Séance du
vendredi 8 octobre 2021 à
16h05
2e
législature -
4e
année -
4e
session -
26e
séance
M 2788
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir la M 2788, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. le député André Pfeffer, auteur.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette motion propose de garantir le droit à l'éducation et à la formation - elle est, et reste, d'actualité. Lors de cette rentrée académique, beaucoup d'étudiants se demandaient s'ils pourraient suivre leurs cours; certains d'entre eux ont même écrit aux partis politiques, ce qui est quand même extraordinaire. Une semaine avant la rentrée académique, les étudiants ont reçu une lettre les avisant de l'obligation du certificat covid ou d'un test - tous les trois jours - qui serait payant à partir d'octobre. Les étudiants non vaccinés et ne disposant pas des fonds nécessaires pour payer les tests auraient été tout simplement exclus. Entre-temps, il est vrai, la gratuité des tests a été prolongée.
A mon avis, la motion reste nécessaire, mais les deux premières invites sont effectivement obsolètes et je propose de les supprimer. La troisième invite - je vous la lis: «à favoriser les solutions constructives en collaboration avec les établissements, notamment avec l'installation de modules de vaccination et de dépistage» - reste d'actualité. Je vous remercie par conséquent de soutenir ce texte en gardant la troisième et dernière invite exclusivement. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle toutefois que nous n'avons reçu aucun amendement à ce texte. Je cède maintenant la parole à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Notre groupe est favorable à une vaccination très large, la plus large possible, par la conviction. Nous considérons que la vaccination est une obligation citoyenne et morale parce qu'il faut freiner la circulation du virus et aussi ses mutations. De ce fait, nous soutenons tout ce qui va dans le sens de favoriser la vaccination de la plus grande partie de la population. Cela dit, cette motion enfonce un peu une porte ouverte: je crois que l'université est actuellement acquise aux solutions que vous appelez constructives, avec un accès sur place à la vaccination et au dépistage. Mais enfin, pourquoi ne pas la voter.
Il est vrai qu'il était très surprenant que l'université annonce si peu de temps avant la rentrée l'obligation du pass covid pour suivre les cours, parce que le délai n'était pas suffisant pour permettre aux étudiants de se faire vacciner et d'être couverts par la vaccination. D'autre part, c'est pratiquement impossible de vérifier sur un campus universitaire qui a un pass et qui n'en a pas, sauf à mettre une armée de Securitas sur chaque site. La réponse, à cet égard, est donc du côté de la vaccination: il faut aller vers les gens pour qu'ils se fassent vacciner plutôt que d'attendre qu'ils viennent ou qu'ils prennent rendez-vous. Partout où les gens travaillent ou étudient, il faut des espaces de vaccination. J'en profite pour dire - vous transmettrez à M. Lefort, Monsieur le président - que l'obligation morale de se faire vacciner, la solidarité avec les personnes fragiles, c'est un aspect décisif d'une politique publique de la santé.
Nous ne partageons pas des points de vue obscurantistes sur la vaccination et ses effets. Les personnes qui refuseraient totalement de se faire vacciner pourront toujours le faire, mais il suffit, nous le savons tous, que 85% de la population soit vaccinée pour qu'une immunité collective se développe et que la circulation du virus et ses mutations ralentissent, ce qui constitue un facteur possible de sortie de la pandémie pour la société dans son ensemble.
M. Bertrand Buchs (PDC). Chers collègues, cette motion n'a plus lieu d'être ! Je pense qu'il faut peu en discuter et la refuser puisque l'université a pris et appliqué des décisions - et heureusement, parce qu'il fallait permettre aux étudiants et étudiantes d'avoir à nouveau des cours en présentiel. Le covid a engendré une souffrance énorme dans les études universitaires; c'était extrêmement difficile de devoir rester à la maison, de travailler uniquement à distance et de ne pas avoir d'interactions avec les autres étudiants.
Il est clair que des décisions ont été prises et que les choses fonctionnent; un effort a également été fait en matière de vaccination, il me semble qu'on est allé sur les lieux pour vacciner les personnes qui voulaient l'être. Il faut donc soit retirer cette motion soit la refuser: elle n'a plus lieu d'être. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Je partage l'avis de mes préopinants: cette motion n'a plus lieu d'être. J'en profite toutefois pour rappeler - à la lecture du texte, on pourrait avoir un doute - que le pass covid est une alternative à la vaccination obligatoire et que dans le domaine de la formation, pour un enseignement live, il a donc une raison d'être. Et c'est effectivement normal de maintenir la gratuité, comme l'a prévu l'arrêté du Conseil d'Etat validé hier. Je me permets de relever que cet arrêté visant à mettre en place le système relatif à la gratuité des tests pour les étudiants a été combattu par le groupe UDC qui aujourd'hui demande justement leur gratuité; il me semblait intéressant de le noter. Pour ces raisons, le groupe PLR s'opposera à cette motion. Je vous remercie.
