Séance du
vendredi 2 juillet 2021 à
14h
2e
législature -
4e
année -
2e
session -
13e
séance
M 2611-A
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la M 2611-A et je donne la parole à M. le député Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Il faut naturellement soutenir cette motion et suivre la majorité de la commission. Je ferai juste un rappel pour ceux qui ne seraient pas au courant: il y a quelques années, l'armée a décidé de se délester de caisses de munitions qu'elle avait en trop. Vous savez que non seulement on dépense structurellement, pour l'armée, de manière inutile - puisqu'elle ne sert à peu près à rien dans ce pays -, mais qu'en plus on lui donne beaucoup trop, puisqu'elle ne sait que faire à la fin de l'année de ces caisses de munitions dont elle n'a pas usage. C'est pour cela que, dans un de ses éclairs de génie qui la caractérisent si souvent, elle a décidé de s'en débarrasser en jetant tout cela au fond du lac ! (Commentaires.) Alors, Mesdames et Messieurs, pour ceux qui pensent que c'est un geste contre Genève, soyez rassurés: elle a jeté ses munitions dans à peu près tous les lacs du pays ! Voilà. Ça donne une idée des tonnes de munitions inutiles que l'on finance pour l'armée, comme on va financer bientôt - à part, bien sûr, si le GSsA parvient à faire aboutir son initiative - des avions de combat inutiles. On espère que lorsqu'elle n'en aura plus l'usage, l'armée ne trouvera pas opportun de les balancer dans le lac ! (Rire. Remarque.)
Cela dit, il est évidemment urgent d'assainir le lac de cette pollution honteuse et volontaire de la part de l'armée. On regrette à ce titre-là la position du Conseil d'Etat, qui pendant longtemps a minimisé les faits... (Commentaires.) ...en nous expliquant que, finalement, il n'y avait pas de pollution, que ces munitions étaient enfouies dans des couches de sédiments et que c'était inoffensif pour l'environnement. Une association qui a fait de la plongée dans le lac en filmant a démontré que c'était faux et que ces munitions sont pratiquement à la hauteur du fond du lac.
Par ailleurs, il faut critiquer aussi la décision de l'armée qui a considéré que ce n'était pas à elle de payer les éventuels frais de dépollution, Mesdames et Messieurs ! Elle a considéré que c'était trop compliqué, que, finalement, les torts étaient partagés et que, bon, le plus simple serait que ce soit bien l'Etat de Genève qui finance tout cela. Je le dis, parce qu'on a une droite qui, vous le savez, regrette souvent que l'on dépense trop d'argent public dans le canton de Genève pour rien. Eh bien, voyez-vous, on débourse une première fois au niveau fédéral pour financer une institution inutile qui a trop de munitions et une deuxième fois pour réparer ses bêtises, parce qu'elle refuse de payer. Vous savez, il y a un vieux slogan qui dit que l'armée, ça ne sert à rien, ça coûte cher, ça pollue et... Je ne me souviens plus de la fin ! (Rires. Remarque.) Ça rend con, dites-vous ? Ah excusez-moi, je ne me serais pas permis de le dire ! Enfin voilà, raison de plus pour voter cette motion, naturellement ! (Applaudissements.)
Le président. Je remercie votre mémoire courte pour la bonne tenue de cette séance ! Monsieur le député François Baertschi, c'est à vous.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne comptais pas intervenir... (Commentaires.) ...puisque nous sommes aux extraits. Néanmoins, face à ces attaques répétitives contre l'armée, je crois qu'il faut remettre un peu les pendules à l'heure. (Commentaires.) D'un côté, il faut dire que ce n'est pas parce que l'armée commet des erreurs, comme tout le monde... (Remarque.) Il y a peut-être seulement le député Jean Burgermeister qui n'en commet pas ! (Applaudissements.) C'est peut-être la seule personne de la république...
Une voix. Jamais !
M. François Baertschi. ...qui ne commet jamais d'erreur ! Jamais, jamais ! (Commentaires.) D'ailleurs, on a vu comment certains de ses modèles de société nous amenaient à la catastrophe, mais enfin bon, je ne vais pas entrer dans ce discours que certains de mes collègues aiment bien utiliser.
D'un autre côté, il faut quand même parler d'une certaine réalité: heureusement que nous avons une armée ! Pour plusieurs raisons: d'abord, quand on n'a pas d'armée... Il y a toujours une armée sur un territoire; soit c'est l'armée du pays, soit c'est une armée étrangère qui a pris le pouvoir. (Remarque.) J'en déduis que M. Burgermeister voudrait une armée étrangère sur notre territoire ! (Rires. Remarque.) Je ne sais pas de quel pays, mais enfin, c'est ce qu'il souhaiterait avoir, j'en prends acte ! (Remarque.) Je ne sais pas si c'est le Liechtenstein, la France ou Dieu sait quoi...
