Séance du
vendredi 28 janvier 2022 à
14h
2e
législature -
4e
année -
7e
session -
41e
séance
P 2118-A
Débat
Le président. Voici le point suivant: la P 2118-A. Je donne la parole à Mme Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, n'est-on pas en train de se tromper de débat ? Le problème réside moins dans la 4G et la 5G que dans ce que nous faisons de cette technologie. On est devenu accro aux réseaux sociaux dont on connaît les dérives, algorithmes aidant - merci Facebook. Toutes nos recherches de mots, de textes, de références quelconques passent par internet - merci Google. Le frigo connecté nous aide à garder la ligne, que l'on perd en commandant une pizza... en ligne pour regarder des films en streaming, et là, on s'éclate tellement en termes d'énergie qu'on aurait pu prendre l'avion pour traverser l'Atlantique.
L'ensemble des équipements informatiques qui permettent de traiter, stocker des données et communiquer à distance par voie électronique représentaient en 2019, avant la pandémie, entre 4% et 10% des émissions mondiales de dioxyde de carbone; en comparaison, le transport aérien en constituait environ 2%. Or, ces derniers temps, les technologies de l'information et de la communication croissent bien plus vite que le secteur de l'aviation. Quant à l'électricité qui nous est chère en ce moment, le numérique en aurait consommé 10% à 15% au niveau mondial en 2019. Mais de cette gourmandise en gigas, personne ne veut parler, et tant pis si 10% de la population est atteinte par des ondes dont il n'est pas possible de mesurer l'impact, car elles sont difficilement estimables; un peu comme avec les pics de bruit, on pratique une moyenne qui fait fi des dépassements gênants.
En ce qui concerne l'usage de masse de la 5G, la Chine nous montre l'avenir orwellien qui nous attend. La bataille fait rage en ce moment contre le Huawei chinois qui domine le marché international des infrastructures de télécommunications 5G, évalué à 90 milliards de dollars. Quel que soit le gagnant, la planète est perdante, car avec l'amélioration de l'efficacité d'une ressource, celle-ci devient plus abordable pour les consommateurs qui l'utilisent davantage, ce qui en augmente l'usage. «O brave New World !»
La motion sur le même thème, déposée par le Dr Buchs, soutenue par notre parlement et renvoyée au Conseil d'Etat, a hélas démontré les limites de notre champ d'action. Le droit fédéral est le seul échelon habilité à émettre des règles et à établir les seuils d'émission autorisés pour les antennes 5G. Il paraît qu'un principe de précaution est appliqué, qui limite fortement le rayonnement électromagnétique. Il paraît aussi que la technologie 5G offre de multiples avantages: en permettant de traiter un nombre largement supérieur d'informations, elle serait plus écologique que la 4G. Le peuple n'a plus besoin d'opium; de la vidéo à la visio, de la chambre à coucher au bureau, l'écran est devenu le plus noir des miroirs de nos paradis artificiels. Ne nous laissons pas abuser par les promesses virtuelles de la 5G. Le PDC sollicitera le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Il est pris note de votre requête. La parole va à M. Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne suis pas médecin et je ne vais certainement pas me lancer sur ce terrain. En revanche, je pense que... (Brouhaha. L'orateur marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) En revanche, je pense que les cent personnes qui se trouvent dans cette salle sont viscéralement attachées aux droits démocratiques et à la protection des individus. (Brouhaha.) Excusez-moi, Monsieur le président, mais il y a beaucoup de caucus en cours !
Le président. En effet ! Je remercie celles et ceux qui tiennent des conciliabules de se déplacer dans la salle des Pas-Perdus. Poursuivez, Monsieur Dimier.
M. Patrick Dimier. Je vous remercie. Il est évident que la 5G pose de très sévères problèmes - j'insiste: de très sévères problèmes - par rapport à la protection de l'individu, de la personnalité et des droits individuels. Je sais que ce n'est pas une référence, je le dis souvent, mais toujours est-il que les Etats-Unis reviennent actuellement de manière assez rude au Sénat pour s'attaquer à la question de la violation des droits personnels engendrée par la 5G. C'est donc avec conviction que je proposerai, comme ma préopinante, un renvoi au Conseil d'Etat.
Cela étant, il ne faut pas se leurrer: notre gouvernement, aussi vaillant qu'il puisse être - il lui arrive même parfois de se montrer uni -, ne peut rien contre les velléités fédérales. En effet, nous sommes clairement dans une situation où c'est le droit supérieur qui définit le cadre légal. Or j'ignore s'il y a moins de démocrates aux Chambres fédérales, mais il y a en tout cas beaucoup moins de gens attachés à la défense des libertés individuelles. Résultat des courses, la 5G a toutes les chances de se propager à la vitesse du vent sur l'ensemble de notre territoire, ce qui est bien entendu malheureux. A ce stade, on ne peut rien faire d'autre que renvoyer ce texte au Conseil d'Etat. Merci.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur ad interim. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'ai évidemment été sensible au plaidoyer de ma collègue Meissner, lequel a été renforcé par les propos de Patrick Dimier. Néanmoins, j'aimerais revenir sur la pétition qui réclamait quelque chose de tout à fait concret, c'est-à-dire un moratoire sur la 5G décrété au niveau de notre canton.
S'agissant de la santé, on peut adhérer aux idées qui ont été émises selon lesquelles cette technologie est nuisible à la société de manière générale, mais je rappelle tout de même qu'il y a déjà eu une décision de justice sur la question, puisque cette même requête avait été formulée à l'échelon de la Confédération. Ainsi que l'a souligné Patrick Dimier, on évolue dans un environnement qui relève de la compétence fédérale.
Lors des auditions en commission, il a été constaté qu'en l'état actuel des choses - ce qui ne préjuge en rien de l'avenir -, s'il y a effectivement des gens qui expriment plus que des doutes sur le plan sanitaire, en ce qui concerne la prise de position officielle et d'après les études qui ont été menées, rien n'est prouvé en la matière. Aussi, je vous demanderai de suivre les conclusions de la commission des pétitions, cristallisées dans le rapport de mon collègue Alexis Barbey, et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. Avant toute autre demande, je soumets à l'approbation de cette assemblée les conclusions de la commission des pétitions, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2118 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 46 oui contre 31 non et 2 abstentions.