Séance du
vendredi 3 juin 2022 à
14h
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
8e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: Mmes Anne Emery-Torracinta et Fabienne Fischer, conseillères d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Bertrand Buchs, Natacha Buffet-Desfayes, Beatriz de Candolle, Olivier Cerutti, Jennifer Conti, Diego Esteban, Adrien Genecand, Patrick Lussi, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Patrick Saudan et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: MM. Gilbert Catelain, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Jean-Charles Lathion, Jean-Pierre Pasquier et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous continuons dans notre ordre du jour et abordons la M 2429-A en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, à la lecture du rapport et des extraits de procès-verbaux que vous avez reçus concernant les cinq séances de la commission de l'économie consacrées à cet objet, d'aucuns seront peut-être amenés à penser que la suppression des trois premières invites à laquelle nous avons procédé pourrait vider cette motion de toute sa substance. Il n'en est rien, puisque ces invites étaient les moins claires, ou celles qui, juridiquement, n'étaient pas applicables. Les quatre invites restantes gardent toute leur valeur et ont permis aux commissaires de procéder à des auditions importantes afin de clarifier le débat.
Relevons que ce texte ne concerne en fait que le secteur de la construction - ce que l'on peut regretter -, seul secteur qui, en collaboration avec les syndicats, a réalisé et mis en place depuis plus de vingt ans des procédures et des structures paritaires permettant de traquer le travail au noir et la concurrence déloyale qu'il induit en favorisant la sous-enchère salariale. Il est regrettable à plus d'un titre que l'exposé des motifs n'ait mentionné que ce secteur et n'en ait pas abordé d'autres qui seraient concernés, en particulier l'hôtellerie et la restauration. La suppression des trois invites indésirables apporte en l'occurrence des précisions bienvenues. Sur cette base, je peux vous encourager, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à accepter cette motion ainsi amendée et à refuser les deux amendements proposés par le rapporteur de minorité, qui en fait reprennent d'anciennes invites justement supprimées en commission.
Je vous rends également attentifs au fait que le SECO a envoyé une invitation sur le site de la Confédération et organise le 9 juin un point presse concernant le travail au noir en relation avec la libre circulation des personnes; c'est un dossier qui, je pense, pourrait intéresser la majorité des membres de ce Grand Conseil. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Comme cela vient d'être dit, la majorité de la commission a supprimé les trois premières invites et a, de ce fait, totalement modifié le projet de cette motion. Les quatre invites restantes proposent uniquement - je répète: uniquement - des mesures contre les entreprises, ce qui déséquilibre le texte ainsi élagué et déformé.
Pour les auteurs de la motion, voici le problème genevois: premièrement, les permis de séjour ne sont pas contrôlés à Genève; deuxièmement, il est possible de solliciter un numéro d'AVS sans présenter un permis de séjour; troisièmement, le taux d'occupation du collaborateur ne figure pas sur les badges, ce qui est l'une des sources majeures des dysfonctionnements.
L'objectif de la motion de base était de corriger ces lacunes, d'appliquer les mesures à l'ensemble des salariés et d'introduire un modèle ou une carte moderne qui est déjà en vigueur dans trois autres cantons romands et qui donne entière satisfaction aux partenaires sociaux.
Notre canton est le champion suisse de l'application des mesures d'accompagnement. Le nombre des conventions collectives de travail et des contrats types de travail est aussi plus grand par rapport aux autres cantons suisses. Les contrôles effectués sont également beaucoup plus nombreux qu'ailleurs. Mais là où le bât blesse, c'est que Genève ne vérifie pas les titres de séjour. Si je devais faire une comparaison, c'est comme si les contrôleurs des TPG faisaient plus de contrôles que partout ailleurs mais ne vérifiaient pas les tickets de transport.
Il y a à Genève beaucoup de problèmes, et nos salariés souffrent. J'aimerais rappeler la situation en matière de chômage. En septembre 2019, quand cette motion a été discutée et travaillée en commission, le nombre de personnes inscrites à l'OCE était de 3,8%. Il s'agit du chiffre de l'OCE. Si le taux de chômage avait été calculé avec les critères appliqués dans l'Union européenne, ce taux aurait bondi à 11,8% ! C'est toujours le chiffre de l'époque.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. André Pfeffer. A cette date, en France voisine, le taux de chômage était seulement de 6,9%: ça montre qu'il y a beaucoup, beaucoup plus de chômage à Genève qu'en France voisine.
La situation n'est pas bien meilleure pour nos entreprises. Je rappelle que beaucoup d'entre elles souffrent d'une concurrence déloyale; des milliers de Genevoises et Genevois sont à la recherche d'un emploi décent, mériteraient notre soutien et mériteraient que nous traitions un peu mieux les textes que nous voyons en commission. Pour ces raisons, je recommande d'accepter les deux amendements que j'ai proposés et d'adopter cette motion ainsi amendée. Merci de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion voudrait introduire une carte professionnelle telle que celle émise en 2015 par la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Les auteurs estiment qu'il y aurait là un moyen de lutter contre le travail au noir et le dumping salarial et surtout d'empêcher l'activité professionnelle de personnes sans statut légal, ce qui, pour nous, est quand même plus problématique. Ils considèrent qu'un tel document serait plus approprié que le badge en usage à Genève sur les chantiers.
De nombreuses informations ont été apportées sur les pratiques de contrôle et de suivi des entreprises. Il est apparu que dans de nombreux secteurs, elles étaient encore insuffisantes. Les représentants des syndicats sont venus proposer de nombreuses suggestions de modifications, qui sont malheureusement restées lettre morte. De nombreux amendements ont été formulés. Finalement, la motion, qui méritait d'être corrigée, a été néanmoins drastiquement édulcorée. Le travail au noir est un problème qu'il faut traiter sans fard et sans favoritisme; corrigée, améliorée, la motion aurait pu y contribuer, mais ça n'a pas été le cas.
Ce qui ressort vaut-il la peine d'être soutenu ? Une majorité a estimé que oui. Sur le moment, pour mon groupe, j'ai pensé que nous étions loin du compte et j'ai refusé le texte. Mais ceux qui, aujourd'hui, défendent les droits des travailleurs savent bien que ce qui est plus efficace, ce sont les contrôles sur le terrain. Or, une fois ces infractions identifiées, il faut bien en faire quelque chose. Alors comme c'est quand même dans ce sens que va cette motion, ou du moins les invites qui demeurent, j'ai revu ma position, et estimant qu'un «tiens» vaut mieux que deux «tu ne l'auras peut-être pas», j'accepterai ce texte pour mon groupe, essentiellement parce qu'il affirme vouloir augmenter les sanctions contre les employeurs indélicats et créer les bases nécessaires pour sanctionner les maîtres d'ouvrage qui fermeraient les yeux sur une activité illégale sur un chantier, toutes choses qui méritent sérieusement d'être rappelées, et surtout, de voir notre parlement y adhérer. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion telle qu'elle est sortie de commission.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez mes remerciements à Mme Haller d'avoir revu sa position concernant cette motion.
Ce qui reste du texte sera quand même une avancée, quoique minime par rapport à ce qu'il demandait initialement. Nous le voterons bien évidemment, même si les deux amendements proposés dans le rapport de minorité de mon collègue sont refusés. Toutefois, nous regrettons que la carte professionnelle n'ait pas été conservée: pour nous, ç'aurait été le moyen le plus efficace de lutter contre le travail au noir. Malgré tout, vu l'avancement de cette lutte, nous nous contenterons de la motion telle que ressortie de commission. Je vous invite quand même à soutenir les deux amendements de mon collègue et ainsi à réinsérer les invites initiales. Si vous n'en voulez pas, je vous remercie de voter la motion telle que sortie de commission.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Cette motion telle qu'elle est sortie de commission ne mange pas de pain. Cela dit, heureusement que les commissaires ont supprimé pendant leurs travaux les trois premières invites, inapplicables juridiquement ou déjà en vigueur. A Genève, et notamment dans le milieu de la construction - le seul cité en exemple dans l'exposé des motifs -, les commissions paritaires font leur travail de contrôle, fixent, d'entente avec les syndicats, le montant des sanctions et travaillent main dans la main avec l'OCIRT. Les invites restantes font de cette motion un texte inodore et incolore, mais ne permettent évidemment pas de rectifier l'exposé des motifs qui est, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, médiocre. J'ajoute qu'il est erroné sur bien des points, ce qui rend sa lecture fallacieuse pour quelqu'un qui n'est pas familier avec le sujet.
Au lieu de voter une motion devenue inutile, qui suppose un travail administratif conséquent, le groupe PLR a préféré être cohérent avec ses interventions en commission et la refuser. Il l'a fait d'autant plus volontiers qu'il a présenté la M 2651 qui porte également sur le travail au noir et a été acceptée à l'unanimité en commission.
Concernant la première invite, que le rapporteur de minorité souhaite réinsérer par un amendement, je tiens à rappeler que l'obligation d'instaurer une carte professionnelle existe déjà depuis de très nombreuses années à Genève dans les milieux de la construction. Les partenaires sociaux ont rendu ce badge obligatoire pour toutes les entreprises de ce secteur à travers une CCT étendue. Si on souhaite rendre obligatoire la carte professionnelle dans tous les secteurs, il faudra cependant passer par une modification de la loi fédérale.
