Séance du jeudi 22 septembre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 4e session - 24e séance

IN 182-B
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 182 « Climat urbain : de la place en ville pour les arbres, la mobilité douce et les transports publics ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Olivier Cerutti (PDC)
Rapport de première minorité de M. Grégoire Carasso (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Rémy Pagani (EAG)
Rapport de troisième minorité de M. David Martin (Ve)

Débat

Le président. Nous abordons notre second point fixe, l'IN 182-B, dont le débat est classé en catégorie II, cinquante minutes. La parole échoit à M. Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission d'aménagement a étudié l'initiative populaire 182 intitulée «Climat urbain: de la place en ville pour les arbres, la mobilité douce et les transports publics !», qui demande principalement de lutter contre les îlots de chaleur en milieu urbain. L'une des propositions passe par la plantation d'arbres au service d'un plan canopée pour aller dans la direction d'un changement de paradigme. Lors des auditions, notamment des associations de quartier, nous avons observé un certain malaise de même qu'un manque d'écoute de la part des autorités municipales. Les attentes des initiants sont fortes et méritent une réponse constructive.

L'initiative se base essentiellement sur l'urgence climatique, l'idée étant de stabiliser les effets des températures estivales qualifiées de caniculaires. Après un tel été, nous pouvons tous souscrire à la volonté de repenser nos espaces publics. A ce propos, je vous recommande la lecture du numéro d'«Interface» de juin 2022 édité par la FAI ainsi que de la collection «Ecologies urbaines», notamment «Réinventer la ville avec l'écologie», aux éditions Apogée. Les thématiques abordées sont beaucoup plus larges que le texte de l'initiative, qui oppose surtout la voiture aux cyclistes.

Afin de modéliser les interventions en ville, nous pouvons prendre comme exemples deux projets de lois qui ont été présentés par le Conseil d'Etat et votés à l'unanimité. Le premier traite du réaménagement du cycle de Sécheron sur 1,9 hectare. Le gouvernement a investi environ 5 millions, ce qui permettra une vraie prise en considération de ce type d'initiative, parce que c'est une réaffectation du milieu public pour le public.

L'autre projet de loi qui vient d'être adopté par la commission des travaux revêt une grande importance: il s'agit de la remise à jour de la Drize et de l'Aire. Là, Mesdames et Messieurs, c'est un montant de 61 millions qui sera investi ces prochaines années, en commençant par un secteur. Par ce biais, le Conseil d'Etat apporte une solution concrète à l'initiative 182. Ensemble, les deux objets donnent une véritable réponse d'intégration des biens communs dans l'espace public.

Vouloir revivifier les rues uniquement en supprimant des places de parc sans modifier les réseaux en sous-sol est totalement illusoire, notamment s'agissant de la temporalité et des coûts. C'est ce qui ressort principalement du rapport. En effet, Mesdames et Messieurs, vous observerez qu'on ne peut pas abolir des espaces de stationnement sans toucher aux réseaux qui se trouvent dessous, il faudrait redimensionner ceux-ci. Lorsqu'on plante un arbre en ville, environ 9 mètres cubes de terre sont nécessaires, soit approximativement 60 000 francs.

Cette initiative, qui prévoit notamment un effort sur dix ans à raison de 1% par année, sera très difficile à mettre en oeuvre. Les différentes auditions nous ont permis de comprendre que les objectifs énoncés dans le texte formulé par les initiants ne sont pas réalisables pour le Conseil d'Etat, et ce pour de multiples raisons. Dès lors, au vu des attentes de la population, du constat irréversible des hausses de température, une majorité est prête à examiner un contreprojet. A cet égard, je regrette la posture idéologique des rapporteurs de minorité, qui cherchent juste à faire de la surenchère.

Par ailleurs, nous pouvons nous étonner que le Conseil d'Etat à majorité de gauche n'ait pas trouvé de solution pour répondre à l'initiative sous la forme d'un contreprojet. La seule proposition de l'exécutif, soit la mise en place d'un plan climat urbain, nous paraît trop complexe à établir dans ce périmètre; cela exigerait un large processus démocratique et il serait impossible de le mettre sous toit en moins d'une année. Par contre, nous relevons que l'instauration d'un plan climat régional avec des lois-cadres d'application constitue un travail de concertation nécessaire pour l'ensemble du territoire du Grand Genève.

Sur la forme, l'urgence climatique nous impose avant tout de prendre des mesures pragmatiques et réalisables à court et moyen terme dans le respect du vivre-ensemble. Sur le fond, la commission estime impératif et légitime que nous nous donnions les moyens légaux de combattre les îlots de chaleur afin de supporter les élévations de température annoncées ces cinquante prochaines années.

L'étude d'un contreprojet réaliste devra, dans la mesure du possible, prendre en compte les éléments suivants: l'ensemble des communes en fonction de leurs propres îlots de chaleur, avec de nouvelles fiches thématiques élaborées dans le cadre des plans directeurs communaux - il faut relever que l'initiative ne porte que sur les villes, c'est-à-dire sur seulement dix communes de notre canton; les voies de circulation et les voies esthétiques s'inscrivant dans un schéma multifonctionnel qui tient compte de l'urbanisation des nouveaux plans localisés de quartier - il est essentiel aujourd'hui que nos PLQ abordent cette thématique; dans la couronne périurbaine, la remise à jour des réseaux cachés pour favoriser la biodiversité - c'est fondamental à nos yeux; une loi de financement de plantation d'arbres pour les secteurs sensibles, avec une participation des communes; l'utilisation des divers fonds cantonaux qui se superposent - cela permettra de disposer de crédits de renouvellement adaptés aux besoins relevés dans l'initiative pour les dix prochaines années. La majorité de la commission vous invite à soutenir le principe d'un contreprojet. Je vous remercie de votre écoute.

Une voix. Bravo.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les vagues de chaleur de cet été n'ont manifestement pas suffi à extirper la majorité de ce Grand Conseil de sa torpeur conservatrice en matière de répartition des espaces publics. Le contexte de l'urgence climatique mérite quelques chiffres ramenés à l'échelle genevoise: sous l'angle du réchauffement, on parle à l'horizon 2035 d'une augmentation, selon les scénarios - moyens ou pessimistes -, située entre 1,5 et 2,5 degrés. L'autre manifestation liée à la dégradation du climat qu'on évoque moins, c'est la hausse des phénomènes extrêmes. Si on prend l'indicateur des journées et des nuits avec des températures particulièrement élevées, par rapport à 1995, en 2035, ce sera deux fois plus de jours avec des chaleurs très fortes.

