Séance du
vendredi 20 mai 2022 à
16h30
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
4e
séance
PL 13095-A
Premier débat
Le président. Nous poursuivons nos débats avec les urgences et le PL 13095-A qui est classé en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) Madame la rapporteure de majorité, je vous cède la parole - la parole va donc à Mme Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. En préambule, je souhaiterais vous féliciter pour votre accession à la présidence. (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Diane Barbier-Mueller. Je ne l'avais pas encore fait. (Rires.) Ce projet de loi fait suite à l'accord de 2020, qui résulte d'un large consensus entre les différents partis, excluant, malheureusement pour eux, Ensemble à Gauche et l'UDC. L'accord prévoyait une répartition équitable des catégories de logements pour répondre aux besoins de toute la population: des logements subventionnés, des logements ZDLOC - soit des locatifs aux prix contrôlés pendant dix ans - et des logements en PPE. La grande nouveauté de cet accord était l'introduction de la PPE dans la loi, puisqu'elle n'y figurait pas jusqu'alors.
Vous me direz, pourquoi en faire un projet de loi si c'est simplement ce qui a été défini dans l'accord de 2020 ? Eh bien, parce que le département du territoire, lors du traitement en commission d'un autre projet de loi, a décidé de se laisser une marge de manoeuvre et revenait ainsi en quelque sorte sur cet accord. D'ailleurs, si vous lisez le rapport, le Conseil d'Etat le reconnaît: dans l'accord, il était prévu de la PPE - de la propriété par étage - en pleine propriété, mais ça l'arrangeait de se laisser une réserve en droit de superficie. Ce projet de loi revient donc sur l'accord de 2020.
En 2020, nous avions spécifié que la PPE s'entendait en pleine propriété; c'est un argument qui avait réussi à rallier une partie du PLR dubitative dans un premier temps. Le problème du droit de superficie, c'est le manque de visibilité sur le long terme, puisqu'il est accordé pour une durée maximum de 99 ans. Il implique le paiement d'une rente - donc d'un loyer - au propriétaire du terrain; par conséquent, cette forme de PPE n'offre pas les mêmes garanties que la PPE en pleine propriété.
Tout ce que demandent les signataires de ce texte, c'est le respect de la parole donnée. La PPE en pleine propriété était l'exigence de certaines parties prenantes de l'accord, qui ont notamment consenti à inscrire dans la loi 18% de logements HBM. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à respecter votre parole et à accepter ce projet de loi. Merci.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, première vice-présidente
Mme Badia Luthi (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour ce projet de loi, la droite a refusé toutes nos demandes d'auditions, malgré le fait qu'elles auraient pu amener des éclaircissements sur la position des signataires et de leurs alliés. Ces refus ont donc fermé la porte à des réflexions et à des débats potentiels pour approfondir certaines questions, s'agissant d'un texte qui sert avant tout les intérêts des promoteurs immobiliers et des grands propriétaires plutôt que ceux des locataires. A ce sujet, il est important de rappeler que ce projet était mis en avant et défendu par les représentants des milieux immobiliers. On devine très vite de qui on parle.
Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous que toute la question des catégories de logements en zone de développement a fait l'objet de longues discussions entre la droite et la gauche. Ces discussions ont abouti à un consensus qui a permis de mettre fin à un processus judiciaire très complexe et d'asseoir ce consensus sur une situation satisfaisante pour tous les partis sauf pour Ensemble à Gauche, qui avait refusé l'accord. L'accord a permis de déterminer le pourcentage minimum de logements HBM et de logements en PPE, en droit de superficie ou en pleine propriété; finalement, chacun y trouvait donc son compte. Aujourd'hui, la droite dépose ce projet de loi qui remet en question l'accord de 2020. Elle demande en effet qu'à chaque nouvelle construction en zone de développement, la part dévolue à la PPE soit entendue uniquement en pleine propriété. Ainsi, elle exclut la PPE en droit de superficie.
La minorité aimerait préciser que tous les partisans d'une politique sociale du logement ont ratifié l'accord parce qu'ils ont considéré que le ratio minimum de PPE fixé ne conduirait en aucun cas à la vente forcée de terrains publics. Le PL 13095 tel qu'il est proposé peut par contre pousser les collectivités publiques à vendre à des privés, ce que l'accord permettait justement d'éviter. D'autre part, cette nouvelle mesure comporte un risque: celui de retarder la mise en oeuvre des PLQ. Comme vous le savez, l'aliénation des terrains publics implique un processus législatif potentiellement long, avec de fortes possibilités d'opposition.
Mesdames et Messieurs les députés, le bon sens veut que l'on garde un équilibre, une pesée équitable entre les intérêts des privés et l'intérêt public qui, théoriquement, devrait primer sur tout autre intérêt. C'est pour ces raisons que notre minorité vous recommande de refuser ce projet de loi.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure de première minorité. Le rapporteur de deuxième minorité... Ah, il est remplacé ! (La présidente rit. Rires. Remarque.) Voilà, très bien. Monsieur Burgermeister, vous avez la parole.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Je... (Un instant s'écoule.) Je vous remercie, Madame la présidente; je suis interrompu par des députés PLR turbulents. Je voulais d'abord répondre à Mme la députée Barbier-Mueller qui disait qu'Ensemble à Gauche avait malheureusement été exclu de l'accord signé entre le Conseil d'Etat et les partis gouvernementaux. Qu'elle se rassure: nous nous sommes exclus nous-mêmes car nous ne souhaitions pas y participer. Et pour cause: nous avions dit que c'était de la poudre aux yeux; d'abord, la répartition était trop injuste, avec une surreprésentation des PPE et une sous-représentation des logements accessibles à la population en proportion des catégories sociales au sein de cette population. Mais, surtout, l'argument consistant à dire «nous signons cet accord pour bénéficier d'une paix historique sur le logement» s'écroule comme un château de cartes devant nos yeux, Mesdames et Messieurs, vos yeux ébahis à vous toutes et tous, au sein du PS et des Verts, qui y avez sans doute cru. Peut-être même, sait-on jamais, M. Hodgers a-t-il péché un peu par naïveté et cru sincèrement que la droite allait arrêter de défendre avec acharnement les intérêts d'une petite minorité, les plus riches et celles et ceux qui ont la possibilité d'accéder à la propriété.
