Séance du vendredi 20 mai 2022 à 18h05
2e législature - 5e année - 1re session - 5e séance

R 831-B
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, François Lefort, Sarah Klopmann, Jean-Michel Bugnion, Frédérique Perler, Boris Calame, Yves de Matteis, Christina Meissner, Pierre Vanek, Mathias Buschbeck pour la protection des abeilles
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.
Rapport de majorité de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)
Rapport de première minorité de M. Philippe Poget (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Burgermeister (EAG)

Débat

Le président. A présent, nous traitons la R 831-B en catégorie II, trente minutes. La parole échoit à Mme Céline Zuber-Roy.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission de l'environnement et de l'agriculture a étudié la proposition de résolution 831 au cours de deux séances au printemps 2019. Ce texte avait déjà fait l'objet d'un premier traitement en commission en septembre 2017, mais y avait été renvoyé par la plénière en mars 2019 suite au dépôt d'un amendement général par ses auteurs.

Pour rappel, le premier examen en commission avait confirmé que si la R 831 aborde un vrai problème, à savoir la dangerosité de certains produits phytosanitaires, notamment pour les abeilles, celui-ci est toutefois déjà identifié et surtout pris en charge par les Chambres fédérales. A tel point que les trois substances visées par le projet initial ont été interdites par la Confédération, comme l'objet le demandait.

Face à cet état de fait, qui rendait la proposition de résolution caduque, ses auteurs ont préféré présenter un amendement général en plénière plutôt que, plus logiquement, de la retirer. Cet amendement invite le Conseil fédéral - je cite - «à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes» et «à renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes».

La commission a donc repris son travail. Cependant, la nouvelle proposition ne change que peu la problématique. Il n'est pas utile que Genève renvoie une résolution au Parlement fédéral sur un sujet qu'il traite déjà. Comme l'a révélé l'audition de M. Max Huber, de la Société romande d'apiculture, un rassemblement interparlementaire et interpartis, appelé «groupe abeilles» et composé de soixante parlementaires fédéraux, s'est déjà formé avec la volonté de protéger les abeilles. Dans ce cadre, le renvoi d'un texte genevois n'est clairement pas nécessaire. Pour ces raisons, la majorité de la commission de l'environnement vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cet objet, amendé ou non.

M. Philippe Poget (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, par cette proposition de résolution et à travers un amendement présenté en commission, nous avons voulu envoyer un signal fort au Conseil fédéral pour qu'il poursuive dans la bonne direction et élargisse l'interdiction d'utilisation à tous les néonicotinoïdes, pas seulement aux trois déjà proscrits. Divers rapports scientifiques nous confirment les problèmes engendrés par leur usage; on citera notamment la longue stabilité dans le miel - jusqu'à quarante mois - de ces pesticides controversés, ce qui vient ajouter aux impacts sur la vie des abeilles des conséquences potentielles sur la santé humaine.

Durant les travaux de commission, on a pu constater que tous les membres sont d'accord quant à la nécessité de protéger les abeilles, mais la majorité a cependant estimé que ce texte était superflu et procédait d'une analyse incomplète de la situation, le déclin des abeilles étant un phénomène multifactoriel. Par ailleurs, le recours à trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes est partiellement restreint depuis 2013 et définitivement prohibé depuis fin 2018. Mais cela ne suffit pas et c'est pourquoi nous avons proposé l'amendement déjà mentionné par Mme Zuber qui vise «à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes» et «à renforcer» - c'est le deuxième point important - «les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes».

Cet objet aurait de bonnes perspectives d'être accepté au niveau fédéral. En effet, ainsi que l'a déjà indiqué également la rapporteure de majorité, il existe un groupe interparlementaire et interpartis concernant les abeilles, qui réunit soixante parlementaires. Le thème est d'actualité, puisque en date du 18 mars 2022, un conseiller national Vert, M. Walder, a déposé l'interpellation suivante: «Néonicotinoïdes. Que fait le Conseil fédéral ?» On travaille donc sur le sujet et je pense qu'il faut continuer à mettre la pression sur notre Parlement.

