Séance du vendredi 24 juin 2022 à 8h
2e législature - 5e année - 2e session - 14e séance

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Natacha Buffet-Desfayes, Olivier Cerutti, Jennifer Conti, Virna Conti, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Joëlle Fiss, Amanda Gavilanes, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Patrick Malek-Asghar, David Martin, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Francine de Planta, Patrick Saudan, Adrienne Sordet, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Anne Bonvin Bonfanti, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Denis Chiaradonna, Jean-Charles Lathion, Corinne Müller Sontag, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 13091-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 23 et 24 juin 2022.
Rapport de majorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de première minorité de M. Yvan Zweifel (PLR)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Burgermeister (EAG)

Suite du deuxième débat

L - ÉCONOMIE ET EMPLOI

Le président. Nous continuons notre examen du rapport de gestion du Conseil d'Etat. Voici la politique publique suivante: L «Economie et emploi». Je donne la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je dirai quelques mots, même s'il est tôt. Apparemment, personne n'a l'intention d'en parler, mais il s'agit tout de même d'une politique importante. Je rappelle que plus de 500 millions ont été versés aux entreprises en 2021, et ce sans la moindre contrepartie, sans aucune garantie en faveur des salariés, que ce soit en matière de revenus - celles et ceux qui étaient au régime des RHT ont perdu plus de 20% de leur salaire - ou de maintien de l'emploi. Les propositions systématiquement déposées par Ensemble à Gauche ont été balayées par ce Grand Conseil, n'ont jamais intéressé le Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est ce que j'évoquais au tout début du débat, c'est-à-dire cette continuité entre la majorité de droite et celle PS-Verts au Conseil d'Etat, cette indifférence vis-à-vis du sort des employés genevois.

La seule différence notable, ce sont les compléments RHT pour les petits revenus, qui ont toutefois été assortis d'une clause quelque peu incompréhensible de la part d'une conseillère d'Etat Verte - même si le projet de loi émanait de l'ensemble du gouvernement, naturellement -, une clause qui empêchait l'accès à cette prestation à toutes celles et ceux ne résidant pas dans le canton.

Nous avons appris par la presse que très peu de personnes ont fait appel à ces indemnités, notamment dans les entreprises, parce que les travailleurs ne pouvaient pas réclamer leurs droits. Voilà encore un choix hasardeux du Conseil d'Etat ! Au sein des sociétés, certains employeurs ne souhaitaient pas créer de disparités entre frontaliers, frontalières et résidents, résidentes genevois.

Plus récemment encore, il y a eu l'affaire Smood, puis celle d'Uber, une séquence de dossiers qui nous interpellent quant à l'ubérisation, comme on dit, du travail. Face à cela, je dois dire que le gouvernement n'a pas été à la hauteur, d'abord pour sanctionner, établir un cadre clair vis-à-vis d'un patron voyou, celui d'Uber, ensuite pour s'assurer de la mise en application du jugement du Tribunal fédéral qui, pourtant, a une portée internationale. Il y avait là une carte très importante à jouer, non seulement pour Genève, mais également pour la Suisse et le reste de l'Europe, et malheureusement, le Conseil d'Etat est passé complètement à côté jusqu'à maintenant.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, petit rappel des temps de parole restants: la rapporteure de majorité dispose encore de huit minutes vingt-sept, le rapporteur de première minorité de sept minutes quatorze, le rapporteur de deuxième minorité de trois minutes trente-neuf.

S'agissant des groupes, il reste cinq minutes trente-cinq à Ensemble à Gauche, une minute vingt au parti socialiste, cinq minutes trente-sept aux Verts, quatre minutes cinquante-neuf au PDC-Le Centre, cinq minutes trente-huit au PLR, sept minutes à l'UDC et six minutes vingt au MCG. Monsieur André Pfeffer, c'est à vous.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. L'année 2021 a été exceptionnelle et inédite en raison de la crise sanitaire: 88% de charges supplémentaires et des revenus qui, à 95%, étaient des revenus de transfert de la Confédération. Les RHT, soit les mesures de réduction de l'horaire de travail ou ce qu'on appelle aussi le chômage technique, ont atteint une ampleur jamais connue auparavant. En été 2020, près de 100 000 travailleurs genevois se trouvaient au chômage technique. Le soutien aux entreprises visant à payer les charges non couvertes dues à la chute des chiffres d'affaires, c'est-à-dire les aides dites cas de rigueur, ont concerné des milliers et des milliers de sociétés. Le dispositif, stoppé le 31 décembre 2021 seulement, a indiscutablement permis de sauver une partie de notre économie. La pandémie a eu des effets d'une portée qu'aucun canton ni aucune région d'Europe n'avait encore subie.

En ce qui concerne les affaires ordinaires et courantes, elles ont été largement étouffées par la crise. A Genève, le problème numéro un consiste en une politisation extrême du monde du travail, surtout du partenariat social. La situation usuelle dans tous les cantons suisses, c'est que les partis de gauche drainent de nombreux membres des syndicats. Comme l'a relevé l'un des deux rapporteurs de minorité, dans ce parlement, 40% des députés sont issus de la fonction publique, mais ce qui est carrément inédit à Genève, c'est que la droite, et il faut citer le PLR à cet égard, concentre une représentation sans précédent dans notre pays de ce qu'on pourrait presque appeler des syndicats de droite, à savoir des associations patronales. Une telle proportion n'existe dans aucun autre canton helvétique. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles nous connaissons cette ultrapolitisation dans le monde professionnel et dans le partenariat social qui engendre beaucoup de problèmes. Finalement, à Genève, nous sommes beaucoup plus proches de la France que de la Suisse. Voilà, je vous remercie de votre attention.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Chers collègues, il faut tout d'abord tirer un grand coup de chapeau aux fonctionnaires du département de l'économie et de l'emploi qui ont travaillé extrêmement dur en 2021 et qui ont permis d'assurer un système de couverture de charges à des entreprises du canton qui en avaient cruellement besoin; merci à eux !

Cela étant, j'émettrai deux réserves à l'égard de cette politique publique. La première concerne la disparition ou la dislocation, en tout cas dans les faits, d'un service qui était extrêmement important, celui du développement économique, lequel garantissait une croissance exogène dans le canton. Certains de nos amis ont d'ailleurs dirigé le département et, partant, ce service; on pense bien sûr au regretté Carlo Lamprecht, mais aussi à Jean-Philippe Maitre. Il est essentiel qu'un tel service existe et soit efficient, parce que les énormes recettes fiscales générées ces dernières années provenaient de sociétés que ce service avait réussi à attirer à Genève. L'économie circulaire, c'est très bien, mais il ne faut pas oublier l'économie réelle ainsi que l'effort de promotion exogène.

Ma seconde réserve, et cela a été souligné par le rapporteur de deuxième minorité, a trait à Uber. Nous ne pouvons pas admettre une application différente du droit selon qu'on soit puissant ou misérable. L'arrêt du Tribunal fédéral constate qu'Uber est un employeur. Pour toute entreprise, cela a des implications: cela signifie qu'elle doit payer les heures supplémentaires, verser un salaire tenant compte des délais d'attente, s'acquitter des charges sociales, assurer le droit aux vacances, et si elle n'a pas respecté ces obligations basiques durant les années précédentes, il lui faut alors rembourser ce qui n'a pas été payé aux employés.

Le constat aujourd'hui, c'est qu'il semblerait - j'utilise le conditionnel à dessein - que le département ait accordé certaines concessions à cette firme californienne - je dis «californienne» quand bien même elle bénéficie d'un statut fiscal aux Pays-Bas. J'ai entendu avant-hier le conseiller d'Etat Mauro Poggia indiquer sur Léman Bleu d'une part qu'il n'y avait aucune raison de consentir des facilités, d'autre part que la transparence et la communication étaient fondamentales, et nous attendons des explications de la cheffe du département à cet égard. Merci. (Applaudissements.)

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, Ensemble à Gauche refusera cette politique publique avec une particulière vigueur. Pourquoi ? Outre les problèmes liés au chômage et à l'emploi sur lesquels je ne reviendrai pas et que ma collègue Jocelyne Haller s'évertue à vous faire comprendre année après année, toute une série d'autres défaillances sont à souligner, et j'en citerai trois.

Il y a d'abord la gestion du covid et notamment l'aide aux travailleuses et travailleurs précaires, qui ont été exclus des RHT. Le dispositif non seulement a mis des mois et des mois à arriver, mais en plus, le projet déposé sur notre bureau était mal ficelé et a d'ailleurs obtenu de très mauvais résultats dans la réalité, malgré les alertes lancées par Ensemble à Gauche.

Autre problème lié à la pandémie, c'est que non seulement nous avons refusé - enfin, ce parlement a refusé - à de nombreuses reprises de soutenir les travailleuses et travailleurs précaires, mais le Conseil d'Etat a carrément essayé de faire payer le prix de la crise aux salariés. Comment ? En cherchant à étendre les horaires d'ouverture des magasins, par exemple - sous la houlette de M. Poggia -, en faisant du forcing aux côtés des patrons pour dégrader les conditions de travail de la population alors même que celle-ci avait été au front.

Malheureusement, cette logique se poursuit dans les affaires Smood et Uber. Il faut noter que d'une victoire face à Uber, nous sommes passés à une défaite, et nous avons vraiment besoin d'autre chose. Nous avons un pas historique à franchir dans la lutte contre la précarité, contre l'ubérisation de notre société; dans les dossiers Smood et Uber, l'exécutif doit se montrer exemplaire, prendre les devants et exiger que cessent ces modèles basés sur l'exploitation des femmes et des hommes.

Pour conclure, nous parlions hier de la richesse, de celles et ceux qui produisent cette richesse dans notre canton, des pauvres riches qui sont taxés; je rappellerai qu'on trouve toujours la sueur et le sang des pauvres dans l'argent des riches. Merci. (Exclamations.)

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Une autre voix. Oh là là !

Une autre voix. C'est la lutte...

M. Patrick Dimier (MCG). Pour répondre à ce qui vient d'être dit, je tiens à rappeler aux cryptomarxistes qu'en commençant par prendre l'argent des riches, ils ont fini par voler celui des pauvres. Quant à la politique publique de l'économie, je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Desfayes: celle-ci est catastrophique, l'affaire Uber en est la démonstration; c'est une politique qui a un prix, et on l'appelle le «Fischer-Price». (Rires.)

Mme Françoise Sapin (MCG). En complément à l'intervention de mon préopinant et concernant la politique du marché du travail, le MCG s'inquiète de l'abandon par la nouvelle cheffe du département des mesures de préférence de l'emploi pour les résidents genevois. A notre avis, il est beaucoup plus important qu'on s'occupe des habitants de ce canton plutôt que de ceux qui vivent aux alentours de notre pays. Je rappelle que cette action avait été mise en place par son prédécesseur, M. Mauro Poggia.

S'agissant plus globalement de l'économie, nous déplorons le manque d'action proactive du département face au départ du siège - enfin, au déplacement, plutôt - de l'entreprise Firmenich, qui représente tout de même un fleuron de l'économie genevoise depuis 1895, soit depuis plus de cent vingt ans. Pour toutes ces raisons, le MCG refusera la politique publique L.

Une voix. Très bien !

M. Pierre Eckert (Ve). Comme cela a été souligné précédemment, il faut remercier l'ensemble des personnes qui ont participé au sauvetage, si je puis dire, de l'économie l'année dernière, non seulement les conseillers et conseillères d'Etat successifs - Mme Fontanet avait commencé à la suite de M. Maudet, puis Mme Fischer a pris la relève, et je pense que tout le monde a fait le job -, mais également le personnel de l'administration ainsi que nous-mêmes, députés au parlement, qui avons réagi de façon extrêmement rapide à toutes les demandes qui nous ont été soumises, souvent en travaillant tard le soir au sein de la commission de l'économie.