Notre réalité politique et sociétale, chers collègues, consiste à relever ce double défi: lutter, ici comme ailleurs, contre les émissions de CO2 - c'est la dimension offensive - et préparer notre ville à se défendre contre les îlots de chaleur. Voilà pourquoi, à Genève, mais également dans la plupart des cantons et des villes de Suisse, cette initiative vise ces deux aspects. Il s'agit de répondre à ce double objectif en agissant à la fois sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique.

Le moyen est simple, carré, efficace, et certaines villes de Suisse alémanique - j'y reviendrai - ont trouvé le moyen de le mettre en oeuvre: soustraire chaque année pendant dix ans 1% de la voirie publique au transport individuel motorisé et l'allouer aux espaces verts, aux trottoirs, aux bus et aux pistes cyclables. On attaque localement, avec nos ressources, les émissions de CO2 en diminuant la part dédiée aux voitures et on protège notre ville et ses habitants des effets du réchauffement climatique en plantant un maximum d'arbres et en favorisant substantiellement la mobilité douce et les transports publics.

A mon avis, la plus belle démonstration de la pertinence de cette mesure, c'est la superposition des deux cartes que vous trouvez à la page 93 du rapport: il y a d'un côté les lieux végétalisés et de l'autre les îlots de chaleur. Je précise que l'initiative porte non pas sur dix, mais sur treize communes urbaines. La superposition des cartes en question nous montre à quel point le contraste est parfait: dans les quartiers du centre-ville où les espaces de verdure sont rares scintille, au milieu du béton, une chaleur étouffante; c'est le cas notamment des Pâquis, de la Jonction, de Plainpalais et des Eaux-Vives.

Le phénomène des îlots de chaleur constitue, sur le plan scientifique, une réalité assez effroyable, mais peut-être que celles et ceux qui habitent à la campagne ne s'en rendent pas compte; lorsqu'ils quittent la ville après une journée de canicule, il peut y avoir jusqu'à 10 degrés d'écart entre l'atmosphère de la ville, qui conserve la chaleur accumulée tout au long de la journée, faute d'arbres, d'espaces verts et en raison de la pollution, et celle de la campagne.

Lors des auditions, pas une seule personne n'a remis en cause la pertinence de l'analyse ni des intentions des initiants. Par contre, à l'instar du rapporteur de majorité, plusieurs nous ont dit que l'initiative serait compliquée, voire trop compliquée, à mettre en oeuvre. Le coup de grâce, pour la minorité socialiste que je représente ici, a été la proposition ou plutôt l'esquisse de proposition du Conseil d'Etat, opposé à ce texte bien ciselé: une loi-cadre sur le climat. Alors, qu'on s'entende: nous nous réjouissons d'une loi-cadre sur le climat. L'ensemble des projets que notre collègue Cerutti a cités tout à l'heure au nom de la majorité - j'y ajouterai encore l'électrification à venir de la flotte des TPG ainsi que le projet de loi sur les axes forts vélos, l'arborisation a été évoquée - existent déjà, ils disposent de majorités écrasantes devant ce parlement, majorités déjà démontrées ou à former.

Et que suggère le gouvernement pour répondre à cette belle initiative ? Eh bien on prend tous ces projets de lois d'investissement, on les noue, on en fait une loi générale sur le climat et on oppose ce paquet ficelé à l'IN 182. Ce n'est juste pas crédible ! Si cette initiative n'existait pas, ces projets de lois seraient de toute façon votés. Il y a donc un décalage hallucinant entre cette esquisse de contreprojet et la volonté des initiants. (Applaudissements.)

J'aurais aimé, pour faire plaisir à notre collègue Pfeffer - vous transmettrez, Monsieur le président -, pouvoir citer Bâle en exemple. Malheureusement, si la même initiative a été déposée à Bâle, c'est Saint-Gall - la ville de Saint-Gall, pour être précis - qui, la première, face aux mêmes enjeux d'urgence climatique qu'à Genève, confrontée à une initiative rigoureusement identique, lui a opposé un contreprojet. La ville de Saint-Gall n'est pas exactement un bastion de gauchistes ou d'anarchistes révolutionnaires, pas tout à fait, mais ses élus ont eu le courage politique d'élaborer un contreprojet crédible, ciselé, comprenant de vrais objectifs. Ville de Saint-Gall: 39 kilomètres carrés. Le compromis qui a permis le retrait de l'initiative consistait à ôter - j'insiste - 200 000 mètres carrés d'espaces publics dédiés au transport individuel motorisé et à les allouer pour un tiers aux arbres, pour deux tiers à la mobilité douce et aux transports publics.

A Genève, vous ferez le ratio, l'initiative propose d'agir sur 700 000 mètres carrés d'espaces publics dans treize communes. Je répète: 700 000 mètres carrés - vous transmettrez, Monsieur le président, à mon collègue Ivanov qui a parfois quelques difficultés avec les chiffres. Surface des communes concernées: 92 kilomètres carrés. Il y aurait un boulevard politique pour trouver un compromis sur ces 700 000 mètres carrés.

Or quand on entend que même les membres de l'UDC, face aux défis du réchauffement climatique que tout le monde vit - cette année, c'était la canicule; l'an prochain, peut-être comme en Allemagne ou en France l'été dernier, ce seront les inondations -, envisagent un contreprojet... Je me réjouis déjà de voir leur vote de ce soir, sachant que l'UDC s'oppose aux villes, a mené sa campagne fédérale en qualifiant notre tissu urbain, nos habitants, nos résidents de... Quel était déjà le terme ?

Une voix. De parasites.

M. Grégoire Carasso. De parasites ! Quand on sait que l'UDC souhaite opposer un contreprojet à cette initiative, c'est dire si celui-ci est mort-né. Ainsi, Mesdames et Messieurs, c'est forte de la conviction qu'il n'y a rien à tirer du travail parlementaire dans ce cas d'espèce que la minorité socialiste que je représente vous invite à accepter l'initiative et à refuser le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. D'abord, je trouve que nous reprocher une posture idéologique n'est pas tellement juste, Monsieur Cerutti, c'est même une contrevérité. C'est vous qui vous arc-boutez sur des positions conservatrices, qui refusez d'entrer en matière sur cette initiative.