Voilà la preuve, Mesdames et Messieurs, qu'il s'agissait là d'un accord de dupes puisque ce projet de loi et d'autres - il n'y a pas uniquement celui-ci: il y a eu une salve de projets de lois de ce type - visent à attaquer la législation en matière de logement et à défendre les intérêts des propriétaires. Il y a notamment eu, à la commission du logement, le projet de loi pour la suppression pure et simple du droit de préemption par le canton et les communes ! C'est-à-dire, Mesdames et Messieurs, l'idée que la propriété privée doit passer avant les intérêts de la collectivité publique. Puis il y a eu la dérégulation des conditions d'accession à la propriété par étage, la PPE. Enfin, avec ce projet de loi, on veut donc rendre obligatoire la propriété par étage en pleine propriété.
Tout cela, Mesdames et Messieurs, revient à faire en sorte qu'une petite minorité, celles et ceux qui en ont les moyens, puisse acheter des terrains à des sommes souvent modiques, notamment dans le cadre du PAV, pour faire fructifier ces investissements et s'enrichir aux dépens de la majorité de la population qui est locataire - pas uniquement par choix, comme semble le penser Mme Diane Barbier-Mueller, mais bien parce que la propriété est inaccessible à la grande majorité. C'est pourquoi nous vous appelons à rejeter ce projet de loi comme ceux qui viendront par la suite et à défendre les intérêts de la majorité de la population en matière de logement.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Chers collègues, je tiens quand même à apporter une précision aux deux rapporteurs de minorité: il existe un principe constitutionnel en droit suisse, celui de la garantie de la propriété. Il en existe un deuxième, c'est que l'Etat doit favoriser l'accession à la propriété; la propriété n'est donc pas indigne, la propriété n'est pas de la spéculation: la propriété est un droit fondamental de l'individu. Je pense que cela méritait d'être souligné !
Je crois qu'un rapporteur de minorité est quand même conséquent avec son idéologie, c'est le second rapporteur - je ne dirai pas le deuxième mais le second, qui remplace son collègue au pied levé. C'est vrai qu'Ensemble à Gauche s'est déclaré indigne... (Rire.) ...ou s'est exclu de cet accord sur le logement pour des considérations qui lui sont propres mais que nous connaissons tous. Le rêve d'Ensemble à Gauche est en effet de construire 100% de logements sociaux; c'est que la classe moyenne disparaisse du canton et que l'on construise, que l'on bétonne la campagne genevoise de barres d'immeubles.
Une majorité extrêmement large s'est heureusement dégagée, dont la préoccupation principale était de répondre à l'intérêt de l'ensemble de la population et qui a, dans ce contexte, fait des concessions réciproques. La droite et le centre ont donc accepté qu'il y ait un quota de logements sociaux, 33%; la gauche a accepté qu'il y ait aussi des logements réservés à la classe moyenne, que ce soit en locatif, ZDLOC, ou en propriété. Et il existait dans cet accord un point fondamental: c'est qu'il fallait inclure, dans cette zone de développement, un minimum de 20% de logements en pleine propriété. Tel était notre accord.
Il n'a jamais été remis en question; si on lit le Mémorial du Grand Conseil, si on se réfère aux débats parlementaires ayant abouti au vote de la paix des braves, il est évident que dans l'esprit de tout le monde - y compris d'Ensemble à Gauche puisque telle était l'intervention du député Bayenet, que nous regrettons d'ailleurs beaucoup -, par 20% de PPE, il était entendu 20% en pleine propriété. Le projet de loi sur lequel nous allons nous prononcer aujourd'hui clarifie simplement cette évidence et je m'étonne, du fait de la parole donnée, que certains de nos amis de la gauche ne votent pas ce texte. Je ne comprends pas !
Enfin, vu que le second rapporteur de minorité, le vrai, cette fois, est parmi nous - avec un certain retard, mais il est maintenant quand même présent -, je m'étonne qu'il ait mentionné dans son rapport de minorité que la mixité sociale est le cheval de Troie de Genève. Nous avons une nouvelle Cassandre au sein de ce parlement ! En ce qui me concerne, je ne pense pas que la mixité sociale en matière d'aménagement soit un cheval de Troie; c'est au contraire la garantie d'une société apaisée et ouverte, d'une société où les gens se mélangent. Merci.
Une voix. Bravo.
M. André Pfeffer (UDC). L'objectif de ce projet de loi est de clarifier une position liée à un accord sur le logement conclu en 2020. Cet accord fixait, pour la zone de développement, la réalisation d'un tiers de logements sociaux, d'un tiers de logements à loyers contrôlés pendant dix ans et d'un tiers de logements dits «au libre choix du promoteur», dont 20% de PPE en pleine propriété.