En ce qui concerne la deuxième invite, que le rapporteur de minorité souhaite également voir rétablie sous la forme d'un amendement et qui prévoit une interdiction d'accès aux chantiers en cas de suspicion de travail au noir, il faut savoir que les commissions paritaires sont, depuis de nombreuses années, au bénéfice d'un contrat de prestations qu'elles passent avec l'Etat et plus particulièrement avec l'OCIRT, qui leur délègue la compétence de contrôler des cas d'infractions à la loi sur l'AVS. Ces contrats de prestations permettent aux commissions paritaires, avec l'appui de la force publique, de pénétrer dans tout chantier et dans tout lieu de travail afin d'exiger des employeurs comme des travailleurs des renseignements nécessaires au contrôle du travail au noir ainsi que de consulter et de copier les documents utiles.
Le groupe PLR refusera donc les amendements et refusera cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. François Lefort (Ve). De la proposition initiale de l'UDC sur le problème social grave qu'est le travail au noir, la commission de l'économie a conservé à juste titre quatre invites essentielles, qui demandent, pour les deux premières, rappelées par Mme Jocelyne Haller, d'augmenter les sanctions contre les employeurs indélicats - ce n'est pas anodin -, de créer, bien sûr, les bases nécessaires pour sanctionner le maître d'ouvrage qui fermerait les yeux sur une activité illégale, mais aussi d'améliorer l'information des entreprises sur les règles à respecter, même s'il y a déjà un effort certain des partenaires sociaux employeurs dans ce domaine, et enfin, afin de prévenir le travail au noir, d'informer régulièrement le grand public.
Voilà la conclusion de la majorité de la commission de l'économie qui a voté cette motion et qui vient d'être rejointe par Ensemble à Gauche, que nous remercions d'ailleurs. Voilà donc le consensus majoritaire dont nous pensons qu'il amènera l'Etat à améliorer sa lutte contre le travail au noir, ce qui résonne d'ailleurs avec l'actualité de cette semaine: le canton et les partenaires sociaux sont maintenant d'accord, dans le domaine de la construction, de durcir la loi pour éviter, dans un autre registre, la multiplication de faillites frauduleuses qui s'accompagnent aussi de travail au noir et sont commises au détriment des employés et du contribuable.
Le groupe Vert soutient cette majorité et vous invite à faire de même afin de réduire ce fardeau social qu'est le travail au noir, d'abord pour les travailleurs et les employés obligés d'accepter ces conditions de travail dans l'insécurité, obligés d'accepter de se faire voler leur avenir par la privation d'assurances sociales et bien sûr aussi par des salaires plus bas. C'est aussi un fardeau pour la société, dont les assurances sociales se font plumer, et pour l'Etat qui se voit privé de ressources fiscales. C'est donc un fardeau également pour les contribuables. Les conséquences du travail au noir, vous le voyez, sont multiples, et il faut les réduire si l'on ne veut pas voir se développer quelque chose de beaucoup plus dangereux, un système informel et parallèle nuisible à la cohésion de notre communauté mais nuisible aux victimes en premier lieu. Le groupe Vert votera bien sûr cette motion, mais aucun des amendements proposés. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le travail au noir est un cancer qui ronge notre société. Genève est rongée par tous ceux qui pratiquent le travail au noir; Genève est rongée par les marchands de sommeil; Genève est rongée par les bidouilleurs de tout poil qui pourrissent notre république. Le travail au noir n'a pas sa place à Genève, c'est pourquoi le MCG soutiendra cette motion ainsi que les amendements. Pour ne laisser aucune place au travail au noir, pour exprimer cette volonté très forte, nous tenons à soutenir ce texte, mais plus que ce texte, nous voulons soutenir une volonté politique, et cette volonté politique doit s'exprimer clairement, elle doit être relayée aussi par le Conseil d'Etat, qui doit lui donner toute l'ampleur nécessaire, qui n'est pas de notre ressort puisqu'elle incombe au gouvernement. Tout ceci est un travail de longue haleine, difficile. Nous ne devons pas nous laisser avoir par les astuces de ces bidouilleurs qui mènent la République et canton de Genève au gouffre. Il faut à tout prix exprimer cette volonté, mais plus que de l'exprimer, il faut entrer dans les faits. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Charles Selleger pour une minute et demie.
M. Charles Selleger (HP). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Mesdames et Messieurs les députés, que dirions-nous si les résidents sans papiers, les résidents au noir, avaient le privilège de prendre le volant sans permis de conduire ? Demanderions-nous à la police de ne pas contrôler cette catégorie de résidents sous le prétexte qu'ils n'auraient pas besoin de permis de conduire, n'ayant pas de permis de résidence ? La loi doit être respectée, même lorsqu'elle ne convient pas à certains milieux. Je voterai donc les amendements et je voterai la motion. Merci, Monsieur le président.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'exposé des motifs de cette proposition de motion commence assez bien - je vais vous le lire: «Le travail au noir est un véritable fléau. Il est à l'origine de nombreux problèmes: menaces pour la protection des travailleurs, distorsions de concurrence, perte de recettes pour le fisc et les assurances sociales, affaiblissement du marché de l'emploi et de la cohésion sociale.»
Quand on lit cette entrée en matière, évidemment, on se dit que cet objet va apporter quelque chose. Or, à la lecture de la proposition de motion, on s'aperçoit qu'elle se perd uniquement sur une cible privilégiée - le rapporteur de majorité l'a dit -, le secteur du bâtiment et de la construction. Or, c'est un des secteurs les mieux organisés à cet égard. On ne peut pas dire que tout est magnifiquement blanc, mais ce secteur est structuré, un partenariat social existe, avec des mesures ciblées très contraignantes et lourdes: l'obligation de la carte professionnelle dont on a parlé, des inspecteurs du travail et une police supplémentaire pour contrôler, suivre et enquêter, etc. On fait fi de tout le reste.
Sur la base des invites, notre parti avait évidemment décidé de ne pas soutenir cette proposition de motion. Ensuite, on a travaillé sur le texte, et les trois premières invites, très restrictives à l'encontre du secteur du bâtiment uniquement, ont été annulées, ce qui fait que ce qui reste vise effectivement à lutter contre le problème sérieux du chômage, mais de manière neutre et non ciblée, c'est-à-dire pour tous les secteurs économiques, restauration et autres. Nous sommes donc bien sûr disposés à entrer en matière.
Je ne sais pas si cette motion mange du pain ou pas - cette expression me fait toujours bondir; nous en traitons beaucoup, semble-t-il, des motions qui ne mangent pas de pain. En tout cas, sur la base de ce qui reste du texte initial et compte tenu du problème réel du chômage, nous soutiendrons cette motion, mais refuserons catégoriquement les amendements. Si ceux-ci passent, nous la refuserons. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Stéphane Florey, il vous reste vingt-sept secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. J'aimerais revenir sur ce que j'ai entendu à propos des inspecteurs paritaires. Oui, ils effectuent un certain nombre de tâches, oui, ils contrôlent les conditions de travail, oui, ils contrôlent si l'AVS et ce genre de choses sont bien versées, mais en aucun cas - si c'était vrai, j'aimerais obtenir les chiffres du département - ils ne dénoncent les travailleurs au noir.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste salue le travail de fond effectué en commission sur les invites de cette motion. Ce travail a permis de prendre position sur un texte qui a une portée concrète et, à notre sens, est constructif. Le renforcement de la lutte contre le travail au noir est pour nous une préoccupation de longue date, vous le savez. Car si nombre d'entreprises respectent les règles qui définissent les conditions de travail des employés, en renforçant la lutte contre le travail au noir, on renforce également la lutte contre la concurrence déloyale dans notre canton, et surtout, on protège les travailleurs et les travailleuses contre le problème crasse qu'est le travail au noir, qui a un impact terrible sur celles et ceux qui en font les frais. Nous soutiendrons donc cette motion et les amendements. Nous sommes particulièrement favorables à l'information large sur les droits des travailleurs et des travailleuses, quels que soient les secteurs, afin qu'ils et elles aient les moyens de se défendre à ce propos.
Mme Salika Wenger (EAG). J'ai bien écouté toutes les interventions: je les trouve toutes, je dirais, gentilles. On parle du travail au noir; quand j'entends certains députés, j'ai toujours l'impression que ce n'est pas du travail au noir que nous parlons, mais des travailleurs étrangers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ça me gêne un tout petit peu. Ça me gêne un tout petit peu, parce qu'une question se pose, que je pose à tous: comment imaginer ce canton, comment imaginer le fonctionnement de ce canton - et je parle là de divers milieux, comme celui du bâtiment - sans travailleurs étrangers ?
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Salika Wenger. Je ne suis pas certaine que nous trouverions une réponse à cette question. Merci.