Ce texte vient à temps, Mesdames et Messieurs les députés. Pourquoi ? Nous - le Grand Conseil et les communes - avons mis en place un système de transports publics efficace. Le Conseil d'Etat, et je lui rends hommage pour cela, a supprimé tous les abonnements, dans les parkings publics - et j'espère que ce sera le cas dans les privés aussi -, des personnes qui se trouvent à moins de 1 kilomètre d'une gare du CEVA ou d'une gare tout court, ce qui fait qu'aujourd'hui, la majorité des parkings se vident. J'ai même vu de la publicité pour inviter les gens à utiliser les parkings, parce qu'ils se vident. Ils se vident !

Il s'agirait juste de prendre une mesure, d'augmenter le prix du macaron et de faire basculer en sous-sol tous ceux qui occupent la voirie parce qu'ils ne trouvaient pas de place dans les parkings en abri, et puis on libère de l'espace public et on applique immédiatement l'initiative qui nous est proposée.

C'est une démarche extrêmement pragmatique, d'autant plus, je le rappelle, que les jeunes ne manifestent plus la volonté, comme nous dans notre jeunesse, de passer leur permis de conduire, ce n'est plus un signe extérieur de... Je ne sais pas... de...

Une voix. De maturité !

M. Rémy Pagani. De maturité, voilà, de maturité ! Par ailleurs, les habitants de la ville de Genève comme ceux de Zurich sont 50% - voire 60% à Zurich - à avoir abandonné leur voiture.

Nous avons tout pour bien faire, et voilà que la majorité va se lancer dans un contreprojet ce soir pour, comme l'a relevé mon préopinant, vider de sa substance cette initiative qui pourrait pourtant être mise en oeuvre immédiatement, Mesdames et Messieurs, si on l'adoptait. Cela donnerait au Conseil d'Etat les moyens d'accélérer la politique qu'il a instituée en ce qui concerne l'espace public.

Pour ma part, Mesdames et Messieurs, j'attends de voir les dégâts sanitaires que vont causer les canicules, lesquelles vont aller en se répétant et en s'aggravant. Chaque année, on ne passera plus une, deux, trois, quatre, cinq, six semaines, mais un mois, deux mois sous la canicule, ce qui signifie que nos enfants, nos petits-enfants et les personnes âgées que nous sommes censés défendre ici vont en subir les conséquences. Et ils ne pourront pas descendre dans la rue comme cela se pratique en Espagne pour essayer de se rafraîchir entre 11h du soir et 1h du matin - c'est ce que font les gens en Espagne et dans des pays qui sont extrêmement rudes à vivre l'été -, parce que la voirie sera occupée par des voitures alors que des parkings en abri sont vides à côté. Je trouve cela complètement aberrant et je vous invite dès lors à voter cette initiative. Merci de votre attention.

Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de troisième minorité ad interim. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les étés lors desquels nous expérimentons en direct l'impact du changement climatique sont de plus en plus nombreux. Nous souffrons toutes et tous de vivre en ville lorsque les températures frôlent les 40 degrés, mais certaines personnes, notamment âgées ou fragilisées, en meurent. Ainsi, mille individus sont décédés dans notre pays en 2003 à cause de la canicule. S'agissant de santé publique, l'office fédéral responsable décrit les vagues de chaleur comme étant les menaces les plus graves pour la Suisse.

L'initiative 182 agit d'une part directement sur les effets du changement: elle contribue à limiter les îlots de chaleur en milieu urbain par l'augmentation de l'espace public végétalisé. Les arbres offrent en effet ombrage et climatisation naturelle, favorisant la qualité de vie de chacune et de chacun. L'initiative intervient d'autre part sur les causes: elle diminue les surfaces imperméables absorbant et émettant la chaleur dans les centres urbains; elle rend plus attractive la mobilité dite douce telle que la marche et le vélo, à faibles émissions de CO2; elle offre davantage de place aux transports en commun, favorisant ainsi un report modal indispensable afin de limiter les charges du transport individuel motorisé, source directe à la fois de chaleur et de polluants, notamment de CO2.

Les scientifiques du GIEC ont démontré à quel point il est important d'agir rapidement, à la fois en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre pour contenir l'augmentation des températures, mais aussi en adaptant nos villes et nos territoires au climat du futur. Le changement climatique ne fait plus aucun doute. Selon les prévisions de MétéoSuisse, Genève sera la ville de Suisse qui subira la plus forte augmentation du nombre de jours de canicule - ce chiffre vous a déjà été donné tout à l'heure.

Nous savons toutes et tous qu'afin d'infléchir l'évolution de ce changement pour la deuxième moitié du XXIe siècle, des actions urgentes auraient été nécessaires hier et sont impératives aujourd'hui. En effet, il s'agit d'un problème environnemental avec des répercussions directes sur la santé publique et l'économie, à traiter avec le même degré d'urgence que la lutte contre le covid ou l'approvisionnement énergétique. Notre devoir en tant qu'élus est de prendre les mesures adéquates.

Les 700 000 mètres carrés à réallouer sur dix ans à la végétation, aux modes de déplacement doux et aux transports en commun demandés par l'initiative constituent un premier pas; il nous faut le franchir. En ce qui concerne la redoutée diminution de l'emprise de la voiture proposée par les initiants, elle est alignée sur le plan climat genevois, qui prévoit que d'ici à 2030, 40% des déplacements en transport individuel devront se répartir sur d'autres modes de locomotion ou être supprimés. Substituer des véhicules électriques aux voitures thermiques réduirait l'empreinte climatique correspondante d'environ 50%, mais ne réglerait pas le problème.

L'usage actuel de la voiture, les types de véhicules caractérisés par le poids et la puissance, sans compter les équipements gourmands en énergie dont l'intérêt reste à démontrer ne sont tout simplement pas compatibles avec la protection du climat et de l'environnement. Lors de son audition, le professeur Vincent Kaufmann, directeur du laboratoire de sociologie urbaine à l'EPFL, expliquait que les territoires ont été aménagés pour qu'on puisse se déplacer en voiture - un peu comme aux Etats-Unis; même si on y a ajouté des transports publics et des pistes cyclables, l'utilisation de l'automobile reste extrêmement facile, même pour les personnes disposées à changer de mode de déplacement. Pour faire évoluer les pratiques, il faut intervenir sur l'aménagement du territoire et transformer les infrastructures et les routes.

