Séance du
vendredi 21 mai 2021 à
16h05
2e
législature -
4e
année -
1re
session -
4e
séance
La séance est ouverte à 16h05, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, et M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Jean Batou, Beatriz de Candolle, Marc Falquet, Amanda Gavilanes, Katia Leonelli, Eric Leyvraz, Xhevrie Osmani, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Marta Julia Macchiavelli, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet et Jean-Pierre Pasquier.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Je cède la parole à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. C'est pour annoncer un retrait, est-ce que je peux le faire maintenant ?
Le président. Oui, faites.
Mme Caroline Marti. Parfait, merci. Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous informe qu'il retire la M 2537 «Sexisme et violences sexuelles: pas dans mon parlement !» et le PL 12903 «modifiant la loi 12863 relative aux aides financières extraordinaires de l'Etat destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (Soutien aux nouvelles entreprises)».
Le président. Je vous remercie.
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de vous annoncer la venue au monde du petit Léonard, fils de Mme Diane Barbier-Mueller, né le 9 mai, jour de la fête des mères ! Nous adressons nos sincères félicitations à notre collègue !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Nous prenons acte des annonces de retraits formulées plus tôt par Mme Caroline Marti.
Le président. Je désigne le premier vice-président de l'assemblée, M. Jean-Luc Forni (PDC), président de la commission de grâce.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Jean-Marc Guinchard : Le canton entend-il lâcher la consultation sociale de Pro Senectute et se priver ainsi du subventionnement de l'OFAS ? (QUE-1544)
Question écrite urgente de Mme Patricia Bidaux : A l'école des convictions politiques (QUE-1545)
Question écrite urgente de M. Didier Bonny : Un an après, il est temps d'agir contre les crimes LGBTIQ-phobes ! (QUE-1546)
Question écrite urgente de M. Florian Gander : Véhicules électriques, hybrides et hybrides rechargeables, où en sommes-nous ? (QUE-1547)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Comment l'Etat de Genève remédie-t-il aux problèmes d'approvisionnement des médicaments ? (QUE-1548)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Harcèlement en milieu scolaire : lutte-t-on efficacement contre ce fléau ? (QUE-1549)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Occupation de postes stratégiques à l'Etat de Genève par des personnes non titulaires de la nationalité suisse (QUE-1550)
Question écrite urgente de M. André Pfeffer : Agrandissement du Centre islamique de Genève : la Confédération a-t-elle été consultée ? (QUE-1551)
Question écrite urgente de M. André Pfeffer : Délivrance de numéros AVS pour travailleurs sans titre de séjour ? (QUE-1552)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : L'aide d'urgence a-t-elle été octroyée avec diligence ? A qui et à quel coût ? (QUE-1553)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Allocation municipale de rentrée scolaire aux sans-papiers (QUE-1554)
Question écrite urgente de Mme Ana Roch : Réforme de l'impôt sur les véhicules, quid pour l'Etat ? (QUE-1555)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Quand les données privées deviennent publiques (QUE-1556)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelles réponses sociales et politiques du Conseil d'Etat aux revendications des jeunes frappés de plein fouet par la COVID-19 ? (QUE-1557)
Question écrite urgente de M. Pablo Cruchon : Combien coûtent les salaires des directeur-trices d'EMS à l'Etat chaque année ? (QUE-1558)
QUE 1544 QUE 1545 QUE 1546 QUE 1547 QUE 1548 QUE 1549 QUE 1550 QUE 1551 QUE 1552 QUE 1553 QUE 1554 QUE 1555 QUE 1556 QUE 1557 QUE 1558
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de M. Rémy Pagani : Possible pollution aux PCB (type dioxine) de la Versoix et du lac Léman (Q-3856)
Question écrite de M. Boris Calame : Charte d'éthique de la 3D : où en est-on de son développement, de son utilisation, de sa promotion et de la formation à son usage ? (Q-3857)
Question écrite de Mme Fabienne Monbaron : Quelle gestion cantonale pour le déplacement et l'entreposage des terres ainsi que le traitement des excavations dans le cadre des projets de construction ? (Q-3858)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 30 avril 2021 à 16h10
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Annonce: Séance du vendredi 30 avril 2021 à 16h10
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Annonce: Séance du vendredi 26 mars 2021 à 16h20
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Le président. En accord avec l'auteur, le Conseil d'Etat nous informe que la réponse à la Q 3848 sera déposée lors de la session des 1er et 2 juillet 2021.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il nous reste deux urgences à traiter. Nous nous penchons d'abord sur la R 944-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Helena Verissimo de Freitas, à qui je cède la parole.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La commission du logement s'est réunie une seule fois afin d'étudier cette proposition de résolution visant à prolonger le délai en cas de mise en demeure du locataire pour défaut de paiement. L'objet renvoie à la mesure adoptée par la Confédération en matière de droit du bail au mois de mars 2020: le Conseil fédéral avait alors fait passer le délai de paiement des loyers de 30 à 90 jours. Cet objet demande que l'allongement de l'échéance prévu par cette ordonnance fédérale, qui a cessé de porter effet le 31 mai 2020, soit réinstauré.
Il est apparu nécessaire aux yeux de la commission d'éviter que les locataires genevois ne soient délogés et que des mesures sociales soient mises en place parallèlement. Le département lui-même estime que le dispositif préconisé permettrait de diminuer le nombre d'évacuations pour défaut de paiement ou de les retarder. Au vu de l'urgence de la thématique, la commission a décidé de ne pas procéder à des auditions et de voter le texte immédiatement. Dès lors, elle vous invite à le soutenir également. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. En cette période de pandémie, il y en a qui reçoivent des aides, et des aides importantes; je pense en particulier aux employeurs qui sont généreusement servis en prestations publiques afin que leur faillite soit évitée. Bien sûr, nous ne le contestons pas, Ensemble à Gauche n'est pas opposé à ce que les entreprises ne fassent pas faillite et soient aidées lorsqu'elles en ont besoin, mais il y a aussi les autres, les laissés-pour-compte de la crise. Cette pandémie, on le sait bien, a un visage antisocial, et la manière dont on y répond, la manière dont on soutient les personnes qui souffrent varie selon qu'elles sont riches ou pauvres, selon qu'elles sont possédantes ou locataires.
Lorsque nous avons tenté d'imposer des réductions de loyer, elles ont été rejetées; lorsque nous tentons de venir en aide aux plus démunis, c'est chaque fois un bras de fer. Résultat des courses, certaines personnes n'ont plus réussi à s'acquitter de leur loyer et risquent d'être expulsées à cause du covid. Nous devons les épauler, c'est impératif. Comme chacun sait, la perte du logement, c'est le début d'une spirale infernale vers la pauvreté, spirale dont il est extrêmement difficile de s'extirper une fois qu'elle est amorcée.
Mesdames et Messieurs, nous avons la possibilité de demander à l'Assemblée fédérale de nous écouter, nous avons la possibilité de demander à l'Assemblée fédérale de faire un geste conséquent en faveur des locataires. Dès lors, nous vous invitons instamment à soutenir cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Le PLR n'a pas été unanime sur cette proposition de résolution: il était partagé entre des refus et des abstentions dictés par le fait que, comme chacun sait, ce texte ne servira strictement à rien, car le thème ne relève pas de la compétence du Grand Conseil. Il s'agit d'une nouvelle attaque contre des symptômes alors qu'il faudrait se focaliser sur l'origine du mal, ce que nous avons fait devant ce Grand Conseil à réitérées reprises, et là, le PLR a toujours été favorable aux aides en faveur de ceux qui en ont besoin. Mais ce n'est pas en changeant le niveau du thermomètre que la situation se réglera.
De plus, il s'agit d'une nouvelle Genferei. C'est presque devenu l'usage, maintenant: lors de chaque session, nous envoyons une proposition de résolution à l'attention de l'Assemblée fédérale, comme si nous n'avions pas assez de nos treize représentants à Berne. Lorsqu'il s'agit du MCG, c'est compréhensible, puisque ce groupe n'y siège pas, mais quand il s'agit du deuxième parti de Suisse, comme s'il n'avait pas de représentants sensibles au droit du bail sous la coupole, c'est piquant, cela fait sourire. Voilà pourquoi le PLR rejettera cet objet.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste, n'en déplaise à M. Aellen, se réjouit que cette proposition de résolution ait récolté une large majorité en commission. Son objectif est somme toute très simple et semble frappé au coin du bon sens: elle demande aux Chambres fédérales de réintroduire une mesure qui avait été décidée par le Conseil fédéral lui-même au printemps 2020, pendant la première vague de la pandémie, c'est-à-dire de prolonger le délai de paiement des loyers, de le faire passer de 30 à 90 jours.
