Séance du vendredi 2 juillet 2021 à 14h
2e législature - 4e année - 2e session - 13e séance

M 2727-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Xhevrie Osmani, Marjorie de Chastonay, Jocelyne Haller, Daniel Sormanni, Salika Wenger, Pierre Vanek, Florian Gander, Nicolas Clémence, Pierre Bayenet, Jean Rossiaud, Caroline Marti, Diego Esteban, Alberto Velasco, Jean Burgermeister, Grégoire Carasso, Didier Bonny, Jean Batou, Nicole Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Amanda Gavilanes, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud, Alessandra Oriolo, Glenna Baillon-Lopez, Badia Luthi, Ruth Bänziger, Thomas Wenger pour des conditions salariales et de travail dignes à Swissport
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 1er et 2 juillet 2021.

Débat

Le président. Nous passons à la M 2727-A. Je cède la parole à Mme la députée Xhevrie Osmani.

Mme Xhevrie Osmani (S). Merci, Monsieur le président. Nous demandons de renvoyer cet objet à la commission de l'économie. Le rapport du Conseil d'Etat est de loin insuffisant pour nous. Les échecs répétés dans les négociations qui ont été engagées avec Swissport ont laissé place à une flexibilisation rampante du travail sur ce lieu. Cette situation déplorable a conduit à de nombreuses démissions depuis lors, puisque beaucoup de personnes, parents d'enfants en bas âge ou étudiants qui n'arrivent pas à être présents à leurs heures de cours, ne peuvent s'adapter à des horaires incompatibles avec leur vie personnelle. Ce alors même que le Conseil d'Etat avait demandé à Swissport - demande qui avait du reste été acceptée - de procéder à une organisation du travail qui aurait permis aux employés auxiliaires d'assumer un deuxième emploi et de subvenir à leurs besoins. Cette recommandation n'a donc pas été respectée. Le Conseil d'Etat tient aussi à favoriser la négociation et la conclusion d'une CCT interentreprises au sortir de la crise. Nous resterons attentifs à cela, sachant que la négociation... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame la députée ! (Un instant s'écoule.) Mesdames et Messieurs qui faites du bruit, vous êtes si proches de la sortie ! Cela nous permettrait de profiter des interventions de vos collègues... Madame Osmani, vous pouvez poursuivre.

Mme Xhevrie Osmani. Merci. Nous resterons attentifs à cela, sachant que la négociation et la conclusion d'une CCT pour une seule entreprise semblent déjà être un acte compliqué. Aujourd'hui, les entreprises d'assistance au sol n'appliquent aucune CCT, il n'y a aucune définition des usages dans la branche. Il semblerait donc à tout le moins nécessaire que le Conseil d'Etat se donne la volonté d'user d'une marge de manoeuvre qui est possible dans ces conditions, pour faire respecter un partenariat social, avec des bases sociales et des conditions de travail dignes. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, Swissport, le retour ! Effectivement, cela fait un bon moment que nous nous occupons des conditions de travail dans cette entreprise et, chaque fois, nous devons faire le constat affligeant que celles-ci ne sont pas satisfaisantes et qu'il n'y a aucune garantie des droits des travailleurs dans cette entreprise. Il est vrai que le Conseil d'Etat s'en est mêlé, qu'il a appuyé la concertation et qu'il a essayé de mettre les partenaires autour de la table, mais visiblement, Swissport n'avait aucune intention de remettre ces pratiques en question. L'impression que cela nous donne, c'est qu'aujourd'hui, Swissport a la bride sur le cou et peut faire ce qu'il veut. Le Conseil d'Etat nous précise dans sa réponse qu'il ne dispose d'aucune compétence concernant l'attribution, la reconduction ou la dénonciation des concessions de ce type d'entreprise. L'aéroport, lorsque nous l'avions entendu à la commission de l'économie, nous indiquait également qu'il n'avait pas les moyens de poser des exigences en contrepartie de la concession. Là, on nous redonne un certain nombre d'indications très formelles sur qui prend les décisions et comment elles se prennent. Toujours est-il que ce qu'on constate dans cette réponse, c'est que Genève-Aéroport dispose de la possibilité de prévoir dans les conventions de concessions des clauses relatives au respect des conditions de travail. Or, qu'en est-il ? Dans la réalité, ce que nous constatons, c'est que la situation ne cesse de se dégrader: on a vu récemment l'entreprise exiger que les employés qui travaillent à temps partiel - parce qu'elle ne leur assure pas des temps de travail conséquents - garantissent des plages de disponibilité, ce qui les place dans l'impossibilité d'avoir un deuxième emploi qui leur permettrait de subvenir à leurs besoins. Par conséquent, finalement, on les contraint à vivre dans une très grande précarité et, certains l'ont dit, à devoir s'exiler, parce qu'ils ne peuvent pas affronter le coût de la vie à Genève. Cela n'est pas acceptable ! Au même titre qu'aujourd'hui, le personnel, comme d'ailleurs dans d'autres entreprises de notre canton, se trouve confronté au fait qu'on ne prend pas en considération le temps d'habillage - ce qui est une violation de la loi sur le travail. Qu'il faille encore déposer une plainte auprès de l'OCIRT simplement pour voir des choses aussi élémentaires que le temps d'habillage être prises en considération... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Pour nous, tout cela n'est donc pas satisfaisant. Nous ne sommes pas satisfaits d'une réponse qui consiste à dire qu'on sait qu'ils ne respectent pas la loi, qu'on sait qu'ils violent les droits des travailleurs, mais que personne ne peut rien faire. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi en commission: nous voulons des explications...