Le président. Merci. La parole va maintenant à M. le député Patrick Dimier pour une minute vingt-cinq.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. On utilise souvent le terme de fléau, et je pense qu'il faut s'en méfier: comme vous le savez, le fléau est un instrument fait pour battre le grain. Evidemment, quand on traite une motion qui ne mange pas de pain, ça peut être utile, mais je préfère le terme de calamité. Je ne suis pas Jane, mais je pense que c'est quand même le vrai sujet auquel nous sommes confrontés. A entendre certains milieux s'exprimer, celui des patrons notamment, je dois dire que j'ai un peu de peine, pour ne pas dire beaucoup: c'est en fait une tâche qui nous concerne tous. Je rappelle que nous prêtons tous serment de défendre la république «qui nous a confié ses destinées», et on ne peut pas soutenir une calamité, ce n'est pas notre job. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Serge Hiltpold, vous avez droit à un sprint de trente-neuf secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant. Je voulais juste dire que les maîtres d'ouvrage ont aussi leur responsabilité. Quand je vois le vote de mardi soir à la commission des travaux, qui accorde une confiance pleine et entière au maître d'ouvrage que sont les TPG et leur octroie 350 millions de crédit, alors qu'à la fois la direction des TPG et la présidence du conseil d'administration restent en place malgré des fraudes crapuleuses dans le chantier d'En Chardon ! Soyez cohérents et allez jusqu'au bout des choses: le secteur de la construction fait son travail, simplement, les maîtres d'ouvrage publics, souvent, pour des prix au moins-disant, ne respectent pas leurs obligations. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole au rapporteur de majorité, puisque le rapporteur de minorité n'a plus de temps de parole. Monsieur le député Guinchard, c'est à vous.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, pour votre générosité. Je voulais revenir sur les amendements proposés par le rapporteur de minorité, mais Mme Kämpfen les a très bien expliqués; je vous recommande à nouveau de les refuser tous deux. Quant aux divergences d'appréciation entre les chiffres du chômage du BIT et ceux du SECO, je vous rends attentifs au fait que nous débattrons de ce thème tout à l'heure avec le traitement de la M 2567-A. Je vous remercie.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Bonjour, Mesdames et Messieurs les députés. Ce dont je peux vous assurer, c'est que la volonté politique de lutter contre le travail au noir qui a été appelée de ses voeux notamment par un député du MCG est bel et bien là au département de l'économie et de l'emploi et au-delà, bien entendu, au niveau du Conseil d'Etat tout entier. Le Conseil d'Etat ne peut que partager les préoccupations des motionnaires.
Cela étant, en fonction des compétences de droit fédéral et de droit cantonal, tout n'est pas possible au niveau cantonal; le canton n'a pas le pouvoir de modifier par exemple la loi sur le travail ou celle sur le travail au noir, ni même de modifier les dispositions légales qui régissent la responsabilité des maîtres d'ouvrage.
Il faut également noter qu'au niveau fédéral, la volonté de renforcer les dispositions de lutte contre le travail au noir n'existe pas et que les Chambres ont plutôt affaibli ces dispositions au cours des dernières années. Le canton ne peut pas non plus s'immiscer dans les prérogatives des commissions paritaires qui appliquent les conventions collectives de travail.
Toutefois, après cette liste de ce qu'il n'est pas possible de faire vient heureusement la liste des choses qu'il est possible de faire et qui sont déjà en cours. Il est possible de renforcer l'application des sanctions, il est possible d'améliorer les contrôles existant dans le champ de compétences cantonal. Mon département travaille d'ores et déjà sur plusieurs volets pour augmenter des sanctions à l'encontre des employeurs ou des employés qui ne se trouveraient pas en conformité. L'OCIRT a revu le catalogue de sanctions afin de renforcer l'effet dissuasif des contrôles en sanctionnant davantage des infractions, mais en introduisant des pondérations en fonction de la mise en conformité, de manière à rester punitif tout en gardant une dimension incitative, la mise en conformité restant l'objectif premier des contrôles.
Nous travaillons aussi à une meilleure coordination entre les différentes inspections, entre l'OCIRT, l'inspection paritaire des entreprises et les commissions paritaires, ce qui est également un moyen d'améliorer l'efficacité de la lutte contre le travail au noir et les infractions y relatives.
Vous avez d'ailleurs accepté très largement, il y a peu - le mois passé, de mémoire -, le renforcement de l'inspection paritaire des entreprises de manière que les partenaires sociaux puissent instruire des dossiers complexes et faire prendre des mesures sans concession, en particulier face à des cas crasses de travail au noir.
Enfin, et comme cela a déjà été annoncé dans la presse cette semaine, nous travaillons avec les partenaires sociaux à l'introduction dans la LIRT, la loi sur l'inspection et les relations du travail, d'une base légale permettant de suspendre non seulement les chantiers publics, comme c'est déjà le cas, mais également les chantiers privés. J'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'une demande conjointe des partenaires sociaux en cas de violation importante des conditions minimales de travail ou de travail au noir.
En conclusion, les discussions actuellement en cours avec les partenaires sociaux sont une voie pertinente pour répondre aux préoccupations légitimes que vous exprimez ici et que les motionnaires, de même que la commission de l'économie, ont souhaité envoyer au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat rendra évidemment compte de l'ensemble des démarches en cours dans le cadre du rapport qui lui sera demandé si votre Conseil vote le renvoi de cette motion au gouvernement.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur les deux amendements présentés par le rapporteur de minorité. Il s'agit de deux nouvelles invites. Je lis le premier amendement:
«- à rendre obligatoire la carte professionnelle des travailleurs du canton permettant d'attester de leur affiliation aux assurances sociales, le taux d'occupation du collaborateur et du permis de séjour;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 16 oui et 1 abstention.
Le président. Voici le deuxième amendement:
«- à donner la possibilité aux inspecteurs du travail d'interdire temporairement l'accès à un chantier à toute entreprise qui emploie des travailleurs au noir, jusqu'à la preuve de la correction des salaires et des annonces aux assurances sociales.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 19 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2429 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 21 non et 2 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la M 2448-A en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, la proposition de motion qui vous est présentée se réfère en particulier à deux textes: d'une part notre constitution qui dispose que l'activité publique «doit être pertinente, efficace et efficiente», d'autre part le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2070 du 8 mai 2013 - déjà ! -, dans lequel l'exécutif indiquait vouloir agir sur deux axes principaux, à savoir le développement des prestations en ligne et la simplification des procédures; on en est loin. Je rappelle à cet égard, pour ceux qui pourraient être intéressés, que les discours de Saint-Pierre - tous les quatre ans auparavant, tous les cinq ans maintenant - mentionnent systématiquement la nécessité de faciliter les démarches administratives tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Cet objet a été déposé en 2018 et, depuis, nous avons traversé avec quelque difficulté le covid-19. Cette crise a néanmoins eu l'avantage de nous faire considérer que le travail et l'administration en ligne pouvaient, s'ils étaient dotés des moyens nécessaires, constituer une autre façon de concevoir non seulement le travail, mais aussi les relations avec l'administration et l'Etat.
Le premier signataire reconnaît que des progrès ont été accomplis depuis 2013, mais il relève également avec beaucoup de pertinence que certains services demandent encore aux administrés de fournir des documents à l'appui de diverses démarches même quand ceux-ci sont déjà en possession d'autres offices. C'est là l'illustration parfaite du fonctionnement en silos de notre Etat que notre Grand Conseil déplore depuis fort longtemps déjà.
Les travaux de commission se sont déroulés sur deux séances par visioconférence et ont permis de constater que si cet objet ne faisait pas forcément l'unanimité, il mettait toutefois à plat un sérieux problème en s'inspirant de l'exemple zurichois dont le Conseil d'Etat pourrait se faire l'interprète. La modification de la première invite proposée par le PDC permet au gouvernement de faire l'inventaire de toutes les mesures prises dans ce domaine entre 2015 et 2020. A ce sujet, notre groupe a déposé un nouvel amendement modifiant la période: ce ne sera plus 2015-2020, mais 2017-2022. Je vous encourage à l'adopter, puis à transmettre cette motion au Conseil d'Etat. Merci.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Cette proposition de motion et son rapport de majorité sont pleins de bonnes intentions, je n'en doute pas une seconde. Je ne doute pas non plus de la sincérité de celui qui l'a rédigée et de celui qui la défend. Néanmoins, il me semble que l'approche est quelque peu bureaucratique et passe à côté des objectifs ciblés. Il est entendu, Mesdames et Messieurs les députés, que les gens ont parfois des difficultés à accéder à telle ou telle prestation ou à telle ou telle information de l'Etat. Je parle ici des personnes réelles - ce qu'on appelle les personnes physiques dans le jargon, c'est-à-dire pas les entreprises - et celles-ci en souffrent, chacun et chacune en a sans doute déjà fait l'expérience... (Brouhaha.) Monsieur le président, pourriez-vous demander aux membres du PLR de faire un peu moins de bruit, s'il vous plaît ?
Le président. Continuez, Monsieur.
M. Jean Burgermeister. C'est que je suis très près d'eux, et ils m'empêchent de m'exprimer. Vous comprenez, Monsieur le président ?
Le président. Il y a aussi du bruit à la table.
M. Jean Burgermeister. Il s'agit pourtant d'un texte du PLR ! Vous ne voulez pas leur demander de faire moins de bruit ?
Le président. Poursuivez, Monsieur.
M. Jean Burgermeister. C'est pourtant votre rôle, mais bref. Cela étant, il serait absurde de simplement exiger du Conseil d'Etat qu'il nous présente un nouveau rapport, qui sera lu par ceux qui en auront envie, et de passer à côté du fait qu'il y a eu une vraie volonté de compliquer l'accès aux prestations sociales délivrées par l'Etat, lesquelles ne sont pas facilement accessibles, je pense en particulier à des requêtes qui ne sont pas forcément adaptées à une réalité, celle de la précarité d'une frange de plus en plus large des travailleuses et travailleurs, qui ne disposent plus des attestations qu'ils recevaient par le passé. Et à cela, la proposition de motion n'apporte aucune réponse.