Suite à l'interprétation du Conseil d'Etat, le problème actuel est de savoir si les éventuelles PPE en droit de superficie, catégorie de logements très marginale, sont à comptabiliser dans le quota des PPE en pleine propriété. Pour la majorité, la part de 20% est destinée aux PPE en pleine propriété. Les PPE en droit de superficie, extrêmement rares, doivent être comptabilisées dans la part dite «au libre choix du promoteur», qui représente tout de même 13% des logements globaux.
L'interprétation de l'exécutif et surtout les raisons de ce changement sont surprenantes. Notre Conseil d'Etat nous explique, avec une certaine désinvolture, la difficulté de compenser entre deux périmètres - une obligation légale - ou l'éventuelle obligation de vendre pour un propriétaire, alors que les petits propriétaires sont fortement incités à le faire et en plus pour un montant souvent en dessous du prix du marché.
Mais le plus important, c'est qu'il y a beaucoup trop peu de propriétaires à Genève. La construction de PPE est une nécessité. La PPE ne concerne pas uniquement les riches. Une grande part de notre population désire devenir propriétaire et des milliers de Genevois quittent chaque année notre canton, souvent pour acheter un logement ailleurs.
Pour finir, j'aimerais quand même dire qu'à la lecture de l'audition de notre conseiller d'Etat, il est légitime de se demander si celui-ci - et le jeune père de famille qu'il est - pense comme nous et, surtout, ne vit pas dans un autre monde.
Le groupe UDC soutient ce projet de loi. Merci de votre attention.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait effectivement suite à l'accord accepté par une large majorité des partis de ce Grand Conseil il y a quelques années pour définir ce que nous allons construire à Genève et dans quelles proportions, s'agissant des différentes catégories de logements, et il revient dessus. C'était le projet de loi dit des trois tiers: un tiers de LUP, un tiers de logements locatifs libres et un tiers laissé à la libre appréciation du promoteur. Et puis il y avait des objectifs complémentaires, notamment ce 20% de logements en PPE - sans qualificatif ! Si on ne qualifie pas quel type de PPE doit être inclus dans ce 20%, eh bien ça peut donc être de la PPE en pleine propriété, comme c'est généralement d'usage à Genève, mais ça laisse de fait ouverte la possibilité de faire de la PPE en DDP.
J'entends les arguments des initiants de ce projet de loi, qui disent: oui, mais pour nous, dans notre esprit, la PPE, c'est de la PPE en pleine propriété. Il est possible - et ça nous est déjà arrivé dans ce Grand Conseil - de revenir sur un accord en disant qu'on ne l'a peut-être pas assez bien formulé, que ce n'est peut-être pas assez précis pour exposer ce qu'on cherche à mettre en oeuvre dans la loi. Mais ça nécessite alors d'aller voir les différents partenaires de cet accord, de discuter avec eux et de trouver une nouvelle formulation qui puisse convenir à tout le monde.
Or ce n'est absolument pas ce que fait la droite actuellement: elle essaie de passer en force en déposant un texte toute seule dans son coin, en forçant le pas des travaux en commission par le refus de l'ensemble des auditions que nous avions requises et puis en demandant aujourd'hui un traitement urgent de ce texte. Or je ne vois absolument pas en quoi ce projet de loi est urgent puisqu'il relève en réalité d'une situation tout à fait théorique: il n'y a, à l'heure actuelle, aucun cas concret de périmètre en train de se développer où ces 20% de logements en PPE seraient en réalité des PPE en droit de superficie.
Et puis je ne comprends pas très bien non plus pourquoi la droite de ce parlement est tellement réfractaire au fait d'inclure dans ce quota de 20% de PPE la possibilité de faire de la PPE en DDP. Parce qu'en réalité, les propriétés par étage en droit de superficie sont moins chères à l'acquisition puisqu'elles ne sont pas en pleine propriété; de ce fait, elles sont plus accessibles. S'agissant de partis qui passent leur temps à nous parler d'accès à la propriété, ils devraient au contraire défendre ce mode d'habitat qu'est la PPE en droit de superficie.
Pour terminer, la raison pour laquelle le parti socialiste va s'opposer à ce projet de loi, c'est qu'il comporte un risque. Le risque, c'est que sur un petit périmètre - comme c'est d'ailleurs le cas actuellement dans le projet de développement des Coudriers -, si on n'a pas la possibilité de faire de la PPE en DDP mais uniquement de la PPE en pleine propriété, cette répartition des trois tiers dont 20% de PPE amènerait de facto les collectivités publiques à devoir vendre leur terrain dans les cas où l'Etat ou ces collectivités publiques seraient en possession de la totalité du terrain. Et ça, évidemment, c'est absolument inadmissible pour le parti socialiste, parce que les terrains publics, qu'ils soient détenus par l'Etat ou par les communes, doivent servir les intérêts d'une politique sociale du logement pour être en mesure d'offrir des logements bon marché aux classes moyenne et populaire - et donc du logement locatif contrôlé et non de la PPE vendue en pleine propriété. Voilà les raisons pour lesquelles le parti socialiste refusera ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Je vois des réactions; je vous informe qu'effectivement, juste pour ce débat, les mentions d'Ensemble à Gauche et des socialistes ont été inversées. Monsieur Pagani, en tant que rapporteur de deuxième minorité, est-ce que vous voulez vous exprimer maintenant ou vous préférez attendre la fin du débat ?
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Ça dépend du temps qu'il me reste, Madame la présidente.