Il est nécessaire d'organiser l'abandon définitif de l'ensemble des néonicotinoïdes, comme la France l'a fait depuis le 1er septembre 2018, en l'accompagnant d'un renforcement de la recherche en lutte biologique, car nos agriculteurs et agricultrices ont besoin d'alternatives pour se passer définitivement de ces substances dangereuses. Si certains pays européens ont accepté à titre temporaire de permettre l'usage d'un produit comme le Gaucho - n'y voyez rien de politique -, qui doit prétendument sauver la culture de la betterave à sucre, nous pourrions pour une fois nous montrer plus radicaux que l'Europe et nous en tenir à notre interdiction de cette molécule, ce que l'OFAG a heureusement fait.

Sans abeilles et autres insectes pollinisateurs, je le rappelle, il n'y aura plus d'agriculture. Même dans la production hors sol, on introduit des abeilles. Nous estimons dès lors qu'il est primordial de soutenir cette proscription afin de préserver les abeilles qui sont les alliées indispensables des paysannes et des paysans. Au vu de ces arguments, la minorité vous demande d'accepter cette proposition de résolution de même que son amendement et de la renvoyer au Conseil fédéral.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. La rapporteuse de majorité, Mme Zuber-Roy, a correctement rappelé l'historique de cette proposition de résolution, notamment le fait qu'à la base, elle visait trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes qui ont depuis été interdits par la Confédération. Eh bien précisément, Madame la rapporteuse, Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de raison de s'arrêter là ! La situation est mouvante, et ce parlement doit évoluer avec les circonstances et adapter ses revendications. C'est logique, c'est du bon sens et c'est aussi beaucoup plus simple que de déposer texte après texte. Il est évidemment plus intéressant pour une commission ayant déjà réalisé le travail de modifier un objet qui a été discuté collectivement.

L'amendement général que j'ai déposé et signé avec les Verts s'ancre parfaitement dans la continuité de l'objectif initial; on élargit les considérants en disant que ce ne sont pas seulement trois pesticides de la classe des néonicotinoïdes qu'il faut proscrire, mais qu'il s'agit d'organiser l'abandon de l'ensemble des néonicotinoïdes. Une sortie programmée, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un couperet insupportable pour l'agriculture, c'est une planification à court ou moyen terme de ce bannissement indispensable afin de pouvoir s'adapter. D'autant plus, et cela a été souligné par les deux rapporteurs, que nous préconisons par ailleurs le renforcement de la recherche d'alternatives.

On le voit, ce sont des revendications extraordinairement raisonnables, et en ce qui me concerne, je serais surpris que ce Grand Conseil n'accepte pas des propositions aussi modestes. Si nous ne sommes pas prêts à envisager à terme la sortie des néonicotinoïdes, cela signifie tout simplement qu'une majorité de ce parlement a décidé de ne rien faire en matière de préservation de la biodiversité, car enfin, l'agriculture peut s'en passer: ce n'est pas quelque chose d'indispensable et c'est beaucoup plus facile à remplacer que des engrais, par exemple.

Ces insecticides ont un très fort potentiel de dissémination, ils se répandent dans l'ensemble de la plante. Comme cela a été relevé, c'est nocif pour les abeilles. Alors on pense souvent aux abeilles domestiques, mais il faut rappeler qu'en Suisse, il existe plus de six cents espèces d'abeilles sauvages, dont près de la moitié - 45% - sont menacées, Mesdames et Messieurs, et les néonicotinoïdes jouent un rôle dans le déclin de ces espèces essentielles à la pollinisation des plantes sauvages.

