Séance du
vendredi 18 mars 2022 à
18h05
2e
législature -
4e
année -
9e
session -
53e
séance
M 2416-A
Débat
Le président. Le prochain point de l'ordre du jour est la M 2416-A, classée en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. David Martin, remplaçant de la rapporteure de majorité.
M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette proposition de motion a malheureusement un peu pris la poussière dans notre ordre du jour puisqu'elle a été déposée par le PDC et les Verts en 2017 - ça fait donc bientôt cinq ans -, néanmoins elle reste tout à fait d'actualité. Depuis lors, notre Grand Conseil a accepté l'initiative Verte «De l'air, moins de bruit» en avril 2019, qui instaure des mesures d'urgence en cas de pic de pollution, telles que la gratuité des transports publics.
Pour revenir à cette motion, que dit-elle ? Elle invite le Conseil d'Etat à créer, à brève échéance, des zones à faibles émissions polluantes - plus connues en tant que «low emission zones» dans l'appellation anglaise ou encore «zones à trafic limité», ZTL, dont le concept est similaire - dans les centres urbains du canton. En effet, de nombreux quartiers d'habitation sont aujourd'hui encore exposés, et ce depuis des décennies et sans véritable amélioration, à des dépassements fréquents des valeurs limites de pollution de l'air, en particulier s'agissant des particules fines et du dioxyde d'azote. Cette pollution est à l'origine d'un grave problème de santé publique: elle cause, chaque année, approximativement trois mille décès prématurés en Suisse, pour un coût estimé à 4 milliards. Il s'agit donc de combattre cette pollution par tous les moyens.
Il y a deux cas de figure. Le premier, c'est celui des pics de pollution, aujourd'hui relativement bien traité grâce au Stick'AIR, ce macaron qui soustrait certains véhicules à la circulation si leur standard énergétique n'est pas suffisamment performant. Les «low emission zones» visent quant à elles particulièrement la pollution chronique, à savoir celle à laquelle sont exposés au quotidien les habitants des quartiers; c'est là que ces zones ont tout leur sens. Elles ont été mises en oeuvre avec succès dans plusieurs villes d'Europe - en Allemagne, en France, en Italie - à la grande satisfaction des habitants. En réalité, elles consistent à restreindre l'accès aux véhicules les plus polluants, avec des conditions spécifiques qui s'appliquent aux résidents et aux visiteurs, avec des exceptions pour les véhicules professionnels et les livraisons et parfois certaines plages horaires. Ces zones permettent de répondre de façon combinée aux enjeux en matière de pollution de l'air, de nuisances sonores et de stationnement. C'est donc une mesure très favorable pour les résidents et leur qualité de vie. Pour toutes ces raisons, la commission, à l'époque, a largement soutenu cette motion - les rangs PDC, MCG, socialistes, Ensemble à Gauche et Verts - et la majorité vous invite à continuer à la soutenir lors du vote de ce soir. Je vous remercie.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de première minorité. Cela a été dit, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à créer à brève échéance, dans les centres urbains du canton et en particulier au centre-ville de Genève, des zones à faibles émissions polluantes pour lutter contre la pollution atmosphérique émanant du trafic routier, qui met en danger la santé publique. Elle se base notamment sur le fait qu'en 2015, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d'azote et pour les particules fines ont été dépassées à maintes reprises. Les auteurs souhaitent dès lors reproduire ce qui a été mis en place dans d'autres villes européennes, bien plus grandes que Genève, à savoir la création de zones à l'intérieur desquelles seuls certains véhicules seraient autorisés à circuler, soit les véhicules qui émettent peu de polluants atmosphériques, qui devraient être identifiés par un macaron spécifique. A la différence des dispositions déjà acceptées par ce Grand Conseil en cas de pic de pollution, les zones préconisées seraient pérennes.