Car si le Conseil fédéral a mis en place ce dispositif lors de la première vague, de manière assez incompréhensible, il ne l'a pas fait lors de la deuxième ! Or cette deuxième vague a fait place à une troisième, puis à une quatrième vague - on ne sait plus très bien où on en est maintenant -, elle a été beaucoup plus longue et virulente avec des effets bien plus dévastateurs qu'au début.
Nous savons par ailleurs que la crise sanitaire a des conséquences économiques et sociales à retardement, notamment en matière de logement et de paiement des loyers: les premiers mois, les locataires qui ont subi une perte de revenus puisent dans leurs réserves ou cherchent de l'aide auprès de leurs réseaux de solidarité pour s'acquitter de leur dû dans les temps; ensuite, malheureusement, la crise s'installe dans la durée, si bien que leurs réserves s'assèchent, que les réseaux de solidarité sont plus difficiles à activer; c'est à ce moment-là qu'ils peinent vraiment à payer.
Certes, il s'agit d'une mesure très modeste, on demande simplement un petit délai supplémentaire pour le paiement des loyers, mais cela peut faire toute la différence pour un locataire qui se trouve en difficulté. En effet, on le sait, en matière de résiliation de baux, les choses vont extrêmement vite, il suffit que vous ayez un léger retard et, tout de suite, vous risquez très concrètement de perdre votre logement.
Maintenant, pour répondre à M. Aellen, dans le cadre de cette pandémie, beaucoup de choses nous échappent, nous sommes impuissants face à l'émergence du virus, nous sommes impuissants... Pardonnez-moi, je m'étouffe ! (L'oratrice, essoufflée, boit un peu d'eau.) ...nous sommes impuissants face à l'évolution de la situation; en revanche, il y a un certain nombre de points... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sur lesquels nous avons prise, sur lesquels nous pouvons agir, et ce sont précisément les conséquences économiques et sociales de la crise: nous pouvons venir en aide à celles et ceux qui souffrent, à celles et ceux qui subissent les effets de la pandémie, à celles et ceux qui se retrouvent dans la précarité en raison du covid. C'est précisément le but de cette proposition de résolution. Il s'agit d'une mesure...
Le président. Merci...
Mme Caroline Marti. ...parmi beaucoup d'autres pour soutenir les locataires de manière à ce qu'ils ne perdent pas leur logement...
Le président. Merci, Madame.
Mme Caroline Marti. ...et ne se retrouvent pas plongés dans une grande précarité.
Le président. C'est terminé.
Mme Caroline Marti. Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, à accepter cet objet. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une des premières libertés des citoyens, c'est de disposer d'un logement et de pouvoir le conserver. Ainsi, même si la portée de cette proposition de résolution est relativement modeste, puisqu'il s'agit de s'adresser à l'Assemblée fédérale, il faut naturellement la soutenir.
Ensuite, Monsieur le président, vous transmettrez à M. le député Aellen que ce parlement, à diverses reprises, a voté d'importantes subventions aux entreprises et à certains citoyens, mais en ce qui concerne les locataires, les projets déposés ont été refusés. Le Grand Conseil n'a pas voulu aider les locataires en difficulté, donc c'est un peu léger de dire qu'on a fait le nécessaire; non, pour certains locataires, on n'a pas fait le nécessaire, il faut rendre à César ce qui est à César et dire la vérité, on a failli à notre devoir sur ce point. Aussi, le moins qu'on puisse faire, c'est de voter ce texte à l'attention de l'Assemblée fédérale afin d'offrir un peu de répit à ceux qui risquent d'être expulsés. Merci.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Le groupe PDC soutiendra cette proposition de résolution. La solution préconisée paraît équilibrée, elle requiert un effort somme toute modeste de la part des propriétaires et, ce qui est important également, il n'y a pas d'ingérence de l'Etat - ou alors elle est très limitée - dans les rapports de droit privé.
En tant que praticien au Tribunal des baux et loyers, j'aimerais apporter quelques précisions sur ce qui a été indiqué par Mme Marti et M. Bayenet quant au système des expulsions. Ce qu'il faut savoir avant tout, c'est que personne n'est mis à la rue à Genève. Nous disposons d'un système qui fonctionne bien, qui favorise la conciliation et qui, dans 99 cas sur cent, permet au propriétaire et au locataire qui a vu son bail résilié de conclure un accord, de sorte que celui-ci peut conserver son logement. Ce qui se passe dans le 1% des cas où aucun arrangement n'est trouvé et où la résiliation est validée, c'est que l'office cantonal du logement, avec l'Hospice général, permet au locataire de retrouver immédiatement, c'est-à-dire dans les 24 heures, un nouveau logement.
Ce qui nous a par ailleurs été confirmé par Mme Vigneron, vice-présidente du Tribunal des baux et loyers, dans le cadre d'un autre projet de loi - ce document est accessible sur ACCORD -, c'est que malgré la crise du covid et depuis 2019, le nombre d'expulsions à Genève n'a cessé de diminuer. Il faut bien constater que grâce aux efforts du Conseil d'Etat, mais aussi de l'ensemble des partis politiques du Grand Conseil, le filet social a tenu et la quasi-totalité des personnes affectées par la crise ont réussi à faire face au paiement des charges, y compris du loyer. Je pense qu'il était important de le préciser, ce d'autant plus au regard du reportage de «Temps présent» diffusé il y a deux semaines, qui était pour le moins caricatural.
Quoi qu'il en soit, nous allons voter cette proposition de résolution pour les raisons que j'ai invoquées: respect de l'équilibre, proportionnalité et non-ingérence de l'Etat dans les rapports de droit privé. Ce que je souhaite dire en conclusion, c'est que ce que nous faisons en faveur des locataires aujourd'hui, c'est ce que nous avons fait en faveur des contribuables, et nous aurions aimé que le parti socialiste tienne la même position à leur égard. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on a peut-être tendance à l'oublier, mais ce qui figure tout à la base de la pyramide de Maslow des besoins fondamentaux, ce n'est pas le wifi ni même la batterie, même si les jeunes seraient tentés de le croire; le logement fait bien partie des besoins fondamentaux et nous permet d'avoir un foyer, de trouver un emploi, d'évoluer au sein de la société.
On parle beaucoup de responsabilité individuelle en ce moment, mais dans le cadre de la crise que nous traversons, les individus n'ont pas fait la moindre erreur, c'est l'Etat qui, à un certain moment, a décidé que telle ou telle activité était interdite. Aujourd'hui, la situation des artistes, des personnes qui oeuvrent dans l'événementiel, des restaurateurs est catastrophique, vous le savez comme moi. S'ils avaient su, au début de la crise, que celle-ci serait aussi longue, je pense qu'ils auraient choisi d'autres orientations. Certes, le filet social a tenu pour une partie de la population, mais certains arrivent vraiment au bout du rouleau, au bout de la course, ils risquent de tomber dans des spirales infernales.
Je m'inscris en faux contre ce que vient d'affirmer le député Desfayes: j'ai eu la chance, il y a fort longtemps - c'était il y a une vingtaine d'années -, de m'occuper de l'opération «wagons» de la Croix-Rouge genevoise au profit des personnes sans abri et je vous promets qu'il y a vraiment des gens qui se retrouvent dehors. Lors de la précédente législature, vous m'aviez confié le rôle de siéger au conseil d'administration de l'Hospice général, et je vous assure que des personnes se trouvent dans des situations dramatiques. D'accord, certains sont logés à l'hôtel, mais toute une partie des citoyens passent à travers les mailles du filet, et non, Monsieur Desfayes, tout le monde ne trouve pas un nouveau logement dans les 24 heures, ce serait beaucoup trop beau; une partie des gens sont hébergés par des copains quand ils ont de la chance, la plupart finissent dans leur voiture - ce sont surtout des hommes célibataires -, ces cas sont réels.