Le problème touche d'autres pollinisateurs, les syrphes notamment. De plus, une étude de l'Université de Neuchâtel a démontré la présence de ces substances toxiques dans les plumes des oiseaux, il y a donc un risque bien réel d'impact sur la santé de l'avifaune également.

Une voix. Sur le temps de son groupe.

Une autre voix. Il passe sur le temps de son groupe.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jean Burgermeister. Merci de parler à trois dans le micro ! Je poursuis: mais pire encore, Mesdames et Messieurs les députés, et cela devrait tous et toutes vous interpeller, des néonicotinoïdes peuvent se retrouver dans les aliments destinés à l'être humain. On sait qu'ils peuvent être présents en assez grande quantité dans le miel, et ce de manière persistante. Or des études suggèrent qu'une exposition forte à ces substances est susceptible d'entraîner des conséquences neurologiques chez l'être humain.

Dès lors, Mesdames et Messieurs, je m'étonne de l'opposition acharnée du PLR, qui est incompréhensible, à rebours de la nécessité pour la santé publique ainsi que pour l'environnement de programmer - je n'ai pas parlé de sortir demain, mais bien de programmer - l'arrêt des néonicotinoïdes, en accompagnant bien entendu les acteurs de l'agriculture en Suisse et à Genève. On peut se laisser le temps, mais enfin, vous en conviendrez, il y a une certaine urgence à préparer cette sortie indispensable. C'est pourquoi je vous invite, tout comme le rapporteur de première minorité, M. Poget, à voter l'amendement qui a été présenté, puis la proposition de motion ainsi amendée. (Remarque.) La proposition de résolution, pardon !

Le président. Merci, Monsieur. Je salue à la tribune la présence d'une ancienne députée, Mme Jacqueline Roiz ! (Applaudissements.) Monsieur François Wolfisberg, vous avez la parole.

M. François Wolfisberg (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous ne remettons d'aucune manière en cause la toxicité de certains produits, mais il a clairement été démontré que nos agriculteurs, dans leur globalité, sont sensibilisés à cette problématique et que l'utilisation des substances citées se fait en bonne intelligence et avec parcimonie. Sans oublier les producteurs bio qui cherchent sans cesse des alternatives organiques. L'utilisation avant floraison préserve les pollinisateurs de contact, et de la bouche des apiculteurs, les molécules incriminées ne constituent pas, en Suisse et surtout à Genève, la cause première de mortalité des abeilles.

Dans leur volonté d'exemplarité aveugle, les initiants de ce texte ne se rendent pas compte qu'une telle proposition est la mort annoncée de nos acteurs agricoles qui, jour après jour, se surpassent pour livrer des produits de qualité avec des prix abordables à la majorité des résidents du canton. Pour ces raisons, s'il faut bien sûr absolument préserver les abeilles, on ne doit en aucun cas les mettre en concurrence avec nos paysans, lesquels méritent notre confiance et notre soutien. En conclusion, tout comme la majorité de la commission, le groupe PLR vous invite à rejeter cet objet ainsi que l'amendement. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). De quoi parle-t-on ici ? Il est question de protection des abeilles, bien sûr, mais de manière plus générale, c'est la sauvegarde des insectes bénéfiques, la préservation de la biodiversité qui forment le sujet de cette proposition de résolution. Or la protection de la biodiversité, c'est la protection de notre sécurité alimentaire, de notre nourriture, de la qualité des produits, de notre bien-être et finalement de notre santé.

A ceux qui aiment les abeilles - je vous ai entendus -, mais qui minimisent le problème de l'effondrement de la biodiversité, je dirai que nous évoquons ici des choses graves et des choix sérieux, puisque sans pollinisation des espèces végétales, celles-ci ne se reproduisent plus et disparaissent ! En Europe, 78% de la flore sauvage... Je les vois rire, évidemment ! En Europe, 78% de la flore sauvage - 78% ! - et 84% de la flore cultivée sont dépendantes de la pollinisation; c'est dire le rôle crucial que jouent les insectes pollinisateurs et notamment les abeilles domestiques, qui assurent à elles seules 30% de la pollinisation totale.