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. ...et nous voulons qu'autant l'aéroport que l'OFAC, si ce sont eux qui ont les compétences pour poser des exigences...

Le président. Il faut conclure.

Mme Jocelyne Haller. ...viennent répondre sur la manière dont ils surveillent l'application de ces exigences. Merci.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion 2727 interpartis demandait essentiellement un arbitrage et, en cas de refus, la dénonciation de la concession. Nous ne sommes bien évidemment pas convaincus de la réponse du Conseil d'Etat, que nous trouvons insatisfaisante à ce jour. En effet, depuis le 1er juin 2021, les nouveaux contrats imposés par Swissport Genève sont en vigueur, et ces contrats sont précaires. Pourtant, il y a eu des mobilisations, des pétitions, des rassemblements, l'intervention d'un médiateur, des lettres envoyées au conseil d'administration, une lettre envoyée au Conseil d'Etat, la motion 2680 qui essayait d'éviter ce vide conventionnel, et cette motion 2727, signée par les partis de l'Alternative et le MCG, qui a été acceptée par notre Grand Conseil en janvier dernier et qui demande un arbitrage ainsi que, en cas d'échec, un retrait de la concession.

Après que la CRCT a rendu ses recommandations, nous nous trouvons dans une situation intolérable et il n'est pas admissible que l'Aéroport international de Genève, alors qu'il s'agit d'une régie autonome sous tutelle du Conseil d'Etat, accepte ces conditions de travail indignes pour des centaines de salariés. La motion 2727 doit donc être correctement mise en oeuvre par le Conseil d'Etat. Par ailleurs, une plainte contre l'entreprise Swissport a été déposée récemment auprès de l'OCIRT pour non-respect de la loi sur le travail. Nous refusons donc la pérennisation des nouveaux contrats en vigueur depuis début juin, des contrats précaires.

La réponse du Conseil d'Etat est insatisfaisante. Nous soutenons donc le renvoi à la commission de l'économie, afin qu'il y ait une véritable réflexion et surtout une action pour trouver une solution adéquate en lien éventuellement avec le projet de loi 12876 qui propose un prêt de 200 millions à l'Aéroport international de Genève. C'est l'occasion pour nous, les Vertes, d'exiger une CCT interentreprises, comme l'a suggéré la CRCT, mais aussi de mettre en place un fonds de reconversion.

Je rappelle enfin que la population genevoise s'est positionnée en faveur de l'initiative 163 qui demande un pilotage démocratique de l'aéroport, et nous exigeons son application à tous les niveaux ! Merci.

M. André Pfeffer (UDC). Swissport Genève souhaite un dialogue social et souhaite évidemment aussi une CCT, mais qui soit raisonnable. D'ailleurs, Swissport à Zurich et à Bâle est doté de conventions de travail. De plus, à Genève, les conditions de travail sont plutôt meilleures qu'à Bâle et à Zurich. Mais, malheureusement, le dialogue social à Genève est très politisé. La situation de notre aéroport est évidemment dramatique; les sociétés basées sur ce site sont aussi très affectées. Pour pouvoir avancer et pour que le dialogue social puisse enfin se développer, je crois que nous, les politiques, nous devrions nous y ingérer le moins possible. Pour ces raisons, cette motion doit absolument être refusée. Merci de votre attention.

M. François Baertschi (MCG). Je me souviens, il y a peu de temps, chacun a pu voir dans les rues de Genève des petits placards qui étaient affichés un peu partout. On lisait: «Je travaille chez Swissport et je ne peux pas habiter à Genève.» Etant donné le niveau de salaire et les baisses salariales imposées aux employés de cette entreprise, de plus en plus de ces employés - qui travaillaient anciennement chez Swissair, il faut le rappeler - ne peuvent plus habiter dans notre canton. C'est quelque chose de dramatique ! Cela signifie que tous ceux qui sont des travailleurs doivent s'expatrier de l'autre côté de la frontière pour bénéficier de conditions de vie plus basses, c'est-à-dire qui coûtent beaucoup moins cher, et pouvoir travailler à Genève. Quel modèle de société avons-nous ? C'est un modèle de société qui n'est pas acceptable ! Et basé sur quoi ? Basé sur un duopole, à savoir Dnata et Swissport, qui se font une pseudo-concurrence, pour un service qui est obligatoire, une sorte de service public. On se retrouve dans la même situation que celle de Migros et Coop, qui dilapident les milliards dans des investissements foireux, et ces pseudo-coopératives de consommation emploient massivement des travailleurs frontaliers, alors qu'on se rend compte que des concurrents comme Aldi ou Lidl engagent du personnel local et parfois à des salaires plus élevés, ce qui est invraisemblable ! On se trouve dans un modèle de développement qui est mauvais.

C'est vrai que des propositions ont été faites. Le Conseil d'Etat a travaillé - dans un cadre négatif, il faut le dire, parce qu'on a un cadre législatif qui est négatif, mais malgré ce cadre, on peut agir: on peut faire un pas en avant et ce pas est important. Il y a aussi la CRCT, la Chambre des relations collectives de travail, qui a donné une recommandation intéressante, que l'on peut suivre, et je pense que nous avons tout intérêt, à la fois pour les employés de Swissport, pour l'équilibre de Genève, pour la cohésion sociale et pour la logique économique de notre canton, à arrêter avec les aberrations sociales et économiques que nous connaissons actuellement. Je pense que nous avons tout intérêt à renvoyer, comme l'ont proposé d'autres groupes parlementaires, ce rapport à la commission de l'économie afin qu'on puisse lui donner une suite fructueuse. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci à vous, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix cette demande de renvoi à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2727 à la commission de l'économie est adopté par 51 oui contre 17 non.