Aujourd'hui, les individus ne sont pas responsables, ils exercent des activités qu'ils n'ont pas choisi de stopper eux-mêmes, ils n'ont commis aucune erreur; c'est nous, collectivement, qui avons décidé que tel ou tel domaine devait cesser de fonctionner pour des questions sanitaires, pour protéger d'autres personnes. Nous devons dès lors faire preuve de responsabilité, et c'est pour cela que nous vous invitons à voter cette proposition de résolution qui constitue un petit pas dans la bonne direction en cette période très particulière; nous devons mettre en place le dispositif le plus complet possible pour aider nos concitoyens qui, afin de protéger la population, ont dû cesser leurs activités. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Pfeffer, je vous entends d'ici, et vous n'avez pas la parole ! Si vous avez quelque chose à dire, vous pouvez toujours demander la parole depuis votre place. C'est le tour de M. Pierre Bayenet pour une minute vingt.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Vous avez vraiment une poigne présidentielle, Monsieur le président, bravo !
Je tenais à souligner que les choses ne sont pas aussi simples que «logement» ou «rue». A entendre M. le député Desfayes, on pourrait être rassuré et se dire: bon, c'est vrai que la police ne va pas mettre les gens à la rue, elle ne va pas jeter leurs affaires sur le trottoir et installer leur matelas sur la chaussée.
Le problème, c'est que la perte du logement, que celui-ci soit remplacé par un hôtel, par le canapé d'un voisin ou par un mobil-home dans un camping, c'est le déclassement social ! Cela signifie ne plus pouvoir recevoir et suivre son courrier, ne plus pouvoir faire de demandes d'emploi, ne plus avoir accès à ses affaires. En effet, quand la police évacue un appartement, elle stocke tout le matériel dans un garde-meuble, et tant qu'on n'a pas d'autre logement, on ne peut pas récupérer ces objets, ou alors c'est extrêmement compliqué, ce qui fait qu'on ne peut plus accéder à ses diplômes, aux documents qui permettent d'effectuer des candidatures. C'est le début de la spirale vers une précarité toujours plus grande ! Nous ne pouvons pas accepter que des gens se retrouvent à l'hôtel parce qu'ils n'ont pas réussi à payer leur loyer à cause de la pandémie, nous ne pouvons pas accepter qu'ils doivent dormir sur le canapé d'un voisin ou d'un ami et qu'après quelques semaines, ils n'aient plus d'endroit où aller.
Par ailleurs, il y a encore la question des sous-locataires qui ne se défendent pas dans les procédures, parce qu'ils n'ont pas accès à la justice: ceux-ci se retrouvent vraiment sans logement lorsque l'appartement est vidé, ils n'attendent pas la police suite à la résiliation du bail - en général, ils partent avant. Il y a ainsi toute une série de situations dans lesquelles le fonctionnement du Tribunal des baux et loyers ne permet pas d'éviter que des personnes perdent leur logement. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, j'ouvre la procédure de vote.
Mise aux voix, la résolution 944 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 57 oui contre 24 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Voici notre dernière urgence: la R 966. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Avant d'ouvrir le débat, je prie le premier vice-président de procéder à la lecture du courrier 3991 demandée en début de session.
Le président. Je vous remercie. Pour commencer, la parole revient à l'auteure, Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, Tahir Tilmo représente un exemple d'intégration. Depuis 2017, il participe aux cafés solidaires ainsi qu'aux programmes de l'Université de Genève pour les réfugiés; il a appris le français et tissé un large réseau d'amis en Suisse. Le 27 janvier dernier, Tahir Tilmo a fait l'objet d'un renvoi forcé en Ethiopie au mépris des risques auxquels il est exposé dans son pays, où sa vie est menacée. Human Rights Watch et Amnesty International ont largement dénoncé le fait que le gouvernement éthiopien est dirigé par le Front de libération du peuple du Tigré, ce qui en fait l'un des Etats les plus répressifs au monde sur le plan de la liberté d'expression et du respect des droits fondamentaux.
Lors de notre séance du 26 mars dernier, notre Grand Conseil a adopté la résolution 953 adressée à l'Assemblée fédérale et intitulée: «Non aux renvois de requérants d'asile vers des pays où les droits humains sont bafoués. Proscrivons les renvois vers l'Ethiopie».
Tahir Tilmo a vu sa vie bouleversée, son intégrité physique et psychique menacée en raison de l'engagement politique de ses parents, décédés des suites de tortures. Ces violences, ces injustices ont conduit M. Tilmo à s'engager, lui aussi, pour lutter contre ce régime tyrannique. Après avoir dû s'échapper et être venu se réfugier en Suisse, M. Tilmo s'est vu refuser l'asile au motif qu'il n'est pas parvenu à convaincre les autorités suisses des risques qu'il courait en Ethiopie, comme s'il ne se devait pas de conserver une certaine réserve pour protéger d'autres personnes restées au pays, et ce alors que l'accord de réadmission signé entre l'Ethiopie et l'Union européenne, auquel la Suisse s'est jointe, prévoit une étroite collaboration avec les services secrets éthiopiens, un fait qui conduit pour le moins à une certaine circonspection. M. Tilmo a donc été expulsé par les autorités helvétiques sans considération quant au fait que, pour lui, en Ethiopie, le danger reste permanent.
Depuis son retour, il est condamné à changer fréquemment de domicile pour échapper à la police qui le recherche; son état de santé est sévèrement affecté par cette situation, mais surtout il vit en situation constante de danger de mort. Amnesty International s'est mobilisée sur ce dossier, tout comme la Ligue suisse des droits de l'Homme; Genève a également alerté la Fédération internationale pour les droits humains. Nous avons reçu le courrier qui vient d'être lu à ce propos. M. Tahir Tilmo doit impérativement quitter l'Ethiopie. Ses amis en Suisse sont disposés à assumer les frais de son vol de retour. Il ne lui manque qu'une chose: un visa humanitaire.
C'est précisément l'objectif de cette proposition de résolution. Il s'agit de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat afin qu'il intervienne auprès du Conseil fédéral et que celui-ci délivre de toute urgence un visa humanitaire pour M. Tilmo. L'occasion de préserver son intégrité n'a pas été saisie en janvier dernier; notre Etat aurait dû protéger M. Tilmo. Par conséquent, il porte une responsabilité dans la situation périlleuse à laquelle il est actuellement confronté. Aujourd'hui, il n'est pas encore trop tard pour sauver sa vie. C'est pourquoi les signataires de cette proposition de résolution vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cet objet et à le renvoyer sans délai au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous vous le rappelez, la majorité de ce plénum a récemment dénoncé, dans le cadre de la résolution 953 destinée à l'Assemblée fédérale et intitulée «Non aux renvois de requérants d'asile vers des pays où les droits humains sont bafoués. Proscrivons les renvois vers l'Ethiopie», l'expulsion de sept ressortissants éthiopiens établis en Suisse depuis plusieurs années et tout à fait intégrés dans notre pays.
Ce renvoi a été exécuté en dépit de la situation qui prévaut en Ethiopie, en dépit d'une mobilisation citoyenne exceptionnelle, en dépit de l'appui de nombreux élus et militants des droits des migrants et des droits humains; il s'est déroulé dans des conditions particulièrement inhumaines. Pour rappel, plusieurs dizaines de personnes parmi lesquelles des membres des associations Solidarité Tattes, Stop renvois et 3ChêneAccueil étaient venues former une chaîne humaine devant les HUG pour empêcher cette expulsion.
La présente proposition de résolution demande qu'un permis humanitaire soit accordé à M. Tahir Tilmo. En effet, depuis son renvoi, sa situation s'est nettement détériorée, les nouvelles à son sujet sont très alarmantes. Des conditions objectives d'insécurité dans son pays pèsent sur lui et mettent sa vie en danger. Cette requête intervient alors que de grands médias romands et alémaniques - RTS, «Rundschau», «WOZ» - ont révélé de graves abus et dysfonctionnements au sein des centres fédéraux d'asile, des agissements qui font honte à la tradition humaniste et humanitaire de notre pays.