La présidente. Il vous reste une minute comme rapporteur de minorité et quatre minutes sur le temps de votre groupe; vous avez donc cinq minutes en tout.
M. Rémy Pagani. Alors je prends la parole maintenant, si vous le permettez.
La présidente. Je vous la donne.
M. Rémy Pagani. Merci, Madame la présidente. D'abord, je voudrais m'excuser pour ce retard dû à des problèmes d'intendance. (Rires.) Cela étant... (L'orateur rit.) Il faut bien trouver une explication ! (L'orateur rit. Rires. Commentaires.) Enfin, bref !
Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, Ensemble à Gauche, il y a d'abord un point infranchissable: la construction de PPE en pleine propriété sur des terrains durement acquis par la collectivité. Que ce soit au PAV ou dans l'ensemble du canton, il n'est pas question que certains puissent se faire de l'argent, après dix ans de contrôle, sur des terrains de la collectivité; parce que c'est ça, la logique. Pour nous, c'est une limite infranchissable et, historiquement, elle l'a d'ailleurs toujours été - y compris pour les milieux de droite, Mesdames et Messieurs !
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Rémy Pagani. Nous mettons tellement, tellement de temps à acquérir des terrains, dans un canton exigu, je vous le rappelle, que si nous voulons mener une politique sociale du logement, ou une politique tout court, il n'est pas question pour nous - et il ne devrait pas en être question pour vous, la majorité qui est sortie de cette commission, non plus - de vendre des terrains à des privés qui ne se gêneront pas, d'une manière ou d'une autre, après dix ans, lorsque les contrôles seront levés, pour spéculer et revendre ces appartements; parce que c'est ça, la logique dans laquelle ils nous emmènent.
Deuxième point: la question de l'accès à la propriété. Vous le savez très bien, il faut - allez, soyons généreux - 800 000 francs pour un logement, et je suis dans le bas de gamme; disons un million. Il faut en outre 20% de fonds propres; qui a 20% d'économies aujourd'hui si ce n'est des gens de milieux extrêmement aisés ? Pas la classe moyenne supérieure, mais la classe moyenne riche ! Pas avec le salaire d'une enseignante et d'un médecin, mais avec deux salaires extrêmement bien fournis ! C'est pour ça que nous ne soutiendrons pas cette politique-là.
Le troisième problème, c'est la construction de logements bon marché. Statistiquement, vous savez très bien, et je vous le rappelle, que 90% de la population ne peut pas accéder à la propriété par étage - je viens de le dire; c'est négatif pour nous mais positif pour vous. En conséquence de quoi, il faut que nous construisions des logements pour cette majorité, ce 90% de la population qui statistiquement ne peut et n'arrive pas aujourd'hui... Je suis sur des stands, dans la rue, je discute avec les gens et on me dit: «Ah, la demande qu'on vous fait, à vous qui êtes député, c'est d'avoir un cinq-pièces à moins de 3000 francs.» Vous vous rendez compte dans quelle situation on se trouve ! Des couples, de jeunes couples qui commencent leur vie active et on leur taxe déjà, en plus des assurances sociales, 3000 francs pour un logement, c'est-à-dire plus de 25% de leur revenu ! Alors que selon l'OMS, il faut y consacrer en moyenne 16% de son revenu pour avoir une vie à peu près convenable ! Ce n'est pas possible ! Ces logements bon marché qui correspondent aux besoins de la population - je vous le rappelle: à 90% de la population - doivent donc être des LUP et des locatifs libres, auxquels nous ne voyons pas d'inconvénient.
Sauf que pour les LUP, Mesdames et Messieurs, si vous regardez le rapport du Conseil d'Etat - ce que je vous invite à faire -, on est loin du compte. Les LUP représentent aujourd'hui 0,3% de la production du canton; en 2020, on a construit exactement 0,34% de LUP. C'est d'ailleurs pour ça que nous nous opposons à cette stratégie: les promoteurs se ruent pour construire de la PPE, et puis les LUP on verra bien... Y compris quand c'est obligatoire, Madame la rapporteuse de majorité: même si c'est obligatoire, on les construira après ! Ou on en confiera la construction à des fondations pour qu'elles s'en chargent à notre place et on leur donnera des sucres à cette fin ! C'est possible de le faire, et la majorité de la population n'est donc pas servie ! Elle n'est pas servie; en conséquence de quoi - je m'arrête là pour l'instant -, nous nous opposerons fermement à ce texte, y compris en envisageant le lancement d'un référendum. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. C'est bien dit !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs, cette précision dans la loi ne change pas du tout le fond. Avec cette modification de répartition, on avait voulu faire un tiers-un tiers-un tiers. Il s'agissait de garantir un tiers de logements sociaux - dont 16,5% de HBM, ce qui n'existait pas avant dans la loi, c'est donc un plus pour le logement social; un tiers central de locatif contrôlé, ce qu'on appelle les ZDLOC et qui n'existait pas avant non plus; et enfin, un tiers au libre choix du promoteur qui réalise ces logements, dont une part au moins de 20% de PPE, mais elle peut être de 33% ! Elle peut être de 33% ! Par conséquent, si c'est 20% de PPE en pleine propriété, il reste 13% de PPE possible en droit de superficie. On ne peut donc pas dire qu'on tue la PPE en droit de superficie, c'est complètement faux ! On garantit simplement que la part minimum de 20% de PPE qui a été acceptée soit en pleine propriété. C'est tout ! Sur le reste, on n'a rien changé. On a fait un progrès, parce que, on le voit dans les dernières statistiques, au cours des dix dernières années, quasiment aucun logement pour la classe moyenne n'a été construit ! Rien ! Quasiment rien ! On a construit soit des PPE, soit des logements sociaux. Je pense que cette répartition un tiers-un tiers-un tiers était une bonne chose, et il faut un certain temps pour que cela se mette véritablement en route - en ce sens, les statistiques que vous avez citées, Monsieur Pagani, sont un peu dépassées, vous transmettrez, Madame la présidente. Par ailleurs, effectivement, cela va aussi booster la construction de logements sociaux.