Notre minorité s'oppose toujours à ces mesures qu'elle juge excessives, disproportionnées et même inapplicables. Les pics de pollution ont en effet notablement diminué depuis le dépôt de cette motion et le parc automobile s'améliore d'année en année - de plus, il est de bonne qualité en comparaison internationale. Ces mesures instaureraient un traitement différencié des habitants selon qu'ils résident ou non dans la zone protégée: au lieu de répartir la circulation sur tout le canton, une partie de celle-ci serait reportée sur des axes déjà bien chargés, imposant aux habitants voisins de subir les véhicules et la pollution supplémentaires qui seraient détournés devant chez eux. Elles discrimineraient par ailleurs certaines entreprises qui ne pourraient pas changer leur parc automobile dans le délai prévu.
Enfin, l'instauration de cette vignette écologique pérenne devrait être autorisée par la Confédération et cette mesure n'a pas été validée à ce jour. En 2017, lors d'une consultation, le Conseil fédéral a suivi la majorité des 3700 avis opposés à l'instauration de zones environnementales. Il a jugé un nouveau projet législatif inopportun et préconisé de rejeter l'instauration de zones environnementales et l'introduction de vignettes écologiques. En 2019, le Conseil national a suivi cette préconisation et a rejeté la motion 17.3569 par 129 voix contre 62. Il n'existe donc, à ce jour, aucune base légale permettant l'instauration de telles zones de façon pérenne, et par là des vignettes y relatives.
Nous ne prétendons pas considérer cette situation comme banale et sommes conscients de ce que la qualité de l'air doit être le souci de tous. Mais nous pensons que le problème doit être réglé par d'autres biais comme l'adaptation de la qualité des carburants et des gaz d'échappement, et surtout la promotion des véhicules non émetteurs desdits gaz. Pour tous les éléments cités, nous refuserons cette proposition de motion et vous invitons à en faire de même.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. On l'a dit, il est question de l'instauration d'une vignette pour restreindre l'accès à certaines zones du centre-ville et périurbaines, ce qui constitue une pénalité pour un grand nombre d'usagers et plus spécifiquement pour nos entreprises, sans d'ailleurs aucune base légale, ma préopinante l'a dit. Je rappelle que la stratégie cantonale fixe trois objectifs de protection de l'air à l'horizon 2030:
1) viser le respect des valeurs limites d'immission de l'OPair sur le territoire cantonal, notamment pour les NO2 et les PM10;
2) faire respecter, pour toutes les installations stationnaires, les valeurs limites d'émission fixées dans l'OPair et le RPAir;
3) par rapport à la situation de référence de 2005, réduire de façon volontariste les émissions d'oxydes d'azote - NOx - de 50% et les émissions de PM10 de 18%.
Il y a donc trois axes stratégiques ciblés par l'Etat et deux axes stratégiques transversaux concernant les poussières fines et les suies. Tout est inclus dans la stratégie cantonale 2030, avec des objectifs précis et une gamme importante de moyens d'action. Pour toutes ces raisons, notre minorité vous demande de refuser cette motion qui n'a pas de base légale pour être appliquée. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). La motion a été déposée il y a quelques années pour qu'on s'occupe du problème de la pollution de l'air et surtout des maladies liées à cette pollution. Ça fait des années qu'on ne fait strictement rien alors que, on le sait, les risques liés aux particules fines et à d'autres particules sont énormes. Chaque fois qu'on propose des solutions pour essayer d'améliorer la santé publique, on nous répond qu'il n'y a pas de base légale; on nous répond que tout est sous contrôle; on nous répond qu'il y a un plan cantonal - on nous répond: circulez, y a rien à voir ! C'est une motion: il n'y a peut-être pas de base légale, mais c'est une motion - je veux dire par là que vous discutez des bases légales s'il est question d'un projet de loi.