Pas plus tard qu'avant-hier, la section suisse d'Amnesty International a publié un rapport qui documente les cas de maltraitances infligées par des employés des entreprises de sécurité Securitas et Protectas, sous contrat avec le Secrétariat d'Etat aux migrations. Les abus décrits ont eu lieu entre janvier 2020 et avril 2021 dans les centres de Bâle, Chevrilles, Boudry, Altstätten et Vallorbe. Les requérants entendus ont décrit des coups, le recours à la contrainte physique au point d'engendrer des crises d'épilepsie, l'évanouissement et des difficultés à respirer suite à l'inhalation de sprays au poivre ou encore la détention dans un conteneur métallique en état d'hypothermie. Pour Amnesty, ces traitements sont assimilables à de la torture ou pourraient être assimilés à de la torture et, de ce fait, violent les obligations de la Suisse s'agissant du droit international.
Dans ce contexte, Mesdames et Messieurs les députés, il est vraiment crucial d'accéder à ce que demande cette résolution, à savoir de permettre à M. Tahir Tilmo de rentrer en Suisse en lui accordant un permis humanitaire. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Yves de Matteis (Ve). Pour défendre cette proposition de résolution, je vais simplement résumer une partie de son exposé des motifs que les députés - et le grand public - ne lisent pas toujours. Diplômé d'une université d'Addis-Abeba, M. Tahir Tilmo a été fonctionnaire successivement dans deux ministères. En 2009, il est licencié du seul fait que ses parents étaient engagés au sein du parti Oromo Liberation Front. Il retourne dans sa ville natale, Nazret, mais en 2010, reçoit plusieurs visites de la police qui l'interroge sur les activités politiques de son père, ceci non seulement à son domicile, qui est perquisitionné avec saisie du mobilier et de documents personnels, mais aussi dans la supérette qu'il a ouverte, notamment pour l'obliger à la fermer, celle-ci ayant été nuitamment vidée de son contenu.
Plusieurs fois interrogés par la police, ses parents sont enlevés devant chez eux pour être, quinze jours plus tard, jetés hors d'une voiture devant ce même domicile. Dans le coma, sa mère meurt deux jours après et son père quelques semaines plus tard à l'hôpital, après avoir témoigné des tortures subies jour et nuit. A la suite du décès de ses parents, M. Tahir Tilmo s'engage au sein de l'OLF et, poursuivi, doit vivre caché et déménager très souvent. Visé par un avis de recherche, il traverse, maquillé et déguisé, la frontière du Soudan qu'il quitte après un an pour la Libye, puis se rend en Italie par bateau avant d'arriver en Suisse en avril 2013, d'où il sera renvoyé en janvier 2021 par décision du SEM, confirmée par l'OCPM.
Depuis janvier 2021, comme cela a déjà été dit, M. Tahir Tilmo vit en clandestin dans son propre pays, complètement cloîtré, dans la crainte de se faire arrêter, emprisonner ou tout simplement assassiner. Face à ce tableau terrifiant, je n'ai pas grand-chose à ajouter et je vous enjoins, Mesdames les députées, Messieurs les députés, d'accepter cette proposition de résolution. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera cette proposition de résolution, parce que la situation en Ethiopie est parfaitement instable. On a appris ce qui s'est passé durant la récente guerre du Tigré: recours à une armée étrangère, massacres, viols de femmes, déportation de la population. Dans d'autres régions d'Ethiopie, certaines ethnies sont également remises à l'ordre par le gouvernement actuel.
Nous voulons simplement que la Confédération suive ses propres principes, à savoir qu'on ne renvoie pas quelqu'un dans un pays où le risque de guerre est avéré, qu'on ne refoule pas une personne qui s'expose à être jetée en prison parce que la situation politique est instable. On doit s'abstenir durant le temps nécessaire, jusqu'à ce que la situation politique soit de nouveau sûre en Ethiopie. Actuellement, il n'est pas possible d'expulser des gens vers ce pays, et c'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien soutiendra ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets cet objet aux voix.
Mise aux voix, la résolution 966 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 25 non et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous avons terminé le programme des urgences et reprenons notre ordre du jour ordinaire avec le PL 12721-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes de temps de parole. Le rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie, est remplacé par Mme Caroline Marti. A vous, Madame.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je reprends effectivement le rapport de mon excellent collègue Romain de Sainte Marie, et comme je suis persuadée que vous l'avez toutes et tous lu attentivement, je m'efforcerai d'être brève.
Actuellement, il est prévu que les crédits supplémentaires, si leur montant est de peu d'importance, soient traités par le Conseil d'Etat et, s'ils sont plus conséquents, c'est-à-dire qu'ils dépassent ce qu'on appelle le seuil de matérialité, par la commission des finances. Ce qui a conduit à cette façon de procéder, c'est la nécessité de prendre des décisions rapidement pour éviter les blocages dans des situations déterminantes pour le bon fonctionnement de l'Etat. Est-il utile de vous rappeler l'ordre du jour pléthorique de notre plénière ? Si les demandes de crédits supplémentaires devaient être examinées par celle-ci, il est à craindre qu'elles ne puissent même pas être votées durant l'année en cours.
La proposition de ce projet de loi, c'est que les crédits supplémentaires qui concernent des postes soient votés par le Grand Conseil. Alors on comprend que cette idée découle des circonstances liées au budget 2020, lors duquel la majorité de ce parlement avait refusé l'ensemble des nouveaux postes, et on entendait déjà dans les couloirs certains députés relativiser: «Ce n'est pas grave, on reviendra à la charge à la commission des finances avec des demandes de crédits supplémentaires.» Certes, je comprends que cela puisse en déranger certains, notamment ceux-là mêmes qui en sont venus à cette extrémité, mais ne serait-il pas tout bonnement plus simple pour notre assemblée d'opérer ces arbitrages et de valider les postes au moment du budget afin qu'on n'ait pas besoin de solliciter plus tard des crédits supplémentaires ?
Cela dit, il est absolument impératif de maintenir la possibilité d'adopter des crédits supplémentaires à la commission des finances, y compris pour des postes. Nous avons traversé une année extrêmement difficile qui a nécessité le vote, par le biais de crédits supplémentaires, de dépenses aussi essentielles que des postes pour le traçage des contacts au sein de la cellule covid ou pour l'application des mesures d'aide aux entreprises. De plus, dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, il est probable qu'on assiste à une augmentation importante du recours à l'aide sociale, des subsides d'assurance-maladie, du chômage. Dans cette optique, il est essentiel que nous puissions adapter le nombre de postes afin de répondre dans des délais raisonnables à la hausse des sollicitations.
Si ce projet de loi est accepté, on se dirige vers des situations de blocage qui risquent d'entraver gravement la bonne gestion de l'Etat et sa capacité à délivrer les prestations. Je peux rejoindre un certain nombre de préoccupations formulées dans le texte, par exemple quant au manque de transparence du vote de ces crédits; des améliorations sont certainement possibles sur ce point, mais clairement pas à travers cet objet. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil vous recommande son rejet.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, chers collègues, à titre liminaire, je tiens à rectifier une erreur qui s'est glissée dans le rapport de majorité. Si vous prenez la page 7...
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, je vous invite à baisser quelque peu votre micro afin qu'on vous entende mieux.
M. Patrick Lussi. D'accord. (L'orateur baisse son micro.) Est-ce que c'est mieux ?
Le président. Oui, merci. Vous pouvez poursuivre, Monsieur.
M. Patrick Lussi. C'est aussi mon masque qui est trop épais, excusez-moi ! Je disais donc qu'à titre liminaire et pour le Mémorial, je tiens à corriger une erreur qui s'est glissée à la page 7 du rapport de majorité. Dans l'encadré figure le vote d'entrée en matière; alors ça ne change pas son issue, mais je rappelle que nous sommes quinze en commission et qu'il n'y a pas eu d'abstention UDC. Notre groupe n'a qu'un représentant par commission, donc je vous prie de bien vouloir tracer cette voix UDC en trop qui fausse le nombre total de votes. C'est une question de forme, mais qui peut avoir son importance.