Maintenant, j'aimerais relever les nouvelles orientations qui doivent être données à l'économie puisque, comme je l'indiquais hier, il me paraît important, lors des comptes, à la fois de tirer des enseignements du passé, mais surtout de regarder le futur, et l'avenir se dirige vers un système tout différent. On a évoqué l'économie circulaire qui est en train d'être mise en place, mais il est également essentiel que les sociétés que nous attirons à Genève respectent un certain nombre de paramètres, qu'ils soient d'ordre éthique ou environnemental. En effet, si nos entreprises créent des bénéfices, la prospérité de Genève ne peut pas non plus reposer sur une économie carbonée, aussi devons-nous décarboner nos investissements et suivre des règles de durabilité.

Ce n'est pas seulement pour l'éthique que je le dis, mais aussi pour l'économie, parce que les firmes qui n'observent pas ces normes prennent de plus grands risques financiers; celles qui exploitent des enfants connaissent d'énormes dégâts d'image; celles dont l'impact climatique est lourd auront des difficultés conséquentes dans le futur. Toutes les économies vont peu à peu être décarbonées, et il faut qu'on change de paradigme pour nous diriger vers une économie heureuse et prospère. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette politique publique est calamiteuse. Ce que nous constatons, c'est que rien n'est entrepris, que le département ne se montre pas du tout proactif en ce qui concerne la préférence cantonale. Et la charte ? Une charte a été signée avec la Fédération des entreprises romandes, que fait la magistrate pour la mettre en avant, pour encourager les entreprises à préférer l'embauche locale ? J'ai l'impression que rien ne se passe, et tout cela n'est pas normal. Finalement, on dévalorise le travail accompli en amont en ne le poursuivant pas. C'est en partie pour cela que nous rejetterons cette politique. Merci.

M. Pablo Cruchon (EAG). J'aimerais juste répondre au MCG en ce qui concerne le vol des pauvres. Un petit avertissement tiré d'une citation de ma collègue de parti: à force de lécher les bottes des riches, on finit par se faire botter le cul par les pauvres ! Merci. (Exclamations.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Deux constats peuvent être tirés de cette crise. D'une part, les commissaires à l'économie ont toujours trouvé des solutions pratiquement à l'unanimité, sans compter Ensemble à Gauche, donc on voit que c'est possible. Le travail parlementaire est souvent critiqué, mais en l'occurrence, les débats ont été nourris et sains.

D'autre part, j'aimerais encore une fois souligner, au nom du PLR, l'efficacité des mesures RHT. On voit aujourd'hui que les effectifs des caisses de compensation, des collaborateurs, des ouvriers, des cadres sont restés constants, voire ont progressé. Dès lors, il est clair que ce dispositif ne bénéficie pas seulement à l'entreprise, mais à tous ses composants, main-d'oeuvre comprise. Comme on l'a observé, cet instrument était particulièrement adéquat, il a permis de faire redémarrer l'économie, et le problème qu'on rencontre maintenant dans certains secteurs, c'est plutôt la pénurie de personnel.

Je le répète: c'est bien de décarboner, c'est bien de dire que certains secteurs vont pouvoir absorber les changements, mais le souci, c'est qu'on n'a pas de main-d'oeuvre. Cent places d'électriciens sont vacantes à l'heure actuelle. Alors moi, j'entends bien toutes les théories, c'est magnifique, mais à un moment donné, il faudra bien engager des frontaliers, trouver des solutions, et je crois que nous devons tous nous montrer solidaires à cet égard. Une reconversion professionnelle ne se décrète pas politiquement, nous devons donner envie aux gens de venir dans ces branches. Dans le domaine du commerce ou de la restauration, tout un travail est réalisé sur les heures creuses, il s'agit d'avoir plus de flexibilité et de redorer l'image de ces secteurs qui ont souffert, qui ont de la peine à recruter des employés, parce que ceux-ci sont passés à autre chose.

En tous les cas, je remercie les collaborateurs du DEE et je salue également l'ouverture d'esprit qu'ont manifestée une majorité des parlementaires au sein de la commission de l'économie. A mon sens, il faut cesser d'opposer patrons et salariés; heureusement que nous n'avons pas cette mentalité dans les PME, faute de quoi ça ferait bien longtemps que la plupart d'entre elles auraient fermé. Merci. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Mon collègue Serge Hiltpold a dit l'essentiel de ce que je souhaitais communiquer, mais il faut encore relever, parce que cette politique publique a été très importante en 2021, précisément à la suite de la période du covid que nous avons connue, que les aides visaient l'économie dans son ensemble. L'économie, Mesdames et Messieurs, ce ne sont pas seulement les entreprises, ce ne sont pas uniquement les patrons, c'est un tout qui comprend également les employés, les clients, clients qui peuvent être d'autres sociétés ou des particuliers. Il était donc important de soutenir l'économie pour maintenir ce système.

Il ne s'agissait pas d'une crise structurelle qui voyait l'outil de production cassé, au contraire, l'appareil de production fonctionnait très bien. Il fallait juste le préserver pour que, dès la sortie de la pandémie, l'économie puisse directement rebondir, et de ce point de vue là, on constate que les mesures ont été utiles, puisque c'est exactement ce qui s'est passé.

Ce dispositif, c'était par ailleurs un message de l'Etat au monde de l'économie - au sens large, de nouveau. Le rôle principal de l'Etat, notamment aux yeux des libéraux dans cette salle, c'est d'abord la sécurité, mais pas exclusivement la sécurité des personnes et des biens, aussi celle des moyens de production pour les entreprises, pour les patrons, pour les employés; c'est là quelque chose de fondamental. Par le biais des aides que le Conseil d'Etat a proposées, que le parlement a votées et présentées aussi, il s'agissait de dire: «Nous sommes là avec vous; dès que la crise sera terminée, vous pourrez repartir.» C'est précisément parce qu'il en a été ainsi, parce que la machine a été relancée que nous enregistrons l'excellent résultat de cette année. Aussi, l'objectif a été atteint, les effectifs ont été maintenus.

Le but des indemnités RHT, soit de réduction de l'horaire de travail, c'est de signaler à un patron: «Ne licencie pas ton personnel, parce que ton outil de production n'est pas cassé; garde-le, nous allons te verser 80% de son salaire.» A cet égard, il est important de noter ici que de nombreuses entreprises, qui auraient pu s'arrêter à ces 80%, ont payé les 20% restants, précisément parce qu'elles voulaient conserver leurs employés. Comme M. Hiltpold l'a indiqué, nous nous trouvons maintenant dans une situation où il manque de la main-d'oeuvre dans un certain nombre de secteurs, et c'est vraiment dommage.

Je rejoins ce qu'a souligné mon collègue: il est regrettable qu'un groupe politique ici ne cesse d'opposer patrons et employés, méchants et gentils. Ça suffit ! Nous avons connu la lutte finale assez longtemps, nous avons cru en 1989 à la chute ultime de cette idéologie néfaste; je constate malheureusement que dans ce Grand Conseil, il en reste quelques soubresauts. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. M. Zweifel ne m'a pas bien écouté, il ne comprend manifestement pas le discours d'Ensemble à Gauche qui est pourtant très clair. Il nous accuse d'opposer salariés et patrons; nous avons indiqué au contraire que nous étions prêts à voter les aides aux entreprises à condition qu'il y en ait aussi pour le personnel, et c'est tout le reste de ce parlement qui a refusé de soutenir à la fois les employeurs et les employés, qui a donc opposé ces deux catégories au détriment des travailleurs ! Mesdames et Messieurs, la lutte des classes existe, vous avez simplement choisi l'autre camp.

Maintenant, j'aimerais revenir sur les choix de développement économique et, au-delà des injonctions et des discours de bonnes intentions, que ce soit de la magistrate ou d'une partie de ce Grand Conseil, les Verts en tête... (Exclamation.) ...sur l'économie verte et circulaire: la réalité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que le Conseil d'Etat a fait le choix d'accroître la dépendance de notre canton, notamment d'un point de vue fiscal, au commerce international, qui abrite de nombreuses entreprises jouant un rôle essentiellement parasite et très nocif pour l'environnement, par exemple - on l'a vu récemment - dans le cadre du conflit en Ukraine, puisque ces sociétés-là continuent le négoce du pétrole avec la Russie.

Mesdames et Messieurs, avec la RFFA, la part des revenus de l'impôt sur le bénéfice issus du commerce international est passée d'environ 20% à 50%. Et si la fiscalité n'est pas le seul facteur - loin de là ! - qui décide une entreprise à se maintenir ou à s'installer sur notre territoire, eh bien pour des secteurs très volatils comme le commerce international, ce paramètre prime sans doute plus que pour l'industrie.

Il y a donc un parti pris du gouvernement comme de la majorité de ce parlement d'augmenter notre dépendance à des entreprises qui ne créent pas beaucoup d'emplois utiles, qui ne répondent pas aux besoins sociaux et environnementaux et qui n'ont rien à voir, quels que soient les discours qu'on tient, avec l'économie verte et circulaire, mais bien avec une économie prédatrice pour les êtres humains et la planète. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Merci à M. Burgermeister de prouver ce que je venais de dire: le soubresaut est encore là, il est vivace; nous espérons qu'il s'éteindra bientôt. Clairement, c'est lui qui n'a pas écouté. La principale aide que ce parlement comme la Confédération ont mise en place, ce sont les RHT. Il s'agit de dire à un patron: «Ne licencie pas ton personnel, garde-le, nous allons payer une partie de son salaire.» Les entreprises auraient pu, vu la crise et vu les contraintes imposées par l'Etat, congédier leurs employés. Ainsi, la principale mesure a été précisément de soutenir les salariés. Alors soit vous ne comprenez rien, soit vous faites exprès, et je pense que c'est un peu des deux !

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Quelques mots pour indiquer, et je crois que personne ne le conteste, qu'il était absolument nécessaire d'aider les PME et les petits commerces qui ont subi des fermetures sur décision administrative, qui ont perdu tout ou partie de leur activité, ce qui a nécessité énormément de réactivité et d'agilité de la part des services pour répondre en urgence à cette situation absolument inédite, ce dont nous les remercions naturellement.

Cela étant, je partage le regret que le soutien aux travailleurs et travailleuses, en particulier aux plus précaires, se soit autant fait attendre et ait finalement manqué sa cible à cause d'un timing quelque peu malheureux.

Par ailleurs, j'aimerais faire part de certaines inquiétudes s'agissant de la politique menée actuellement, et ce depuis plusieurs années, à l'office cantonal de l'emploi. Les statistiques, d'abord: plus de 25% des chômeurs et chômeuses sont aujourd'hui en fin de droit, et nous devons véritablement trouver des solutions pour ces personnes, faute de quoi elles se retrouveront à l'Hospice général. Nous aurons beau réformer l'aide sociale, comme le souhaite le gouvernement - démarche que je soutiens -, si toujours plus de chômeurs et chômeuses arrivent à l'assistance, c'est le phénomène de la baignoire trouée.

Il nous faut agir plus en amont, notamment au moment où les gens sont encore au chômage, pour favoriser leur retour en emploi. Or ce que l'on constate maintenant, c'est qu'il prévaut à l'office cantonal de l'emploi une logique punitive qui, à mon sens, est complètement contreproductive, une politique des sanctions qui enfonce les chômeurs et chômeuses plutôt qu'elle ne les soutient dans le but de faciliter leur réinsertion.

Un dernier mot pour répondre au rapporteur de minorité Zweifel, qui a relevé que l'objectif durant la crise était d'éviter de casser les moyens de production de l'économie; je comprends son argument, mais je l'invite également, lui et son groupe, à mettre en place les mesures nécessaires pour éviter la casse sociale, qui est tout aussi difficile à réparer.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'année 2021 que nous examinons sous l'angle des comptes a en effet été essentiellement marquée par le covid, et dans ces circonstances, l'économie genevoise a clairement démontré sa vitalité. C'est aux entrepreneurs d'une part, aux salariés d'autre part que revient d'abord le mérite de cette capacité d'adaptation majeure dont l'économie genevoise a fait preuve, c'est eux qu'il faut remercier pour leur engagement quotidien en 2021 dans un contexte souvent difficile.

Mais le soutien que l'Etat a offert aux sociétés et aux employés a également permis de maintenir l'appareil de production, de faire en sorte que l'économie soit à même de repartir immédiatement après la levée des mesures sanitaires. Pour conserver ces capacités de production, pour garantir une économie en marche qui n'attende que de redémarrer, ce qui s'est d'ailleurs passé, deux principaux dispositifs ont été déployés.