La discussion est importante parce qu'il faut que les choses changent, et peut-être qu'elles changent avant 2030. On doit s'occuper sérieusement de ces particules fines qui génèrent probablement beaucoup plus de problèmes que les trois mille décès qui en découlent: il y a probablement beaucoup plus de maladies chroniques qui se développent à cause de ces particules fines. Il est donc important qu'il y ait des zones, dans les villes, où les gens peuvent se rendre en sachant qu'ils courent peu de risques parce qu'elles sont faiblement polluées. D'autres pays ont déjà fait ça ! L'Allemagne l'a fait dans beaucoup d'endroits, dans la quasi-majorité de ses villes... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. C'est beaucoup trop bruyant ! Beaucoup trop bruyant ! (Un instant s'écoule.) Les discussions peuvent avoir lieu à l'extérieur de la salle; c'est mieux pour le débat. Poursuivez, Monsieur le député.
M. Bertrand Buchs. Je disais que beaucoup de villes allemandes ont instauré ces zones, tout comme des villes françaises et des villes italiennes; ce n'est donc pas une idée saugrenue, une Genferei de plus, mais une idée importante et qui est développée au niveau européen. Je vous encourage par conséquent à voter cette motion. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je serai très bref... (Remarque.) Qu'est-ce qu'il dit, le petit au fond ? Je n'entends rien !
Une voix. Oh !
Le président. Non, mais c'est... Excusez-moi ! Excusez-moi, Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. Il faut parler plus fort, Monsieur Zweifel !
Le président. Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. Oui ?
Une voix. Il y en a qui l'interrompent.
M. Jean Burgermeister. Je me fais interrompre !
Le président. Il y a des termes un peu limite !
M. Jean Burgermeister. Petit ?!
Le président. On ne fait pas de commentaires sur le physique des gens, s'il vous plaît; on peut le rappeler à l'ordre d'une autre manière. Poursuivez.
M. Jean Burgermeister. Mais je ne l'ai pas rappelé à l'ordre, Monsieur le président, je l'encourageais à répéter plus fort ! (Commentaires. Protestations.)
Une voix. Ça suffit !
Le président. Un peu de patience ! Aux personnes qui ne peuvent pas s'empêcher de s'exprimer sans demander la parole, je rappelle qu'il y a des salles à côté qui permettent de manifester sa frustration, mais laissez le débat se faire, s'il vous plaît ! Par pitié ! Je le répète beaucoup trop souvent ! Monsieur Burgermeister. (Un instant s'écoule. Commentaires. Rire.)
M. Jean Burgermeister. Un peu de calme dans la salle, s'il vous plaît ! (Rire.) Attendez votre tour pour parler, Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie ! Je n'ai jamais insulté personne: je suis toujours aimable et souriant ! (Remarque.)
Je voudrais dire, très brièvement, quand vous arrêterez de m'interrompre... (Rires.) ...que cette motion est finalement intéressante. Elle est raisonnable - très raisonnable ! (Rires.) - et Ensemble à Gauche la soutiendra. Créer des zones à faibles émissions dans le canton, pourquoi pas - sans doute est-ce insuffisant, par ailleurs: le canton lui-même devrait être transformé en zone à faibles émissions.
Il est vrai que la problématique est importante, d'abord pour une raison environnementale, mais également - le rapporteur de majorité l'a dit - pour une question de santé sérieuse: les particules fines sont chaque année responsables de beaucoup de problèmes de santé, voire de morts, en Suisse. Cette problématique de santé est aussi une problématique sociale puisque ce sont, dans la grande majorité des cas, les classes populaires qui vivent aux abords des grands axes routiers. On est beaucoup plus exposé à la pollution, y compris aux particules fines, lorsqu'on habite à côté du boulevard du Pont-d'Arve que lorsqu'on habite par exemple à Cologny ou à Vandoeuvres. La droite, qui a tendance à qualifier de bobos ceux qui s'occupent de l'environnement, tourne là le dos à la santé publique et en premier lieu à celle des classes populaires, très durement touchées par cette problématique.