Chers collègues, Mme la rapporteure de majorité a bien décrit les fondements de ce projet de loi, son rapport restitue les positions des différents groupes, mais il me semble que nous sommes passés à côté du sujet principal. Rappelons que nous avons une commission des finances, que les lignes budgétaires sont discutées avec les départements, qu'un rapport est élaboré et qu'après bien des débats, nous procédons au vote final lors de la session spécifiquement dédiée au budget. C'est vrai, on s'en souvient bien, les postes avaient été refusés lors du budget 2020 pour plusieurs raisons, mais - si ce n'était pas clairement reporté dans les PV - on a tout de même entendu des conseillers d'Etat s'exclamer: «Bon, eh bien nous passerons par la commission des finances !» Et c'est précisément ce qui s'est passé, les postes rejetés suite aux discussions en plénière ont finalement été alloués.
Alors la question, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de savoir s'il est normal que notre système nous permette de contourner - légalement, puisque cette disposition figure dans la LRGC - des décisions budgétaires et des restrictions votées par notre parlement en passant par la commission des finances, dont c'est aussi l'attribution. La vraie question est là, Mesdames et Messieurs les députés, et d'ailleurs le vote final était serré: sept contre huit. Tout ce qui a été indiqué, l'UDC le conçoit, nous tenons simplement à relever le problème principal, à savoir qu'on peut balayer et contourner une décision formelle prise par ce Grand Conseil, après de longues discussions, au sujet des postes supplémentaires. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC vous demande d'accepter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les crédits supplémentaires sollicités à la commission des finances consistent en des ajustements de charges qui interviennent en cours d'exercice et ne sont pas forcément pérennes. Il peut survenir des situations extraordinaires - même hors de la crise actuelle - non prévisibles, qui n'ont donc pas été intégrées au budget discuté par notre Grand Conseil. Ces éléments sont généralement réanalysés dans le cadre des comptes et des budgets ultérieurs.
S'agissant des postes, puisque c'est le seul point sur lequel porte ce projet de loi qui n'évoque pas les charges, certains commissaires se sont demandé s'il n'appartenait pas plutôt à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat de traiter de telles requêtes. Cette proposition, qui exigerait une modification importante de la LRGC, n'a finalement pas été retenue.
Ce qui frappe dans le texte, au-delà de ce qu'a déjà signalé Mme la rapporteure de majorité, c'est la méfiance, voire la défiance, manifestée à l'encontre des membres de la commission des finances. On va jusqu'à parler de déni de démocratie dans le processus d'attribution des postes supplémentaires ! Que je sache, les commissaires aux finances sont des élus comme les autres, agissant sur délégation de notre Conseil et désignés par leurs groupes respectifs dont ils portent les valeurs, les principes et les convictions.
Mesdames et Messieurs, la crise actuelle montre depuis plus d'une année la nécessité pour l'Etat de faire preuve d'une réactivité plus importante. L'action qu'engage le Conseil d'Etat par le biais d'arrêtés dus à la situation extraordinaire est certes efficace, mais ne saurait constituer la règle. De plus, cette rapidité d'exécution peut être bloquée par des processus législatifs et référendaires, particulièrement lourds dans notre canton. La commission des finances réalise un travail sérieux et approfondi dans des délais acceptables; il convient de faire confiance aux commissaires concernés et de rejeter le présent projet de loi. C'est ce que je vous remercie de faire au nom du groupe démocrate-chrétien.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme il a été indiqué, la commission des finances possède cet «immense» privilège - je mets le mot «immense» entre guillemets - de pouvoir voter des crédits de fonctionnement et des postes sans passer par l'entier du processus parlementaire, qui peut se révéler assez lent, je n'ai pas besoin de vous le rappeler - sans parler encore des délais référendaires qui peuvent s'y ajouter.
Le fait que la commission des finances dispose de cette prérogative a du sens lorsqu'il faut s'adapter rapidement à des enjeux inattendus en cours d'année, c'est-à-dire après le vote du budget. De nouvelles situations peuvent apparaître, de nouveaux besoins également. La pandémie que nous connaissons l'a largement démontré, des budgets supplémentaires ont été votés à la fois en termes de moyens financiers et de postes qui les accompagnent.
Il est vrai que ce procédé confisque en partie le pouvoir décisionnel du parlement, même si la commission des finances représente celui-ci de façon proportionnelle, et in fine celui du peuple. A l'extrême, on pourrait imaginer lui ôter totalement cette attribution, mais on perdrait évidemment l'ensemble des avantages mentionnés précédemment.
Le projet de loi qui nous est présenté ici est parfaitement indigeste, parce qu'il ne traite qu'un aspect de la question: il permet à la commission des finances de se prononcer sur des suppléments d'argent, mais pas de personnel, ce qui n'a pas de sens. Ainsi, on pourrait voter un crédit supplémentaire pour un projet informatique, par exemple, mais non allouer des postes pour les développeurs qui le mèneraient à bien. Au passage, je signale que cela conduirait facilement à la tentation d'externaliser les projets, puisqu'on pourrait faire l'un et pas l'autre, ce qui est probablement l'intention des auteurs de ce projet de loi; nous ne jouerons pas à ce jeu-là.
Pour terminer, on l'a déjà entendu, il est fortement fait référence au budget 2020 où les postes avaient été bloqués au moment du vote, puis partiellement réintroduits par la commission des finances en cours d'année. Lors des discussions, quand nous avions souligné qu'il n'était pas cohérent d'avoir accepté d'augmenter le cercle des personnes pouvant bénéficier d'un subside d'assurance-maladie sans accorder les postes pour gérer cette nouvelle situation, on nous avait répondu: «Ne vous en faites pas, la commission aura la possibilité d'attribuer ces postes quand ce sera nécessaire.» Assumez cela et soyons cohérents jusqu'au bout, refusons l'entrée en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. Alberto Velasco pour deux minutes trente-deux.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais souligner que quand la commission des finances est saisie de demandes de crédits supplémentaires, elle ne vote pas des postes, mais des sommes, il est important de le relever. Ensuite, c'est le Conseil d'Etat qui alloue ces montants en fonction de leur nécessité, cette prérogative lui revient. En effet, si on devait se mêler de chaque poste créé à l'Etat, on passerait des heures et des heures, voire des années, dans ce Grand Conseil !
Cela étant, Mesdames et Messieurs, chaque fois qu'elle traite de telles requêtes, la commission mène un débat avec des votes, procède à des auditions, écoute les explications du gouvernement. Les choses ne se font pas à la légère, et c'est une compétence nécessaire.
Ce projet de loi s'attaque surtout au nombre de postes à l'Etat, mais il y a d'autres moyens pour le faire, on peut en parler dans le cadre d'un débat démocratique; l'UDC est sans doute légitimée pour lancer cette discussion, mais en ce qui concerne le dispositif proposé ici, je pense qu'il n'est pas du tout utile et ne ferait que bloquer notre vie parlementaire et les débats au sein de cette assemblée. Ainsi que ma collègue rapporteure de majorité l'a indiqué, nous voterons contre cet objet. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Burgermeister (EAG). Tout d'abord, la démarche des auteurs de ce projet de loi n'est pas très honnête. En effet, ils prétendent vouloir augmenter la transparence de l'activité parlementaire, soit, mais alors pourquoi restreindre aux seules dépenses la capacité de la commission des finances d'allouer des crédits supplémentaires, et en exclure les postes ? Difficile à justifier, Mesdames et Messieurs, il s'agit dans les deux cas d'argent public. Ainsi, c'est bien une intention anti-fonctionnaires qui a prévalu dans l'élaboration de ce projet de loi.
D'autant que celui-ci soulève des difficultés d'application basiques et bien compréhensibles: lorsqu'on octroie une hausse de la subvention pour les entités subventionnées, par exemple, eh bien il n'y a pas de ligne particulière pour les postes, c'est une enveloppe globale que les institutions peuvent octroyer pour partie à des postes, pour partie à autre chose. Dès lors, ce texte ne serait tout simplement pas applicable pour la plupart des structures du grand Etat.