En milieu urbain, le réchauffement est renforcé par le phénomène des îlots de chaleur, avec des écarts de température allant jusqu'à +10 degrés par rapport aux milieux végétalisés. Or pour planter des arbres, l'espace manque. Afin d'obtenir un ombrage significatif et des arbres viables à long terme, il faut trouver des emplacements permettant de réaliser des fosses de plantation de plus de 9 mètres cubes et donc une surface de plus de 9 mètres carrés au sol. Rappelons qu'une voiture individuelle occupe environ 12 mètres carrés, qu'elle circule ou soit stationnée.

La stratégie cantonale d'arborisation vise un taux de canopée de 30% à l'horizon 2050, ce qui implique de planter 150 000 arbres, soit un besoin en surface d'environ 1 350 000 mètres carrés. Avec les 350 000 mètres carrés en dix ans de l'initiative 182 - la part de 5% -, nous pouvons nous consacrer de suite à la végétalisation et à la réduction des effets des canicules dans les espaces urbains tout en allant au même rythme que ce que prévoit le canton dans son plan d'arborisation. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir avec pragmatisme et détermination l'IN 182 qui va dans le sens des engagements de l'Etat sans forcer la cadence. Merci. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Carasso qu'il a quelques problèmes de lecture. En effet, voici ce qu'on trouve à la page 13 du rapport: la surface totale estimée en mètres carrés s'élève à 7 016 000, ce qui correspond au final à 701 600 mètres carrés par année, puisqu'on parle de dix ans. En effet, l'initiative veut enlever 1% de la voie publique des communes de plus de 10 000 habitants, soit 701 600 mètres carrés par année, comme je viens de le dire, 7 016 000 en dix ans. Cette proposition est excessive et punitive.

Par ailleurs, ce texte extrémiste condamne en quelque sorte la LMCE, la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, votée par le souverain genevois en 2016, de même que la modification de celle-ci adoptée par 58% du peuple genevois en 2020. Le Conseil d'Etat répond déjà à cette initiative avec son plan climat, qui nous a été présenté cette année.

L'UDC déplore cette surenchère s'agissant de la suppression des voies publiques d'accès, à commencer par la suppression des places de parking. Prenons un seul exemple: en ville de Genève, 225 000 mètres carrés par an, soit 2 250 000 mètres carrés, seraient éliminés si l'initiative aboutissait, ce qui représente 80% de l'espace occupé aujourd'hui par le stationnement sur la voirie ou encore trois fois la superficie de la plaine de Plainpalais. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera cette initiative de même que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

M. Philippe de Rougemont (Ve). Il a fallu quelques décennies pour arriver au résultat d'aujourd'hui, à savoir qu'il existe un consensus dans tous les partis pour dire que le réchauffement climatique est une réalité qui nous menace, surtout les générations à venir. La prise de conscience est là, on le constate au sein de l'ensemble des commissions et des groupes politiques, elle est présente. Il y a un plan climat cantonal dont l'ambition est de réduire le trafic individuel motorisé de 40% d'ici 2030.

Le problème, c'est la mise en oeuvre, c'est à ce niveau que nous peinons. A cet égard, il faut dire un grand merci à des associations comme actif-trafiC qui ont réussi à rassembler 25 organisations - des groupements de quartier, des organismes de protection de l'environnement et de la population - et qui ont formulé cette initiative très bien réfléchie. Elle est très bien réfléchie, parce qu'elle est elle-même le fruit d'un consensus: elle a été conçue de façon à obtenir un maximum de changement avec la plus grande chance de passer la barre des 50%. C'est la raison pour laquelle tout contreprojet constituerait une réponse molle et inadéquate face aux générations actuelles et futures à qui nous devons une réussite sur deux plans principaux, qui sont les deux axes de l'initiative.

D'une part, la végétalisation. A l'avenir, il n'y aura pas davantage de pluie durant l'année, mais elle sera concentrée dans des périodes très courtes, avec un fort ruissellement. Il nous faut dès lors dégrapper, il nous faut libérer l'espace public de l'emprise extraordinaire des parkings, lesquels stockent des voitures qui, 97% du temps, sont immobiles. 12 mètres carrés qui occupent notre espace, notre ville, et qui contribuent à créer des îlots de chaleur.

D'autre part, la mobilité douce. Avec une diminution de 40% des véhicules motorisés en ville, les gens auront tout de même besoin de se déplacer, ce qui signifie qu'il est temps de concrétiser l'initiative 144 pour des pistes cyclables continues et sécurisées. Nous avons là un sacré retard à combler.

Cette initiative demande simplement la réalisation des objectifs qui sont ceux du Conseil d'Etat, qui sont ceux qui ressortent de toutes les dernières votations, y compris la liberté du mode de transport. Pour les personnes qui font du vélo depuis leur enfance, qui ne sont jamais passées à la voiture, il n'y a pas de problème, elles circulent en deux-roues même sur le pont du Mont-Blanc. Mais pour ceux qui utilisent leur véhicule tous les jours et qui ne se sont pas encore mis au vélo, la liberté du moyen de locomotion est un leurre, parce qu'il n'y a pas de pistes cyclables sur lesquelles pratiquer le vélo quand on n'y est pas habitué.

Pour toutes ces raisons, cet objet est en quelque sorte la moindre des choses. Nous ne pouvons pas faillir face aux générations suivantes. Nous avons eu de la peine, nous ne parvenons pas à empêcher le changement climatique, mais adaptons à tout le moins nos villes du canton, rendons-les plus vivables et sortons de ce cauchemar collectif qu'est la voiture, cauchemar né il y a un siècle avec le rêve individuel d'obtenir un véhicule. Ce fantasme a complètement déraillé, nous nous trouvons maintenant dans une situation de dérapage qui, heureusement, est constatée par tous les bords politiques aujourd'hui.

Il est certes difficile de passer à l'acte, mais allons-y, avançons au-delà des constats et des plans et votons avec enthousiasme cette initiative; questionnons notre conservatisme et allons-y, acceptons-la. Sinon, nous allons perdre une année, nous allons perdre douze mois pour élaborer un contreprojet qui sera insuffisant. Mesdames et Messieurs, regardons les générations futures en face et rendons-leur l'espace public. Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, qui n'est pas sensibilisé aux enjeux climatiques ? Après le dernier rapport du GIEC et l'été caniculaire que nous avons vécu, nous sommes tous, politiques et citoyens, conscients de l'importance de devoir agir efficacement pour limiter le réchauffement de nos villes et de nos communes. Il est essentiel de développer l'arborisation de notre canton pour lutter contre les îlots de chaleur; il en va de notre qualité de vie.

