Séance du
vendredi 23 septembre 2022 à
14h
2e
législature -
5e
année -
4e
session -
25e
séance
M 2610-C
Débat
Le président. Nous abordons la M 2610-C. La parole va à M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. La situation a sensiblement évolué à l'aéroport puisque entre-temps, un CTT - un contrat type de travail - a été édicté pour ce secteur en particulier. Ce développement assez récent démontre qu'il y avait un sens à déposer cette motion, à mener un combat parlementaire, à mettre la pression, comme nous l'avons fait dans ce Grand Conseil, de manière régulière pendant deux ans pour qu'une solution soit trouvée au problème de fond de l'AIT.
Pendant longtemps, le gouvernement s'est abrité derrière l'idée d'une part qu'il fallait que les choses se règlent par le partenariat social - alors qu'il avait indéniablement un rôle à jouer, et on l'a vu -, d'autre part que l'aéroport n'était dans le fond pas son affaire et les entreprises actives sur la plateforme encore moins. Bien. Tous ces arguments sont tombés, Mesdames et Messieurs; après des années de bataille, le CSME a fait le constat d'une sous-enchère grave et répétée au sein de l'Aéroport international de Genève.
Et pour cause, Mesdames et Messieurs: en 2018, Dnata, puisque c'est de cette entreprise-là en particulier que parle la motion, avait 783 employés; sur ces 783 employés, 367 étaient des auxiliaires sans nombre d'heures assuré par mois, c'est-à-dire qu'ils ne savaient pas, d'un mois à l'autre, sur quel salaire ils allaient pouvoir compter. On le voit, il s'agissait vraiment d'une sous-enchère structurelle inacceptable. Il est étonnant que le Conseil d'Etat ait toléré cette situation aussi longtemps.
Maintenant, le problème de fond, c'est la volonté non pas du Conseil d'Etat, pour le coup, mais de la Suisse et de l'Union européenne d'obliger la libéralisation des services au sein de l'aéroport; on constate là les coûts sociaux d'une libéralisation forcée, prônée par la droite du parlement, que ce soit ici ou aux Chambres fédérales, qui fait qu'un travail qui aurait pu être réalisé par une régie publique avec des conditions de travail et des salaires décents est pris en charge par des entreprises privées qui jouent une concurrence acharnée les unes contre les autres, et ce sont les salariés qui font office de mesures d'ajustement pour rendre telle ou telle société plus compétitive.
Malheureusement, les problèmes sociaux de manière générale sont loin d'être réglés à l'aéroport: d'une année à l'autre, ils représentent entre 15% et 50% des conflits sociaux enregistrés par la CRCT. Il peut difficilement s'agir d'une coïncidence, Mesdames et Messieurs, il y a un véritable manque de volonté politique pour régler le problème social de fond qui se pose sur la plateforme. C'est d'ailleurs le sens de la proposition de motion qu'Ensemble à Gauche a déposée et sur laquelle nous avons voté l'urgence; j'espère que nous aurons l'occasion de la traiter ce soir. Dans l'immédiat, nous prendrons acte de cette réponse, non pas qu'elle soit satisfaisante, mais la situation a progressé dans l'intervalle. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Des problèmes très graves se posent à l'aéroport: concurrence entre les travailleurs, baisses de salaire insupportables qui les empêchent de vivre à Genève. De plus en plus d'employés se plaignent de la situation. Pas plus tard que samedi dernier, sur un stand, nous avons rencontré des gens actifs à l'AIG qui évoquaient leurs difficultés à vivre à Genève, la nécessité ou le désir pour certains, ce que je trouve grave, de s'installer à l'étranger, de s'expatrier pour pouvoir mener une vie convenable.
Ce n'est pas acceptable, d'autant plus qu'à Genève, la solution trouvée est l'apport massif de frontaliers. On a ce problème de frontaliers, on a le problème du chômage. Il faut lire l'article du «Dauphiné libéré». Contrairement aux déclarations malvenues d'une conseillère d'Etat hier soir, le chômage s'élève à 10% dans notre canton, ce sont les chiffres du BIT. Nous sommes presque au niveau de la Grèce, largement au-dessus de certains pays comme la Serbie ou d'autres pays de l'Est, nous nous trouvons dans une situation qui, socialement, est catastrophique.
Bien entendu, de nombreuses personnes dans cette enceinte ont un niveau de vie confortable, ne connaissent pas de problèmes sociaux ou économiques, jouissent d'un petit confort, un petit confort qui se fait sur le dos d'une partie non négligeable de la population. Qui ça ? Les plus de 50 ans qui sont laissés en rade, les plus jeunes qui peinent à s'insérer sur le marché de l'emploi. Toute cette pauvreté, toute cette précarité existe à Genève, mais elle est dissimulée, on la cache comme la poussière sous le tapis. Ce n'est pas tolérable, il faut sortir de ce système.
Comme l'a indiqué mon préopinant, cette logique nous a été imposée par Berne, on a bêtement suivi les règles européennes pour aller dans le sens d'une absence de prospérité pour la population de Genève, pour les générations futures. On prétend souvent se préoccuper des générations futures, mais là, c'est à croire que tout le monde - ou une bonne partie des gens - est aux abonnés absents. C'est à cette préoccupation-là que nous devrions répondre en dehors de notre petit confort au Grand Conseil. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Je remercie mes préopinants pour leur soutien à cette motion, mais aussi pour leur intervention sur la saga de l'aéroport, parce qu'il est vrai que la motion «Fin du dumping Dnata» n'en est qu'une parmi d'autres, il y a eu de nombreux autres textes, il y a eu des mobilisations, il y a eu des manifestations, il y a eu des revendications, il y a eu différents scandales, ce n'était pas simple.
Cette motion avait été renvoyée directement au Conseil d'Etat sans passer par une commission. Nous attendions une réponse adéquate du gouvernement, ce qui n'était pas le cas les dernières fois - nous avions d'ailleurs renvoyé le rapport à son expéditeur à deux reprises. Cette fois-ci, nous avons obtenu une réponse qui nous satisfait via le contrat type de travail. Nous saluons ce rapport et allons en prendre acte, mais je tenais tout de même à rappeler que voilà, les choses ne sont pas toujours évidentes, malgré les discussions, malgré la bonne volonté, malgré la convention d'objectifs, laquelle n'est pas suffisamment citée.
En effet, il existait et il existe toujours une convention d'objectifs entre le Conseil d'Etat et l'Aéroport international de Genève qui mentionne explicitement, via des articles, l'engagement du Conseil d'Etat comme autorité de tutelle pour garantir des conditions de travail saines au sein de l'aéroport et de tous les sous-traitants qui y évoluent.
Comme je l'indiquais, nous prendrons acte de la réponse du Conseil d'Etat, mais nous continuerons à veiller scrupuleusement au respect des conditions de travail à l'AIG, des contrats types de travail et de leur mise en application ainsi que de la qualité du travail dans cette régie, nous ferons en sorte que les employés qui y officient gagnent suffisamment pour vivre à Genève ou dans le Grand Genève de façon digne. Merci.
Le président. Je vous remercie.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2610.