Alors je ne suis pas un grand client de la marchandisation des services à l'environnement, contrairement à d'aucuns, mais cela peut avoir le mérite de parler à certains bancs. Ce service à l'agriculture mondiale est estimé à 155 milliards d'euros, et c'est un service environnemental gratuit et irremplaçable. Tellement irremplaçable que des brevets ont déjà été déposés pour suppléer les abeilles. Oui, Mesdames et Messieurs, cinq brevets ont été présentés ces dernières années pour des microrobots pollinisateurs, qui n'existent actuellement que dans les séries Netflix, heureusement. On peut rire, mais voyez que certains pensent déjà au jour où il n'y aura plus d'abeilles.

Oui, la pollinisation constitue un service environnemental gratuit et irremplaçable, et pourtant l'abeille domestique et les pollinisateurs sauvages disparaissent, les populations déclinent depuis 1970. Ce syndrome de dépérissement des colonies est bien connu des apiculteurs, l'un de ses stigmates est une production de miel divisée par deux à trois selon les années, ce qui rend le métier de plus en plus difficile. Ce déclin n'est pas exclusivement dû aux pesticides, mais également à des maladies, aux parasites comme le varroa destructor ainsi qu'aux insecticides qui augmentent la mortalité des abeilles.

Les néonicotinoïdes utilisés pour lutter contre les insectes ravageurs dans les cultures représentent aujourd'hui dans le monde un tiers des insecticides et ils ne regroupent pas seulement les trois molécules que nous avons interdites, ils comptent treize molécules différentes. Seules trois d'entre elles sont interdites pour un usage en plein air en Europe et en Suisse depuis 2018 alors qu'elles ont une durée de vie d'environ trente ans. Responsables de la chute de la biodiversité, elles aggravent l'effondrement des colonies d'abeilles et elles sont aussi dangereuses pour la santé humaine, puisque plusieurs études récentes les mettent en relation avec le cancer du sein hormonodépendant chez les femmes.

Pour ces raisons, et c'est ce que nous vous proposons à travers notre amendement, il faut d'une part organiser une sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes, pas seulement des trois produits dont l'utilisation a été suspendue, et d'autre part renforcer la recherche afin de trouver des solutions biologiques pour les agriculteurs. Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Léna Strasser (S). «Maman, c'est quoi un insecte ?» Mesdames les députées, Messieurs les députés, encore combien d'années avant que les enfants n'interpellent ainsi leurs parents ? 60% des insectes sont menacés de disparition, et parmi eux les abeilles. Pro Natura, en vue de la Journée mondiale de la biodiversité qui aura lieu dimanche, lance un cri d'alerte sur cette crise, arguant que les Suisses n'ont pas conscience de l'état de l'environnement qui se dégrade dans notre pays et des dangers qui nous menacent si le déclin des espèces se poursuit à ce rythme.

Le taux d'extinction des insectes est huit fois plus rapide que celui des mammifères, reptiles et oiseaux, et a un impact sur ces derniers ainsi que sur le reste de notre écosystème. Les abeilles constituent l'un des plus importants pollinisateurs de culture vivrière; un tiers de la nourriture que nous ingurgitons repose sur leur travail. Certes, les causes de la disparition des insectes sont plurielles - bétonnage du paysage, pollution lumineuse, changement climatique -, mais le recours à certains pesticides représente l'un des facteurs sur lesquels nous pouvons agir aujourd'hui en renvoyant cette proposition de résolution au Conseil fédéral.

Se borner à réduire l'usage des néonicotinoïdes, comme mon préopinant du PLR l'a suggéré, n'est pas suffisant. L'un des auditionnés en commission l'a rappelé: même s'ils sont utilisés à toutes petites doses, ils impactent les abeilles, qu'elles soient domestiques ou sauvages. Or nous avons besoin des abeilles, et celles-ci ont besoin que nous prenions des décisions concrètes pour leur sauvegarde, notamment celle de nous passer des produits qui leur sont nuisibles.