Mais surtout, Mesdames et Messieurs, la droite se montre ici profondément malhonnête ! On a cité l'exemple du budget 2020, puisque c'est évidemment suite à son vote qu'est née l'idée de ce projet de loi, mais ce n'est pas le Conseil d'Etat ou la gauche qui disaient alors: «Puisque les postes ont été supprimés, on reviendra à la commission des finances avec des demandes de crédits supplémentaires.» Non, c'est la droite elle-même qui a justifié ses décisions ainsi ! Elle a justifié ainsi ses coupes aveugles dans tous les nouveaux postes, y compris ceux qui étaient indiscutablement nécessaires ! Lorsqu'on s'exclamait: «Mais enfin, tout de même, reconnaissez qu'il est vital et urgent d'embaucher du personnel au SPAd», la droite rétorquait: «Bah, de toute façon, le Conseil d'Etat allouera des crédits supplémentaires; on lui demande de procéder à un arbitrage politique, et il tranchera en faveur des crédits supplémentaires.» C'est donc la droite elle-même qui a exigé du gouvernement qu'il dépose des demandes de crédits supplémentaires à la commission des finances, déniant les prérogatives de ce parlement de mener un vrai débat démocratique sur ce qui est nécessaire ou pas dans le cadre du budget !
Ensuite, Mesdames et Messieurs, ce qui est essentiel, c'est la transparence. A ce titre, il faut que tous les crédits supplémentaires votés par la commission des finances soient rendus publics via un communiqué de presse, ce que réclame d'ailleurs un projet de loi du PLR. Or pour ma part, en tant que membre de la commission des finances, j'ai toujours demandé que les crédits supplémentaires fassent l'objet d'un communiqué de presse, et cela a souvent été refusé par la majorité de droite de la commission lorsque ces dépenses la gênaient, par exemple lorsqu'il s'agissait de couvrir les créances non payées des primes d'assurance-maladie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Eh oui, Mesdames et Messieurs, la droite voulait cacher à ce canton qu'une grande partie de la population ne peut plus payer ses primes d'assurance-maladie et que c'est l'Etat qui doit éponger les dettes, parce que oui, le libre marché, dans la santé comme dans beaucoup d'autres domaines, coûte très cher aux caisses publiques.
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. Enfin, il faut encore le souligner, les subventions sont souvent insuffisantes pour certaines entités. Tout le monde le sait, mais la droite refuse de les augmenter, même si elle sait pertinemment qu'après coup, il y aura une demande...
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. ...de crédits supplémentaires. Elle refuse de les augmenter par dogmatisme, pour faire croire qu'elle a gagné un combat politique...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...avant d'accepter les crédits supplémentaires droit derrière. Là encore, j'ai régulièrement déposé...
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. ...des amendements, notamment pour les EPI, ils ont été systématiquement...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. ...balayés par une droite qui refuse la transparence ! (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, revenons à des éléments beaucoup plus factuels et évitons de nous emporter. Ce projet de loi est non seulement excellent, mais également très honnête, parce qu'il a précisément pour but de remettre les choses au clair. Le processus budgétaire appartient à notre Grand Conseil; le suivi annuel de l'exécution du budget revient à la commission des finances, comme le prévoit la LRGC. Notre parlement délègue en effet à la commission des finances le pouvoir d'octroyer des crédits supplémentaires en fonction des besoins qui se révèlent en cours d'exercice, et cette attribution n'est pas du tout remise en question. La LRGC est très claire à ce propos: elle permet à la commission des finances de statuer sur des crédits supplémentaires, mais rien de plus.
Il se trouve qu'un usage s'est imposé par la suite de façon assez insidieuse, à savoir de faire passer des postes budgétaires pour des francs. Or il n'en est rien, Mesdames et Messieurs: les postes sont liés à la structure de l'Etat, ce ne sont pas des francs. En fait, ce texte vise simplement à clarifier la différence qui existe entre la structure de l'Etat, qui doit absolument rester de la compétence de notre Grand Conseil, et le cours de l'exercice budgétaire dans le cadre duquel nous devons effectivement pouvoir octroyer des crédits supplémentaires, qui sont eux-mêmes repris dans l'analyse des comptes et des budgets ultérieurs. Donc oui, ce projet de loi est nécessaire, clair et honnête pour nous, pour la population. Les postes ne constituent pas des éléments d'ajustement, ils sont liés à la structure de l'Etat et doivent continuer à figurer parmi les prérogatives du Grand Conseil.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs, pour l'honnêteté de notre travail, pour l'honnêteté budgétaire, pour l'honnêteté des décisions que nous avons à prendre, notamment quant aux prochaines réformes structurelles de l'Etat, je vous enjoins d'accepter cet objet qui nous permettra d'aller au fond des choses, de clarifier notre fonctionnement: il y a d'un côté la question financière, qui peut être déléguée à la commission des finances, de l'autre celle de la structure de l'Etat, qui doit rester entre les mains de notre plénum. Je vous invite encore une fois à voter ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole revient à M. Stéphane Florey pour deux minutes quarante-six.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, vous transmettrez mes remerciements à M. Conne, car il a expliqué beaucoup mieux que je ne l'aurais fait moi-même les fondements de ce projet de loi. Je rappelle juste que celui-ci a été déposé en mai 2020 en réaction aux demandes de postes supplémentaires adressées à la commission des finances suite au refus de centaines de postes dans le cadre du budget 2020, un refus qui visait à faire passer ledit budget.
Maintenant, j'aimerais apporter quelques éléments de réponse, notamment à M. Eckert dont je regrette toujours le manque de connaissances quant au fonctionnement de ce Grand Conseil - voilà pourtant quelques années déjà qu'il siège parmi nous: vous saurez, Monsieur Eckert, que les crédits informatiques sont votés par la commission des travaux depuis un certain nombre d'années, donc l'exemple que vous avez donné est des plus farfelus.
Quant à M. Guinchard, je souhaiterais qu'il cesse de déformer les propos ainsi que les éléments qui figurent pourtant dans le rapport - ce n'est pas la première fois qu'il le fait, il transforme totalement les choses. Le déni de démocratie ne provient pas de la commission des finances ni du manque de confiance à son égard; le Grand Conseil avait refusé des centaines de postes au Conseil d'Etat lors du budget 2020 et, le soir même, on entendait certains magistrats soutenir - des témoins pourront le confirmer: «Ce n'est pas grave, nous reviendrons à la charge par l'intermédiaire de crédits supplémentaires.» C'est là qu'il y a un réel déni de démocratie ! Sur ce genre de question, le Conseil d'Etat se fout de la gueule du Grand Conseil ! Je le dis sans honte, parce que c'est la réalité des faits.
Voilà pourquoi, dans ce contexte, l'UDC avait déposé ce projet de loi. Nous estimons que quand des postes sont refusés, il ne s'agit pas de les faire passer par la petite porte, comme ça a été le cas en 2020 avec les demandes de crédits supplémentaires. Voilà, je vous remercie.
Mme Françoise Sapin (MCG). Le MCG ne suivra pas ce projet de loi. Sa formulation n'est pas claire et prête à confusion. Si nous l'acceptons, nous bloquons le fonctionnement de l'Etat. Chacun doit prendre ses responsabilités. Comme l'a relevé un préopinant, la commission des finances ne vote pas des postes, mais des sommes, et tout le processus se fait de manière sérieuse, un débat a lieu. Ce texte crée un handicap et entrave le bon fonctionnement de l'Etat, car il est souvent nécessaire de débloquer des fonds en cours d'année, des fonds qui n'ont pas été votés lors du budget. Pour toutes ces raisons, nous ne le soutiendrons pas.
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Très brièvement, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat soutient la majorité de la commission, du moins telle qu'elle ressort des travaux. Entendre dire que le Conseil d'Etat se «fout de la gueule» du Grand Conseil lorsqu'il sollicite des crédits supplémentaires à la commission des finances, c'est franchement problématique, puisque la loi le permet et qu'en tout état de cause, c'est encore le parlement, par le biais de cette commission, qui les accepte ou non in fine.
Alors non, on ne se «fout pas de la gueule» - excusez-moi d'employer à nouveau ces termes - du parlement. Si c'était le cas, eh bien les fameux postes que je n'ai obtenus ni au budget ni via des demandes de crédits supplémentaires n'auraient pas fait l'objet des longues discussions que nous avons eues tout à l'heure, à la séance des extraits, sur les OS et d'autres éléments. C'est bien parce qu'il existe des procédures démocratiques - que le Conseil d'Etat suit à la lettre - que nous passons par la commission des finances.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, vous savez qu'avec un certain nombre d'entre vous, nous discutons en ce moment d'un allégement du fonctionnement de l'Etat, nous cherchons de nouvelles pistes; si vous deviez aller dans le sens de cet objet, on ne réformerait pas les institutions, on rendrait au contraire les procédures encore plus complexes et, partant, plus coûteuses pour la collectivité. Par conséquent, nous vous invitons à suivre la majorité de la commission et à rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12721 est rejeté en premier débat par 60 non contre 31 oui.