Si le groupe PLR partage l'objectif de l'IN 182, il conteste en revanche les mesures proposées dans son texte. Cette initiative pèche sur plusieurs aspects. En premier lieu, elle ne concerne que treize communes sur 45. Ensuite, elle ne tient pas compte des efforts consentis par l'ensemble des municipalités ni des réseaux existants sous les voies de circulation, et encore moins des difficultés et des coûts de concrétisation. A nouveau, on oppose trafic individuel motorisé et mobilité douce au lieu de prôner une mixité respectueuse de chaque mode de transport, avec la concrétisation de la traversée du lac, par exemple.

Une voix. Oui !

Mme Beatriz de Candolle.  «Quand on confond ambition et obsession, on verse dans une course folle sans démesure et même on sombre dans le ridicule !» - dixit Mostefa Khellaf. Le groupe PLR refusera cette initiative irréaliste, mais reste ouvert à travailler sur un contreprojet. Enfin, il est quand même piquant de constater que la majorité des espaces et places aménagés en ville de Genève ces dernières années par la majorité de gauche sont d'une cruelle minéralité; même constatation en ce qui concerne les grands chantiers cantonaux. Merci beaucoup.

Une voix. C'est Pagani !

Une autre voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Emmanuel Deonna pour deux minutes cinquante.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. L'initiative «Climat urbain» constitue une occasion d'action locale concrète pour faire face au défi climatique. Plusieurs villes de Suisse alémanique ont opté pour cette proposition. Comme M. de Rougemont l'a rappelé, plus d'une vingtaine d'associations de la société civile dont actif-trafiC, l'ATE, Pro Vélo, le WWF, Pro Natura et Noé21 la soutiennent, tout comme les syndicats, les partis de gauche et les Vert'libéraux.

Mesdames et Messieurs les députés, nous venons de vivre l'été le plus chaud et le plus sec jamais enregistré en Europe. Crues, tempêtes, canicules, les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus nombreux. Selon l'Académie européenne des sciences, le nombre de phénomènes météorologiques extrêmes a plus que doublé depuis 1980. A Genève, pour les habitants du centre-ville et des communes suburbaines, la période estivale est toujours plus difficile à supporter. Certaines de nos concitoyennes et concitoyens meurent de la canicule, comme l'a souligné la rapporteuse de troisième minorité Verte. Nous ne pouvons plus attendre, nous devons prendre des mesures maintenant pour diminuer rapidement les émissions de CO2 si nous voulons continuer à évoluer sur une planète habitable.

Avec cette initiative, nous agissons concrètement sur 700 000 mètres carrés d'espaces publics dans treize communes. Il nous faut réduire l'emprise du trafic individuel motorisé et opter pour la plantation d'arbres et la mobilité durable. La végétalisation a de nombreux avantages: elle permet de lutter contre les îlots de chaleur, d'éviter la multiplication des climatiseurs ainsi que d'améliorer l'écoulement des eaux en cas de pluies abondantes, pour éviter aussi les inondations gravissimes.

Le rapporteur de première minorité l'a indiqué: en 2035, si nous ne faisons rien, les canicules que nous connaîtrons seront deux fois plus longues. Nous ne pouvons pas nous contenter de demi-mesures tièdes et de pérorer pendant dix ans, nous devons intervenir vite et de manière déterminée, nous devons mener des actions à la hauteur du plus grand défi de notre temps. C'est pourquoi je vous enjoins de soutenir cette initiative. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Stéphane Florey pour trois minutes sept.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. En écoutant l'assemblée, je pense à l'entrepreneur qui perd 50 centimes par pièce et croit pouvoir se rattraper sur le nombre. On nous parle de plan climat, de climat urbain, de réchauffement, mais qui crée ces îlots de chaleur en définitive ? Observez l'environnement dans lequel nous vivons: quasiment toutes les places de village sont fortement minéralisées. Le champion en la matière, c'est la Ville de Genève, qui a minéralisé la plaine de Plainpalais...

Une voix. C'est faux !

M. Stéphane Florey. ...qui a minéralisé la place des Augustins...

Une voix. Ah non, ce n'est pas minéral ?

Une autre voix. Et la rue des Rois.

M. Stéphane Florey. ...qui a minéralisé la rue des Rois... Toutes les grandes places sont minéralisées.

Une voix. Simon-Goulart !

M. Stéphane Florey. A Lancy, où j'habite, les aménagements autour de l'arrivée du tram sont minéraux: vous avez de grands trottoirs qui mesurent trois ou quatre mètres de large, vous avez les quais du tram. A l'arrêt Palettes, tout est minéralisé !

On nous fait croire qu'on va végétaliser les places, et comment ? Quand je vois les emplacements prévus pour y planter des arbres, mais laissez-moi rigoler ! C'est un trou de 40 centimètres avec une grille autour, on imagine que la fosse ne doit même pas faire un mètre de profondeur, et vous imaginez qu'on va planter des arbres là-dedans ? Mais vous êtes hors de toute réalité ! La réalité, aujourd'hui, c'est qu'on est incapables de dire: «Stop, on bétonne trop, on doit créer de grands boulevards et de grandes avenues sans minéralité.»

Une fois de plus, cette initiative s'attaque aux voies de circulation, aux places de parc, mais le problème n'est pas là, je suis désolé. Ce qui me fait aussi bien rire, c'est quand le militant écolo vient avec son thermomètre: «Oui, regardez, j'ai pris la température d'une voiture noire stationnée en plein soleil, j'ai relevé 83 degrés.» Mais qu'est-ce que vous espérez ? Qu'il va faire -10 en plein soleil sur un capot de voiture ? Vous auriez mené la même expérience sur un vélo en plein soleil, le résultat aurait été parfaitement identique.

Voilà la réalité aujourd'hui. Des îlots de chaleur sont créés volontairement ou involontairement, mais dans tous les cas, on est incapables de végétaliser correctement la ville. Cette initiative, si elle soulève de bonnes questions, part d'un faux constat, et nous recommandons de la refuser, de même que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

M. Jacques Blondin (PDC). Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il faut apporter de la fraîcheur en ville, c'est une nécessité absolue, c'est le but de cette initiative. Par contre, si l'idée est bonne, les moyens proposés me paraissent de petite vue. En effet, on s'attaque essentiellement à la voiture et pas forcément à la vraie problématique, qui consiste à rafraîchir nos espaces urbains. Or il faudrait aller au-delà de ça.