Nous sommes conscients que celles et ceux qui nous nourrissent en cultivant leur terre nécessiteront un soutien dans cette transition; il est dès lors indispensable de renforcer les recherches agronomiques afin de développer des alternatives aux insecticides. C'est l'objet de l'amendement présenté en commission que nous adopterons ainsi que la proposition de motion... Enfin, la proposition de résolution, plutôt. Merci. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Le MCG défend la nature genevoise. Le MCG défend le patrimoine genevois. Le MCG défend les abeilles genevoises... (Rires.) ...même si elles font parfois quelques incursions de l'autre côté de la frontière. Aussi, nous soutiendrons la proposition de résolution ainsi que son amendement, qui est le bienvenu et qui actualise le texte initial.

Néanmoins, même si nous sommes ravis qu'on nous propose de protéger les abeilles à Genève, nous sommes également surpris que les Verts nous demandent d'agir à Berne. Je comprends bien que la première signataire vient d'être élue au Conseil national et j'en suis heureux pour elle...

Une voix. Ah bon ?

Une autre voix. Il n'y a pas eu d'élections récemment.

M. François Baertschi. Néanmoins, je pense que l'action du groupe qui nous a présenté cet objet devrait se faire en priorité à Berne, on ne devrait pas utiliser le parlement genevois comme une sorte de caisse de résonance, je ne suis pas certain que cela soit de la plus grande efficacité. Pour ma part, je suis toujours très gêné quand des partis nationaux cherchent à utiliser notre Grand Conseil pour intervenir sous la coupole fédérale; c'est d'autant plus gênant lorsqu'il s'agit d'un thème qui nous est cher, d'un sujet qui doit être soutenu. Malheureusement, on utilise les mauvaises méthodes.

Alors agissons, nous irons bien évidemment dans la direction des personnes qui interviennent, parce que la sauvegarde des abeilles genevoises constitue un enjeu important, même capital pour la nature genevoise; nous y tenons, donc nous accepterons le texte, mais nous émettons tout de même ce petit bémol. Merci, Monsieur le président.

Mme Patricia Bidaux (PDC). En préambule à mon intervention, Monsieur le président, je souhaiterais que vous transmettiez à mes collègues qu'en tant que paysanne genevoise, je suis lassée des propos paternalistes qu'on entend continuellement envers notre agriculture genevoise, qui est composée de jeunes gens motivés et formés à l'utilisation des machines, à la gestion du patrimoine, à la prise en charge de leur terrain; ils passent constamment des permis, notamment celui de traiter. Je tenais à le souligner, parce que nos paysans sont des hommes et des femmes formés et toujours en cohérence avec ce qu'ils font, avec le travail de la terre. Merci de ne pas l'oublier.

Pour remettre les choses en perspective, Mesdames et Messieurs, je rappellerai que trois colliers pour chien contre les puces et les tiques, c'est l'équivalent du traitement d'un hectare de betterave dans nos champs. Alors quand votre animal de compagnie vient dormir dans votre lit, ne me dites pas que c'est parce que vous avez léché l'herbe de la plantation d'à côté que vous êtes contaminé, c'est bel et bien parce que vous avez caressé votre petit toutou. Voilà la deuxième chose que je voulais relever.

Concernant la recherche qui est en cours et qui doit évidemment se poursuivre, je précise qu'aucun paysan du canton ne souhaite continuer à utiliser des produits qui pourraient se révéler dangereux pour la santé. Moi-même, je n'entends pas faire de la publicité pour ces substances.