Premier débat
Le président. Nous passons aux PL 12827-A et 12828-A, que nous traitons conjointement et qui sont classés en catégorie II, soixante minutes. Le rapport est de M. Christian Flury, mais avant toute chose, nous sommes saisis d'une demande de la commission des droits politiques. Je cède la parole à son président, M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. La commission des droits politiques, que j'ai eu le plaisir et l'honneur de présider, a formulé à l'unanimité une demande d'ajournement, de sorte que ces deux projets de lois figurant à ce point de notre ordre du jour soient ajournés à la session qui se tiendra dans les premiers jours du mois de juillet. Le but est de permettre à la commission de discuter de la situation créée par des projets d'amendements qui ont été déposés - et diffusés d'ailleurs dans ce Grand Conseil -, qui posaient quelques problèmes que la commission se fait fort de résoudre dans le délai que vous lui accorderez en acceptant cette demande d'ajournement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande d'ajournement jusqu'à la session de juillet, que je mets aux voix.
Mis aux voix, l'ajournement du rapport sur les projets de lois 12827 et 12828 est adopté par 82 oui contre 1 non et 1 abstention.
Le président. Cet objet est donc ajourné jusqu'à la session des 1er et 2 juillet 2021.
Débat
Le président. C'est maintenant le tour de la M 2513-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole échoit au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à l'occasion de son audition et de la présentation de son texte, l'auteur de cette proposition de motion en a rappelé la genèse, notamment en lien avec un projet de loi et une motion socialistes antérieurs. Le projet de loi prévoyait la création d'une fondation de soutien aux médias, laquelle s'est rapidement révélée non réalisable. Cet objet-ci, plus réaliste même s'il date de plus de deux ans, gomme les obstacles rencontrés lors de l'examen des deux précédents textes et devrait permettre au Conseil d'Etat, de façon plus souple et moins contraignante, d'accorder des aides indirectes à la presse, qu'elle soit gratuite ou non, par le biais de contrats de prestations, ceci dans le but d'assurer une information objective et citoyenne.
Les auditions auxquelles la commission a procédé nous ont permis de nous faire une idée aussi exacte que possible d'un secteur, la presse, mis à mal par des difficultés à la fois conjoncturelles et structurelles; c'était déjà le cas bien avant l'apparition de la covid-19, mais il est clair que cette crise n'a pas arrangé une situation déjà précaire. Entendue pour le Conseil d'Etat, la chancelière nous a informés qu'un groupe de travail interdépartemental planchait depuis un certain temps déjà sur le problème ainsi que sur les mesures envisageables pour y remédier. A cet égard, elle a clairement indiqué que le texte recueillerait un avis favorable et pourrait être intégré aux travaux de cette commission afin que celle-ci explore l'angle des contrats de prestations sur un modèle donnant-donnant.
De nombreux commissaires ont été sensibles à la concurrence déloyale que pourraient provoquer des aides directes aux médias ainsi qu'aux inégalités susceptibles de s'ensuivre, sans parler des traitements différenciés entre presse payante et gratuite. Mais pour la majorité de la commission, certes ténue, la conclusion de contrats de prestations selon des modèles déjà pratiqués d'une part apporte une aide bienvenue à un domaine sinistré, d'autre part garantit une information de proximité, vérifiée, citoyenne et objective.
Plusieurs reproches ont été adressés aux représentants des médias, par exemple la façon très sporadique dont les journaux locaux relatent les débats citoyens ou ceux de nos législatifs, de même que les activités festives ou associatives qui ont lieu dans notre canton. A titre de comparaison, certains journaux valaisans ou fribourgeois ne connaissent pas les mêmes écueils, car ils sont proches des citoyens et de leurs attentes, ce qui leur assure une popularité indéniable; on est loin du déménagement de pans entiers d'équipes rédactionnelles dans un autre canton ! S'ajoute à cela la crainte de financer de grands groupes de presse bénéficiaires sur un plan global.
Les cautèles prévues dans la présente proposition de motion, qui sont transmises au Conseil d'Etat, devraient permettre de pallier ce défaut. Sur cette base, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce texte. Je vous remercie.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de première minorité. Cette proposition de motion a donné lieu à d'intenses travaux en commission et surtout à des auditions très intéressantes qui ont mis à jour certains points importants. Tout d'abord, le Parlement fédéral n'est pas insensible à cette question lancinante et essentielle pour la démocratie que constitue la liberté de la presse, puisque le 19 mars dernier, il a voté une enveloppe globale de 150 millions de francs pour aider les médias. Ainsi, à l'échelle fédérale - et c'est à ce niveau-là que le problème doit être résolu -, les Chambres ont écouté les besoins exprimés par ce secteur. Ensuite, comme mon préopinant l'a rappelé, le canton de Genève ne reste pas les bras ballants face à cette préoccupation: la chancelière nous a indiqué que le Conseil d'Etat avait entamé une réflexion transversale afin de trouver la manière la plus efficace possible de soutenir la presse sans en entraver la liberté rédactionnelle. C'est là que se situe tout l'enjeu.
Avant tout, il s'agissait de définir le cercle des médias concernés ainsi que la notion d'information citoyenne. Les débats ont révélé qu'il est extrêmement difficile, voire impossible, de déterminer cette cible. Pour la gauche, c'est assez clair: comme d'habitude, seul «Le Courrier» remplit les exigences requises. Mais au fond, les choses ne sont pas si simples. De nombreux commissaires ont relevé que les journaux gratuits, à l'égard desquels la gauche affiche son plus profond mépris, proposent régulièrement des articles sur la vie politique genevoise; on peut citer «20 minutes», «GHI» ou «Tout l'immobilier» qui contiennent des informations citoyennes. Il en va de même des quotidiens «Tribune de Genève» et «Le Temps».
Cela dit, les médias électroniques, eux aussi, remplissent cette fonction. Nous avons procédé à l'audition de M. Serge Michel, cofondateur de «Heidi.news», qui s'est lui-même interrogé, en tant que professionnel, quant à la définition d'une information citoyenne. Pour lui - je partage largement son avis et tout le monde ici devrait en faire autant -, le traitement de la pandémie revêt un intérêt public majeur et, partant, doit être considéré comme de l'information citoyenne. A combien d'heures de débat nous sommes-nous livrés ici sur la question ? Voilà qui est beaucoup plus intéressant que nos états d'âme sur divers thèmes périphériques. «Heidi.news» propose par exemple des interviews de restaurateurs qui s'expriment sur leurs préoccupations, ce qui, là encore, est d'intérêt public et relève de l'information citoyenne. M. Michel estime que tous les médias abordant des sujets d'intérêt public pratiquent un journalisme citoyen.
Et il y a encore les jeunes qui, n'en déplaise à la gauche, ne lisent pas tous «Le Courrier» ! Ils s'informent différemment, sur les réseaux sociaux, via les médias électroniques, et à ce titre, la proposition de motion 2513 rate complètement sa cible.
Mais là où le bât blesse le plus, c'est sur la question des contrats de prestations et des partenariats... (Commentaires.) Est-ce que M. Baertschi, ancien journaliste, pourrait se taire ? Merci. (Rires.) Il est soumis à l'article 24 ! Le problème des contrats de prestations et des partenariats, c'est qu'ils peuvent porter un coup fatal à l'indépendance journalistique, qui est pourtant indispensable. La chancelière d'Etat, Mme Righetti, a attiré notre attention sur les risques d'une telle démarche, relevant que la meilleure solution consistait à commander auprès des journaux des prestations ponctuelles telles qu'annonces ou autres messages liés à l'action publique - on a vu cela pendant la pandémie; elle a expliqué que les outils liés à l'éducation civique ou à la formation des jeunes étaient beaucoup plus compliqués, parce qu'on entre tout de suite dans des luttes partisanes et qu'il est extrêmement difficile de rester objectif. De la même manière, M. Michel a exprimé sa perplexité en ce qui concerne l'idée de contrats de prestations; il pense à juste titre que des partenariats thématiques sont beaucoup plus porteurs.