Ensuite, affirmer que si la collectivité détient l'entier du périmètre en question, elle devra vendre des terrains... Pas du tout ! Pas du tout ! Il est précisé que cette répartition s'applique «en principe» à une parcelle, à un PLQ ou à une région. Si on ne peut pas le faire sur le périmètre concerné... Parce qu'on est obligé de maintenir une certaine souplesse: si vous avez une petite parcelle de 3000 mètres carrés et que vous construisez un seul immeuble, est-ce que vous pensez que vous allez attribuer le rez-de-chaussée à des HBM, le milieu à des ZDLOC et le haut à des PPE ? Bien sûr que non ! Ce qui ne pourra pas être réalisé à cet endroit sera donc réalisé à côté ou dans la région; le «en principe» figure dans la loi. L'essentiel, c'est que le principe de base soit respecté et que l'on compense; si on ne peut pas réaliser de PPE parce que la collectivité détient le 100% des terrains - on nous a cité un exemple -, eh bien il n'y aura pas de PPE sur cette parcelle ! Mais ce sera compensé à côté ! Ou dans la région ! Même le conseiller d'Etat opine du chef ! Donc arrêtez de penser que cette mini-modification de la loi va bouleverser cet accord qui a été trouvé ! Cela ne changera rien au fond de l'affaire ni au fait qu'il faut procéder à cette répartition: des logements sociaux, des ZDLOC pour la classe moyenne et aussi des PPE. C'est pour cela que nous vous invitons à voter ce projet de loi ce soir. Merci.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole pour vingt-sept secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). J'ai rarement besoin de beaucoup plus ! C'est juste pour revenir sur ce qui nous a été dit tout à l'heure. Il semblerait que ce projet soit de la poudre aux yeux. J'invite mon préopinant qui a tenu ces propos à aller du côté de Romont, il aura des résultats stupéfiants ! (Rires.) Quant au fait de tenir parole, j'aimerais rappeler ici la pensée de Voltaire, qui a dit que la politique est le moyen pour des hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire ! (Rire.)
M. David Martin (Ve). En préambule, je reviendrai sur les propos de certains de mes préopinants, qui nous ont rappelé que la propriété est garantie dans la Constitution. Sous-entendu: la position de la gauche la remet en question - ce qui n'est pas du tout le cas ! Mais j'ajouterai aussi, puisqu'on se réfère à la Constitution fédérale, que ce même texte contient d'autres articles, notamment les articles 41 et 108, qui parlent d'acquisition de terrains en vue de la construction de logements qui permet d'abaisser le coût du logement, ou d'autres notions comme celle d'encouragement aux activités d'organisations oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique. La Constitution fédérale parle donc du logement sous toutes ses facettes, et je pense qu'il est important de le rappeler.
Ensuite, les Verts se sont effectivement opposés à ce projet de loi pour exactement les mêmes raisons que celles qui ont été extrêmement bien décrites par M. Sormanni, que je félicite pour son excellente compréhension - à mon sens; en tout cas, je la partage - de cet accord de la «paix des braves». Par contre, le MCG a voté ce projet de loi parce qu'il n'aura pas d'effet, or nous nous y opposons parce qu'il n'aura pas d'effet ! (Commentaires.) Nous sommes donc dans l'épaisseur du trait. Pourquoi n'aura-t-il pas d'effet ? Parce que, dans les PLQ où le foncier est détenu très largement par des privés, ce n'est absolument pas un problème de construire 20% de PPE en pleine propriété; cela va donc se faire. Et effectivement, dans les quelques cas où il s'agit de propriétés publiques, il ne sera pas du tout nécessaire de vendre les terrains pour réaliser ce 20%, dans la mesure où ils seront compensés à l'échelle du périmètre. C'est donc un débat complètement inutile.
Par contre, la raison pour laquelle nous nous opposons fermement à ce projet de loi, c'est qu'il révèle une attitude de méfiance vis-à-vis du Conseil d'Etat qui n'est pas du tout conforme à l'esprit qui régnait à l'époque où nous avons signé cet accord du 4A, qui justement avait été qualifié d'«accord de paix». Nous critiquons donc fortement cette attitude de méfiance.
Par ailleurs, cela a été dit par la députée Marti, nous ne comprenons pas pourquoi la majorité de droite part en guerre contre la PPE en droit de superficie. C'est absolument incompréhensible. Il existe de nombreuses régions dans le monde - Londres, Singapour, ou même certaines communes vaudoises proches d'ici, comme Saint-Cergue - où le droit de superficie est pratiqué sans aucun problème, sur des décennies, avec des parcelles qui sont sous ce régime depuis des siècles et qui ne font l'objet d'aucune remise en question. Qu'est-ce que cela permet ? Cela permet justement la stabilité des prix sur le long terme, qui est aussi un objectif de la Constitution fédérale. Nous ne comprenons donc pas cette attitude de méfiance et de critique de la PPE en droit de superficie, qui est un excellent modèle. De notre point de vue, la droite se tire une balle dans le pied, parce que la seule conséquence de cette modification, cela va être, d'une certaine manière, de ne pas inciter les acteurs qui le voudraient à réaliser de la PPE en droit de superficie; cela va produire, à terme, à l'échelle du canton, moins de PPE accessibles à la classe moyenne.