De même, l'idée de numériser est évidemment positive, mais cela ne suffit pas. Cela crée en outre de nouveaux problèmes: vous le savez, il y a une vraie fracture numérique dont souffrent une grande partie des aînés de ce canton. On a supprimé des personnes physiques aux guichets au nom de la numérisation et de l'efficience, et cela entraîne une difficulté, voire une impossibilité pour ces gens de réclamer leurs droits, parce qu'ils ne sont pas outillés pour effectuer ces démarches en ligne. Voyez donc que la question est plus complexe que cela.
Ensuite, M. le rapporteur de majorité a parlé de l'organisation de l'Etat en silos, c'est vrai. Mais il y a aussi des informations qui relèvent d'une forme de confidentialité et qui ne peuvent être transmises d'un service à l'autre que sur demande de la personne intéressée. Simplifier les procédures, c'est important, c'est utile, mais on ne peut néanmoins pas aborder cet enjeu de manière abstraite avec des injonctions générales au Conseil d'Etat d'une part à produire un rapport, ce qu'on lui demande régulièrement, et le bénéfice est somme toute discutable, d'autre part à réduire de manière globale les tracasseries administratives sans lien avec la réalité concrète.
Par ailleurs, les auteurs évoquent la nécessité de faciliter également les démarches pour les entreprises. Alors là, Mesdames et Messieurs, je pense qu'on touche vraiment au coeur des revendications du PLR, qui ne se soucie guère de telle ou telle personne devant réclamer ses droits aux prestations sociales, mais qui se plaint de longue date des complications administratives pour les sociétés. Et on peut le comprendre ! J'imagine, même si je ne suis pas moi-même patron d'entreprise, que cela doit être fastidieux. Cependant, derrière cette volonté affichée de simplifier les procédures, eh bien il y a aussi celle d'abolir certains garde-fous, notamment dans la construction, c'est-à-dire de donner plus de liberté économique au détriment de règles qui sont aussi là pour garantir le fonctionnement de biens communs dans l'intérêt général.
Une fois de plus, l'approche très générale et bureaucratique de cet objet ne permet pas raisonnablement de répondre à la question; il s'agira tout au plus de faire un rapport, et on se demande bien qui aura accès à celui-ci ou en tout cas qui le lira. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que le groupe Ensemble à Gauche vous invite à rejeter cette proposition de motion, mais nous nous tenons bien sûr à disposition pour discuter d'un autre texte qui soit en lien avec les préoccupations directes et matérielles de la population et qui permette d'y répondre, y compris en réduisant les tracasseries administratives que l'on peut rencontrer au quotidien.
M. Patrick Dimier (MCG). C'est un serpent de mer dont on s'occupe ici. Un auteur français bien connu parlait des ronds-de-cuir; pour certains membres de l'administration, c'est une manière comme une autre de se faire valoir, et c'est tout à fait détestable.
Il existe pourtant une solution assez simple, qui est employée par l'administration fédérale américaine et par une grande partie des Etats américains: elle consiste à indiquer en bas du document à remplir le temps à y consacrer avec une connaissance moyenne - la moyenne américaine étant loin de la nôtre; généralement, on ne doit pas dépasser la demi-heure. Cela signifie que lorsqu'un citoyen lambda a un formulaire administratif à compléter, cette démarche ne doit pas nécessiter plus d'une demi-heure pour être accomplie.
Voilà un bon exemple dont on pourrait largement s'inspirer. Le Conseil d'Etat est invité à se joindre à cet effort - peut-être est-il trop important pour lui, mais je ne pense pas. Vraiment, on a là une solution extrêmement simple, efficace et qui garantit d'éviter l'écueil mentionné par M. Burgermeister tout à l'heure - vous transmettrez, Monsieur le président - s'agissant de certaines procédures administratives, peu importe lesquelles, peu importe la thématique. Il est important que le citoyen ordinaire puisse effectuer facilement ses démarches, et on a ici un moyen. Je me tiens volontiers à disposition de la commission, si elle le souhaite, pour fournir les renseignements nécessaires. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il importe bien entendu aux Vertes et aux Verts de ne pas compliquer excessivement les démarches administratives, autant pour les particuliers que pour les entreprises. Cela dit, vous ne pouvez parfois vous en prendre qu'à vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés qui rendez des lois extrêmement compliquées de façon que le citoyen ne s'y retrouve plus.
Citons la LRDBHD, la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement, votée contre l'avis des Vertes et des Verts, mais que vous avez tous soutenue. Je prendrai un exemple au hasard: si vous voulez vendre du sirop lors d'une course de caisses à savon, vous devez remplir un formulaire d'à peu près huit pages, dans lequel on vous demande, pêle-mêle, si vous voulez vendre des produits psychoactifs ou faire circuler un petit train. C'est quand même assez intéressant, non ? Et encore, ce ne sont que les options de base, je ne vous conseille pas de faire du feu, le formulaire complémentaire doit à mon avis être fumant.
Bref, trêve de digression, cette proposition de motion exige tout d'abord un bilan. Or ce travail est effectué régulièrement, il a été réalisé en 2018 et 2019 par le département de l'économie et de l'emploi, qui suit de façon régulière les entreprises - Mme la conseillère d'Etat vous le confirmera. A cet égard, l'amendement proposé par le PDC - ou Le Centre - n'y changera rien. A notre sens, cette invite est déjà réalisée. D'ailleurs, un député Vert en commission l'a indiqué: il n'est pas utile de réinventer la roue.
Par contre, nous n'avons pas d'opinion totalement prédéfinie quant à la proposition d'appliquer la loi zurichoise, que le texte demande de transposer à Genève. Il conviendrait de déterminer si cela est faisable compte tenu des différences notables entre ces deux administrations; la question reste ouverte. Cela étant, conservons nos Genfereien et n'importons pas de Zürchereien !
Les discussions de commission ont tourné autour de deux points qui nous plaisent beaucoup moins et que le rapporteur de minorité a également évoqués. Premièrement, il a beaucoup été question d'administration électronique, ce qui n'est pas toujours plus simple pour les utilisateurs et génère des risques d'exclusion d'une partie de la population - je me réfère à la motion du PDC sur l'illectronisme que nous avons soutenue. Deuxièmement, nous avons parlé de la transmission horizontale d'informations d'un service à l'autre; nous avons remarqué que ce procédé existe déjà par endroits, par exemple la transmission du RDU, mais il semble que ce soit toujours en défaveur de l'administré, et pas à son avantage. Pour ces raisons, notre groupe vous propose de refuser cet objet.
M. André Pfeffer (UDC). L'objectif de cette proposition de motion est de freiner la complexification de nos démarches administratives. Il s'agit uniquement de les faciliter, d'en améliorer la compréhension et de réduire les lourdeurs administratives chaque fois que cela est possible. En aucun cas le travail ni les contrôles nécessaires pour un usage efficient des deniers publics et le bon fonctionnement de l'Etat n'ont été contestés ou remis en cause.
Encore une fois, il est question de supprimer les doublons, d'alléger les nombreuses procédures inutiles, de ne pas devoir transmettre dix fois un document que l'Etat possède déjà. De multiples obligations telles que la déclaration d'impôts mériteraient d'être plus simples et plus abordables. Il convient de remettre l'Etat au service du citoyen, et non l'inverse. Notre groupe soutiendra cet objet. Merci de votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR). Ce qui est malheureux, c'est la position dogmatique de certains dans ce débat. Ici, deux visions de la société s'affrontent: l'une, prônée par le PLR, est en faveur d'un Etat libéral, c'est-à-dire au service du citoyen, facilitateur, et l'autre, celle de la gauche, vise un Etat qui contrôle avec des citoyens au service de celui-ci. C'est patent ! Au moment de remplir des soumissions ou des documents administratifs, nombreux sont les entrepreneurs qui se découragent, parce que sur un dossier de quarante pages, vous avez trente-huit pages de conditions générales et deux pages de calculs de prix; vous mettez une demi-heure pour calculer les prix et une heure et quart pour les formulaires administratifs, les conditions générales, les conditions particulières, les conditions particulières aux chantiers, le plan d'hygiène sécurité, le plan anti-feu... Voilà typiquement des contraintes administratives.
Soyez un peu cohérents, Mesdames et Messieurs ! On n'a toujours pas trouvé de solution pour centraliser des documents valables trois ou six mois afin que l'entreprise, une fois qu'elle les a remplis, ait la paix pendant cette période. C'est juste une question de bon sens ! En ce qui me concerne, je demande simplement à ceux qui sont contre cette proposition de motion de prendre en compte tout le travail inutile, tout ce temps consacré à effectuer des démarches. Je n'ai rien contre l'administratif, mais il faut que ce soit positif, il faut que cela apporte un plus à la société. Or pendant que je saisis ces documents, je ne fais pas autre chose, je m'occupe moins des RH, je m'occupe moins de mes apprentis, je m'occupe moins de mes employés.