Premièrement, les RHT. Ces indemnités destinées au personnel se sont élevées à 1 milliard de francs en 2021 et à 400 millions en 2022... Non, excusez-moi, je me trompe sur les années: ce sont 1 milliard de francs en 2020 et 400 millions en 2021 qui ont été distribués au titre des RHT, des sommes immédiatement utiles aux travailleurs et travailleuses.

Deuxièmement, les aides aux cas de rigueur. A ce propos, j'aimerais tout particulièrement saluer les équipes du département de l'économie et de l'emploi qui, du jour au lendemain, ont constitué une cellule spéciale, ont créé une procédure complète, ont élaboré tout un système, ont rédigé des lois et des règlements, puis les ont mis en oeuvre, nous permettant ainsi, pendant la période de covid, de verser 500 millions de francs aux entreprises selon des critères objectifs et clairs. Chaque société a pu déterminer quels étaient ses droits sans aucun favoritisme ni aventurisme, dirais-je, chacune a pu compter sur ce qu'elle était en droit de percevoir.

Dans ce processus, vous toutes et tous, députés au Grand Conseil, avez naturellement fait votre part. Je remercie spécifiquement le président de la commission de l'économie à cette époque ainsi que l'ensemble des membres de la commission de l'économie qui ont toujours accepté d'étudier à très brève échéance les projets de lois qui leur étaient présentés, tout comme vous, Mesdames et Messieurs, qui les avez votés bien souvent sur le siège afin d'assurer que les ressources soient acheminées le plus rapidement possible vers ceux qui en avaient besoin.

Nous avons traversé cette épreuve ensemble et la collaboration s'est bien passée. A Genève, on a trop souvent tendance à souligner les choses qui ne vont pas, c'est pourquoi je souhaite relever ici que la coopération entre votre parlement, le Conseil d'Etat et l'administration a été exemplaire, et c'est ce dont nous devons nous souvenir maintenant, c'est ce sur quoi nous devons nous appuyer pour affronter les défis qui s'annoncent.

Parce que oui, nous faisons face à de nouveaux enjeux, aussi bien structurels - je pense à l'urgence climatique, qui s'actualise aujourd'hui de manière intense sous son angle énergétique, de même qu'à la question de l'approvisionnement énergétique non seulement de Genève, mais de la Suisse et de l'Europe, qui se pose de façon immédiate - qu'en matière de résilience de notre économie. Cette résilience de l'économie que nous avons cultivée, nous devons la poursuivre pour affronter ces difficultés, notamment celles engendrées par la guerre en Ukraine. J'ai évoqué la dimension énergétique, mais ce n'est pas la seule; avec ce conflit, toutes les chaînes d'approvisionnement sont mises en péril. Nous devons relever ces défis ensemble et nous devons le faire de manière durable, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas recommencer à faire exactement les mêmes choses qu'avant, car nous avons vu où cela nous a menés.

En ce moment, l'enjeu central pour les sociétés, et on l'entend dans tous les cénacles réunissant des entrepreneurs, c'est la transition vers la durabilité de l'économie, vers des activités climatiquement neutres. Toutes les entreprises qui se préoccupent de leur avenir savent que prendre maintenant le virage de la décarbonation, c'est se positionner pour rester compétitives, pour continuer à se développer et faire prospérer Genève avec elles, grâce aussi aux efforts des travailleuses et travailleurs. Dès lors, il est clair que nous ne pouvons pas repartir comme auparavant.

C'est précisément ce que le DEE a eu l'opportunité de faire pour la première fois cette année grâce aux crédits que vous nous avez alloués. Il s'agit d'instituer des mesures directement en faveur des entreprises afin de les aider dans cette démarche visant à préserver leur capacité d'action dans les années et les décennies à venir. Les premiers dispositifs rencontrent un franc succès: suite à notre appel à bénéficier d'un accompagnement de la DG-DERI en matière de durabilité, plus de cinquante sociétés se sont annoncées; une enquête que nous menons actuellement sur le niveau de numérisation et les besoins en informatique donne elle aussi de bons résultats, puisque en dix jours, ce sont plus de 700 firmes qui y ont répondu, ce qui va nous permettre d'établir une offre en matière de responsabilité numérique des entreprises ciblée sur des besoins concrets et avérés.

Donc non, la DG-DERI n'a pas été démantelée, n'en déplaise à certains députés qui ne savent pas de quoi ils parlent, pour dire les choses en un mot comme en cent. Au contraire, mon équipe est très motivée et active, empoigne à bras-le-corps les objectifs et les moyens qui lui ont été donnés afin de mettre en oeuvre de manière extrêmement rapide de nouveaux programmes, et ce sans oublier la mise en oeuvre et le suivi des mesures liées au covid.

Tout cela doit se passer dans un contexte de partenariat social, et je voudrais répéter ici à quel point cela importe au Conseil d'Etat tout entier, un partenariat social que j'ai eu l'occasion de renforcer dans le cadre de différents dossiers. Je me réfère par exemple aux accords trouvés en ce qui concerne l'assistance au sol à l'aéroport; vous savez qu'un contrat type de travail a été édicté à la demande du Conseil de surveillance du marché de l'emploi qui fixe des conditions minimales de travail et de salaire pour l'ensemble des employés de ce secteur extrêmement précarisé. Aujourd'hui, dans ce domaine d'activité, que vous soyez temporaire ou fixe, vous avez droit à des conditions réglementées par un contrat type.

De manière générale, le partenariat social est en marche à Genève. Vous avez récemment voté un renforcement de l'inspection paritaire des entreprises, lieu par excellence du partenariat social, notamment dans l'application de procédés visant à vérifier que les entreprises étrangères qui interviennent dans notre canton le font selon les règles établies. Le partenariat social est également en action, j'ai envie de dire, dans le domaine de la lutte contre le travail au noir, spécifiquement sur les chantiers. En effet, un groupe tripartite travaille aujourd'hui avec les partenaires sociaux et l'Etat dans le but d'améliorer les contrôles dans cette branche; il nous présentera prochainement des propositions que je ne manquerai pas de vous soumettre. Voilà ce que j'avais à communiquer sur ces éléments.

Ensuite, concernant l'office cantonal de l'emploi et les reproches qui ont été formulés selon lesquels nous n'appliquerions pas les dispositions dites de préférence cantonale, surtout les obligations d'annonce, je répondrai que bien sûr, celles-ci ont toute leur importance. Globalement, le canton publie à peu près 30% plus d'annonces que ce qu'il serait tenu de faire en allant solliciter les entreprises pour que les offres d'emploi soient d'abord proposées aux bénéficiaires des indemnités de chômage. De ce point de vue là, l'OCE oeuvre de loin plus que le strict nécessaire.

Cela étant, diffuser des offres d'emploi, ce n'est pas encore engager des chômeurs et chômeuses, et encore moins des chômeurs et chômeuses résidant à Genève. Ainsi, je crois qu'il faut mener une politique beaucoup plus ambitieuse que celle consistant simplement à exiger la publication d'annonces pour les bénéficiaires du chômage en priorité. Et c'est précisément ce que nous entendons faire dans les mois à venir en réfléchissant en particulier à la manière dont nous pouvons utiliser la période de chômage pour améliorer les qualifications des gens et ainsi renforcer leur employabilité sur le marché du travail.

C'est compliqué, parce que le droit fédéral est en jeu, mais je pense vraiment que nous pouvons - que nous devons ! - développer des programmes cantonaux et injecter les moyens nécessaires afin que, pendant la durée du chômage, les personnes puissent se qualifier, acquérir une expérience professionnelle dans le cadre d'une formation qualifiante en entreprise. De cette manière-là, nous pourrons résorber, en partie du moins, le chômage si particulier que nous connaissons à Genève, ce alors que le nombre de postes vacants augmente de manière massive, que des pénuries de personnel sévissent dans toute une série de secteurs. Permettre aux chômeurs d'accéder à ces emplois passe par leur formation et c'est ce à quoi nous nous attacherons en priorité au cours des prochains mois. Il faut mettre les mécanismes en place beaucoup plus tôt, ne pas attendre que les gens soient très éloignés du marché, voire sur le point de basculer à l'aide sociale, mais prendre ces mesures en amont, ce qui nécessite identification, instauration de programmes cantonaux et formation.

L'économie de plateforme, à présent: il s'agit de l'un des enjeux les plus importants que notre économie ait à affronter, et il n'est d'ordre ni genevois ni local, mais bien évidemment mondial. Là encore, j'ai entendu quelques conditionnels de façade, mais un certain nombre d'entre vous ont été prompts à considérer que le Conseil d'Etat n'a pas rempli son rôle dans le dossier Uber. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous informer que j'ai reçu hier l'autorisation d'Uber, que j'avais dû consulter, de publier l'accord intervenu le 10 juin dernier; celui-ci sera rendu public dans la journée, mais je profite de vous en parler déjà maintenant pour vous expliquer en substance comment les choses se sont passées.

La première chose à dire, c'est que l'Etat n'a cédé en rien - pas d'un pouce ! - sur les obligations de cette compagnie. Au contraire, Uber a dû accepter de les remplir dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord. Naturellement, affirmer le droit, comme le fait le Tribunal fédéral, est une chose; le concrétiser sur le terrain, cela exige encore un certain nombre de démarches. Et sauf à croire que nous vivons à l'ère de la baguette magique et de l'instantanéité, ce processus prend un certain temps.

Quel était l'objectif de cette négociation avec Uber ? Au départ, la société soutenait: «Le Tribunal fédéral a rendu une décision portant sur une situation qui prévalait en 2019; nous sommes en 2022, nous allons admettre ce que stipule le Tribunal fédéral jusqu'à la date du jugement, mais pour le reste, nous ne reconnaissons rien.» Cela représentait trois ans d'obligations vis-à-vis des chauffeurs et chauffeuses Uber, pour lesquels il aurait fallu reprendre une bataille qui aurait sans doute duré à nouveau de nombreux mois, voire plusieurs années.

Suite aux discussions que nous avons menées avec Uber pour l'appeler à assumer ses responsabilités, la firme a finalement concédé qu'elle était l'employeur de ces chauffeurs et chauffeuses en juin 2022 - ou le 30 mai 2022 -, c'est-à-dire qu'elle a admis ses obligations salariales et sociales à leur égard à la date de l'arrêt du Tribunal fédéral. Plus que cela: elle s'est engagée à verser les arriérés à chaque personne qui en ferait la demande, sans que celle-ci ait à les chiffrer; il suffit qu'un chauffeur ou une chauffeuse écrive: «Je souhaite recevoir mes arriérés» pour qu'Uber fasse le calcul et les lui paie. Bien sûr, cela aussi prend un peu de temps, mais l'engagement est absolument clair.

Puis, Uber a accepté d'assumer toutes ses responsabilités à partir d'aujourd'hui et jusqu'à la fin, cas échéant, des relations contractuelles avec ses chauffeurs et chauffeuses, lesquels bénéficient ainsi de toutes les protections légales liées à un contrat de travail en vigueur. Si vous trouvez dans ces éléments quoi que ce soit qui ressemble à une renonciation de l'Etat à exiger de l'entreprise qu'elle remplisse ses obligations, eh bien vous êtes meilleurs juristes, et je suis sûre que certains le pensent, que les juges du Tribunal fédéral. En réalité, cet accord représente une avancée majeure qui permet aujourd'hui l'application de toutes les obligations qu'Uber a reconnues.

Toutefois, cette mise en oeuvre repose pour une part sur le droit public. A cet égard, nous savons que la société Uber va essayer de faire reprendre les contrats de travail de ses chauffeurs et chauffeuses à des entreprises partenaires, comme elle les appelle, ou de formuler des propositions dont la conformité aux exigences légales devra être vérifiée.