Une voix. La Corée du Nord ! (Commentaires.)
M. François Baertschi. Ou le Costa Rica, le Costa Rica ! (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président ! (Commentaires. L'orateur rit.) Donc, c'est vrai que ce n'est pas sérieux d'attaquer l'armée de manière... Nous devons avoir une armée, sans doute une meilleure, on peut toujours faire mieux. Nous devons toujours nous en efforcer. Néanmoins la pure démagogie, telle qu'elle a cours dans certains milieux... C'est vrai que ce sont des discussions de bistrot que de dire: «L'armée, c'est pas bien, nous on serait bien meilleurs avec notre jeu de fléchettes !» (Rire.) Admettons, admettons ! Je crois qu'il faut passer à autre chose. Merci, Monsieur le président.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots pour vous indiquer que le groupe socialiste, auteur de cette motion, se réjouit évidemment de son acceptation par l'unanimité de la commission de l'environnement. On le sait, cela a été démontré, un certain nombre de caisses de munitions se trouvent actuellement au fond du Léman et, contrairement à ce qui avait été initialement affirmé par le Conseil d'Etat, elles ne sont pas recouvertes par de très nombreux sédiments, mais elles sont simplement, comme ça, posées sur le fond du lac. Naturellement, cela laisse craindre un certain nombre de risques: d'abord, le risque environnemental, lié à celui de pollution des eaux, et puis, étant donné que 80% de notre population boit l'eau directement pompée dans le Léman, cela fait bien entendu craindre un certain nombre de risques sanitaires également pour notre population. Raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne peut plus, sans mauvais jeu de mots, enterrer cette problématique: il doit pouvoir y faire face. Nous vous remercions d'accepter cette motion.
Le président. Merci. (Un instant s'écoule.) J'ai dû deviner sur l'écran, parce que la carte de vote n'a pas été insérée dans la console, mais je cède la parole à... (Remarque.) Ce n'est pas la bonne carte, Monsieur le conseiller d'Etat ! Monsieur Antonio Hodgers, c'est à vous.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Ce n'est pas la bonne carte, Monsieur le président, vous avez raison ! Mesdames et Messieurs les députés, j'interviendrai rapidement pour vous dire que le Conseil d'Etat n'a à aucun moment eu l'intention d'enterrer - ni n'a enterré - ce dossier. (Rire.) La question des munitions dans les lacs suisses - et dans les lacs d'Europe à vrai dire - est une question récurrente, qui est connue dans son principe, mais qui génère, pour ce qui relève de la cartographie exacte du positionnement des munitions, des incertitudes. Des incertitudes, parce que, effectivement, au moment où ces munitions ont été déversées dans des sites naturels, il n'y a pas toujours eu la rigueur de l'indication du positionnement des munitions. Des observations lacustres avaient démontré par le passé qu'elles étaient le plus souvent recouvertes de sédiments. Des observations faites par une association ont montré qu'à un moment donné, elles ne l'étaient plus. Si nous plongions ensemble aujourd'hui, peut-être constaterions-nous qu'elles le sont à nouveau, parce qu'évidemment, les sédiments vont et viennent. Mais même des munitions recouvertes ne garantissent pas contre un risque de pollution et de contamination. Le débat ne porte donc pas tant sur les photos spectaculaires qui ont été prises, mais bien sur le fait que des munitions se trouvent dans le fond de nos lacs et qu'elles y sont depuis des dizaines d'années. Quant à l'eau que nous buvons depuis des dizaines d'années, si elle devait être contaminée, nous l'aurions déjà remarqué, puisque, vous le savez, les SIG contrôlent en permanence la qualité de l'eau distribuée dans les foyers.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à accepter cette motion. Cette thématique est sérieuse. Pour lui, la question de la remise en conformité et du repêchage de ces munitions relève de l'armée. Nous n'avons pas les compétences, ne serait-ce que techniques, d'aller chercher des munitions, qui sont actives - anciennes mais quand même actives. C'est seulement l'armée suisse qui peut intervenir pour repêcher des munitions militaires. Nous espérons aussi à travers ce travail rappeler aux autorités fédérales leurs obligations d'une part militaires - l'armée doit récupérer ses propres munitions - et d'autre part environnementales, puisque les lois de protection de l'environnement que nous appliquons sont aussi des lois fédérales. Merci donc de réserver un bon accueil à cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2611 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 68 oui contre 1 non.