Il s'agit là d'un exemple concret. Je vous demande juste un petit peu de bon sens et surtout de voter ce texte qui, comme vous le dites souvent, ne mange pas de pain, mais appelle à une véritable réflexion sur notre fonctionnement. Je suis aussi d'accord avec vous, Monsieur Burgermeister, lorsque vous parlez des tracasseries pour l'aide sociale; je suis d'accord, il n'y a pas que deux visions des choses. Là, typiquement, il s'agit d'une approche pour que l'Etat soit au service des citoyens - avec un contrôle -, et non l'inverse. Merci beaucoup, Monsieur le président.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour le parti socialiste, cette proposition de motion enfonce des portes ouvertes - j'y reviendrai -, donc je vous communique tout de suite la position de notre groupe qui sera une abstention constructive. (Rires.) Je trouve très cocasse, de la part de mon collègue PLR - vous transmettrez, Monsieur le président -, de dire qu'il y a deux visions: la vision libérale de la droite qui veut faciliter les choses pour le citoyen et la citoyenne, et l'affreuse vision de la gauche, bureaucratique, qui vise à mettre des bâtons dans les roues.
Là, on se dit: oui, c'est vrai, ça fait tout de même cent septante ans que la gauche est au pouvoir à Genève, ça fait cent septante ans que la gauche est au pouvoir en Suisse, qu'elle tient les manettes au sein du Conseil fédéral, qu'elle dirige les opérations au Conseil d'Etat, et en cent septante ans, la gauche n'a rien changé... Ah non, c'est la droite ! Pardon, j'ai mal lu ma feuille ! C'est la droite qui est au pouvoir depuis cent septante ans à Genève et en Suisse, et les démarches administratives sont toujours plus complexes, alors excusez-moi, mais je n'y comprends rien du tout !
Cette proposition de motion du PLR demande des changements à un gouvernement. Alors celui-ci est de gauche aujourd'hui, mais quand le texte a été déposé, il était de droite, et c'est la même chose au niveau fédéral, parce que Le Centre et le PLR ont aussi, me semble-t-il, présenté tout plein d'objets à Berne pour moins de bureaucratie. Mais en fait, c'est vous qui avez la majorité, donc prenez contact avec vos membres des exécutifs et demandez-leur de réduire la bureaucratie. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin pour une minute trente.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Cette proposition de motion m'a heurtée lorsque j'ai lu qu'on voulait donner un accès direct au registre des poursuites et au casier judiciaire à tout fonctionnaire appelé à traiter un document. Cela aurait été très gênant par rapport à la LIPAD, mais je me suis ensuite aperçue que le texte avait été amendé.
Je voudrais rappeler que dans bien des services, nombre de dossiers sont tout simplement détruits après un an - je pense par exemple au logement. La solution serait de prévoir des conséquences quand le traitement des dossiers est trop long, par exemple qu'ils soient automatiquement acceptés à partir du moment où le délai est dépassé. Les lenteurs frappent tous les offices; par exemple, obtenir un financement de formation pour une personne à l'aide sociale peut prendre je ne sais combien de mois, voire des années, et pendant ce temps, cette personne est à la charge de l'Etat, cela nous coûte cher à tous. C'est pour cela que nous souhaiterions un meilleur projet. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Si on regarde la temporalité, le fameux rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2070, dans lequel il est indiqué que l'Etat entend agir rapidement, date de 2013, le dépôt de cette proposition de motion de 2018, et nous sommes quatre ans plus tard. Là, on est au-delà des luttes politiciennes pour savoir si c'est la gauche ou la droite qui est responsable, on est devant une situation qui perdure, un nouveau serpent de mer, et nous devons trouver des solutions, car la société évolue.
Comme cela a été souligné, il est compliqué de remplir des formulaires, mais il ne s'agit pas que de ça. Il y aura toujours des démarches administratives à accomplir, quoi qu'on en dise, mais il faut surtout déterminer comment. Souvent, ça commence par un téléphone avec des répondeurs qui n'en finissent plus; il y a des contacts informatiques, et à cet égard, les entreprises et les privés ne sont pas armés de la même manière: on peut imaginer que des sociétés comme les bureaux d'architectes ont tout ce qu'il faut pour transmettre de multiples plans sous forme numérique et n'ont plus besoin d'envoyer sept ou huit exemplaires d'un paquet de cinq kilos à différents départements; par contre, les privés n'ont peut-être pas tous la formation nécessaire, il devrait y avoir des assistances, je le conçois. Le papier existe toujours, bien évidemment, tout comme le guichet, mais dans certains cas on vous fait venir, dans d'autres non.
Il est évident qu'il y a un certain nombre de doublons à propos desquels on doit se poser des questions, et c'est le rôle de l'Etat que d'apporter des réponses. Alors je pense qu'on a déjà une partie des pistes, parce que le covid a accéléré le processus et imposé certaines pratiques qui vont dans le bon sens, mais cette proposition de motion, si ce qu'elle demande ne mange pas de pain, est toutefois indispensable. A terme, en effet, il nous faudra un projet de loi pour régler la musique, il faut que l'Etat soit au service des citoyens et les rende attentifs au fait que quand on s'adresse à un bureau administratif, il faut avoir préparé un minimum ses dossiers, ça me paraît évident. Pour notre part, nous soutiendrons cet objet. Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Hiltpold, vous renoncez ? (Remarque.) Bien, merci. La parole va donc à M. Jean Burgermeister pour une minute et vingt secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Ah oui, d'accord. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, dans l'idée d'un Etat au service des citoyens et des citoyennes, le premier problème contre lequel il faudrait lutter, ce ne sont pas forcément les tracasseries administratives - même si elles en font partie -, mais le non-recours aux prestations délivrées par ce même Etat, un non-recours qui est dû notamment au fait que de nombreuses personnes ne connaissent pas leurs droits. Voilà la priorité si vous voulez permettre aux personnes qui en ont le plus besoin d'accéder aux services de l'Etat, il s'agit d'abord de défendre leurs droits, ensuite de le leur faire savoir et enfin d'élargir ceux-ci. Voilà la priorité en la matière, ce ne sont pas les tracasseries administratives, en tout cas pas ainsi que le texte les présente ici de manière générale et abstraite.
D'autre part, j'aimerais donner un exemple concret. Vous savez que lorsque vous êtes mis en poursuite parce que vous n'avez pas réglé telle ou telle facture, eh bien même une fois que vous l'avez payée... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...vous restez dans le registre des poursuites pendant trois ou cinq ans, je ne sais plus...
Des voix. Cinq !
M. Jean Burgermeister. Cinq ans, merci. Cinq ans ! Mesdames et Messieurs, cela ne relève pas de la simple tracasserie administrative, c'est une volonté politique de stigmatiser les pauvres ! Pour montrer que même lorsqu'ils s'en sont sortis, même lorsqu'ils ont réussi à payer toutes leurs factures...
Le président. Il vous faut conclure...
M. Jean Burgermeister. ...on garde une trace du fait qu'ils ont été un jour en difficulté... (Applaudissements.)
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. C'est une volonté politique de la même majorité...
Le président. C'est terminé !
M. Jean Burgermeister. ...qui votera cette motion, il s'agit de maintenir la stigmatisation des pauvres. Vous pourriez... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Monsieur Jean-Marc Guinchard, il vous reste une minute vingt-cinq pour conclure.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, cela me suffira amplement pour rétorquer à mon collègue Vert, qui nous reprochait les lois que nous votons, source selon lui de tracasseries administratives supplémentaires, que ce ne sont pas forcément les lois qui compliquent les choses, mais l'application réglementaire qui en est faite par l'administration. Cette dernière doit être au service de l'administré, cela a été rappelé, et non le contraire. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote. Je mets d'abord aux voix l'amendement proposé par Le Centre qui consiste en une modification de la période: 2017-2022 au lieu de 2015-2020. Je vous lis l'invite ainsi modifiée:
«1re invite (nouvelle teneur)
- à présenter au Grand Conseil un rapport établissant le bilan de toutes les mesures prises par l'administration cantonale durant les années 2017-2022 afin de réduire la charge administrative des particuliers et des entreprises, sur le modèle du rapport M 2070-A, du 8 mai 2013;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 2 non et 25 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2448 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 17 non et 14 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Nous enchaînons avec la M 2453-A, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur André Pfeffer, à vous le micro.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le présent objet vise à créer un concours pour projets de micro-entreprises, à soutenir les vainqueurs par le biais d'une aide dont la valeur est à déterminer, à leur garantir un revenu sur deux à trois ans et à trouver un partenaire privé pour financer au moins 50% des projets. Il s'agit d'une proposition louable, mais irréaliste. Quel privé assurerait 50% d'une tâche mal définie ? Sur quelle base faudrait-il rémunérer les gagnants durant deux à trois ans ? Et surtout, le terme «concours» est inapproprié: la désignation de vainqueurs ne figure pas dans le texte, ni les critères ni les gains ne sont définis. Bref, ce projet est flou et utopique.
Cela étant, il a le mérite de nous avoir rappelé les dispositifs qui existent déjà. Actuellement, les personnes au chômage, en fin de droit ou à l'aide sociale peuvent bénéficier de diverses prestations. Premièrement, des cours pour créer une société, préparer un projet et accompagner les entrepreneurs. Deuxièmement, une évaluation du marché et du projet par des spécialistes de la Fondetec, de la FAE, de GENILEM et du SMPE. Troisièmement, 90 jours d'indemnités de chômage pour mettre en place un projet de création d'entreprise. Quatrièmement, une garantie contre le risque pour un montant de 100 000 à 200 000 francs. Cinquièmement, un microcrédit jusqu'à 30 000 francs ainsi qu'un coaching sur une année grâce à une loi fédérale. Sixièmement, une mesure de l'aide sociale pour obtenir un prêt de 15 000 francs, un suivi ou un coaching durant un an et des prestations sociales pendant douze mois.