Le 30 mai, le Tribunal fédéral a rendu son arrêt; nous l'avons reçu le 4 juin; le 10 juin, nous avons passé cet accord par lequel Uber admettait toutes ses obligations jusqu'à ce jour; une semaine plus tard, constatant que les partenaires sociaux, pour ce qui concerne la partie de droit privé, c'est-à-dire le contrat de travail, ne s'étaient pas encore réunis autour de la table - je le répète: une semaine plus tard ! -, le département a saisi la Chambre des relations collectives de travail de manière à s'assurer que les négociations commencent immédiatement. Pourquoi ? Parce que les chauffeurs et chauffeuses Uber s'inquiétaient de savoir quels seraient désormais leurs revenus. La première séance a été tenue, les discussions sont entamées, elles vont se poursuivre, des solutions immédiates pour les chauffeurs et chauffeuses sont également en transaction.

Le rythme auquel l'ensemble du processus s'est déroulé a été extrêmement soutenu, garantissant à tous les chauffeurs et toutes les chauffeuses que chaque contrôle nécessaire sera effectué. Aussi bien l'OCE, à qui il en revient une partie, que l'OCIRT travaillent d'arrache-pied sur ces questions, chaque chauffeur et chauffeuse aura droit à un examen de sa situation individuelle. Ainsi, non seulement les objectifs sont parfaitement clairs s'agissant des engagements d'Uber et de la volonté du Conseil d'Etat, mais leur exécution a été particulièrement rapide. Vous comprendrez bien que le calcul des arriérés nécessite un certain laps de temps ou encore que la coordination entre mes services et les autres autorités compétentes, notamment fédérales, dure également quelque peu. En faire plus que ce qui a été accompli en trois semaines n'aurait tout simplement pas été possible. En aucun cas la pression ne va se relâcher, en aucun cas l'Etat ne renoncera à ce que l'entier des responsabilités d'Uber soient honorées.

L'affaire Smood, quant à elle, cristallise des questions analogues. A l'heure actuelle, l'économie de plateforme se concrétise essentiellement par une précarisation accrue des personnes qui prennent ce genre d'emploi; ce sont de petits jobs avec de petits salaires et de petits temps de travail. Résultat: une grande pauvreté.

Clairement, le Conseil d'Etat n'entend pas cautionner des modèles qui renforcent la précarité, qui détériorent les conditions de travail, d'autant qu'il s'agit de secteurs qui sont appelés à se développer. Cependant, comme vous le savez, l'Etat ne peut agir que dans le champ de ses compétences, qui sont celles du droit public; à Genève, c'est notamment le salaire minimum, ce sont un certain nombre de prescriptions liées aux assurances sociales. Il se trouve que l'Etat n'est pas là pour dicter sa loi aux entreprises, mais pour vérifier que celles-ci se conforment au cadre légal, ce que nous faisons avec toute la diligence nécessaire.

Là encore, dans le cadre du dossier Smood, j'ai décidé de saisir, au nom de l'Etat, la Chambre des relations collectives de travail dans l'idée de mener des négociations. Si les parties n'ont pas réussi à se mettre d'accord, la CRCT a en revanche formulé toute une série de recommandations; par essence, des recommandations sont conformes à leur nom, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas obligatoires. Sachez toutefois que les discussions vont se prolonger de manière à essayer, dans la mesure des compétences données à l'Etat, de les concrétiser. Celles qui s'appuient sur le droit public, il appartient à l'Etat de les appliquer; celles qui relèvent du droit privé, il revient aux partenaires sociaux de les négocier.

A ce propos, je mentionnerai encore la convention collective de travail qui a été signée entre Smood et un syndicat. Il incombe aux syndicats de décider ce qu'ils ratifient, et on ne peut pas faire peser la responsabilité du contenu de cette convention collective sur le dos de l'Etat, sauf à vouloir créer une économie planifiée. Je pense que seuls certains d'entre nous ici le souhaitent; clairement, ce n'est en tout cas pas notre objectif politique en tant que département de l'économie et de l'emploi.

En conclusion, le DEE est à pied d'oeuvre en ce qui concerne de nombreux domaines d'activité en vue de soutenir l'économie et les entreprises régionales; de façon générale, j'entends défendre des solutions locales plutôt qu'internationales. Le Conseil d'Etat fait siennes cette politique et ces actions, et aujourd'hui, j'en appelle à la réunion de toutes les bonnes volontés et à toute la coopération possible entre les partenaires sociaux et l'Etat pour que nous poursuivions ensemble les objectifs d'une économie durable et prospère pour Genève. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'ouvre la procédure de vote sur la politique publique L.

Mise aux voix, la politique publique L «Economie et emploi» est adoptée par 33 oui contre 25 non et 26 abstentions.

M - MOBILITÉ

Le président. Nous traitons à présent la politique publique M «Mobilité». Monsieur Christo Ivanov, vous avez la parole.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne la mobilité, il faut bien reconnaître que la crise du covid-19 a durement affecté les Transports publics genevois: avec -25% de recettes en 2021, les TPG se sont retrouvés dans une situation difficile et, sans l'aide de la Confédération et des cantons, la situation aurait pu être bien pire encore. Malheureusement, aujourd'hui, les TPG se retrouvent en sous-capitalisation, puisqu'ils n'ont plus de dotation. Ils sont en négatif: -4,9 millions ou -5 millions. (Remarque.)

En ce qui concerne les travaux à En Chardon, on a rencontré le problème lié aux AIMP: on avait attribué le lot d'électricité à une entreprise domiciliée en Suisse, mais pilotée depuis l'étranger, ce qui a engendré une perte de 12 millions de francs dont on se serait bien passé. La société TP Pub, qui avait passé un contrat avec les transports lausannois, est en cours de liquidation. Ce contrat a été un véritable désastre et on ne peut que le regretter.

L'UDC se réjouit par contre du fait qu'enfin la traversée du lac soit inscrite au programme PRODES à l'Office fédéral des routes, ce qui est une petite avancée.

En ce qui concerne la crise des taxis - parce qu'il faut dire ici que la guerre des taxis est déclarée et relancée -, l'UDC avait déposé un certain nombre d'amendements - plus d'une trentaine - lors de l'étude du PL 12649, dont seuls deux avaient trouvé grâce devant ce parlement. J'avais d'ailleurs annoncé qu'il y aurait des recours: il y en a trois. Vous avez vu également que quatre pétitions ont récemment été envoyées à notre Grand Conseil. Le cas Uber a été évoqué tout à l'heure, je n'y reviendrai pas, mais évitons, pour l'amour du ciel, de rouvrir la guerre des taxis !

Sur la mobilité en général, l'UDC s'inquiète des tracasseries liées à la circulation. Cela péjore le travail des entreprises; c'est un véritable gymkhana, entre la suppression des places de parking en surface, les zones 30 km/h, les rues à sens unique, sans parler des autoroutes cyclables.

Enfin, je reviendrai sur les gros problèmes que nous avons à nos frontières avec les douanes de Soral et de Chancy. Ce Grand Conseil avait voté un certain nombre de projets de lois, y compris le contournement de Cartigny, qui avait même fait l'objet d'un crédit d'étude voté par la commune de Cartigny et qui pourrait être mis en place sans que cela coûte un franc. Or aujourd'hui, malgré le projet de loi que j'avais déposé et qui avait été voté par ce parlement, rien n'est fait, comme d'habitude !

Rien de nouveau sous les cieux genevois: Jésus crie et la caravane passe ! (Rire.) Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera cette politique publique M «Mobilité», qui rime avec immobilité ! Je vous remercie.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est important que cette politique publique de la mobilité soit reconnue à sa juste valeur et soit mise au centre, car elle représente un atout majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Je rappelle qu'en 2017, 32% des émissions de CO2 en Suisse sont dues à la mobilité, dont l'immense majorité au trafic motorisé individuel. Le plan climat cantonal le dit d'ailleurs très bien, même si les objectifs sont encore un peu en deçà de ce qu'il faudrait, soit une diminution d'au minimum 40% du trafic individuel motorisé d'ici à 2030. Il nous reste huit ans. Il faut donc un changement radical.

On peut dire que dans l'ensemble, la politique publique que mène M. Dal Busco va plutôt dans la bonne direction. Simplement, il a laissé le frein à main. Et ce frein à main a un nom, ou plutôt des noms: le PLR, le MCG et l'UDC. Ces partis se livrent à une guerre ouverte à la commission des transports contre l'évolution nécessaire de cette politique publique vers une transition des modes de transport, comprenant notamment l'abandon de la voiture et du trafic motorisé individuel. On ne peut que regretter que ce frein à main continue d'exercer une influence, mais ce n'est pas très étonnant. Il faut maintenant que le Conseil d'Etat aille plus loin. Il faut une rupture claire, qui peut se décliner en quelques axes.

Je n'ai pas le temps de développer malheureusement, mais il s'agit de la gratuité des transports publics, du changement concret de notre voie publique - je rappelle que 66% de la voie publique est destinée au trafic motorisé individuel, alors qu'il ne représente que 27% des déplacements. Il faut donc très simplement supprimer des routes massivement dans notre ville... (Exclamation. Commentaires.) ...supprimer des routes pour permettre davantage de déplacements des bus, des vélos et des piétons. (Commentaires.) Il faut aussi réfléchir à des services publics plus largement dotés, notamment les TPG.

A ce titre, je me permets, sur le temps de notre groupe, d'exprimer notre soutien au personnel des TPG qui a annoncé un préavis de grève pour obtenir l'indexation des salaires. La CRCT vient d'être saisie, mais nous nous adressons au Conseil d'Etat pour exiger immédiatement la levée du gel de l'indexation des salaires pour les TPG et pour l'ensemble de la fonction publique. C'est très important. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vous rappelle qu'on annonce une inflation de 3% pour cette année. Voilà, je n'ai plus que trente secondes, je m'arrête donc ici. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont une minute pour vous dire que nous soutenons pleinement la politique publique sur la mobilité et pour appeler le magistrat et bien entendu ce parlement à aller plus vite.

On a vu récemment aux Pâquis des habitants se saisir du marteau piqueur pour libérer l'espace public du bitume, parce que, dans les quartiers, les personnes ne respirent plus. (Commentaires.) En période de canicule, alors que les îlots de chaleur créent des situations intenables, vous ne pouvez plus ouvrir les fenêtres, vous ne pouvez littéralement plus vous aérer dans certains espaces à cause de nuisances sonores insoutenables, liées notamment au trafic motorisé individuel. 120 000 personnes à Genève souffrent du bruit, du dépassement des normes sonores; il est d'ailleurs cocasse qu'une collectivité porte une plainte pénale contre des habitants qui veulent davantage de verdure en bas de chez eux, alors que plus de 120 000 personnes souffrent dans leur santé en raison des dépassements des normes OPB, en violation des lois et en toute impunité.

La mortalité sur les routes a atteint des records en 2021. On sait aujourd'hui qu'il est impossible de faire cohabiter des flux de voitures, des piétons, des trottinettes et autres modes de transport... (L'orateur est interpellé.) ...sur des espaces limités. Donc bravo à M. Dal Busco - mais, en effet, lâchez le frein à main et permettez-nous d'avancer plus vite vers ces 40% de réduction du trafic motorisé individuel en 2030 ! Merci. (Remarque.)

M. Patrick Dimier (MCG). Est-ce qu'on doit parler de politique de mobilité ou d'immobilité ? (Exclamations.) Telle est la question. On a découvert depuis quelques années, avec la multiplication des chantiers à tout-va, ce qu'il convient d'appeler la balkanisation du réseau routier. Cette politique d'étranglement contrevient, que cela plaise ou non, à un texte supérieur à tous les autres, à savoir la constitution, qui consacre et garantit - je le dis au groupe au fond à gauche - le libre choix du mode de transport. Mais c'est évidemment très difficile pour vous de l'accepter, le marxisme étant l'une des seules maladies graves... (Commentaires.) ...qu'on n'a pas encore essayé d'expérimenter sur les animaux ! (Rire. Remarque.)

Je voudrais dire encore que, bien qu'on nous serve à n'en plus pouvoir une loi qui est inférieure à la constitution, un texte qui n'a pas sa place dans cette discussion... Mais il est vrai qu'avec un département qui détient un record, avec 22% de permis G dans son état-major, il est très difficile de faire appliquer le respect... (Remarque.) 22%, Monsieur le conseiller d'Etat ! Vous regarderez la statistique, je ne vais pas en parler maintenant.