Prenons un exemple: j'ai été étonné de constater cet été que dans certains villages, les fontaines avaient été fermées parce qu'on ne voulait pas gaspiller d'eau alors que les gens en avaient besoin, alors qu'on sait très bien qu'avec des fontaines, on peut créer des cycles, et si cette mesure ne contribue pas à produire de la fraîcheur, alors je n'y comprends rien.

Quant à la plaine de Plainpalais, je suis désolé, Monsieur Pagani, mais vous êtes une cible toute désignée: si ce n'est pas là un magnifique îlot de chaleur qui rayonne au milieu de la cité ! Tout un chacun serait en droit d'espérer y trouver un jour un Central Park à la genevoise qui amène de la fraîcheur. Là, indépendamment du parking, il y aurait un vrai travail à réaliser.

Il y a un autre problème, Mesdames et Messieurs. Vous avez tous parlé de 9 mètres cubes, mais posez la question aux spécialistes: 9 mètres cubes, c'est le minimum syndical pour installer des bonsaïs ! Souhaitez-vous réellement planter des arbres, développer une canopée qui génère de l'ombre ? Je vous signale qu'on parle d'arbres de 3 mètres de hauteur, donc il faut que ça pousse. Les paysagistes ont évoqué des volumes situés entre 30 et 100 mètres cubes. Si vous voulez vérifier cette donnée, je l'ai déjà dit, allez au Jardin botanique, vous y trouverez un chêne avec un entourage au-dessous de la couronne, et il est gentiment demandé aux visiteurs de ne pas fouler la terre sous la couronne de l'arbre, car cela nuit à sa pousse. Le but, ce n'est pas juste de planter des arbres, c'est qu'ils croissent et apportent la fraîcheur souhaitée. Or là, je pense qu'on est à côté.

Je citerai encore un point impressionnant dans cette affaire. Vous me direz: «La priorité, c'est la fraîcheur, les coûts sont secondaires», mais avez-vous lu le compte rendu de l'audition des paysagistes ? Jusqu'à 100 000 francs pour un seul arbre, sachant que la partie végétale représente uniquement 2000 francs. 100 000 francs pour déplacer tout ce qui se trouve actuellement sous nos trottoirs.

La dernière fois, on a mentionné le PAV. Alors actuellement, et c'est fort heureux, on s'occupe d'abord des aménagements, puis on construit les immeubles. Bon, en ville, c'est trop tard, le mal est fait. A mon avis, se limiter à dégrapper des places de parking pour y planter des arbres, indépendamment des problèmes d'ombre que cela engendrera sur les façades - évidemment, ça crée aussi de la fraîcheur -, ce n'est pas la solution, cela n'en constitue qu'une partie.

Mesdames et Messieurs les initiants, nous prenons un grand risque en acceptant le principe d'un contreprojet. En effet, si on élabore un contreprojet, ce n'est pas pour botter en touche, car le problème est réel, c'est pour aborder la problématique dans son ensemble. A Genève, le service cantonal de l'agriculture, l'OCAN, a des projets tout prêts dans ses tiroirs qui mériteraient d'être étudiés pour développer la végétation en ville, mais cela ne se fera pas en suivant les trottoirs et en supprimant systématiquement - peut-être qu'il faudra en supprimer, je ne peux pas l'exclure - les places de stationnement. Ce qui est dommage dans cette initiative, c'est que la cible est là alors que le problème se trouve ailleurs.

Notre groupe, le parti démocrate-chrétien, refusera cette initiative, mais votera avec enthousiasme le principe d'un contreprojet auquel nous sommes prêts à participer pour développer l'arborisation à Genève là où c'est nécessaire. Toutefois, je le répète - cela a déjà été souligné -, des places importantes doivent également être réaménagées - cela relève des compétences de la Ville -, parce qu'elles contribueraient largement plus à la fraîcheur que des arbres isolés. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Magnin, c'est à vous. (Un instant s'écoule.)

Une voix. Danièle !

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas entendu à cause du bruit autour de moi. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il ne faut pas perdre de vue que le véritable objectif de l'initiative, c'est simplement la suppression d'une partie de la voirie: il s'agit d'éliminer 10% de l'espace destiné à la circulation. En fait, on veut enlever une fois de plus des places de parc alors qu'on en a déjà supprimé 4000 récemment.

Planter des arbres à la place de la route est un prétexte, c'est fallacieux, parce que le sol de nos villes est déjà occupé. Or les arbres doivent pouvoir s'enraciner profondément et pas seulement en surface, faute de quoi, au moment des grands vents d'automne, par exemple, ils se font arracher. Le sol des espaces urbains, Mesdames et Messieurs, est occupé par des réseaux souterrains pour l'eau, l'électricité, le gaz, la téléphonie, les fibres optiques notamment - c'est l'essentiel, bien sûr. Le sous-sol de l'entier du périmètre construit, soit la ville de Genève, les communes périurbaines, les villages, a été modifié, dénaturé, pollué. Croire qu'on peut y faire pousser des arbres de grande taille est illusoire, ils ne survivraient pas.

Sur la route de Chancy, par exemple, là où on a installé le tram au milieu en empiétant sur une grande partie de la zone agricole, quelques arbres ont été plantés en bordure, sur la droite en direction de Chancy. Eh bien figurez-vous qu'ils sont dans des silos ! Cela signifie qu'à terme, ils vont tous crever. C'est complètement idiot, mais voilà ce qui est fait par nos grands penseurs de l'Etat. Il est absolument lamentable et triste de grignoter du terrain sur la zone agricole pour y créer des silos avec des arbres qui vont mourir dedans.

J'ajouterai que si on plantait tous les arbres que demande l'initiative, il faudrait encore les arroser, parce qu'ils ne pousseront pas tout seuls avec le peu de pluie que nous avons maintenant. De plus, il faudrait trouver des essences qui résistent aux chaleurs. Les variétés qui poussaient chez nous jusqu'à maintenant ne se développeront probablement plus, nous devrions donc trouver des essences particulières qui s'adaptent à ce nouveau contexte.

Aujourd'hui, la Ville de Genève a enfin décidé d'arrêter d'élaguer tous nos platanes. Les pauvres, on voyait bien que ces espèces souffraient parce qu'on les coupait. En fait, il suffit de ne pas trop élaguer les arbres et de laisser les feuillages se développer pour qu'ils donnent l'ombre dont nous avons besoin. Voilà une mesure simple et peu coûteuse, puisqu'il suffit de ne rien faire, cela me paraît vraiment évident.