A ce titre, la proposition de motion 2453 constitue purement et simplement un doublon qui, de surcroît, serait très difficile à mettre en vigueur. L'encadrement demeure flou. Accorder un salaire durant deux à trois ans risquerait d'encourager les gens à développer des projets pas forcément viables et durables. Il n'y a aucun cadre clair s'agissant du financement, eu égard notamment à un éventuel engagement des avoirs de retraite; dans cette dernière éventualité, les gagnants de ce pseudo-concours se transformeraient en perdants lourdement endettés. Après étude en commission et différentes auditions, Mesdames et Messieurs, treize commissaires sur quatorze vous recommandent de rejeter ce texte. Merci de votre attention.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de minorité. Je vais me sentir un peu seul sur cet objet ! Rappelons que cette proposition de motion invitait le Conseil d'Etat à mettre en place un projet pilote lui permettant de faire l'inventaire de toutes les mesures existant dans notre canton susceptibles de soutenir celles et ceux qui, ayant épuisé leur droit au chômage et bénéficiant des prestations de l'Hospice général, souhaiteraient, par la création d'une activité indépendante, ne plus émarger à l'aide sociale et acquérir un statut de travailleur indépendant.
Nonobstant que la presque totalité des commissaires ont estimé le texte inutile et superfétatoire, ceux-ci ont toutefois reconnu que son examen avait eu le mérite de mettre à plat l'ensemble des dispositifs proposés dans notre canton, à la fois les mesures du chômage et celles de l'aide sociale. A cet égard, les membres de la commission ont apprécié les données détaillées fournies tant par l'Hospice général que par le magistrat en charge et l'OCE. Les auditions, intéressantes et riches, leur ont permis de se faire une idée plus précise de la situation.
Malheureusement, à la quasi-unanimité, la commission n'a pas osé - et c'est à déplorer - passer à un stade supérieur et évoquer la possibilité offerte au Conseil d'Etat d'envisager d'autres formes d'aide, en particulier en faveur des indépendants. Leur situation, en effet, n'est pas satisfaisante: s'ils sont à l'Hospice général et dans la mesure où la notion de gain intermédiaire n'existe pas dans ce contexte, ils doivent choisir entre l'aide sociale complète ou la reprise d'une activité. En adoptant ce texte, notre parlement pourrait donner un mandat clair au Conseil d'Etat et permettre à une personne dépendant de l'assistance de l'Etat de s'en libérer, non pas de façon abrupte comme c'est le cas à l'heure actuelle, mais progressivement.
Par le passé, notre Grand Conseil a choisi des solutions innovantes et audacieuses dans les domaines de l'aide sociale et du droit du travail; cet enthousiasme est manifestement retombé, et je le regrette. Même si faire changer les fronts constitue une mission probablement impossible, je souhaite vivement qu'une majorité de la plénière revoie la position des commissaires et accepte de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Cette proposition de motion part d'une bonne idée - comme souvent, notamment dans ces rangs-là -, une bonne idée qui, au cours des travaux, s'est révélée non seulement compliquée, mais surtout déjà réalisée - c'est généralement le cas des bonnes idées. En bref, les auteurs demandent au Conseil d'Etat, cela a été indiqué, de mettre en place un projet pilote consistant à ouvrir un concours pour projets de micro-entreprises à destination des personnes en fin de droit ou bénéficiaires de prestations de l'Hospice général et de soutenir financièrement dix projets. Comment ? Par un revenu de base de deux à trois années.
Bon an mal an, 4000 personnes sont en fin de droit à Genève et finissent par se retrouver à l'aide sociale. Or quand on est dans cette situation, il est quasiment impossible de se lancer dans une activité en tant qu'indépendant. Ce ne sont pas dix projets qui feront la différence par rapport au nombre de bénéficiaires potentiels. Actuellement, dépendre de l'Hospice général, c'est se trouver dans un carcan duquel il est difficile de sortir sans aide extérieure. Face à ce constat, des voies d'amélioration sont possibles, mais elles consistent à laisser les gens se réintégrer progressivement sur le marché sans les priver du soutien financier de l'Hospice ni soustraire leurs gains de travail partiel de leur allocation. C'est la situation actuelle ! En fait, il faudrait agir via une modification de la LIASI, et à l'époque des travaux sur cet objet, on nous a signalé qu'une révision de cette loi avait justement débuté; il serait donc intéressant de savoir si cette possibilité a été intégrée à la réforme, parce que l'urgence, c'est de réinsérer les personnes sans voler leurs gains de travail partiel.
Enfin, les motionnaires sont partis de l'idée qu'il n'existait aucune mesure au lieu de faire l'inventaire de celles déjà en place. Ce recensement, nous l'avons effectué en commission, et cela nous a permis de mettre en lumière les nombreuses solutions d'aide à la création d'entreprise. Nous sommes ainsi arrivés à la conclusion que l'offre existante, pour ceux qui peuvent monter une affaire et sollicitent un soutien, était largement suffisante et n'avait pas besoin d'être complétée par un système pilote producteur de dix projets seulement et consommateur de ressources mieux utilisables dans les dispositifs actuels. Pour ces raisons, le groupe Vert ne soutiendra pas cette bonne idée démocrate-chrétienne. Merci.
M. Vincent Subilia (PLR). Je serai bref, Mesdames et Messieurs. L'enfer est pavé de bonnes intentions, et je viens ici au secours de nos cousins de l'Entente - dans une vision tout à fait oecuménique du débat politique - pour dire, cela a été indiqué - chrétiennement, d'ailleurs -, que cette proposition de motion a les mérites qu'on lui sait, au nombre desquels le champ qu'elle a ouvert pour investiguer ou, plus exactement, cartographier les mesures de soutien actuellement disponibles dans notre république en faveur des entreprises, en particulier des micro-entreprises qui, chacun en a conscience, jouent un rôle déterminant dans l'écosystème genevois. C'est ainsi que nous avons découvert les systèmes qui existent, qui connaissent leurs limites, qui sont perfectibles - lequel ne l'est pas ? -, et cela nous a ouvert les yeux sur un certain nombre de réalités. Mais cela nous a également permis de prendre la mesure des difficultés d'application du dispositif qui nous est proposé, et au final, le bon sens a conduit une majorité très large - treize sur quatorze commissaires, c'est un euphémisme de le signaler - à considérer que, le travail étant effectué, il s'agissait de concentrer nos efforts sur d'autres dossiers législatifs. Je vous remercie.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte partant d'une idée proche des expériences «Territoires zéro chômeur» menées en France rejoint également, sur le fond, les objectifs d'un projet pilote sur le revenu de base inconditionnel que nous avons travaillé à la commission de l'économie - mais que nous aurions peut-être dû, au vu des observations de mes préopinants, traiter à celle des affaires sociales eu égard aux apprentissages qui se font lors des débats et aux compétences de celle-ci. Malheureusement, il ressort des auditions que cette proposition de motion n'est pas aboutie. Dès lors, je rejoins ici mon préopinant Vert.
A la commission des affaires sociales, nous examinons actuellement le nouveau projet de loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité qui, à terme, devrait remplacer la LIASI. Ce texte répond à deux préoccupations de l'auteur de la M 2453: il réitère d'une part les options d'aide à la création d'une activité indépendante qui figurent déjà parmi les mesures offertes aux bénéficiaires de l'Hospice général, ainsi que cela nous a été indiqué en commission, il inscrit d'autre part noir sur blanc la possibilité de développer des projets pilotes - je cite - «adapt[és] à de nouveaux besoins, destin[és] à favoriser durablement l'intégration sociale et l'insertion professionnelle des personnes se trouvant à l'aide sociale». Les deux buts de la présente proposition de motion sont donc, pour autant que la révision que nous traitons à la commission des affaires sociales soit adoptée avec ces articles, déjà mis en oeuvre. C'est pourquoi le parti socialiste ne soutiendra pas cet objet. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Une fois encore, je ne remets pas en doute la sincérité et la bonne volonté de la personne qui a écrit cette proposition de motion ni de celui qui la défend - ça tombe bien, c'est le même que tout à l'heure -, mais tout de même, Mesdames et Messieurs, il faut faire attention: encourager les bénéficiaires de l'aide sociale à se lancer dans des projets de micro-entreprises peut avoir des conséquences dramatiques, cela peut donner lieu à une réalité extraordinairement brutale pour ces personnes qui ont déjà connu des parcours difficiles, qui ont besoin, cela a été souligné par M. Lefort, d'un vrai travail de réinsertion, d'un accompagnement. Bref, les pistes existent.
Les solutions, nous les connaissons. Il s'agit avant tout d'octroyer des effectifs à l'Hospice général pour permettre un suivi personnalisé des gens à l'aide sociale en vue d'une réinsertion, parce que c'est ça qu'ils et elles souhaitent, et nous avons les capacités, nous devrions avoir les moyens à Genève de faire ce travail dans un premier temps. Ensuite, il faut déployer une véritable politique économique qui crée des emplois, publics notamment, répondant aux besoins sociaux, aux nécessités environnementales ainsi qu'au savoir-faire présent dans le canton, et mettre en place des formations correspondant également aux métiers que nous avons à Genève.