En synthèse, c'est absolument incompréhensible et nous regrettons vivement que l'accord sur le logement avec cet article 4A ne puisse pas demeurer en l'état dans un climat de confiance mutuelle. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR). J'aimerais répondre très brièvement à certains points, tout en soulignant d'abord qu'effectivement, la meilleure explication qu'on ait entendue aujourd'hui est celle de M. Sormanni, qui a présenté les choses de façon extrêmement objective, et je souhaitais l'en remercier - vous transmettrez.
Quant à la rapportrice de première minorité, dire qu'on n'a pas fait les auditions... Si ! On n'a fait que ça, puisqu'il s'agissait d'un accord entre les partis et qu'à mon souvenir, à la commission du logement, tous les partis étaient représentés.
Est-ce que c'est la remise en question d'un accord ? La réponse est non. En réalité, à mon sens, ce projet de loi résulte d'une inadvertance - j'ai pesé mes mots: «inadvertance» - du département dans une note en lien avec le traitement d'un autre projet de loi, qui à mon avis résulte elle-même d'une confusion avec une discussion où effectivement la question de la PPE en pleine propriété et de la PPE en droit de superficie était évoquée; mais cette discussion a eu lieu dans le cadre des négociations autour du PAV. Là, il y a une confusion. Je vous fais d'ailleurs une confidence: après avoir voté ce projet de loi en commission, j'ai été approché par un membre du comité de l'ASLOCA que vous connaissez bien, qui m'a dit: «Effectivement, Cyril, tu as raison: cette discussion sur la PPE en droit de superficie versus en pleine propriété n'a pas eu lieu dans le cadre de cet accord, mais dans le cadre des négociations autour du PAV.»
Deuxièmement, j'ai été un peu choqué par les propos de M. Pfeffer - même si, sur le fond, je suis d'accord avec lui - par rapport au magistrat. Alors je tente une deuxième fois de dire plutôt du bien du magistrat - la dernière fois, ça m'a valu des foudres, j'espère que ce ne sera pas le cas cette fois -, parce que je trouve que lorsqu'il a été entendu, il nous a parlé avec nuance; il a expliqué que, à son sens également, il s'agissait de PPE en pleine propriété, que cela avait été discuté ainsi - d'ailleurs, cela ressort du Mémorial. C'est donc de cela qu'il s'agit quand on parle aujourd'hui de la parole qui a été donnée, et je trouvais important de le dire.
Je répondrai à M. Martin - vous transmettrez, Madame la présidente - que le PLR, et la partie de la droite qu'il représente, n'a rien contre la PPE en droit de superficie. Ces deux formes de propriété ne sont juste pas de la même nature ! Et Madame Marti - vous transmettrez également -, oui, la PPE en droit de superficie, c'est beaucoup moins cher, parce que cela a beaucoup moins de valeur ! En fait, il y a une différence fondamentale - mais on peut ne pas être d'accord: la PPE en droit de superficie a une vocation de maintien des prix, alors que la PPE a aussi une vertu patrimoniale ! Et c'est toute la différence. C'est pour cela que le PLR, qui défend la propriété aussi dans son aspect patrimonial, souhaite qu'on puisse, dans certains cas, constituer de la PPE en pleine propriété, qui présente cette caractéristique, contrairement à la PPE en droit de superficie. Mais ce n'est pas pour cela que la PPE en droit de superficie n'est pas bien !
Enfin, un dernier mot à l'attention de M. Pagani. Je n'ai rien compris: 0,34% de LUP... Je ne vous ai pas suivi, il faut que vous me réexpliquiez ! Ensuite, vous dites qu'il faut beaucoup de fonds propres pour acheter de la PPE. Vous avez raison. Je répète: vous avez raison. Vous vous plaignez des mensualités élevées en location. Vous avez raison aussi. Mais le meilleur moyen d'avoir des petites mensualités, c'est effectivement d'être propriétaire d'une PPE. Merci.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole au rapporteur de seconde minorité pour trente secondes. Monsieur Pagani, c'est à vous.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais revenir sur l'article de la Constitution qui est cité. Il est faux de dire que la propriété est un droit. La propriété est garantie. C'est une autre manière de dire que ce n'est pas un acquis; c'est une garantie dès le moment où on est propriétaire. C'est une nuance juridique. Cela étant dit, je réponds...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Rémy Pagani. ...à M. Sormanni: j'évoquais un rapport de 2020, ce n'est pas vieux ! Je rappelle que 0,34%, c'est le nombre de constructions LUP qui ont été réalisées en 2020.
La présidente. C'est terminé, Monsieur le député, je vous remercie. Je donne donc la parole à...
M. Rémy Pagani. Oui, Madame la présidente, mais j'aimerais aussi connaître l'ordre dans lequel... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)
La présidente. Bien sûr, je peux vous donner l'ordre: c'est celui des rapporteurs. Maintenant, c'est donc la rapporteure de première minorité, Mme Badia Luthi, qui a la parole.
Mme Badia Luthi (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. Nous tenons juste à rappeler que le logement est un droit fondamental et qu'il constitue la première condition pour qu'une personne puisse vivre dignement. C'est pour cela que nous ne comprenons pas pourquoi on veut aujourd'hui réduire les droits de la plus grande part de la population...