Je voudrais dire aussi qu'à force de laisser entrer autant de véhicules... (Remarque.) Avec une seule personne à bord ! Je sais que vous êtes têtu, je le suis aussi, alors allez-y ! Je voudrais quand même rappeler à ceux qui sont pour une politique décarbonée que pour fabriquer une voiture électrique, il faut un kilo de lutécium. Or pour obtenir un kilo de lutécium, il faut 1200 tonnes de roche, et, pour obtenir cela, il faut 20 bulldozers et 40 camions, qui tournent tous au diesel. Donc quand on vient nous parler de décarbonation du trafic, il faut savoir de quoi on est en train de parler. (Remarque.) Je voudrais aussi rappeler à ceux qui - comme moi, hein ! je fais partie de ces gens-là ! - sont contre les centrales nucléaires qu'à vouloir instaurer et favoriser les voitures électriques... On peut prendre l'exemple de la France qui a lancé cette politique: il lui faudra créer 10 millions de postes de prise de courant - ils en sont à 60 000, donc vous voyez à peu près le chemin à faire ! - et six centrales nucléaires supplémentaires.

Je voudrais dire aussi qu'à force d'être l'homme lige des pastèques, qui sont vertes dehors, mais rouges dedans, ce magistrat finit par n'avoir plus que les pépins ! Merci. (Rire.)

M. Eric Leyvraz (UDC). J'apprécie fortement la logique de ce Grand Conseil: d'un côté, certains trouvent tout à fait justifiable de faire des trous dans le béton pour mettre de la verdure, et il y a quelques années, on déclassait les meilleures terres agricoles du canton - 50 hectares aux Cherpines - pour les bétonner. Cherchez l'erreur !

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti libéral-radical est profondément attaché à la démocratie et à l'Etat de droit. Que cela plaise ou non, nous avons dans notre constitution deux principes essentiels: le libre choix du mode de transport et le principe de la complémentarité des modes de transport.

Des voix. Et le droit à un environnement sain !

Une voix. Oh, mon Dieu ! (Remarque. Rires.)

M. Murat-Julian Alder. Vous me répondrez ultérieurement.

Le président. S'il vous plaît, laissez parler M. Alder !

M. Murat-Julian Alder. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai rien inventé: il s'agit simplement de deux principes qui ont été utilisés par le Tribunal administratif de première instance pour intimer au département de l'immobilité l'ordre de rétablir la voie de circulation sur le boulevard Georges-Favon. Ces principes constitutionnels ne sont donc pas là à titre décoratif; ils ont une portée normative incontestable.

Ce que le PLR déplore, ce n'est pas tellement le fond de la politique menée par le département, mais plutôt la manière: on invoque le covid-19 pour justifier la pose à la hâte de pistes cyclables; on invoque la lutte contre le bruit pour justifier la limitation à 30 km/h. (Remarque.) Mais nous aimerions, Monsieur le chef de département, que vous ayez au moins le courage de nous dire: «Nous ne voulons pas de voitures au centre-ville !»

Une voix. Ouais !

M. Murat-Julian Alder. Nous voulons que vous ayez le courage de nous dire: «Nous menons une politique anti-voitures assumée !»

Des voix. Ouais !

M. Murat-Julian Alder. Comme la gauche, d'ailleurs !

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Commentaires.) Monsieur Cruchon ! Est-ce que vous pouvez vous tenir un petit peu tranquille, s'il vous plaît ? (Remarque.)

Une voix. Mais il applaudit le... (Commentaires.)

Le président. Monsieur Burgermeister, de même !

Une voix. Y a rien à applaudir ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Murat-Julian Alder, continuez.

M. Murat-Julian Alder. Merci beaucoup, Monsieur le président. Au fond, le problème est là: on mène une politique en violation de la volonté populaire. D'ailleurs, je m'étonne que chaque fois qu'on brandit la LMCE, on oublie que le même jour, le peuple genevois a aussi adopté, à une large majorité, le principe constitutionnel qui veut qu'on réalise une traversée du lac. (Exclamation.) Mais pour cela, absolument aucun effort n'est déployé ! C'est donc une interprétation tout à fait sélective de notre constitution et de la volonté populaire. C'est ce que nous déplorons et c'est la raison pour laquelle nous allons voter contre cette politique publique. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Déjà ? (L'oratrice rit. Rires.) Bonjour ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'essayais de prendre des notes et de rebondir sur tout ce qui a été dit plus tôt, tant c'est scandaleux ! (Exclamations.) Evidemment, c'est le classique, de sortir la constitution et d'invoquer l'article du libre choix du mode de transport. Nous, nous allons évidemment sortir l'article 19 de la constitution, qui consacre le droit à un environnement sain pour toute la population.

Il est intéressant de relever que la mise en oeuvre - enfin ! - de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, la LMCE, et celle de la stratégie de vitesse, avec notamment la limitation à 30 km/h, font partie des projets prioritaires 2021 du Conseil d'Etat et sont au coeur de ses préoccupations, via sa feuille de route. La large consultation effectuée auprès de la société civile et des communes met en lumière la nécessité de diminuer la vitesse des transports individuels motorisés pour lutter contre les nuisances sonores, dont souffre une bonne partie de la population. Oui, 60%, c'est le pourcentage de la population genevoise souffrant de l'excès de bruit. Rien qu'en ville, 65 km de rues au bord desquelles 80 000 personnes habitent dépassent les valeurs limites définies par les plans OPair et OPB. C'est donc une mesure avantageuse et nécessaire, pour des questions de santé publique, de sécurité, de qualité de vie, mais aussi de pollution.

Il faut noter également qu'en 2021, le plan climat cantonal renforcé a été présenté et que la diminution de 40% du trafic des transports individuels motorisés d'ici 2030 fait partie de ses 41 mesures. Pour atteindre cet objectif ambitieux, mais tellement urgent et nécessaire, il faut modifier les comportements individuels et collectifs en incitant les entreprises à mettre en oeuvre de véritables plans de mobilité, en mettant en place une politique de stationnement qui incite au transfert modal, en améliorant la vitesse commerciale des transports publics, en sécurisant les pistes cyclables - ce qui n'est toujours pas fait. A ce sujet, un des axes prioritaires, à savoir la mise en service du «U» lacustre, est une phase importante pour la mobilité douce, marche ou vélo.

Néanmoins, il reste des points noirs: comme l'a illustré une magnifique vidéo de l'association actif-trafiC, utiliser le «U» lacustre ne prend pas le même temps dans un sens que dans l'autre; dans un sens, il est quatre fois plus long et coupe sept fois les voies de circulation. Par ailleurs, il subsiste aussi des zones mixtes où piétons et vélos se croisent et s'évitent, et cela reste dangereux. Il y a donc encore des améliorations à apporter.

On peut enfin saluer la performance du Léman Express et sa forte attractivité, qui répond réellement aux besoins de la population. Aujourd'hui, il s'agit quand même d'améliorer les infrastructures de certaines gares CEVA, qui restent malheureusement peu accessibles aux personnes en situation de handicap, cela a été relevé notamment par l'association ATE qui a dressé un bilan des gares CEVA. La signalétique et les aménagements doivent être améliorés.

Enfin, un des axes prioritaires de cette politique publique est la moyenne ceinture, pour permettre un trafic rapide et fluide. Alors ce n'est pas forcément du goût des Vertes et des Verts, puisque cela incite certains automobilistes à encore et toujours utiliser leur voiture pour des raisons de facilité et non pas de nécessité. Cette moyenne ceinture tourne autour de l'hypercentre, et c'est ça, le problème: il y a des quartiers denses, une population importante et beaucoup de risques. J'invoque donc à nouveau l'article 19 de la constitution, pour toutes ces populations qui habitent autour de la moyenne ceinture.

Je pense que la politique publique M va dans la bonne direction, nous la soutiendrons, mais elle peut encore aller plus loin avec un 30 km/h partout en milieu urbain et de jour ! Merci.

M. Souheil Sayegh (PDC). Chers collègues, je crois que c'est à moi de terminer ! Pour Le Centre, c'est le moment de nous féliciter encore du maintien, malgré le déficit financier - on le verra tout à l'heure -, de l'offre des transports publics... (Remarque.) ...pendant cette crise, ce qui a permis aux gens de continuer à se déplacer et de laisser leur véhicule, pour le plaisir de toutes et de tous. On se félicite également du succès grandissant du Léman Express, qui a permis d'absorber, là encore, de nombreux voyageurs.

Qu'il soit ici permis au Centre de rendre hommage à la politique ambitieuse et avant-gardiste de notre magistrat, même s'il a été un peu chahuté, y compris au sein de son parti. Cette politique pro-économie, cherchant à diminuer le transport individuel motorisé au bénéfice des entreprises, est cohérente. Elle permet aussi de rendre nos routes plus sûres pour les deux-roues, le problème des trottinettes devant cependant être résolu: nous ne pouvons en effet pas laisser des piétons à deux roues - parce que c'est ce que sont les trottinettes ! - portant des écouteurs et tapotant sur leur téléphone occuper la chaussée. Autant de prétendants malheureux au prix Darwin. Il est de notre devoir de prévenir ce problème.

Le département doit cependant garder à l'esprit que tout le monde ne peut laisser son véhicule au bénéfice des transports en commun ou du vélo, que ce soit pour des raisons médicales, familiales, horaires ou simplement de la proximité des arrêts. Il suffit de voir aujourd'hui, avec la météo que nous avons, malgré ce que nous pouvons entendre parfois en commission: les vélos ont été laissés à la maison et les gens ont pris les transports en commun ou leur véhicule. (Commentaires.) On l'a constaté ! Il est également important de veiller au maintien des pénétrantes et de la ceinture urbaine. Nous ne pouvons pas rester dans les interdits. Nous devons aussi offrir des solutions alternatives aux voyageurs en voiture.

De nombreux défis attendent encore le canton - je pense aux rues limitées à 30 km/h, à la lutte contre le bruit, à l'aéroport, à la gare CFF. L'impulsion donnée par le magistrat centriste va dans le bon sens; c'est pour cette raison que le futur ex-PDC, Le Centre, soutiendra cette politique publique. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Sormanni, il vous reste vingt-six secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Je me dépêche, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas d'accord avec cette application totalement excessive de la LMCE, et je ne vois pas en quoi cette politique favorise les entreprises. J'entends des aberrations ! Les entreprises ne peuvent plus circuler en ville, elles ne peuvent plus effectuer leurs livraisons, elles ne peuvent plus travailler en ville et s'arrêter. Nous condamnons donc cette façon de faire ! (Commentaires.)

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, il faut peut-être rappeler quand même deux ou trois principes assez fondamentaux et quelques réalités. Nous faisons face à une urgence climatique reconnue... (Exclamations.)

Une voix. Y en a marre !

Mme Caroline Marti. Manifestement contestée par le MCG, mais enfin ! Il s'agit quand même d'une vérité scientifique ! ...et à un certain nombre d'engagements pris par notre...

Une voix. On va sauver la planète à Genève, t'as raison !

Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît ! Laissez parler la rapporteure de majorité !

Une voix. Ouais ouais ! (Remarque.)

Mme Caroline Marti. Merci. ...un certain nombre d'engagements pris tant par la Suisse que par le canton de Genève, notamment la signature des accords de Paris, ainsi qu'un plan climat cantonal 2030, respectivement 2050, extrêmement ambitieux, notamment en matière de mobilité, avec un objectif de réduction de 40% des déplacements en véhicules motorisés. Cela nécessite évidemment de mettre en place une politique très ambitieuse de report modal et de favoriser de manière très importante des modes de transport qui soient doux ou dans tous les cas respectueux de l'environnement, comme les transports publics. On doit mettre cela en place extrêmement rapidement pour pouvoir répondre à ces objectifs et à ces impératifs, qui sont liés d'ailleurs à une autre réalité, à savoir les changements d'habitudes en matière de déplacements et de modes de transport: aujourd'hui, plus de 40% des ménages en ville de Genève n'ont pas de voiture. Ce pourcentage est un peu plus faible en périphérie, mais en constante augmentation depuis ces dernières années.