Cette initiative témoigne d'une haine des voitures, une haine qui vient et revient sans cesse. Or je vous signale que le monde a changé depuis le moment où l'homme, grâce à la machine, a dépassé la vitesse du cheval: cela nous a permis de développer l'industrie, les voyages, cela nous permet de nous déplacer dans des délais raisonnables alors qu'avant, on ne pouvait pas transporter par exemple du poisson, des fruits délicats... (Exclamations.)

Une voix. Oh là là !

Une autre voix. Oh, y en a marre !

Mme Danièle Magnin. ...toutes choses auxquelles on n'avait pas accès auparavant et qui voyagent maintenant grâce aux véhicules à moteur que vous voudriez tant voir disparaître, Mesdames et Messieurs qui soutenez cette initiative !

Quant à l'ACG, elle nous a expliqué que l'initiative était irréalisable, que les communes avaient déjà mis en place une stratégie: dans le cadre des nouvelles constructions, elles veillent à ce qu'il y ait des arbres. La commune de Veyrier nous a même écrit pour nous indiquer qu'elle ne voulait pas de ce texte, que celui-ci était inexécutable sur son territoire.

Enfin, je souligne que M. Vincent Kaufmann, pour qui j'ai le plus grand respect, trouve la minéralisation toute rose de la plaine de Plainpalais absolument splendide, parce que des marchés la bordent; eh bien sachez que j'ai été très déçue par ce propos. Le MCG refusera cette initiative, mais acceptera le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Sormanni, vous n'avez plus de temps de parole. Le micro revient donc à Mme de Chastonay pour une minute.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Une minute, ouh là ! Alors je rappellerai rapidement que l'objectif principal de l'initiative, c'est d'améliorer le climat urbain dans treize communes - et pas dix, comme on l'a entendu - que j'aimerais nommer, parce que c'est important: Genève, Vernier, Lancy, Meyrin, Carouge, Onex, Thônex, Versoix, Chêne-Bougeries, Le Grand-Saconnex, Veyrier, Plan-les-Ouates, Bernex. Voilà toutes les communes dont nous parlons ce soir. Oui, les villages grandissent et deviennent des villes - avant, il y en avait dix, il y en a maintenant treize - et tout s'accélère: l'attractivité, la densité, l'agrandissement, mais aussi l'urgence climatique et le dérèglement, les canicules, les inondations, les catastrophes.

Aujourd'hui, nous avons la responsabilité d'agir, c'est notre devoir. Nous voulons de la place en ville pour les arbres, pour des îlots de fraîcheur, pour la mobilité douce, pour les transports publics, pour la santé - surtout pour la santé ! -, pour la qualité de vie, pour la vie tout court. Les Vertes et les Verts soutiendront l'initiative et s'opposeront à un contreprojet, parce que nous n'avons plus le temps. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Madame Bänziger, votre temps est écoulé, je passe donc la parole à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On l'a bien vu, ce débat ne fait que cristalliser les positions qui avaient été exprimées en commission, c'est-à-dire qu'il y a des gens déterminés qui estiment qu'il faut agir maintenant, soutenir cette initiative et instaurer immédiatement des mesures pour l'été prochain - parce que c'est dans quelques mois, pas dans plusieurs années - et d'autres qui tergiversent, qui cherchent à retarder le processus; ces derniers représentent une majorité, je le déplore une fois de plus, mais de toute façon, on y reviendra, parce que nous sommes face à un mur, Mesdames et Messieurs, nous devons prendre des décisions, ce n'est plus possible de procrastiner comme vous le faites depuis des lustres.

Je me réjouissais d'entendre la position du gouvernement sur le petit projet de loi que j'ai déposé - que des socialistes avaient déjà présenté il y a cinq ans - pour éteindre les lumières entre une heure et six heures du matin; eh bien le Conseil d'Etat a enfin institué cette mesure visant à économiser de l'énergie et à lutter contre la dégradation du climat, parce qu'une grande quantité de CO2 est émise avec ces lumières inutiles. A quoi sert-il d'illuminer la rade avec des publicités ? Les touristes prennent-ils vraiment des photos à quatre heures du matin ? On en est là, Mesdames et Messieurs !

Il faut intervenir sans délai, et c'est pour cela que notre groupe soutiendra cette initiative. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation extraordinaire, il s'agit de prendre des mesures très minimalistes pour la mettre en oeuvre, pour faire en sorte que nos concitoyennes et concitoyens, l'été prochain déjà, puissent bénéficier d'un peu d'air et d'îlots de fraîcheur, ce qui leur permettra ainsi qu'à leur famille de vivre à peu près correctement entre dix heures du soir et six heures du matin. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je cède la parole à Mme Françoise Nyffeler pour quatre minutes vingt.

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Oui, je n'interviendrai pas forcément très longtemps, je voudrais juste rappeler un chiffre qui me semble essentiel: 66% de l'espace public en ville de Genève est occupé par des voitures. C'est plus de la moitié de la voirie qu'on a affectée au trafic individuel motorisé ! Or ces véhicules ne transportent que 27% de la population. Il y a un problème ! Plus de la moitié de l'espace public pour un quart des déplacements. Ça ne va pas !

Quant à la végétalisation, c'est tout simplement indispensable. On l'a observé cet été, tout le monde mourait de chaud. Et on achète des climatiseurs quand on n'en a pas déjà chez soi, on laisse les fenêtres ouvertes parce qu'on ne peut pas installer de climatisation autrement... Ça suffit ! Il faut végétaliser, c'est impératif. Il faut arboriser les préaux, les routes, il faut supprimer ou diminuer la part des transports individuels, ces 27% sont inutiles, il faut planter des arbres pour qu'on puisse vivre en ville ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Monsieur Grégoire Carasso, il vous reste cinquante secondes.

M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à notre collègue Ivanov que l'information figure à la page 22 du rapport de majorité - c'est important, la source: on parle d'environ 700 000 mètres carrés en dix ans, dont 225 000 mètres carrés en ville de Genève.

S'agissant des îlots de chaleur, il a été fait référence à un article de la «Tribune» du 21 juillet dernier. Eh bien oui, l'expérience menée est assez intéressante pour comprendre le phénomène des îlots de chaleur: fin juillet, devant la gare de Cornavin, la chaleur dégagée par le bitume - donc on n'est pas sur une voiture - affichait 64 degrés alors que deux pas plus loin, sur le trottoir ombragé devant l'église Notre-Dame, il faisait 44 degrés. 20 degrés de différence qui, à eux seuls, alors qu'il faisait 38 degrés dans l'atmosphère, expliquent le phénomène des îlots de chaleur urbains contre lequel cette initiative lutte.