Des voix. On réduit rien ! (Commentaires.)
Une voix. Mais laissez-la parler !
Mme Badia Luthi. ...qui ne cherche qu'à s'abriter, au profit des intérêts d'une minorité qui ne cherche qu'à faire des bénéfices. Les alliés des partis bourgeois sont en train d'étendre leurs attaques sur le terrain du logement. Merci.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure de première minorité. Je donne la parole à Mme la rapporteure de majorité, Diane Barbier-Mueller, pour une minute cinquante.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente de séance. Je ne vais pas revenir sur les nombreuses incohérences des deux rapporteurs de minorité. Seulement, parler d'une attaque contre les locataires... Je ne vois pas vraiment le rapport avec le fait qu'on veuille faire en sorte que certaines personnes deviennent propriétaires ! Au contraire, celles-ci pourraient même libérer des logements. Mais bref, par rapport au refus d'auditions mentionné, j'invite les socialistes qui en ont parlé ainsi que M. Martin à se référer au rapport sur le PL 12093 du 27 août 2019: toutes les auditions qui traitent du sujet avaient été menées dans le cadre de l'accord sur le logement.
Ensuite, j'aimerais juste relever une ironie: parler de stabilité des prix, de prix abordables et de Londres... Je pense que M. Martin n'a pas tout à fait étudié le marché de l'autre côté de... (Remarque.) Et de Singapour, oui ! Et enfin, j'aimerais préciser un peu les arguments de M. Pagani: aujourd'hui, dans le canton, 11% du parc immobilier est en LUP, sachant que LUP est une appellation: cela ne regroupe pas tous les logements à prix abordables et sociaux, et cette appellation exclut parfois certains logements communaux - dont les prix sont contrôlés et qui ont des objectifs de taux d'occupation et de taux d'effort - ainsi que certains logements HLM. C'est donc une ineptie d'en parler. Merci, Madame la présidente de séance.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est au fond le fruit d'une jolie histoire de politique genevoise. La commission d'aménagement a débattu d'une modification de zone - d'ailleurs à l'ordre du jour de votre Grand Conseil aujourd'hui - dont fait l'objet un petit périmètre, sur lequel, puisqu'il est à 100% en main publique, on ne peut pas construire de la PPE. Or comme le Conseil d'Etat a promis ce périmètre depuis longtemps à l'Hospice général, la planification prévoyait 100% de logements d'utilité publique. Mais voilà, c'était après l'accord sur le logement, la «paix des braves», et, dans cette commission, la plupart des gens ont estimé qu'il serait opportun que, quoique cette parcelle soit en main de l'Hospice général - un bailleur social - et donc à 100% publique, nous arrivions ensemble à créer l'esprit de l'accord sur le logement des trois tiers, c'est-à-dire un tiers de LUP, un tiers de locatif, un tiers de PPE. Cette demande a été formulée, à vrai dire, permettez-moi de le révéler, par Le Centre et le PLR, soucieux d'assurer cette mixité et cet équilibre. Quoi de plus légitime que de faire vivre cet esprit, y compris sur des parcelles publiques ? Ce n'était pas évident, puisque l'Hospice général avait prévu de construire - il s'agit de cent logements, c'est un tout petit projet - des logements d'utilité publique.
Mon collègue Apothéloz et moi-même sommes allés discuter avec l'Hospice général, qui nous a convaincus de faire du locatif. Nous nous retrouvions donc avec deux catégories: du LUP et du locatif. Mais la droite nous a dit: «Ce serait quand même bien qu'il y ait un peu de PPE !» Nous sommes donc retournés vers l'Hospice général pour leur demander s'ils ne pouvaient pas envisager de réaliser également de la PPE. Ce à quoi ils ont répondu qu'étant donné qu'il s'agissait d'une parcelle publique, cela impliquait forcément que la PPE soit en DDP. Nous avons dit: «Ecoutez, s'il vous plaît, c'est ce que nous demande la droite !» Bon, eh bien, nous l'avons fait, et l'Hospice général, pour la première fois de son histoire, s'apprête à réaliser de la PPE sur ses terrains. Et patatras ! De quoi nous accuse-t-on ? De rompre l'accord du logement et son esprit ! S'ensuit le dépôt d'un projet de loi, toutes affaires cessantes, avec quand même, lors de la précédente session, je vous le rappelle, une demande de traitement en urgence sans passage en commission. Et tout cela pourquoi ? Parce que nous avons tenté de répondre à une demande que je continue à estimer légitime de la part de la droite.
Si l'on remonte aux autres cas de PPE en DDP dans le canton, on constate qu'ils se comptent sur les doigts d'une main - et même moins: j'ai trois cas en tête. Le deuxième cas est celui des Grands-Esserts. L'excellent magistrat PLR Thomas Barth me dit: «Ah, c'est une parcelle de la CPEG ! Antonio, est-ce que tu ne pourrais pas nous aider à avoir un peu de PPE ?» Je réponds que oui, bien sûr, mais que cela doit être de la PPE en droit de superficie. C'était donc la CPEG, ça n'a pas été facile à négocier. A la demande d'un magistrat PLR, on a quand même réussi à introduire à Veyrier un peu de PPE en DDP. Quel est le dernier cas ? C'est celui d'un projet porté à l'époque par mon prédécesseur, M. François Longchamp, qui, constatant à Pont-Rouge la construction de cent logements LUP, a dit que cela n'allait pas et qu'il fallait qu'on en dédie une moitié à de la PPE en pleine propriété et l'autre moitié à de la PPE en DDP. La PPE en pleine propriété exigeait un projet de loi d'aliénation - qui a été refusé par ce parlement !