On constate donc véritablement que la population est beaucoup plus progressiste que les partis de droite de ce Grand Conseil s'agissant de la mobilité - une population qui attend aussi une redistribution de l'espace en faveur des modes de transport qu'elle utilise quotidiennement: la marche, le vélo et les transports publics. Il est grand temps maintenant que les partis de droite de ce Grand Conseil sortent de leur vision complètement passéiste d'une mobilité carbonée. J'ai de la peine à comprendre les réticences qui sont les leurs, étant donné que c'est une politique qui est basée non seulement sur le bon sens, mais aussi sur la réalité que l'on vit aujourd'hui.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la rapporteuse de majorité vient d'utiliser un terme que je m'apprêtais à utiliser moi-même: le bon sens. On constate que la politique publique que nous menons, que j'essaie de mener depuis maintenant quatre ans dans ce département de la mobilité, continue, hélas - mais peut-être est-ce l'approche des échéances électorales -, d'être abordée avec beaucoup de passion et d'idéologie... (Remarque.) ...ainsi qu'avec beaucoup d'éléments assez pernicieux et difficiles à comprendre. C'est le bon sens qui doit primer, Mesdames et Messieurs !

J'ai toujours dit que la politique que j'entendais mener était calée sur la volonté populaire. A ce titre, merci à M. Ivanov d'avoir rappelé qu'effectivement, en juin 2016 - non, c'est M. Alder qui l'a fait, mais M. Ivanov a évoqué un autre point lié à ce sujet -, lorsque le peuple a accepté à 68% la LMCE, qui était présentée à l'époque comme la concrétisation de la paix des transports, le même week-end, il a également accepté l'inscription dans la constitution de la traversée du lac, avec le même pourcentage je crois, à quelques fractions près. Et merci à M. Ivanov d'avoir relevé que le Conseil d'Etat a fait le job et que, pour la première fois, cet ouvrage est inscrit dans la planification fédérale. On a réalisé un énorme travail pour ce faire. Maintenant, bien entendu, c'est une affaire fédérale, puisque, comme le peuple l'a voulu, il s'agit d'un contournement autoroutier.

Concernant la LMCE, Mesdames et Messieurs, je ne sais pas, je ne veux pas être désagréable, mais je voudrais quand même inviter certains d'entre vous à y plonger le regard ne serait-ce qu'un seul instant et à lire ce qui y figure ! C'est quand même incroyable de prétendre que cette loi ne serait pas appliquée de manière correcte ! Elle est appliquée de manière correcte ! Alors il y a certes, devant les tribunaux, des contestations, on verra bien à quoi cela aboutira, mais nous sommes absolument convaincus - et la feuille de route que nous avons mise en place vient le confirmer de manière concrète - que la politique appliquée est conforme à la volonté populaire et conforme à la loi; il n'y a absolument pas l'ombre d'un doute à ce sujet.

Je ferai une remarque sur des affirmations que j'entends assez souvent - un peu trop souvent à mon goût, mais enfin, on est en démocratie et chacun peut s'exprimer - et qui consistent à dire: «Nous sommes d'accord avec la politique, mais pas comme ça !» Alors ça, c'est l'argument vraiment incroyable, qui doit évidemment mettre tout le monde d'accord ! Mais alors comment faudrait-il faire finalement, si ce n'est pas comme ça ?

Une voix. Consulter !

M. Serge Dal Busco.  Consulter ? Eh bien, figurez-vous qu'à mon arrivée dans ce département, j'ai demandé où en étaient les dossiers en question. Tous - les vingt premiers, les trente premiers - étaient devant les instances judiciaires, avec des procédures qui durent entre un an, si tout va bien, et trois ans, si cela va comme d'habitude. Il faut donc avancer ! Il y a un certain nombre d'attentes, me semble-t-il, et ce n'est pas en procédant de la sorte, en tout cas en se retrouvant systématiquement devant les tribunaux - une spécialité cantonale, surtout en matière de mobilité -, qu'on arrive à avancer. Et donc, effectivement, lorsque l'occasion s'en présente et lorsque la nécessité s'en fait sentir, on avance, en restant par ailleurs dans le cadre légal, qui est tout à fait respecté. Par conséquent, franchement, à un moment donné, ceux qui invoquent cet argument à tort et à travers devront prendre leurs responsabilités, parce que, lorsqu'ils nous disent qu'il ne faut pas agir de cette manière-là alors qu'ils sont d'accord avec la politique menée, ils devront bien nous indiquer - et on aimerait bien les entendre - comment il faut faire, concrètement.

Par ailleurs - merci à M. Sayegh de l'avoir rappelé -, la politique que nous menons n'est pas seulement au bénéfice de la population - et particulièrement des 120 000 Genevoises et Genevois qui souffrent du non-respect des normes fédérales en matière de bruit -, mais également au bénéfice des entreprises.

Une voix. Ah bon ?

M. Serge Dal Busco. Lorsqu'il y a un ralentissement - un feu rouge ou autre - sur la route, effectuez vous-mêmes ce petit calcul et regardez combien de véhicules sont des véhicules professionnels dans ledit ralentissement: en général, c'est 20%, au maximum. Cela signifie que 80% des véhicules qui empêchent les autres d'avancer ne sont pas des véhicules professionnels, mais sont dans la plupart des cas des voitures, toutes plaques d'immatriculation confondues d'ailleurs, occupées par une seule personne, et c'est ça, Mesdames et Messieurs, qui entrave...

Une voix. Pendulaires ! (Commentaires.)

M. Serge Dal Busco. ...qui entrave... (Remarque.) ...la progression et la fluidité des transports pour les entreprises, rien d'autre ! C'est la raison pour laquelle nous nous employons à offrir des alternatives qui soient crédibles en matière de transports publics et de mobilité individuelle plus respectueuse, douce en particulier. Certaines personnes ne monteront jamais dans des transports publics, que ce soit un train, un bus ou un tram, mais elles prendront un véhicule individuel, et en l'occurrence, elles pourraient très bien prendre - pas toutes, bien sûr ! - un vélo, pour lequel on développe effectivement une politique ambitieuse. Et si on arrive à soustraire de ces huit voitures sur dix, qui sont occupées par une seule personne en général, peut-être deux ou trois véhicules, en faisant en sorte que ces personnes se déplacent autrement, vous comprendrez aisément, si vous ne faites pas de l'idéologie exagérée... (Remarque.) ...qu'on fluidifiera le trafic et qu'on permettra aux entreprises qui y sont coincées d'avancer et de ne pas perdre de l'argent. Cela paraît empreint de bon sens... (Remarque.) ...et je m'étonne vraiment qu'on n'arrive pas à admettre cette réalité.

Je dirai quelques mots sur les transports en commun. Merci à ce parlement d'avoir voté des fonds très importants, qui permettent de pallier le manque de recettes des Transports publics genevois. La fréquentation est aujourd'hui de l'ordre de 92% à 93% de ce qu'elle était avant la crise sanitaire. Ce score est tout à fait honorable. Il est même dans la fourchette haute des transports urbains en Suisse: ailleurs, on se situe en dessous de ces chiffres-là. On voit du reste que, s'agissant de l'offre ferroviaire, le succès est au rendez-vous pour le Léman Express, il est même plus qu'au rendez-vous. Je pense par ailleurs - j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant ce parlement - que nous aurons à gérer le succès: à certains moments de la journée, les véhicules sont extrêmement fréquentés. C'est à la fois réjouissant et un peu inquiétant, parce qu'il faut évidemment s'atteler à la suite.

Les projets du Conseil d'Etat, vous les connaissez, c'est d'étendre le réseau RER, précisément pour atteindre les objectifs climatiques qui sont les nôtres. A ce titre, oui, on le dit sans ambages - M. Alder nous a reproché de ne pas être ouverts et transparents sur la volonté du Conseil d'Etat: oui, nous devons, si nous voulons atteindre les objectifs climatiques, réduire de 40% d'ici 2030 le trafic individuel motorisé ! (Commentaires.) On ne fait pas ça en catimini ! On ne fait pas ça nuitamment ! On l'annonce clairement ! On l'annonce clairement ! Et tout cela en visant une électrification, en tout cas une décarbonation du parc de véhicules à moteur à explosion de 40% d'ici 2030, et je suis bien d'accord avec le fait que cet objectif peut avoir des conséquences négatives, notamment s'agissant de la production de ces véhicules électriques, qui ne sont pas neutres du point de vue des émissions de CO2, comme cela a été rappelé par plusieurs d'entre vous. Les choses sont donc claires, on n'agit pas en secret ou de manière non ouverte. C'est un objectif d'ailleurs inscrit dans le plan climat et qui correspond aux engagements du canton et de notre pays. On doit donc aller dans cette direction. (Commentaires.)

J'ajouterai quelques mots encore pour conclure, Monsieur le président, au sujet du trafic aux frontières. On nous ressasse toujours ces histoires, et c'est juste, de trafic parasite - parasite dans le sens où il ne devrait pas passer sur ces voies-là, évidemment pas dans le sens des plaques d'immatriculation ! Nous avons mis en place - cela a d'ailleurs été initié par mon prédécesseur, début 2018 - une convention avec les partenaires français pour limiter le trafic à travers les petites douanes du sud du canton. Celle-ci est appliquée; on a mis en place des moyens de contrôle physiques, avec des feux qui laissent passer le trafic autorisé par cette convention, c'est-à-dire 50% de ce qu'il était en 2018. (Remarque.) Nous menons une démarche analogue sur l'ensemble des petites douanes du canton. Nous travaillons donc de manière très forte dans ce domaine.

Je vous disais que l'objectif du Conseil d'Etat est d'investir massivement dans les transports publics et notamment dans le transport ferroviaire, avec l'extension du RER. Eh bien, le Conseil fédéral a mis en consultation il y a trois jours le rapport sur le programme en lien avec les transports publics et sur la perspective «RAIL 2050»; or, dans le rapport en question - qui sera soumis au Parlement fédéral l'année prochaine - figure maintenant expressément la gare souterraine de Genève, qui est totalement reconfigurée, totalement reconfigurée ! Une fois les travaux terminés - ils démarreront en 2024 et s'achèveront au début des années 2030 et représentent un chantier de près de 2 milliards -, grâce à la capacité qui sera la sienne, cette gare pourra assurer une offre suffisante jusqu'à 2060 et au-delà. Cela nous permettra précisément d'étendre le réseau RER, notamment avec le projet de liaison diamétrale. Ce fut un exercice de longue haleine - en coulisse, celui-là -, avec un important travail de lobbying et de conviction auprès des services fédéraux, et je suis pour ma part extrêmement content que nous soyons parvenus à ce résultat, parce qu'il nous permet d'envisager l'avenir, notamment s'agissant du développement du réseau ferroviaire à Genève, avec beaucoup de sérénité.

Voilà, Mesdames et Messieurs, mon intervention était à l'image de la politique de la mobilité et de la mobilité en général: de différentes teintes et touchant à de nombreuses thématiques, que j'ai évoquées en réponse à certaines de vos interrogations. Je vous invite évidemment à soutenir cette politique publique. Ce n'est pas facile, c'est un combat quotidien, permanent. Ce n'est pas simple, mais on va y arriver. Encore faut-il être soutenu ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la politique publique M «Mobilité» est rejetée par 43 non contre 39 oui et 1 abstention.

A - AUTORITÉS ET GOUVERNANCE

Le président. Nous abordons la politique publique A «Autorités et gouvernance». La parole n'est pas sollicitée, je lance immédiatement le scrutin.

Mise aux voix, la politique publique A «Autorités et gouvernance» est adoptée par 47 oui contre 7 non et 27 abstentions.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article unique.

Troisième débat

Le président. Pour terminer, j'ouvre le troisième débat. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) A qui puis-je passer la parole ? Personne ne souhaite intervenir ? (Remarque.) Allez-y, Monsieur Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche refusera le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Nous avons pu constater, tout au long de la journée d'hier ainsi qu'aujourd'hui, à quel point le gouvernement - et quelle que soit la majorité en son sein, puisqu'elle a varié au cours de l'année 2021 - a été et continue à être le gouvernement des plus nantis de ce canton, le gouvernement des grosses entreprises, le gouvernement de celles et ceux qui se gavent sur le dos du reste de la population.