Maintenant, je pense que la motion est insuffisante: je l'ai dit, c'est l'ensemble du canton qui devrait être une zone à faibles émissions. Pour ça, il faut aller encore bien plus loin dans les politiques d'encouragement de la mobilité douce, mais aussi particulièrement des transports publics qui évidemment doivent d'abord se développer à prix abordable. Il faut ensuite viser, idéalement, la gratuité des transports publics - c'est ce qu'il faut viser: c'est d'actualité et, rappelons-le, le combat est porté de longue date par Ensemble à Gauche. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, sans trop d'illusions, nous voterons cette motion, mais nous vous encourageons à aller bien plus loin pour réduire massivement la pollution de l'air et les émissions de gaz à effet de serre dans le canton. Je vous remercie.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Si le PLR partage pleinement l'objectif de réduire la pollution et l'avis que les questions environnementales sont essentielles, nous considérons malheureusement que ce texte est une fausse bonne idée. Il y a un côté un peu surenchère et dans l'air du temps, mais ce type de motion ne va malheureusement rien résoudre. Nous vivons dans un tout petit canton et la ville de Genève, où devraient s'appliquer ces zones, est plus petite encore; ça n'aura donc aucun effet sur la pollution. Il est par ailleurs problématique d'avoir des traitements différenciés selon les parties de la ville, selon que l'on habite dans tel ou tel endroit.
Il faut savoir que d'énormes progrès ont été faits dans l'isolation des immeubles, avec une diminution très importante des émissions de CO2 et des particules fines. L'industrie automobile a aussi fait des progrès énormes: les véhicules hybrides et purement électriques constitueront 40% à 60% des nouvelles immatriculations en 2025 - tout cela va augmenter de façon exponentielle. Il faut par ailleurs rappeler que la loi 12196 prévoit, en cas de pic de pollution, des macarons et l'interdiction de certains véhicules polluants. Par conséquent, les mesures existent, on peut les appliquer. Il y a en outre, et c'est ressorti des auditions, un problème de légalité: le droit supérieur n'accepte pas cette restriction de circulation. Pour tous ces motifs, le groupe PLR n'a pas été convaincu par cette motion et vous invite à la refuser. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Francisco Valentin (MCG). Cette motion est en effet totalement dépassée à l'heure actuelle. Beaucoup de choses ont été faites, beaucoup de choses sont encore à faire. Evidemment, on parle toujours de la santé; peut-être faut-il juste malheureusement réaliser que nous ne sommes pas égaux en matière de santé et que l'être humain est destiné à mourir un jour ou l'autre. (Exclamations.)
Encore une fois, on voit le manque de discernement des bancs d'en face qui s'attaquent toujours au même bouc émissaire, à savoir la voiture ou le véhicule motorisé. Je les invite à consulter le site officiel de la Ville de Genève - tout le monde sait la couleur politique de la Ville de Genève et les frasques qui en sortent: on y apprend que les véhicules motorisés ne représentent que 10% de la production de gaz à effet de serre à Genève. Je pense qu'on ne peut pas tellement remettre en cause une étude sérieuse menée par des gens, ou alors on se demande s'ils le sont. Pour 10%, on est donc prêt à taper une fois de plus sur un énorme vecteur d'impôts, sur des milliers de places de travail, et bien évidemment sans jamais proposer aucune alternative. Pour ces raisons, le groupe MCG vous invite à rejeter cette motion qui aurait pu être retirée depuis fort longtemps par ses auteurs. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, franchement, comment est-il possible qu'on entende ce genre de discours aujourd'hui, en 2022, au Grand Conseil genevois ? Il y a deux problématiques fondamentales liées à la mobilité: les nuisances sonores - j'y reviendrai brièvement - et la pollution de l'air, la pollution atmosphérique. Monsieur Valentin, du MCG, vous nous dites que 10% de la pollution atmosphérique serait due à la voiture; c'est plutôt 15%, à quoi vous pouvez ajouter 15% pour le trafic aérien. (Remarque.) La voiture et le trafic aérien émettent donc 30% des gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique ! (Remarque.) Et quelle solution nous propose le MCG ? «Ah, ben désolés, Mesdames les citoyennes, Messieurs les citoyens, tout le monde doit mourir; bon, vous allez mourir un peu avant à cause de la pollution ! Voilà, ça, c'est notre programme politique !»