Ce sont les trois cas de PPE en DDP. Par conséquent, si sur le fond - et j'y viens -, politiquement, on peut vivre avec ce projet de loi, selon l'application qu'on lui donne, je dois dire que le procès d'intention qui le sous-tend est quand même problématique. Et surtout, finalement, comme cela a été dit, hors PAV, le foncier étant essentiellement privé, ce projet de loi touchera surtout les propriétaires privés, parce que les cas de parcelles publiques, ce sont ceux que j'ai mentionnés. L'accord de l'article 4A LGZD, cela a été relevé, qui contient cette notion de «en principe», nous permet a priori de ne faire que du locatif. C'est peut-être le remords que l'on peut avoir en lien avec le cas de la modification de zone des Coudriers: pourquoi a-t-on parlé de PPE en DDP ? En effet, sans cela, le présent projet de loi n'aurait pas été déposé.
Je souhaite donc vraiment qu'on revienne ensemble à l'esprit qui a présidé à l'accord sur le logement, qui est celui de la mixité sociale, comme cela a été rappelé par le député Desfayes. A ce titre, malgré la situation foncière, on doit utiliser les outils pour chercher cet équilibre qui est celui des trois tiers. La loi prévoit 20% de PPE, mais c'est un taux défensif à mes yeux. Mon but, c'est un tiers, donc 33%, et si je comprends bien les auteurs de ce projet de loi, la PPE en DDP sera possible, mais elle doit s'inscrire dans le solde de ce tiers de PPE, c'est-à-dire que son taux serait de 13%. Il y aurait 20% de PPE en pleine propriété et jusqu'à 13% de PPE en DDP. C'est ainsi que l'on peut lire ce projet de loi, en tout cas j'espère que chacun le comprend de cette façon, car il n'y a que comme ça qu'on pourra l'appliquer, d'un point de vue très concret. Finalement, on peut se demander si on allait vraiment réaliser 13% des logements du canton en PPE en DDP, alors que j'ai cité trois opérations, c'est-à-dire moins de 1% des logements construits !
Ce projet de loi consiste donc à poser un panneau d'interdiction de circuler à plus de 120 km/h sur une piste cyclable. Si vous voulez, vous pouvez ! Pourquoi pas ? Ça ne sert à rien ! Soyons clairs ! Parce qu'en réalité, il n'y a aucune intention et aucune possibilité pour l'Etat de mener une politique foncière d'acquisition de parcelles privées pour ensuite en faire de la PPE en DDP ! C'est quelque chose qui n'existe ni dans la loi ni d'ailleurs dans la tête d'aucun des sept conseillers d'Etat.
Par conséquent, si ce projet de loi est nécessaire pour rassurer les gens, eh bien soit ! Ce n'est pas la position du Conseil d'Etat, qui vous invite à refuser cet objet et qui, par ma voix, précise un élément de nature juridique important: sur les parcelles publiques, l'article 4A permet de trouver des arrangements tels qu'on les a connus - et, en réalité, hors PAV, ce sont des cas assez exceptionnels, je pense donc qu'il n'y aura pas de problème et pas d'obligation de projet de loi d'aliénation de parcelles publiques -, mais cette obligation de 20% de PPE en pleine propriété peut être une obligation d'aliénation pour des propriétaires privés, pour des propriétaires familiaux, pour des promoteurs, qui peut-être, à un moment donné, en fonction du marché, ne souhaitent pas vendre leur terrain, et qui, en raison de cette loi, se retrouveraient dans l'obligation de vendre. Or cette obligation-là constitue, selon l'analyse juridique du Conseil d'Etat, une atteinte à la garantie de la propriété et à la liberté économique, qui sont deux principes constitutionnels forts de notre pays.
Ainsi, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce projet de loi. Si vous l'acceptez, j'insiste sur cette analyse juridique - parce que ce n'est pas la première fois qu'une loi du Grand Conseil serait annulée: à notre sens, ce projet de loi est une atteinte trop forte à la garantie de propriété, parce qu'il va en définitive essentiellement contraindre des propriétaires privés à vendre leur propriété par lots, or ce n'est peut-être pas leur choix, ils ont la liberté économique de le faire ou non. En l'occurrence, il y aurait cette contrainte, qui serait évidemment appliquée par le Conseil d'Etat si votre souhait est d'inscrire cette disposition dans la loi.
Je regrette donc cette mésaventure; à la limite, on aurait pu en discuter sur le fond, mais dans des conditions de négociations dignes de celles qui ont présidé à l'accord sur le logement. Quoi qu'il en soit, sur le plan politique, je vous le dis, pour moi ce projet de loi ne mange pas de pain, comme on dit trivialement. Je le répète, c'est un panneau d'interdiction de circuler à plus de 120 km/h sur une piste cyclable. Cela crée de la densité législative, ce qui fera dire à certains que Genève est un enfer législatif. Mais pour le reste, cela n'a pas d'impact, ni sur l'article 4A LGZD ni sur la politique du logement. Reste ouverte la question juridique, qu'on laissera aux juges le soin de trancher le cas échéant. Merci de votre écoute.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13095 est adopté en premier débat par 53 oui contre 37 non et 1 abstention.
Le projet de loi 13095 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13095 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 39 non (vote nominal).