Le résultat, c'est celui qu'on observe dans les comptes 2021, c'est-à-dire un accroissement continu et spectaculaire des fortunes, les plus grandes en tête, alors que la précarité poursuit son développement. Je rappelle encore une fois, Mesdames et Messieurs, que le canton de Genève est le plus inégalitaire de Suisse, celui où la moitié de la richesse est détenue par les personnes pesant dix millions et davantage, mais aussi l'un de ceux où la pauvreté est la plus répandue.

Ce n'est ni un hasard ni une coïncidence. L'idée que les immenses fortunes bénéficient au plus grand nombre est un leurre, c'est évidemment de la poudre aux yeux. En réalité, ce que fait le Conseil d'Etat, ce que fait la majorité de ce Grand Conseil, c'est construire un canton et une ville pour les plus aisés dans lesquels une grande partie des citoyennes et citoyens peinent de plus en plus à se loger.

Ce qui ressort également des comptes 2021, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'exécutif avait les moyens de répondre à l'urgence sociale de manière beaucoup plus convaincante, d'abord pour les gens qui avaient perdu tout ou partie de leurs revenus, ensuite pour celles et ceux - les indépendants, par exemple - qui rencontraient des difficultés considérables en lien avec la crise. Or il a préféré servir en priorité les grandes entreprises, les cadres et fonctions dirigeantes au sein de celles-ci, bien avant les personnes qui avaient tout perdu.

Mais le Conseil d'Etat avait aussi la possibilité d'agir face à l'urgence climatique, on le voit. Mesdames et Messieurs, le canton de Genève a les moyens d'une autre politique, en particulier sur les fronts social et environnemental. Notre gouvernement a fait le choix politique, en pleine pandémie et au moment où les problèmes climatiques sont plus apparents que jamais, de maintenir le cap sans la moindre variation alors même que nous affrontions une situation de crise et alors même que la majorité avait changé. Enfin, sur le plan sanitaire, il n'a tiré aucun enseignement du covid, puisque rien n'a été entrepris pour renforcer les soins publics.

Mesdames et Messieurs, pour toutes ces très bonnes raisons, le groupe Ensemble à Gauche rejettera le rapport de gestion de ce Conseil d'Etat des riches. Nous réclamons à l'avenir des mesures beaucoup plus fortes pour aider la grande majorité de la population, les salariés, les locataires, celles et ceux pour qui on n'a rien fait depuis le début de la crise.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jacques Blondin (PDC). Je ne vais pas répéter ce qui a été indiqué lors du premier débat. 2021 a été une année exceptionnelle, les résultats sont inattendus, mais bienvenus, et il faut le saluer. Comme cela a été souligné hier, la crise du covid n'est peut-être pas définitivement terminée, mais je crois que tout ce qui devait être accompli en 2021 l'a été, et on ne peut que se satisfaire du dénouement.

Cela étant, nous sommes à nouveau dans une période de très grande incertitude aujourd'hui, peut-être même encore plus que durant la pandémie. Bien sûr, les problèmes ne sont pas identiques, mais il y a tout de même une guerre en Ukraine et, partant, une forte instabilité économique, sans parler d'un retour de l'inflation absolument incroyable qui va nous perturber.

Au-delà des comptes 2021, il est important que l'Etat fasse tout ce qui est en son pouvoir pour qu'à Genève, les conditions-cadres à tous les niveaux, que ce soit pour les travailleurs ou les entreprises, soient assurées. En effet, il ne faudrait en aucun cas que la machine s'enraie - cela n'a pas eu lieu en 2021 - et que l'économie freine, car cela pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la population et les finances publiques. Bien évidemment, le parti démocrate-chrétien - Le Centre acceptera ce projet de loi. Merci.

M. Stéphane Florey (UDC). Les années se suivent et se ressemblent, et on arrive quasiment toujours à la même situation, à savoir que le Conseil d'Etat nous indique vouloir faire des efforts, mettre un certain nombre de politiques en place, mais se repose finalement sur ses lauriers en attendant chaque année un miracle pour avoir des comptes plus que positifs: des rentrées exceptionnelles, le décès d'un forfaitaire qui vient compléter ces superbénéfices, la BNS qui nous rend des millions. Ainsi, le gouvernement n'entreprend aucune des réformes structurelles que nous réclamons depuis des lustres. C'est fort regrettable et c'est en partie ce qui fait que nous refuserons le rapport de gestion.

Par contre, l'UDC tient à remercier - bon, outre l'administration qui en définitive accomplit son travail et fait ce qu'on lui demande, fort heureusement - toutes les entreprises et les grosses fortunes établies à Genève qui garantissent notre prospérité en versant des impôts, ce qui permet aux plus défavorisés de ne pas en payer. Il faut quand même le dire ! Au final, ce sont elles qui font tourner la machine, qui font que notre canton en est là aujourd'hui. Il faut vraiment le souligner et le rappeler de temps en temps, n'en déplaise à certains ici qui rêveraient de les ponctionner encore un peu plus au risque de les voir quitter définitivement notre territoire. Voilà ce que je tenais à relever. Comme je l'ai signalé, nous rejetterons ce rapport de gestion. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste acceptera naturellement ce rapport de gestion. En effet, l'année 2021 a été extrêmement difficile et on ne peut pas prétendre que l'Etat a mal géré la crise. A cet égard, nous tenons à relever l'engagement de tous les fonctionnaires pour pallier les difficultés que la pandémie a engendrées dans notre canton.

Cela étant, on ne peut pas non plus dire que la gestion du gouvernement est exemplaire. Il y a des problèmes, il y en a toujours, mais enfin, eu égard à 2021, on ne peut qu'adopter ce projet de loi.

Au cours des débats qui viennent d'avoir lieu, la question fiscale a pris passablement de place. On a entendu dire qu'il faut procéder à des baisses fiscales. Mais, Mesdames et Messieurs, cela peut avoir de graves conséquences ! Le PLR parle toujours de réduire la fiscalité, il s'attaque à la fonction publique en cherchant à restreindre le nombre de postes. Or l'impôt est fondamentalement un outil de redistribution de la richesse, donc diminuer l'imposition, c'est créer des inégalités: moins de ressources, c'est moins de moyens à disposition pour lutter contre les disparités. Franchement, je le dis à mes collègues, arrêtez de voir dans les baisses fiscales un moyen pour contenir l'Etat, il faut penser que sans redistribution de la richesse, l'économie rencontrera des problèmes.

Ensuite, on a mentionné le rapport BAK, M. Zweifel le cite toujours comme référence, mais au-delà des éléments idéologiques qu'il puise dans ce rapport, il y a des réalités incontournables dans ce canton: les inégalités sociales augmentent - ce n'est pas moi qui le soutiens, mais plusieurs rapports qui le démontrent -, de plus en plus de personnes peinent à se loger en fonction de leurs revenus, toujours davantage de gens vivent dans des conditions précaires, et cela implique qu'il faut prendre en charge ces situations, qu'il faut plus de revenus pour répondre aux besoins. C'est notre politique qui l'impose.

Enfin, je souhaiterais souligner un dernier élément. Dans son rapport de minorité, M. Zweifel indique que les membres de la gauche se comportent comme des larbins du Cartel... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Eh bien sachez, Monsieur, que je préfère être le larbin du Cartel que celui des grands groupes financiers, il n'y a pas de problème...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Je dois conclure, d'accord. Bon, alors je termine en disant que quand notre ministre évoque la bienveillance des nantis... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. C'est terminé, merci.

Une voix. Bonne nuit ! (Rires.)

Le président. Je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, alors qu'on s'attendait à un déficit de plusieurs centaines de millions, les comptes 2021 sont excédentaires de presque 50 millions. Des recettes extraordinaires qui tombent précisément quand les besoins de la population en prestations sont de plus en plus criants. En effet, les inégalités sociales augmentent. Ces revenus incroyables arrivent alors que le budget a été refusé, alors que le Conseil d'Etat vient quémander des crédits supplémentaires auprès de la commission des finances.

Nous faisons face à d'importantes difficultés: augmentation de la précarité, crise sanitaire, sociale, économique, climatique. Les comptes 2021 nous prouvent qu'il est aujourd'hui indispensable d'investir dans la transition énergétique et écologique, par exemple en matière de formation et d'accompagnement des entreprises et des employés, mais également de rénovation énergétique des bâtiments. La fonction publique, elle aussi, doit être renforcée pour être à la hauteur des enjeux qui attendent notre canton, que ce soit dans la formation, la santé, le soutien social ou encore la mobilité.

Délivrer de bonnes prestations, c'est investir dans la qualité, c'est faire preuve de confiance, c'est s'engager dans la transition et le soutien à l'économie locale, ne pas succomber aux sirènes alarmistes des partis de droite qui, dans un contexte de crise ukrainienne, brandissent la menace de l'inflation et du frein de l'économie. Nous devons nous montrer prudents, certes, nous devons être conscients des éventuelles conséquences, mais les moyens existent et il faut désormais les utiliser à bon escient, c'est-à-dire en faveur de la population et pour surmonter l'urgence climatique et sociale. Les Vertes et les Verts voteront les comptes 2021 et accepteront le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Merci.

M. François Baertschi (MCG). La crise sanitaire que nous avons traversée l'année dernière était sans précédent, près d'un milliard de francs ont été dépensés en faveur de la population; une somme considérable. Malgré tout, les comptes sont équilibrés. Il y a quelque chose de l'ordre de l'exploit dans ce qui a été réalisé. A cet égard, je tiens à souligner le rôle du magistrat et président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, qui a accompli une véritable prouesse s'agissant de la gestion de la politique sanitaire et également de celle des indemnités RHT, lesquelles ont été cruciales pour les travailleurs et les employés genevois.

Le groupe MCG votera ces comptes - je dois même dire: les votera avec enthousiasme et en exprimant ses félicitations ! Cependant, il y a tout de même des nuages dans ce ciel d'un bleu éclatant, des nuages essentiellement dus à certaines idéologies qui polluent le fonctionnement de l'Etat. De fait, des erreurs ont été et sont commises qui risquent malheureusement de perdurer, et nous appelons à la fin de celles-ci; on les trouve notamment, comme nous l'avons indiqué lors des débats, dans les domaines de l'emploi, du logement et de la mobilité.

En somme, les préoccupations des habitants de ce canton sont insuffisamment prises en compte. A l'avenir, nous devons véritablement avoir une Genève au service des citoyens, c'est ce que le groupe MCG appelle de ses voeux.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe PLR, d'adresser des remerciements, d'une part à notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet qui tient tant bien que mal la caisse cantonale, et je sais combien cela peut se révéler difficile ces temps-ci, d'autre part à l'ensemble de l'administration, notamment au département des finances, mais aussi à tous les autres départements qui sont venus à la commission des finances nous apporter des documents, des éclaircissements, des réponses à nos questions et qui, par ce biais, nous permettent de remplir notre rôle, à savoir, en tant qu'autorité de haute surveillance du Conseil d'Etat et de l'administration, vérifier les comptes.

Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, et vous l'aurez compris à l'issue des débats, suite à des études limpides, à des chiffres éloquents - nous en avons reçu beaucoup - et à un rapport BAK édifiant mais éclairant, n'en déplaise à M. Velasco, la minorité ne peut que s'inquiéter de la gestion du gouvernement, pas forcément durant la seule année 2021, d'ailleurs, en tout cas pas en ce qui concerne sa partie extraordinaire liée à la crise sanitaire, sociale et économique que nous avons connue, mais également celle des années précédentes, et nous sommes encore plus préoccupés au vu de ce qui va arriver.

En effet, en dépit de ce que soutient Mme de Chastonay, nous ne pouvons pas faire fi de la crise qui pointe son nez à l'est de notre continent et qui aura évidemment des répercussions, notamment sur les entreprises qui contribuent le plus aux finances publiques. Tout cela, Mesdames et Messieurs, parce qu'il n'y a pas de prise de conscience du Conseil d'Etat ni des représentants de la gauche, lesquels continuent à avancer dans la nuit idéologique qui embrume leur réflexion.

