de l'article 24 ! J'invite donc les députés du PLR qui ont levé la main pour signaler qu'ils sont personnellement concernés par la taxe personnelle à ne pas participer...

Une voix. Professionnelle !

M. Sandro Pistis. Taxe professionnelle, pardon ! Taxe professionnelle ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Sandro Pistis. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas voter et à rester droits dans vos bottes. Mesdames et Messieurs les députés du PLR, je constate que ce discours dérange. Il dérange, mais... (Commentaires.) J'ai le temps, moi ! (Un instant s'écoule.) Voilà, merci. Comme je le disais, ce soir, le PLR tourne le dos à ses électeurs, aux près de 8000 personnes qui ont soutenu l'initiative. Je voudrais remercier M. Michael Andersen, PLR, M. Geoffray... (Exclamations. Rires.)

Une voix. Il n'est pas PLR ! (Commentaires.)

M. Sandro Pistis. Pardon ! Pardon, pardon ! (Commentaires.)

Une voix. Ce n'est pas sérieux, Monsieur le président !

Le président. S'il vous plaît !

M. Sandro Pistis. En tout cas, je tiens à remercier les trois initiants qui ont présenté ce texte à la commission fiscale.

Un autre élément important: tout le monde vient pleurer le sort des communes qui pourraient être dépouillées des revenus de cette taxe, mais je vous rappelle juste que celles-ci ont dégagé 174 millions de bénéfices - pour ne pas dire de boni -, alors que si on abolit la TPC, on en serait à 190 millions. Pour vous donner un exemple - et je conclurai là-dessus, Monsieur le président -, j'ai eu l'honneur de siéger comme conseiller municipal à Carouge et j'ai vu de quelle manière cette commune a réussi à dilapider l'argent des gens qui s'acquittent de la taxe professionnelle, qui paient des impôts. Pour illustrer la situation, le budget communal de Carouge est passé, en dix ans, de 50 millions à 100 millions, et pourquoi ? Tout simplement parce que Carouge a eu de la chance: un établissement bancaire s'est installé sur son territoire, qui a généré un certain nombre de recettes pour la commune, et elle a tout simplement dilapidé l'argent...

Une voix. C'est un scandale !

M. Sandro Pistis. ...et c'est scandaleux, oui, vous avez entièrement raison. Aussi, Mesdames et Messieurs, faites un effort ce soir pour soutenir cette initiative, pour supprimer cette taxe professionnelle. En tout cas, le MCG vous invite à abolir la TPC afin d'aider les indépendants ainsi que les petites et moyennes entreprises.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est opposé à cette initiative, ainsi qu'il l'a déclaré dans le rapport sur celle-ci. Bien qu'il reconnaisse la singularité de cet impôt, il estime qu'on ne peut pas, d'un seul coup, supprimer les revenus que cette taxe professionnelle occasionne pour les communes.

En revanche, dans ce même rapport, le Conseil d'Etat s'est également dit prêt, si votre Conseil devait le décider, à travailler sur un contreprojet qui permette aux communes de conserver ces montants, d'obtenir une compensation de l'éventuelle abolition de la TPC. Il y a un intérêt à élaborer un contreprojet, donc le Conseil d'Etat sera aux côtés de la députation et en particulier de la commission fiscale si ce principe est accepté ce soir. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs, j'ouvre la procédure de vote.

Mise aux voix, l'initiative 183 est refusée par 72 non contre 20 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 51 oui contre 42 non et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 183-B est renvoyé à la commission fiscale.