Après, on a les génies de l'UDC - excusez-moi, Monsieur le président - qui nous proposent d'abroger la LMCE... (Remarque.) ...la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, lancée il y a cinq ans, pourquoi ? Pour donner la priorité à la mobilité douce et aux transports publics afin de trouver des solutions en matière de mobilité, premièrement pour que les gens puissent avoir une alternative moins polluante et plus durable à leur voiture, et deuxièmement pour réduire les nuisances sonores et la pollution atmosphérique. Pourquoi ? Pas parce qu'on est contre la voiture, mais parce qu'on a envie de préserver la santé des habitants du canton de Genève !
Si on prend les nuisances sonores - je fais une petite digression -, 120 000 personnes habitent aujourd'hui, à Genève, dans des endroits où les normes de l'OPB, des normes fédérales de protection contre le bruit, sont dépassées ! Ces gens souffrent donc du bruit, et on prend là en compte uniquement la voiture et pas encore le trafic aérien. La réponse qu'on va leur donner, c'est: «Ah, ma foi, vous souffrez, c'est comme ça, souffrez en silence; de toute façon, vous allez mourir un jour !» C'est ça, la réponse ?!
S'agissant de la pollution atmosphérique, même chose: on doit prendre des mesures. Celles-ci doivent être drastiques et claires: privilégier la mobilité douce, la mobilité durable, diminuer le nombre de voitures et réduire les émissions de gaz à effet de serre - moins 60% d'ici 2030 et la neutralité carbone en 2050 selon le plan climat cantonal; c'est fondamental !
Le parti socialiste soutiendra bien sûr cette motion afin de créer ces zones, comme il a soutenu le Stick'AIR pour lutter contre la pollution aux particules fines et pour que les véhicules trop polluants ne puissent plus venir dans le canton de Genève, ne puissent plus venir au centre-ville. Il faut penser à la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens, et ça, ça mérite un peu de courage politique et des mesures drastiques. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole pour une minute trente-cinq à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire que si on prend des mesures, elles doivent se faire aux endroits où il y a vraiment un risque de pollution maximale. On sait - les études allemandes l'ont très clairement démontré - que si vous placez une station de mesure à 200 ou 300 mètres de la route ou de la rue où il y a énormément de voitures et de pollution liée aux voitures, vous n'obtenez pas les mêmes résultats car vous êtes à ce moment-là toujours en dehors des zones de risque. Si on mettait la station de mesure au boulevard du Pont-d'Arve, ce qui a été fait une fois, eh bien je peux vous dire que vous utiliseriez un peu plus souvent la loi que vous avez votée en lien avec le Stick'AIR ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Danièle Magnin pour une minute et vingt-sept secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais simplement rappeler que ce sont les bâtiments mal isolés qui polluent le plus dans notre canton, notamment tous ceux de l'Etat et des communes - bâtiments mal isolés qu'il faut chauffer, surchauffer, avec des énergies non renouvelables parce qu'on n'est pas suffisamment passé aux énergies renouvelables.
D'autre part, depuis que je siège dans ces instances, on oublie systématiquement, au Conseil municipal ou au Grand Conseil, que le parc automobile devient non polluant parce qu'électrique et non bruyant parce qu'électrique ! Et quand on dit que les voitures ne font quasiment plus de bruit, on vous répond: «Ah, mais alors c'est dangereux: comme elles ne font pas de bruit, on ne les entend pas venir !» Mais on n'a pas les yeux dans sa poche, nom d'un petit bonhomme ! C'est quand même assez scandaleux de voir la liberté des gens de se déplacer comme ils l'entendent rétrécir à ce point sous des prétextes obsolètes ! Mais c'est terminé !