Nous sommes déjà en avance. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont faites. Aujourd'hui, on utilise le sarclage. Aujourd'hui, on met en oeuvre des techniques modernes pour faire face à tout cela. S'agissant des produits biologiques, sachez que l'huile de neem, qui est un puissant insecticide, est utilisée en agriculture biologique et a le même effet sur la survie des abeilles. Merci de prendre du recul, merci d'ouvrir votre réflexion et pas seulement de suivre ce qu'on entend, ce qui est dans l'air du temps. Etre dans le vent, c'est l'ambition d'une feuille morte, il s'agit de regarder un peu ce qui se passe quotidiennement dans nos champs et de considérer le travail de nos paysans.

Pour toutes les raisons qui précèdent et parce que notre parti est convaincu que les agriculteurs de ce canton font le nécessaire, cherchent des solutions adéquates, s'engagent aussi au niveau national pour les actions qui doivent être menées, soutiennent la recherche, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le renvoi de cette proposition de résolution à Berne. Je vous remercie. (Applaudissements. Commentaires.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à M. Patrick Dimier, à qui il reste cinquante-sept secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. On aura appris au moins une chose dans ce débat, c'est qu'il est nécessaire d'avoir un Gaucho pour chasser les pucerons Verts ! C'est déjà ça. Je dois dire que les oppositions ont la fâcheuse tendance à nous donner le bourdon, parce que s'il y a vraiment quelque chose d'important à protéger, ce sont les abeilles. D'ailleurs, je vous invite tous à planter de petites graines qui feront venir les abeilles dans vos champs, dans vos jardins et pourquoi pas sur vos balcons. Ce parlement est une ruche, et on ne saurait rester...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Patrick Dimier. Oui, une seconde, j'arrive ! Pour conclure, je suis la preuve qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une taille de guêpe pour traiter du sujet !

Le président. Je vous remercie. Madame Danièle Magnin, il ne reste plus de temps à votre groupe.

Une voix. J'ai compris, Monsieur le président, merci. Cela ne me surprend pas !

Le président. Maintenant, je repasse la parole à M. Jean Burgermeister...

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, merci, Monsieur le président...

Le président. ...pour une minute quarante sur le temps du groupe.

M. Jean Burgermeister. Pardon ?

Le président. Il vous reste une minute quarante.

M. Jean Burgermeister. Je ferai vite, Monsieur le président, merci. D'abord, j'aimerais répondre à la députée PDC qui a rappelé l'engagement bien réel des paysans et des paysannes de ce canton, et souligné une réalité qu'on a vue émerger ces dernières années, celle d'une nouvelle génération d'agriculteurs et d'agricultrices montrant une sensibilité accrue pour les questions environnementales, notamment la préservation de la biodiversité. Mais raison de plus, Mesdames et Messieurs, pour accompagner ce mouvement en instaurant un cadre légal à l'échelle du pays afin d'empêcher une concurrence qui serait difficile à supporter entre celles et ceux qui entendent s'affranchir de ces produits nocifs et celles et ceux qui continuent aveuglément à les utiliser au détriment de l'intérêt du plus grand nombre, de la santé publique et de la biodiversité.

C'est précisément parce qu'il serait injuste de faire reposer la nécessaire sortie des néonicotinoïdes sur les seules épaules des paysans et des paysannes en leur disant: «Maintenant, faites un effort !» que nous proposons ici un texte qui dispose la chose suivante: la Suisse doit programmer cet arrêt, doit également trouver des alternatives... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et ne pas faire peser toute la responsabilité sur le dos de celles et ceux qui cultivent la terre au quotidien.

Enfin, je vais encore répondre très brièvement au député PLR: on a appris aujourd'hui que le PLR, pourtant chantre de la compétition libre et non faussée, s'inquiétait de voir mis en concurrence les paysans et les abeilles.

Le président. C'est terminé, merci...

M. Jean Burgermeister. Eh bien qu'il soit rassuré, Mesdames et Messieurs: les deux travaillent en général main dans la main, et c'est précisément pour préserver cette collaboration essentielle... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur poursuit son intervention.) ...qu'il faut voter la résolution amendée ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. La parole va à M. Philippe Poget.