C'est ce même aveuglement idéologique qui conduit la gauche genevoise à poursuivre ses vociférations contre la RFFA, son «líder mínimo» local en tête, alors que les comptes 2021 soulignent l'importance de celle-ci, mais aussi des réformes fiscales que nous avons entreprises les années précédentes, qui nous ont permis de garder chez nous des sociétés à forte valeur ajoutée remplissant les caisses de l'Etat. Cette réforme a été absorbée en deux ans seulement au lieu des huit initialement prévus. Voilà, Mesdames et Messieurs, la stricte réalité comptable, mathématique et logique.

M. Velasco indiquait tout à l'heure que l'impôt est un outil de redistribution de la richesse; il a raison. Sauf qu'avant de redistribuer la richesse, il faut d'abord en créer et au minimum garder celle qui existe ici. C'est pourquoi la fiscalité constitue également un outil de promotion économique. C'est dans cette optique que le PLR et d'autres groupes proposent des baisses d'impôts ciblées et intelligentes, précisément pour que nous conservions ici notre substance fiscale et que nous améliorions notre promotion économique. C'est ce qui s'est passé lors de cette crise, et les résultats de la RFFA le démontrent, n'en déplaise à ceux qui avancent des arguments basés sur aucun chiffre, absolument aucun chiffre pour étayer leurs propos.

Certains ont décrété il y a longtemps déjà une urgence climatique, et si tout le monde est d'accord, à gauche comme à droite et apparemment aussi ailleurs, de réaliser le nécessaire pour préserver notre environnement, il y a également aujourd'hui une urgence budgétaire et financière. Et c'est parce que ni le Conseil d'Etat ni la majorité de gauche pro fonction publique ne veulent l'accepter qu'il est impossible à la minorité responsable et raisonnable de la commission des finances de valider une gestion qui nous conduit droit dans le mur des réalités économiques et financières. Pour notre part, nous souhaitons une gestion triple R de l'Etat: triple R pour rigoureuse, raisonnable et responsable.

Les comptes 2021 montrent que notre fiscalité est moins attractive et plus vorace que dans l'intégralité des autres cantons de notre pays. Cet argent prélevé en trop dans les poches des Genevoises et des Genevois doit aujourd'hui leur être rendu. Après avoir diminué intelligemment - les résultats le prouvent - l'imposition des personnes morales, il est temps maintenant de réduire celle des personnes physiques. Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons également face à une urgence fiscale, et le groupe PLR - avec d'autres, j'en suis certain - s'y attaquera.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission des finances vous invite à refuser ce projet de loi et à remettre notre Conseil d'Etat sur le droit chemin d'une saine gestion des deniers publics. (Applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien sûr se réjouir des résultats financiers présentés dans le cadre de ces comptes eu égard à l'important déficit prévu lors du budget. Au final, ceux-ci sont positifs, il y a un écart extrêmement important entre les deux. Il faut également remercier, et cela a été fait à plusieurs reprises au cours du débat, les collaboratrices et collaborateurs des services publics sans qui la mission de l'Etat n'aurait pas pu être accomplie de façon optimale lors de cette année particulière.

Mais n'oublions pas que des défis absolument immenses se dressent devant nous. On a mentionné de nombreuses fois l'ensemble des enjeux liés à l'urgence climatique, qui nous impose d'apporter des réponses et de prendre des mesures, que ce soit au niveau du fonctionnement de l'Etat ou encore des investissements. Naturellement, il y a aussi la crise sociale: nous devons combattre avec véhémence la précarité galopante que nous connaissons, laquelle a été exacerbée par la situation sanitaire et économique que nous avons traversée, mais également l'accroissement des inégalités.

En tant que rapporteure de majorité, je souhaiterais tirer la sonnette d'alerte quant aux risques d'un problème que nous pourrions rencontrer ces prochaines années, à savoir l'effet de rattrapage. Pendant les années covid, un certain nombre de prestations n'ont pas été délivrées, des décisions ont été reportées. Les difficultés sociales peuvent ainsi se différer dans le temps, et nous devrons nous montrer particulièrement attentifs et consentir les efforts budgétaires nécessaires afin d'y faire face.

Un dernier constat s'impose à nous aujourd'hui. Le budget se base, et c'est son essence, sur des prévisions, mais celles-ci sont relativement aléatoires et fluctuantes. En revanche, une tendance très nette se dessine depuis quasiment dix ans: les résultats des comptes sont toujours meilleurs que ce qui avait été prévu au budget. De fait, le dogme de l'équilibre budgétaire souvent martelé dans ce parlement n'a pas de sens, de même que cela n'a pas de sens de faire de la charcuterie, comme c'est parfois le cas au moment du budget, quand on s'écharpe sur quelques centaines de milliers de francs alors qu'au final, on se retrouve avec un écart de plusieurs centaines de millions entre le budget et les comptes. Maintenant, notre priorité doit être d'élaborer un budget à la hauteur des besoins et des enjeux pour ne pas laisser tomber la population dans cette période critique.

Enfin, Monsieur le président, j'espère que vous m'octroierez encore quelques secondes pour remercier, en tant que rapporteure de majorité de la commission des finances, Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet et les membres de ses services, en particulier MM. Fiumelli et Beun, mais aussi l'ensemble des conseillères et conseillers d'Etat ainsi que leurs services, notamment financiers, pour l'ensemble des éléments qu'ils nous ont apportés; les informations et réponses aux questions des commissaires ont été transmises avec énormément de rigueur et de précision. Je salue également le président de la commission des finances, M. Béné, son secrétaire scientifique, M. Raphaël Audria, de même que M. Gérard Riedi, procès-verbaliste fidèle de cette commission; qu'ils soient ici toutes et tous remerciés. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. M. Zweifel nous explique avec l'application d'un expert-comptable qu'on lui connaît bien que tout cela manque de chiffres et que dans le fond, ce que je dis ne serait que vocifération. En réalité, l'entier de son raisonnement repose sur une erreur grossière qui, bien entendu, n'est pas une étourderie de sa part, mais de l'enfumage. Cette erreur, qui est répandue en partie dans ce parlement, peut-être même - qui sait ? - au sein du Conseil d'Etat, c'est l'idée qu'il ne faut pas trop imposer les très aisés parce qu'ils créent la richesse de ce canton.

Naturellement, c'est parfaitement faux. Personne ne peut croire que c'est la fortune qui produit la richesse. C'est l'inverse, Mesdames et Messieurs: chaque personne munie d'une once de bonne foi conviendra que c'est le travail qui génère la richesse. Or d'augmentation des salaires en 2021, il n'y en a pas eu, ou peu. Pour beaucoup, cela a été stagnation, voire baisse des revenus: pas de versement de l'annuité pour ce qui est de la fonction publique - je le rappelle, puisque c'est la responsabilité directe du Conseil d'Etat -, gel de l'indexation. Pareil dans le privé alors que les grosses entreprises ont enregistré des bénéfices record.

Mesdames et Messieurs, lorsqu'on apprend que les grandes fortunes, c'est-à-dire celles supérieures à trois millions, ont triplé durant les sept dernières années dans le canton de Genève, qui peut croire que cela signifie qu'elles ont créé davantage de richesse ? Pensez-vous vraiment que les personnes très aisées ont produit trois fois plus de richesse ces sept dernières années ? Non, Mesdames et Messieurs !

Ce qui se passe, au contraire, c'est qu'une minorité de riches captent une part toujours croissante de la richesse qui est créée par l'ensemble de la population. Ce ne sont pas les nantis qui amènent la richesse, mais ils s'approprient une part grandissante de celle qui est produite au quotidien par les travailleuses et travailleurs de ce canton.

De la même manière, le PLR et le Conseil d'Etat ne défendent pas l'entier des citoyennes et des citoyens lorsqu'ils s'opposent par exemple à l'abattement du bouclier fiscal, une mesure qui est loin de protéger toutes et tous, y compris avec des déductions sociales pour les petites fortunes, comme le prévoit l'initiative sur laquelle la population se prononcera prochainement.

En vérité, Mesdames et Messieurs, le PLR comme ce gouvernement défendent les intérêts de celles et ceux qui ont continué à s'enrichir en pleine crise. On ne peut pas confondre grosses fortunes et création de richesse, c'est de l'enfumage de la part de M. Zweifel, et je ne voudrais pas qu'une erreur aussi grossière soit commise par ce parlement et le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas laisser ce débat sur les comptes se terminer de la façon... dont il se termine... (Rires.) ...aussi suis-je contrainte d'intervenir à nouveau. J'essaie de respirer en même temps pour éviter de dire quelque chose qui lui fera redemander la parole pour avoir été mis en cause !

Mesdames et Messieurs, il faut savoir raison garder: soyons bien conscients que ce sont nos revenus fiscaux, qu'ils proviennent des personnes très fortunées, des classes moyennes ou des gens moins aisés, qui nous permettent de financer l'ensemble des politiques publiques. C'est grâce à ces recettes que nous avons pu faire face au covid en 2021, que nous avons pu octroyer des moyens supplémentaires tant aux entreprises qu'aux populations qui ont souffert de la pandémie, laquelle s'est transformée en crise sociale.

A mon sens, cracher sur les riches, comme certains le font, ne nous permettra pas d'assurer à long terme le financement de l'action publique, car que cela vous plaise ou non, nous avons à Genève un taux d'imposition extrêmement progressif qui fait que les personnes bénéficiant d'importants moyens paient beaucoup, beaucoup plus d'impôts que celles qui n'en disposent pas. Naturellement, c'est l'objectif de l'impôt que de jouer ce rôle de redistribution de façon que nous puissions précisément aider celles et ceux qui en ont besoin.

Il faut arrêter de faire peur aux contribuables fortunés ! Une certaine aile de cet hémicycle s'attaque régulièrement à eux en déposant des initiatives, lesquelles sont refusées les unes après les autres. Au contraire, nous devons attirer dans notre territoire des personnes qui sont en mesure de payer la majorité de l'impôt, ceci pour financer les politiques publiques que défend cette même minorité dont on rejette les initiatives.

Mesdames et Messieurs, de nombreux défis nous attendent dans les années à venir, en particulier s'agissant de l'attractivité de notre canton. Je pense à la réforme de l'OCDE qui vise à imposer à un même taux minimum de 15% toutes les multinationales réalisant un bénéfice de plus de 750 millions d'euros par an. Cette mesure est juste, la Suisse s'y rallie, mais elle réduira évidemment l'attrait de notre pays et de nos cantons pour une simple raison: jusqu'à présent, nous avions sur le territoire national des taux d'imposition pour les entreprises assez raisonnables, avec une compétitivité entre les différents cantons; avec ce nouveau taux, ce ne sera plus le cas.

De plus, Mesdames et Messieurs les députés, le coût de la vie et du travail est plus élevé en Suisse que dans des Etats qui nous font concurrence, donc il nous faudra trouver d'autres éléments susceptibles d'attirer ces sociétés. Je rassure celles et ceux qui verraient en moi une volonté de baisser les impôts; nous ne pourrons pas proposer une imposition plus attractive pour ces compagnies, celle-ci devra respecter le taux minimum de 15%. En revanche, il s'agira de les soutenir dans d'autres domaines, peut-être, comme cela a été évoqué, réduire la fiscalité des personnes physiques dont on sait qu'elle est très lourde dans notre canton, respectivement dans notre pays.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je me réjouis de voir que les comptes seront acceptés, tout comme le rapport de gestion. Sachez que le Conseil d'Etat met tout en oeuvre, quelle que soit la majorité en son sein, pour représenter l'entier de la population et oeuvrer au-delà des dogmes des uns et des autres. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes parvenus au terme des débats sur le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2021. C'est le moment de vous prononcer sur le projet de loi dans sa totalité.

Mise aux voix, la loi 13091 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 35 non et 1 abstention (vote nominal).

Loi 13091 Vote nominal

Le président. Nous reprendrons à 10h15. Nous poursuivrons nos travaux avec les états financiers des entités du périmètre de consolidation. Je rappelle aux membres du Bureau que nous avons une courte séance à la salle Nicolas-Bogueret.

La séance est levée à 10h.