Il conviendrait de mener une réflexion beaucoup plus générale plutôt que d'essayer de pallier un problème structurel par le biais de micro-entreprises, car même si on a la chance d'être né sous la bonne étoile financièrement parlant, d'avoir le bon entourage, eh bien on risque fortement de se casser la figure en se lançant dans ce genre de projet. Leur situation de base est déjà difficile, mais en cas d'échec, les personnes à l'aide sociale pourraient se sentir vraiment en bout de course, c'est à mon sens quelque chose d'un peu délicat, trop délicat en tout cas pour que ce parlement affirme qu'il s'agit là d'une solution crédible vers laquelle l'Etat doit avancer.
Mesdames et Messieurs, nous avons des connaissances, nous savons ce qu'il faut entreprendre pour permettre la réinsertion des bénéficiaires de l'Hospice général; encore une fois, cela passe par un meilleur encadrement. En amont, évidemment, il faudrait encore limiter les licenciements de celles et ceux qui se font congédier en fin de carrière, des femmes notamment, sans possibilité de retrouver un travail. Toute une série de causes structurelles peuvent amener les gens à se retrouver en fin de droit ou à l'assistance, et je regrette que cette baguette magique qu'on tente d'inventer ici constitue une fausse piste et ne serve que de prétexte pour nous détourner des solutions qui existent et qui, à mon avis, sont à portée de main. Je vous invite par conséquent à rejeter cet objet.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, si cette proposition de motion part d'un bon sentiment, sa réalisation pose problème. Comme l'a souligné un préopinant tout à l'heure, il faudrait plutôt passer par une révision de la LIASI; celle-ci est en cours. Tout de même, devoir choisir entre rester à l'aide sociale ou l'abandonner pour se lancer dans un projet de micro-entreprise ou d'entreprise tout court constitue un dilemme difficile pour le demandeur. Il faudrait prévoir une progressivité dans ce processus. A terme, cela sera bénéfique pour tout le monde, pour la personne d'abord, mais aussi pour les finances de l'Etat, et je pense qu'on devrait travailler dans cette direction. Malheureusement, le texte ne le permet pas; ce n'est pas à travers un dispositif pilote qu'on doit s'atteler à la tâche, mais par le biais d'une révision de la LIASI.
Je relève que pendant la crise du covid, suite aux dispositions prises par la Confédération et à un arrêté du Conseil d'Etat - dont je n'ai pas les références en tête, il est à la maison -, il existait précisément une possibilité de mener cette transition, et un certain nombre de bénéficiaires de l'Hospice général ont disposé d'une aide durant cette période pour créer une société sans sortir du système d'assistance. Il faudrait aller dans ce sens, donc je communiquerai à mes collègues de la commission qui s'occupe de la réforme de la LIASI cet arrêté publié par le gouvernement pendant le covid. Le système a permis à plusieurs personnes de percevoir un revenu mensuel afin de monter leur affaire tout en continuant à toucher les prestations de l'Hospice général.
Compte tenu de ces différents éléments, le Mouvement Citoyens Genevois ne soutiendra pas cette motion, mais restera attentif à trouver des solutions permettant d'opérer cette transition. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Je répète que de nombreuses prestations existent déjà et que ce projet pilote n'apporterait pas grand-chose de neuf, mais serait par contre excessivement coûteux et très difficile à mettre en place. Je rappelle encore que treize commissaires sur quatorze ont refusé cette proposition de motion. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de vous prononcer sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de motion 2453 est rejetée par 62 non contre 8 oui (vote nominal).
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous cède la parole.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on revient sur un sujet relativement récurrent, traité à la commission de l'économie: le fameux taux de chômage selon les critères du BIT. Vous me permettrez de faire, au nom de la majorité, un peu de pédagogie et d'amener deux ou trois précisions concernant les différents chiffres, parce qu'il me semble qu'il y a pas mal de confusions. Dans le rapport de majorité figurent les différences entre le taux de chômage, le taux de demandeurs d'emploi et le taux BIT. Afin de clarifier tout ça, j'aimerais vous rappeler les éléments principaux.
Le taux de chômage indique les personnes inscrites dans les offices régionaux de placement et immédiatement disponibles. A titre d'exemple, elles ne font pas l'objet d'un gain intermédiaire ou d'une mesure du marché du travail et ne sont pas malades. Les termes «demandeurs d'emploi» regroupent quant à eux toutes les personnes, chômeurs et non-chômeurs, inscrites à l'ORP. Le taux BIT, enfin, est une méthode différente, qui intègre dans son calcul des personnes de 15 à 74 ans !
Je trouve relativement piquant que le groupe UDC - vous transmettrez, Monsieur le président - mette en question des chiffres très précis, suisses, du SECO, pour se baser sur un modèle européen moins précis, pas du tout donc dans notre ADN de recherche de l'exactitude. Ça m'a un tout petit peu surpris, comme d'autres commissaires d'ailleurs. Ce qui est piquant, et c'est pour ça que cette proposition de motion n'a aucun sens, c'est qu'il n'y a pas du tout de chiffres trompeurs; ces chiffres sont à disposition de l'office cantonal de l'emploi. Vous pouvez regarder sur le site de l'OCSTAT, très précis - il dépend de l'université - et vous trouvez le taux BIT. Vous pouvez le consulter librement, aller regarder la différence entre le taux de chômage utilisé à Genève et par le SECO et le taux BIT. On a donc un taux beaucoup plus précis, analysé, contrairement à ce taux BIT, chiffre fait de statistiques, moins précis, mais qui est tout de même disponible.
Les commissaires ont fait la part des choses et vous demandent de soutenir le refus de cet objet. Merci, Monsieur le président.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais commencer en disant qu'il n'y a absolument aucune confusion entre ces deux taux, ces deux manières de calculer le taux de chômage. Ce sont deux procédés différents. Pour Genève, qui est une enclave de la France, il est quand même important d'utiliser, en plus des critères que nous appliquons en Suisse, également ceux appliqués en France voisine. Pourquoi ? Parce que nous devons pouvoir comparer sur une même base les chômeurs se trouvant chez nous et ceux de France voisine, tout comme les travailleurs des deux côtés de la frontière.
Le critère utilisé en Suisse, c'est le taux de chômage calculé uniquement sur les personnes inscrites à l'OCE. Une petite précision - les chiffres datent du moment où nous avons traité cet objet en commission: début 2021, ce taux était à Genève de 5,4%. Le critère utilisé dans tous les pays de l'Union européenne est le taux BIT, qui prend en compte les personnes inscrites dans les offices de l'emploi et en plus celles qui sont en recherche d'emploi. A la même date, selon les critères du BIT, on observait à Genève 13,4% de chômage. Ces 13,4% de chômage à Genève début 2021 se composent de deux parts: d'une part, les 5,4% de chômeurs inscrits à l'OCE, de l'autre, 8% de travailleurs en recherche d'emploi. Il ne s'agit pas d'opposer une méthode à l'autre; les deux méthodes sont utiles. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un bassin commun et que nous devons effectuer des comparaisons sur les mêmes bases.
L'une des raisons pour lesquelles il nous faut absolument le taux de référence BIT, soit 13,4% à Genève, c'est qu'on s'aperçoit ainsi qu'à la même date, en France voisine, le taux de chômage était de 7,6%, soit de 50% à 60% inférieur à celui de Genève. Il existe une forte concurrence sur le marché de l'emploi à Genève et il est évidemment nécessaire d'évaluer correctement la situation, et surtout d'évaluer la situation avec les mêmes critères. Merci de votre attention.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je serai bref. Ça fait plusieurs séances, ça fait même plusieurs années que nous travaillons sur ces différences d'interprétation des chiffres entre le BIT et l'office cantonal de l'emploi ou le SECO et devons nous en préoccuper. L'auteur de cette proposition de motion n'a toujours pas compris cette différence subtile. Je rappelle simplement ce que le rapporteur de majorité a déjà dit: le BIT procède par échantillonnage - les chiffres ont été donnés, 15 à 74 ans - et par sondage. Les chiffres du BIT ne sont donc pas une statistique alors que ceux du SECO sont basés sur des statistiques réelles, fournies par les offices cantonaux de l'emploi en général.
De plus, le BIT fait ces sondages une fois par année alors que l'OCE suit régulièrement ces chiffres et que le SECO les établit une fois par trimestre. Il faut rappeler également que l'OCE se préoccupe de l'évolution de ces chiffres - taux de chômage et taux de demandeurs d'emploi d'ailleurs - qui concernent l'ensemble du bassin de l'emploi genevois. Je me rallie donc volontiers à la majorité de la commission et vous invite à refuser cette proposition de motion. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Il y a toujours, semble-t-il, une prétendue ambiguïté sur le comptage réel des chômeurs, et c'est sur la base de cette ambiguïté - je dis bien ambiguïté, pas soupçon, bien que je prête quand même aux auteurs des arrière-pensées soupçonneuses, mais pas électoralistes pour un sou, bien sûr...
Cette motion procède quand même un peu aussi de l'agit-prop, mais curieusement, cette fois, de l'agit-prop UDC - eh oui, ça existe, de l'agit-prop UDC ! - qui nous dit qu'il faut douter des chiffres officiels du chômage, qui seraient faux en comparaison avec d'autres qui seraient vrais. Les auteurs invitent donc le Conseil d'Etat, je cite, «à présenter, concurremment à la statistique cantonale du chômage, une statistique du chômage réaliste basée sur la méthodologie et les critères [du] BIT». Rien que dans la formule, on comprend que la statistique cantonale du chômage n'est pas réaliste, qu'elle serait donc fausse, mais que celle du BIT est juste.