M. Philippe Poget (Ve), rapporteur de première minorité. Est-ce qu'il me reste du temps ? (Remarque.) D'accord, eh bien votez la résolution amendée, Mesdames et Messieurs ! Merci. (Rires.)

Le président. Merci à vous. Pour finir, je rends la parole à Mme Céline Zuber-Roy pour une minute.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Une minute, alors je serai brève. Comme je l'ai indiqué en introduction, il s'agit ici de renvoyer un texte au Conseil fédéral alors que, j'ai clairement insisté là-dessus, le sujet est déjà traité à l'échelle fédérale. Je remercie Mme Bidaux pour son intervention qui constitue un témoignage, qui permet d'appréhender la complexité de la problématique. Il ne suffit pas de définir de grands principes en s'écriant: «On en sort, voilà, c'est fini !», il faut une approche plus subtile, et j'ai toute confiance en nos parlementaires fédéraux pour cela.

Je réagis à l'intervention de M. Baertschi, qui nous a indiqué que le MCG soutiendra la proposition de résolution. Il trouve dommage... (Remarque.) Oui, mais je ne peux pas me tourner en parlant dans le micro !

Une voix. Il t'entend !

Mme Céline Zuber-Roy. Magnifique ! Il nous explique d'un côté qu'il n'aime pas renvoyer des textes à Berne, mais qu'il le fera tout de même, je trouve cela regrettable. Vraiment, on continue à décrédibiliser Genève, parce que même si sur le fond...

Le président. Sur le temps de votre groupe.

Mme Céline Zuber-Roy. Ah, parfait ! (Rires.) Merci, Monsieur le président.

Le président. Oui, il vous restait encore un petit peu de temps sur votre groupe, Madame.

Mme Céline Zuber-Roy. Une minute quarante-cinq, ça va aller ! Donc je disais... (L'oratrice reprend son souffle.) Excusez-moi ! Monsieur Baertschi, vous nous expliquez que vous êtes d'accord sur le fond, mais sauf erreur, vous avez... Non, pardon, vous n'avez plus de conseillers nationaux, mais il y a toujours des relais: comme cela a été noté, M. Walder, parlementaire genevois, a déposé une interpellation dans ce sens.

La question est déjà examinée à Berne, donc simplement ajouter une intervention genevoise qui dit en gros: «Nous savons toujours mieux que vous, merci de travailler sur le sujet, mais nous allons quand même vous expliquer comment faire votre travail, merci d'agir comme les Genevois le préconisent, parce que nous sommes meilleurs que vous», je ne suis pas convaincue de l'efficacité de ce procédé. (Commentaires.) J'entends les rapporteurs de minorité s'exclamer: «C'est vrai !» J'avoue que par fédéralisme, je pensais à l'égalité, mais bon...

Amendé ou pas, cet objet... Je précise encore une fois que l'amendement n'est pas nouveau, c'est bien celui qui a été étudié en commission. La majorité ne juge pas utile de renvoyer un texte aux autorités fédérales pour leur signifier: «Merci de poursuivre les démarches que vous avez déjà entamées.» Pour cette raison, et non pas parce que nous estimons que c'est une bonne chose d'utiliser ces produits, mais bien parce que nous faisons confiance au Parlement fédéral, je vous invite à refuser tant l'amendement que la proposition de résolution, amendée ou non.

Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur Burgermeister... (Remarque.) Eh non, vous avez déjà eu quatre secondes de plus ! Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par M. Philippe Poget:

«Invites (nouvelle teneur)

invite le Conseil fédéral

- à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes;

- à renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes;

invite le Conseil d'Etat

à soutenir cette initiative cantonale.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 40 non.

Mise aux voix, la résolution 831 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat par 52 oui contre 41 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 831 Vote nominal