Le professeur Kaufmann - vous transmettrez à Mme Magnin - aime les voitures. Il nous disait: «Il y a cinq ans, je n'aurais jamais soutenu cette initiative, mais aujourd'hui, l'urgence climatique nous l'impose.» Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. La parole retourne à M. Rémy Pagani pour trois minutes.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, merci, Monsieur le président. On essaie de nous faire croire qu'il n'y a pas de places de stationnement disponibles en abri, ce qui est complètement faux. Consultez les statistiques des parkings publics: aujourd'hui, ils se vident, et ce pour deux raisons. D'abord, les habitants de la ville de Genève renoncent de plus en plus, et heureusement, à leur véhicule, puisque nous disposons d'un système de transports publics extrêmement efficace, sans parler du fait qu'il est très difficile de circuler en ville de Genève. Ensuite, toutes les personnes qui se rendaient auparavant au centre-ville depuis l'extérieur pour rejoindre un parking ne peuvent plus le faire en voiture, parce que leur abonnement a été résilié.

Par conséquent, il y a bien de la place en sous-sol, et je ne vois pas le problème que poserait cette initiative. Elle est logique, il s'agit de dire: «Puisqu'il y a de la place en sous-sol, mettons-y les voitures, libérons l'espace public et proposons autre chose à la population.» Je vous rappelle que nous sommes là pour défendre les intérêts de la majorité des citoyennes et citoyens, pas pour en protéger une minorité. Etant vous-mêmes majoritaires, vous devriez défendre la majorité, mais une fois de plus, je constate que vous défendez une minorité de gens qui utilisent encore leur véhicule, qui en ont prétendument besoin.

Je mentionne aussi que les petites et moyennes entreprises se lancent de plus en plus dans les vélos cargos, parce qu'il est beaucoup plus facile de transporter de la marchandise ainsi, surtout quand la ville est obstruée, qu'il y a des bouchons partout. Dès lors, Mesdames et Messieurs, je ne vois pas quel argument raisonnable et raisonné vous pourriez opposer à cette initiative. Voilà pourquoi Ensemble à Gauche et le groupe que je représente vous invitent à la voter. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci bien. C'est désormais le tour de M. Olivier Cerutti pour quarante secondes.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, cette initiative passera devant le peuple, mais elle est inapplicable. Dans dix ans, vous n'aurez rien de plus, parce qu'elle est impossible à réaliser, et cela a été très clairement dit et répété par le Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, nous vous offrons la possibilité de travailler sur un contreprojet, lequel nous permettra une véritable avancée, ce que vous n'obtiendrez pas avec cette initiative, même si elle est soutenue par le peuple. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter non à cette initiative et oui au principe d'un contreprojet. Merci.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le président me demande expressément de faire vite, alors je vais essayer d'être bref. Pourquoi le Conseil d'Etat vous recommande-t-il de rejeter cette initiative ? Tout simplement parce qu'elle est inapplicable. Pourquoi vous conseille-t-il d'adopter le principe d'un contreprojet ? Parce que si nous partageons les objectifs des initiants, nous cherchons à les atteindre d'une autre manière.

Très rapidement, à l'attention de ceux d'entre vous qui ont quelques petits problèmes avec les chiffres, même si le rapporteur de minorité les a rappelés: ce sont effectivement 700 000 mètres carrés qui sont visés par cette initiative, ce qui est déjà beaucoup, et pas 7 millions. (Commentaires.) Et on parle de 225 000 mètres carrés rien qu'en ville de Genève, ce qui représente trois fois la surface de la plaine de Plainpalais.

Il s'agit d'une initiative législative, Mesdames et Messieurs, ce qui signifie que si elle est votée, elle doit être appliquée, elle devient une loi. Or il n'est pas possible de la concrétiser, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé, en particulier le rapporteur de majorité, il est techniquement impossible de la réaliser en raison de l'occupation du sous-sol.

Alors que faire, Mesdames et Messieurs ? L'objectif du Conseil d'Etat pour 2040, je le répète - pour 2030, pardon -, c'est de diminuer de 40% le trafic motorisé dans ce canton, plus spécifiquement au centre de l'agglomération. C'est inéluctable, c'est le seul moyen - enfin, c'est l'un des moyens - pour que la part de la mobilité terrestre remplisse les objectifs qui lui ont été assignés, c'est-à-dire une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre.

Une baisse de 40% du transport individuel motorisé permettra certainement, mais de façon moins dirigiste que dans cette initiative, de dégager et de réattribuer de l'espace public, ce qui est absolument nécessaire, de créer de la végétalisation, d'augmenter le taux de canopée. Ces buts sont approuvés par le Conseil d'Etat, ils seront poursuivis dans tous les cas, mais nous ne parviendrons pas à les accomplir au moyen de cette initiative. C'est la raison essentielle, si ce n'est la seule, pour laquelle le Conseil d'Etat vous recommande de refuser cet objet.

S'agissant du contreprojet, nous pourrons y travailler au sein de la commission d'aménagement. Nous avons déjà esquissé des bases, nous pourrions élaborer une loi générale sur le climat qui nouerait en quelque sorte des gerbes que nous avons déjà commencé à collecter via une série de projets d'investissement, dont certains sont prêts à être votés par ce Grand Conseil, ont déjà été validés en commission: il y a l'électrification complète des TPG, les axes forts vélos, le projet ou du moins les études pour réaliser une diamétrale ferroviaire - vous allez vous pencher dessus -, il y a tout plein de choses. Je citerai encore un projet de loi très ambitieux sur lequel nous travaillons - j'espère qu'il sera soumis au parlement d'ici peu - et qui vise à assainir les bâtiments de l'Etat. Tout cela concourra à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et donc à atteindre les objectifs climatiques qui sont ceux de cette initiative, même si elle met un accent particulier sur les îlots de chaleur; nous parviendrons ainsi au but par d'autres moyens.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je ne serai pas plus long, faute de quoi nous allons perdre encore plus de temps, mais vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat, par cette intervention relativement brève - mais, je l'espère, percutante -, vous recommande de refuser l'initiative et d'accepter le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, pour cette intervention aussi brève que percutante ! A présent, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.

Mise aux voix, l'initiative 182 est refusée par 54 non contre 40 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 47 oui contre 44 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 182-B est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.