Les travaux de commission ont démontré ce que nous savions déjà: que la méthode du BIT était un sondage, une évaluation réalisée sur la base d'une enquête et donc d'un échantillonnage. Cependant, il n'est pas possible de disposer des activités économiques concernées, des groupes de professions concernés, contrairement, bien sûr, au taux de chômage calculé avec la méthode du SECO, à la méthode cantonale et fédérale, qui compte les personnes réellement inscrites au chômage, les activités économiques et les groupes de professions concernés. C'est une première chose.
Ces travaux nous ont aussi confirmé que la méthode suggérée, celle du BIT, était déjà utilisée au niveau cantonal et au niveau fédéral, comme elle est aussi largement utilisée dans tous les pays européens en complément de la méthode réaliste, celle qui consiste à compter les gens réellement inscrits au chômage.
C'est un peu fort de café d'entendre le rapporteur de minorité dire qu'il nous faut absolument le taux BIT - qui serait le véritable taux de chômage - pour le comparer au taux de chômage français, par exemple - c'est ce qu'il a dit. Ce n'est pas le cas ! Nous l'avons vu en commission.
Pour toutes ces raisons, le groupe Vert refusera bien sûr cette motion qui introduirait de la confusion sur un vrai taux, celui du BIT, et un autre moins juste, le nôtre, alors que les deux taux sont utilisés par nos autorités cantonales et fédérales et publiés, et que notre taux cantonal, lui, est vraiment réaliste, au contraire de l'échantillonnage trimestriel qui est la méthode du BIT. Nous vous appelons également à refuser cette proposition de motion.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je suis un peu surprise, car on entend des choses contradictoires. D'un côté, on nous dit que le taux BIT procède par sondage et qu'on ne devrait pas s'y fier; d'un autre côté, on indique qu'il est utilisé au niveau national et cantonal - circulez, y a rien à voir, ce taux-là, on l'utilise déjà. Or si vous vous référez aux statistiques du chômage, de quoi entendrez-vous parler dans notre canton ? Du taux SECO et de rien d'autre ! Avec une constance qui en a irrité plus d'un ici, mon groupe a toujours remis en question les statistiques cantonales, qui ne prennent en compte que les personnes immédiatement plaçables; même pas les personnes inscrites au chômage, mais celles qui sont immédiatement plaçables. Si vous avez été inscrit dans un cours sur la manière de trouver un poste, de faire un curriculum vitae, si vous avez le malheur d'être atteint dans votre santé et que vous êtes au bénéfice des prestations compensatoires pour la maladie au chômage, cela suffit pour que vous sortiez des statistiques du chômage. Cela veut dire que d'un mois à l'autre, vous êtes dedans ou dehors, ce qui ne reflète pas la réalité du non-emploi dans notre canton.
Ce que requiert cette proposition de motion, finalement, c'est quoi ? C'est de prendre un peu de hauteur et de considérer globalement la question de la demande d'emploi dans notre canton. Quand nous voulons nous référer aux statistiques du chômage, que cherchons-nous à savoir ? Combien de personnes sont touchées aujourd'hui par le non-emploi ou le mal-emploi, l'emploi insuffisant. C'est de ça qu'on a besoin pour construire quelque chose, pour construire des moyens de lutter contre le chômage, pour la création d'emplois. C'est ça qui est important, avoir une véritable et précise mesure de la problématique du chômage dans notre canton. Le taux SECO n'y suffit pas, et de loin. Pourtant, c'est celui auquel se réfère régulièrement le Conseil d'Etat, généralement pour indiquer qu'il a baissé, que la situation s'améliore.
Je vous rappelle qu'en 2018, les modalités de calcul du taux de chômage ont été modifiées et que comme par hasard, tout d'un coup, le chômage a baissé ! Il se trouve que la pandémie l'a fait remonter à ces 5,4% dont parle le rapport, mais entre-temps, on est revenu à 4,1% alors qu'au niveau national, nous sommes à 2,3%. Quand on parle de ces taux-là, on ne parle encore que du taux SECO et donc de la réalité des personnes immédiatement plaçables pour un emploi, et de loin pas de la réalité du chômage dans notre canton.
Il faut savoir ce qu'on veut: si on veut connaître l'ampleur du problème du chômage, alors il faut se référer au taux BIT, en le modulant si nécessaire avec d'autres éléments; l'écarter d'un revers de la main n'est pas pertinent ni respectueux des personnes qui souffrent aujourd'hui du non-emploi. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, la question des personnes en recherche d'emploi est primordiale pour notre canton, puisque, on le sait, Genève est malheureusement bien trop souvent en tête du taux de chômage ou globalement de personnes en recherche d'emploi, même si Neuchâtel peut parfois dépasser Genève. C'est une préoccupation pour notre canton.
La question posée ici est assez particulière, je trouve. Dans le fond, cette proposition de motion demande à adopter un calcul selon le taux BIT. Nous avons eu les explications de l'OCE, trois types de statistiques sont possibles: le taux de personnes au chômage, soit le taux SECO, à 4% et quelques actuellement; le taux de personnes en recherche d'emploi, légèrement en dessous de 8%; le taux au sens du BIT. On peut qualifier les deux premiers d'effectifs, liés aux personnes inscrites au chômage ou en recherche d'emploi, l'autre est une statistique établie par enquête.
Pour le groupe socialiste, il est toujours essentiel d'avoir les chiffres les plus justes par rapport à la réalité. La réalité consiste à prendre en compte les personnes en recherche d'emploi aujourd'hui dans notre canton. Or ces chiffres - et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'opposera à cet objet -, nous les avons ! Nous les avons, fournis par l'office cantonal de la statistique - je viens d'aller voir. Si vous consultez le site de l'OCSTAT, vous trouverez précisément ces trois taux, le taux de personnes inscrites au chômage, celui des personnes en recherche d'emploi et celui au sens du BIT, qui permet en effet des comparaisons internationales. L'étude de celui-ci est également prolongée pour une approche spécifique sur la ville de Genève dans un but de comparaisons entre territoires urbains.
Dès lors, cette proposition de motion n'a pas vraiment de sens aux yeux du groupe socialiste, même si nous comprenons et partageons véritablement la préoccupation. Il y a peut-être un mea culpa à faire de notre côté, pouvoirs politiques, médias également, qui relayons constamment les taux de chômage, alors que nous avons, c'est vrai, les outils statistiques à disposition dans le canton de Genève et au niveau fédéral, puisque le taux BIT est aussi établi par la Confédération, pour interpréter ce taux si nous le souhaitons. Ce texte n'a pas de raison d'être et nous vous invitons à le refuser. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deonna, il vous reste dix secondes.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Sous-estimer le nombre réel de chômeurs, utiliser des indicateurs pas tout à fait fiables aggrave la tendance à stigmatiser les chômeurs, qui sont facilement accusés d'être responsables de leur situation ou encore de ne pas en faire assez pour l'améliorer.
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Emmanuel Deonna. C'est pourquoi le groupe socialiste invite le Conseil d'Etat...
Le président. Merci.
M. Emmanuel Deonna. ...à ne pas se contenter de la méthode actuelle, mais bien, comme l'ont dit mes préopinants, à entamer une réflexion sur les statistiques du chômage... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Je rappelle que le taux de chômage BIT à Genève était, début 2021, de 13,4%. Ce chiffre ne vient pas de l'UDC. Il n'est contesté par personne.
Pourquoi, pourquoi Genève a-t-elle besoin de ce taux de chômage BIT ? Simplement pour comparer les chiffres avec la France voisine. Pourquoi cacher, pourquoi cacher que le taux de chômage BIT est de 13,4% à Genève et que le même taux, calculé sur la même base, est seulement de 7,6% en France voisine ? Cette motion veut simplement rappeler cela. Je vous recommande de l'accepter. Merci de votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, une remarque que vous transmettrez au commissaire d'Ensemble à Gauche: à titre personnel, je suis sensible à ce plaidoyer; encore faudrait-il le défendre en commission et participer à nos travaux.
Pour ce qui est de l'efficacité, le but du taux pour l'office cantonal de l'emploi est de faire quelque chose, de réagir. On a une transparence totale, arrêtez de dire qu'on cache ce taux ! Il est public, on vous l'a expliqué - je refais volontiers l'exercice, mais je pense qu'on a autre chose à faire. Le taux est un outil de contrôle, un outil de travail pour l'OCE, c'est son but.
Comme de nombreux commissaires l'ont rappelé, ces taux sont à disposition. Les mesures sont en place, le système d'assurance-chômage est fédéral et cantonal, on se réfère donc aux taux utilisés en Suisse - Monsieur le rapporteur de minorité, je pense que vous êtes en capacité de le comprendre, surtout venant d'un parti très attaché aux valeurs de la Confédération.
Le ton dont on dit «Jouons cartes sur table» en évoquant une espèce d'opacité, d'obscurité, comme si on voulait cacher des choses aux gens, ça n'a aucun sens. Au nom de la majorité, je me permets, puisque vous parlez de cartes - petit clin d'oeil pour les joueurs de jass -, de descendre le buur et je demande qu'on procède au vote. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de motion 2567 est rejetée par 59 non contre 14 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprendrons à 16h. Je demande aux membres du Bureau de bien vouloir se rendre avec moi à la salle Nicolas-Bogueret. Merci.
La séance est levée à 15h40.