C'est fallacieux et obsolète parce qu'on est justement passé à un autre type d'énergie. Alors développons ces types d'énergie et arrêtez d'embêter le monde avec vos projets inutiles ! Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Les Vertes et les Verts, bien évidemment... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée. (Un instant s'écoule.) Dehors, s'il vous plaît. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste préciser quand même qu'évidemment - ça me semble tellement évident que ça en devient presque ridicule, face aux propos du MCG qui parle de fatalisme par rapport à la mort, ce qui est assez choquant - nous soutenons cette motion qui n'est pas du tout obsolète ou surannée. Elle est encore très actuelle: il y a des milliers de morts à cause de cette pollution - les chiffres ont été mentionnés. Nous allons donc naturellement soutenir ces zones à faibles émissions polluantes parce que nous sommes dans une situation d'urgence climatique et parce qu'il faut protéger la population et à l'évidence réduire tant les émissions que les nuisances sonores dans les quartiers. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. On va faire court: la deuxième minorité vous demande de refuser cette motion qui vise à restreindre l'accès, dans certaines zones, aux véhicules théoriquement les plus polluants. Mme Magnin l'a dit, beaucoup roulent aujourd'hui à l'électrique et rouleront demain à l'hydrogène. Une fois de plus, on va pénaliser les entreprises, sans parler du fait qu'il n'y a pas de base légale pour cette future vignette. Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité vous demande de refuser cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rends la parole à Mme la rapporteure de première minorité, Fabienne Monbaron, pour une minute et cinq secondes.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais répondre à M. Wenger en disant que pour protéger la santé des citoyens, il aurait peut-être fallu que les signataires osent demander une zone sur l'entier du canton ! (Rires.) Parce qu'avec ce qui est proposé, vous déplacez simplement la circulation pour la rajouter à celle qu'il y a déjà à la périphérie de la ville... (Commentaires.) ...et en voulant épargner ceux du centre-ville, vous allez submerger de ces gaz les gens qui habitent aux abords de ces routes.
Je relèverai aussi que le macaron Stick'AIR, depuis qu'il a été instauré, a peut-être été mis en application une fois - je voulais dire jamais, mais il est possible que je l'aie raté. Je pense que ça n'est arrivé qu'une seule fois et je maintiens donc ce que je préconisais, à savoir de refuser cette motion. Merci.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de première minorité. La parole va maintenant à M. le rapporteur de majorité, David Martin, pour deux minutes.
M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En ma qualité de rapporteur de majorité, j'aimerais d'abord remercier le MCG de nous avoir révélé, dans ce débat, son vrai programme pour la mobilité du canton: comme nous allons tous mourir, eh bien continuons à nous intoxiquer avec des gaz de voiture ! (Rire. Remarque.) Je crois que c'est très clair !
De nombreux députés ont rappelé le véritable enjeu des poussières fines, de la pollution des gaz d'échappement, et s'il est vrai que le parc automobile s'améliore progressivement, un peu, les gaz d'échappement que l'on sent au quotidien lorsqu'on est dans la rue - je pense que nous l'avons tous expérimenté à pied ou à vélo - ne présagent rien de bon pour la santé. Le problème n'est donc pas déjà réglé, il continue à exister.
Le député PDC l'a dit, de nombreuses villes d'Europe pratiquent ces zones à faibles émissions: ce n'est pas une idée saugrenue. Soyons donc un petit peu courageux et faisons de notre canton un lieu exemplaire; transformons nos centres urbains en des lieux agréables à vivre et sains pour leurs habitants. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, la qualité de l'air est un thème important. On estime de trois à cinq mille les décès prématurés, en Suisse, liés à la mauvaise qualité de l'air; or, l'épidémie du coronavirus a donné lieu aux mêmes chiffres. Pensez aux mesures que notre pays a prises pour limiter ces morts-ci, pour les éviter - peut-être que certains, dans cette salle, ne déplorent pas ces décès, mais l'énorme majorité des habitantes et des habitants les prennent en considération; le droit à la vie est peut-être le premier bien public que les autorités doivent défendre. Trois à cinq mille décès prématurés ! C'est l'épidémie du coronavirus; ce sont les mêmes chiffres en somme.