Mme Amanda Gavilanes (S). Je partage l'avis de mes préopinantes et préopinants; le parti socialiste ne soutiendra pas cette motion. La décision, prise avant la rentrée académique par le rectorat de l'Université de Genève, d'imposer le pass sanitaire - le certificat covid - pour accéder aux lieux de formation était totalement justifiée et proportionnelle. Elle a permis le retour à un enseignement en présentiel, appelé de ses voeux par l'ensemble du corps enseignant et des étudiantes et étudiants qui ont énormément pâti de cette année et demie de pandémie. Les efforts du rectorat pour garantir l'excellence et la qualité de l'enseignement et de la recherche à l'université sont par conséquent à la hauteur des attentes que nous pouvons avoir en la matière. Nous ne pouvons donc que l'encourager à continuer à garantir un espace sain, totalement adapté à l'enseignement et à l'étude dans de bonnes conditions sanitaires. Merci.
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste répéter que cette motion, à mon avis, reste utile - en tout cas sa troisième invite, parce que je rappelle encore une fois qu'il y a quand même eu 27 000 étudiants qui ont été totalement déstabilisés. Beaucoup d'entre eux se demandaient même s'ils pourraient suivre les cours cette année. Un recteur a par ailleurs déclaré dans la «Tribune» qu'il est selon lui impossible de faire les tests ou de contrôler le certificat covid; le Conseil d'Etat a du reste expliqué en commission qu'il n'y a pas de contrôle - il n'y a pas de contrôle à l'entrée des bâtiments, mais un contrôle ponctuel et sporadique à l'entrée des amphithéâtres. Finalement, et il l'a très clairement dit lors d'une audition, le gouvernement avoue qu'il compte sur la responsabilité de chacun.
Il y a donc malgré tout un certain flou. Beaucoup de gens s'interrogent; des dizaines d'étudiants ont écrit aux partis politiques. En tout cas, selon deux ou trois collègues que j'ai vus...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. André Pfeffer. ...les gens ont également sollicité les autres partis. Il s'agit quand même de démarches très très exceptionnelles et je pense qu'une réponse est nécessaire au vu de l'angoisse et de l'incertitude que tant de nos jeunes ont connues. Je vous prie vraiment d'accepter cette motion; un rapport du Conseil d'Etat sur ce sujet est à mon avis absolument nécessaire - nos jeunes doivent recevoir une réponse. Merci de votre attention.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, si je prends aujourd'hui la parole au nom des Vertes et des Verts, c'est aussi pour apporter quelques couleurs nuancées au débat. Non, ce n'est pas un débat simple, même au sein de notre propre groupe. Il y a des nuances à apporter, car il s'agit d'un sujet sensible. L'annonce de l'élargissement du certificat covid par le Conseil fédéral, le mercredi 8 septembre 2021, a été ressentie comme un soulagement par certains et certaines, comme une nouvelle mesure de contrainte et de restriction des libertés individuelles par d'autres.
L'entrée en vigueur de la mesure, le 13 septembre dernier, a aussi provoqué des réactions et des difficultés. Alors que cette obligation ne s'étendait pas aux hautes écoles et aux universités, elles se sont toutefois prononcées en faveur du certificat covid. Dès lors, les étudiants n'en disposant pas étaient exclus des bâtiments ou devaient effectuer un test salivaire par pool d'une vingtaine de personnes et subir un contrôle individuel en cas de résultat positif. Concernant la communication, des informations contradictoires relatives au caractère payant ou gratuit des tests ont déstabilisé des étudiants déjà fragilisés par la crise covid. De surcroît, le Conseil d'Etat a insisté sur le fait que ces tests réguliers et gratuits n'étaient pas une solution à terme, mais une passerelle vers la vaccination.
Mais alors, pourquoi accepter une telle motion ? Pour nuancer le débat et pour éviter de tomber dans des discriminations. Il faut mentionner ici qu'imposer un certificat covid afin de garantir une formation en présentiel de qualité, c'est imposer un système difficile à mettre en oeuvre puisque les contrôles systématiques sont infaisables. C'est pourquoi nous, les Vertes et les Verts, nous souhaitons maintenir la première invite de cette motion. Nous ne soutenons pas un système qui complexifie l'accès aux études en exerçant une pression morale sur certains étudiants.
Nous souhaitons aussi que les étudiantes et les étudiants puissent s'exprimer, avoir leur mot à dire, discuter de leur consentement. Oui, la question du consentement, chez nous, les Vertes, est fondamentale. Elle porte aujourd'hui sur la question vaccinale. De nombreux étudiants subissent ces mesures: ils n'osent pas en parler. Ils ont peur de prendre la parole publiquement; ils ont surtout peur des représailles ! Car oui, ils sont effectivement en position d'infériorité par rapport à la hiérarchie universitaire et l'on peut comprendre le malaise qu'ils ressentent. Nous soutenons des solutions alternatives et constructives avec les personnes directement concernées. Enfin, dans un but de non-discrimination, nous sommes favorables au prolongement des tests gratuits pour les étudiantes et les étudiants tant que cela sera nécessaire.
Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts ont soutenu l'urgence et soutiendront cette motion avec les première et troisième invites - puisque la deuxième est caduque -, et soutiendront surtout cette motion avec un vote représentant les différentes sensibilités des Verts. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va maintenant à M. le député François Lefort pour trente-huit secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Ayant été interpellé par M. Batou lors de sa prise de parole, j'aimerais juste que vous lui transmettiez qu'une obligation morale, en droit, est une obligation qui relève de la conscience individuelle et dont l'exécution forcée ne peut être obtenue devant les tribunaux; dont acte. Sa conscience individuelle vaut bien la mienne et il serait bon qu'il en prenne conscience.
Le président. Merci, Monsieur le député, je transmettrai. Pour conclure ce débat, je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, autant je pense comprendre la position politique du groupe UDC, qui fait de cette politique de santé, dans laquelle il se veut le champion de la liberté, son cheval de bataille, autant j'avoue ne pas comprendre la position des Verts. Selon qu'on est Vert clair ou Vert foncé, on est en faveur ou non de cette motion - motion dont tout le monde s'accorde à dire qu'il n'y a plus... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le conseiller d'Etat, un instant.
M. Mauro Poggia. On va laisser revenir tout le monde à sa place. (L'orateur rit.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît ! Merci de respecter la prise de parole de l'orateur. (Un instant s'écoule.) Vous pouvez poursuivre, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Mauro Poggia. Merci. Tout le monde s'accorde donc à dire que ces invites ne sont plus d'actualité, mais on essaie quand même de les soutenir pour des raisons de posture que j'avoue ne pas comprendre. Je rappelle que nous avons appris le jeudi la décision des hautes écoles - qui ne sont pas sous l'autorité du Conseil d'Etat - de rendre le port du masque obligatoire, avec présentation du pass covid le cas échéant, pour éviter la jauge des deux tiers dans les salles de cours. Le jeudi ! Eh bien nous avons travaillé pour que des solutions soient proposées - et pas aux frais du canton, je le relève en passant - le lundi déjà afin que des tests répétitifs et ciblés soient mis à disposition des étudiants mais aussi des professeurs. S'agissant de suspendre l'obligation de présenter un certificat covid, aujourd'hui, il n'y a donc pas de problème ! Quant aux tests répétitifs pris en charge par la Confédération, ils sont en tout cas prolongés jusqu'à fin décembre sous réserve de l'évolution de la situation épidémiologique. La première invite n'a par conséquent plus aucune utilité. S'agissant de la deuxième invite - étudier la possibilité de mettre en place des tests salivaires -, je vous l'ai dit, elle est déjà concrétisée. La troisième demande à favoriser des solutions constructives; eh bien je pense qu'on peut difficilement trouver plus constructif que d'être le premier canton suisse à proposer une solution pragmatique pour permettre à nos élèves d'assister aux cours en présentiel ! On l'a fait !
On l'a fait et on le fait ! Il est d'ailleurs possible de se faire tester à l'université, ce qui donne droit à une attestation - et non à un certificat covid: le but est de permettre aux étudiants qui se font tester le jeudi ou le vendredi d'assister aux cours, mais pas d'aller danser tout le week-end ! Excusez du peu; il y a quand même des limites à ne pas franchir. Le but est bien de permettre aux étudiants d'aller étudier et il est atteint. Maintenant, en ce qui concerne la vaccination, l'alternative est proposée. Celles et ceux qui veulent se faire vacciner peuvent le faire, et sur place qui plus est. Je pense donc qu'on peut difficilement faire davantage.
Pour répondre à M. le député Pfeffer qui dit qu'il n'y a pas de contrôles: non, il n'y a pas de contrôles à l'entrée de l'université, mais il y en a à l'entrée des amphithéâtres et pour l'instant les choses fonctionnent bien. Alors c'est vrai que j'ai parlé de la responsabilité de chacun - je pense qu'il en est question depuis le début de cette pandémie. Peut-être voudriez-vous que des hommes en armes vérifient que chacun ait effectivement un certificat avant d'entrer dans les salles de cours; ce n'est en tout cas pas notre politique. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je prie l'assemblée de se prononcer sur l'amendement de M. Pfeffer qui nous a été envoyé tout à l'heure et vise à supprimer la première invite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 22 non et 10 abstentions.
Le président. Le deuxième amendement de M. Pfeffer porte sur la suppression de la deuxième invite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 65 oui contre 7 non et 13 abstentions.
Le président. Je vous fais maintenant voter sur la prise en considération de la motion telle qu'amendée.
Mise aux voix, la proposition de motion 2788 ainsi amendée est rejetée par 54 non contre 22 oui et 10 abstentions.