Bien évidemment, la voiture n'est pas responsable de tout, tant s'en faut. Bien évidemment, tous les quartiers, toutes les régions ne sont pas logés à la même enseigne, et nous avons des espaces, à Genève, qui dépassent les normes fédérales en matière de concentration de particules fines. Nous avons donc une responsabilité particulière puisqu'il existe des normes fédérales - et si elles existent, c'est pour qu'elles soient respectées, mais nous n'y arrivons pas au centre-ville et à proximité de l'aéroport. C'est pourquoi - pour répondre à Mme Monbaron - les «low emission zones» qui se trouvent en Allemagne et en Italie notamment sont relativement concentrées et restreintes: il s'agit de protéger la part de la population confrontée, en matière de qualité de l'air, à des taux dépassant les normes légales. Et ce n'est pas toute la population genevoise: les quartiers sont inégaux par rapport à cela. Que devons-nous faire ? Abandonner celles et ceux qui ont la malchance d'habiter dans les quartiers les plus touchés ? Ça, c'est le premier point.
Une note positive, Mesdames et Messieurs: nous devons prendre en compte le fait que les efforts collectifs des pouvoirs publics, mais aussi beaucoup de l'industrie - y compris l'industrie automobile - amènent une amélioration de la qualité de l'air aujourd'hui à Genève. Il faut le dire ! C'est vrai que nous avons tendance à effectuer les mesures aux mêmes emplacements d'une année à l'autre pour faire des comparaisons; les données ne voudraient pas dire grand-chose, le Dr Buchs l'a indiqué, si on déplaçait les instruments de mesure. Mais la qualité s'améliore donc, quand bien même elle reste problématique dans certains secteurs.
Mesdames et Messieurs, cette question des «low emission zones» est à rattacher aux macarons que nous avons déjà mis en place. L'Etat a gagné face au recours du TCS: les macarons ont été admis par la Cour constitutionnelle, mais à condition qu'ils servent dans le cadre des pics de pollution. C'est là qu'il faut donner raison au rapporteur de minorité: en l'état, le droit fédéral ne permet pas aux cantons d'instaurer des zones à faibles émissions polluantes. Mais quand bien même ! J'aimerais qu'on réfléchisse en matière de mobilité: il faut savoir par exemple qu'éliminer les deux premiers macarons, c'est-à-dire les voitures les plus polluantes, permettrait de diminuer la pollution de 50% en ne touchant que 16% du parc automobile !
Même si le Conseil d'Etat vous invite à refuser cette motion parce que nous n'avons pas de base légale pour introduire, à l'instar des villes allemandes et italiennes, ce système à Genève, celui-ci est peut-être plus juste, en matière de mobilité, que le péage urbain qui permet de se payer le droit de polluer. Ce système met la pression sur une partie du parc automobile - une partie très minoritaire à vrai dire, 16% -, mais en touchant ce 16%, on règle 50% du problème. C'est aussi une manière de valoriser les automobilistes, qui pour la plupart ont des véhicules plus récents et donc plus respectueux de l'environnement.
Voilà, Mesdames et Messieurs. Je conclurai peut-être mon propos ainsi: refusez cette motion parce que nous n'avons pas de base légale - Genève ne pourra pas légalement introduire une zone permanente, l'arrêt de la Cour constitutionnelle l'a redit. Nous pouvons recourir à cette mesure lors de pics de pollution, bien que nous ne l'ayons jamais appliquée: nous avons dépassé le seuil une seule fois, mais c'était à cause du sable du Sahara. On n'allait donc pas culpabiliser les automobilistes genevois et le Conseil d'Etat y a renoncé opportunément. Mais ces zones à faibles émissions fonctionnent bien dans d'autres pays et je pense que le débat devra quand même être porté aux Chambres fédérales. Merci beaucoup et bonne soirée.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Brouhaha.) Encore un peu d'attention ! Nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2416 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 50 oui contre 36 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)