Le dernier problème qui se pose, et nous en avons eu un exemple frappant que vous trouvez dans le dossier, c'est ce que «Le Courrier» appelle pudiquement des «partenariats rédactionnels», qu'il conclut avec Syndicom, le syndicat des médias et de la communication. En réalité, on parle d'encarts de plusieurs pages qui sont insérés dans le corps du journal. L'exemplaire joint en annexe à mon rapport est l'édition du 19 février 2021, qui contient un tel cahier... Que dis-je, un cahier, c'est un pamphlet ! Il ne s'agit absolument pas d'une information citoyenne ni d'un contenu éditorial, mais d'un mot d'ordre pour les votations du 7 mars 2021. Ce n'est pas de l'information citoyenne, mais de la propagande ! Est-ce vraiment cela que veulent la gauche et le PDC ? Venant de ce dernier parti, cela m'étonne. Bon, il est vrai qu'à une époque, «Le Courrier» était plutôt proche du PDC, mais enfin, c'est un passé lointain.
Pour résumer, il est extrêmement périlleux de conclure de tels partenariats et il faut prendre en compte l'ensemble des journaux et des médias. Cette proposition de motion est beaucoup trop réductrice, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle nous vous invitons à la rejeter. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne contestons ni l'utilité ni l'importance des médias pour une démocratie et surtout pour la libre formation de l'opinion. Par contre, il faut éviter de délivrer des aides mal ciblées qui provoqueraient une distorsion de concurrence et mettraient en danger la liberté de la presse, réduisant nos journaux à de simples agences de communication. En Suisse, radio et télévision appartiennent au service public; la presse écrite, quant à elle, est dans une très large mesure privée. Cet équilibre garantit la diversité et l'indépendance des médias.
Les contrats de prestations existent déjà, notamment pour des campagnes d'information comme celles que nous avons vues durant le covid ou pour diverses publicités - l'Etat, les communes et les collectivités publiques en font beaucoup. D'autres collaborations, telles que celle entre «Le Courrier» et Syndicom, relèvent carrément de l'action militante et contiennent des mots d'ordre pour les votations. De manière générale, tout contrat de prestations qui ne serait pas ponctuel et limité dans le temps, toute assistance subsidiaire crée inévitablement une distorsion de l'indépendance et de la neutralité de la presse.
Par ailleurs, les journaux ne possèdent pas tous la même structure: certains sont tributaires des abonnements, d'autres sont gratuits et vivent exclusivement grâce à la publicité. Dans le cas présent, les premiers seraient évidemment les grands gagnants. Pourtant, certains périodiques gratuits publient aussi de l'information citoyenne et, il faut le relever, atteignent parfois des tirages six à huit fois supérieurs à ceux des journaux fonctionnant avec des abonnements.
La Confédération apporte une aide indirecte à la presse écrite en réduisant les frais postaux et la TVA. En mars de cette année, les fonds alloués ont été augmentés, passant de 50 à 150 millions; il s'agissait notamment de soutenir la distribution, la presse associative, les médias numériques et la formation des journalistes. Vu la grande diversité des médias écrits ainsi que les différents modèles économiques et de fonctionnement des journaux, les assistances indirectes sont certainement les plus judicieuses. Pour ces raisons, le groupe UDC vous recommande de refuser cette proposition de motion. Merci de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cet objet n'a pas la prétention d'apporter une réponse universelle aux défis que doivent affronter, depuis plusieurs années, tous les acteurs de la presse écrite et les médias en général. Il s'agit d'une modeste proposition de motion interpartis visant à soutenir le secteur afin de sécuriser la présence d'une information citoyenne, locale et régionale; elle invite le Conseil d'Etat à garantir celle-ci ainsi que le maintien des emplois en finançant la production de contenus par des contrats de prestations.
L'objectif peut sembler mineur, mais il faut bien attraper par un bout cet incommensurable problème que constitue la survie de la presse, qui est indispensable. Une presse, rappelons-le, dont l'existence, la diversité et la liberté représentent des instruments centraux pour la démocratie et la formation de la libre opinion. L'apparition des GAFA de même que les choix économiques et les stratégies commerciales pour lesquels ont opté les grands groupes de presse ont mis en péril non seulement l'information, mais également l'ensemble des structures et des métiers qui lui sont liés. Les affrontements entre groupes de presse et GAFA se font sur le dos des professionnels des médias et des usagers; ils représentent un danger pour la liberté et la diversité médiatiques.
Selon les professionnels de la branche auditionnés, en dépit de son ancienneté, ce texte demeure pertinent en raison de la crise actuelle et des divers plans d'économie annoncés. Diverses pistes seraient envisageables; ils en ont énuméré quelques-unes qui méritent d'être étudiées, telles que le financement d'annonces officielles ou une couverture partielle des pertes publicitaires par l'Etat. Il va sans dire que ces mesures ne doivent pas se développer au bénéfice des éditeurs, mais servir avant tout à la production de contenus journalistiques. D'autres cantons comme Vaud et Fribourg se sont dotés de moyens pour aider la presse; nous devrions, nous pourrions en faire autant.
Bien sûr, dès que l'on évoque la question des subventions aux médias, certains ne manquent pas de pousser des cris d'orfraie, esquissant les pires scénarios de presse étatique ou de manipulation de l'information, comme si le modèle actuel de concentration des médias en des mains privées garantissait l'indépendance et l'objectivité de ceux-ci. Non, Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux: quel que soit le mode de financement des médias, nous ne devrions jamais admettre ou nous résigner au fait que les règles déontologiques et la vocation des journalistes soient contournées, voire trahies. A cet égard, un financement public pourrait même se révéler beaucoup plus exigeant que bien d'autres.
Il est indispensable d'agir contre l'érosion de la presse en oeuvre depuis des décennies: il faut préserver la proximité des médias, il faut maintenir et développer à tout prix le journalisme d'investigation, il faut assurer la fiabilité de l'information. Cette proposition de motion y contribue modestement, et c'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à l'accepter et à la renvoyer au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). A travers cet objet, nous invitons le Conseil d'Etat à proposer un financement par contrats de prestations de l'information citoyenne, locale et régionale dans la presse écrite diffusée dans le canton de Genève, c'est l'un des critères. Parler de presse écrite ne préjuge pas du support: tout support de l'écrit est éligible. Ces deux précisions liminaires étaient utiles pour corriger les interprétations fallacieuses de M. Cuendet - j'en rectifie deux, mais son discours en était truffé.
Ce qui nous importe, c'est la qualité de cette information citoyenne dont nous voulons soutenir la production. Il peut s'agir des affaires des autorités exécutives du canton et des communes, des activités parlementaires du Grand Conseil et des Conseils municipaux, des débats politiques dans le cadre des votations, mais aussi de comptes rendus culturels et sportifs qui sont essentiels à la vie des diverses manifestations: voilà ce que nous appelons l'information citoyenne, dont nous observons l'érosion continue dans la presse écrite à Genève. Quelles en sont les raisons ? Eh bien il y a la délocalisation des rédactions, la concentration des médias et, partant, la réduction des effectifs de professionnels officiant sur notre territoire. Et qui dit moins de journalistes dit moins de sujets locaux. Or la disparition de l'information constitue un véritable danger pour le fonctionnement de notre démocratie et surtout pour la cohésion de notre communauté de destin.
Les contrats de prestations existent déjà pour des besoins ciblés, cela a été mentionné. L'Etat en conclut, certaines communes également, mais uniquement pour leur propre communication ponctuelle, sinon pour leur gloire. Les médias audiovisuels peuvent recevoir des financements fédéraux à travers l'OFCOM, lesquels sont complétés par des subventions. Je citerai un exemple bien connu, celui de Léman Bleu qui bénéficie de deux subventions - l'une du Grand Conseil, l'autre du Conseil municipal de la Ville de Genève -, mais qui pratique aussi les contrats de prestations avec des communes.
La presse écrite ne perçoit aucune aide. Les contrats de prestations sont donc nécessaires pour que les contenus citoyens soient rédigés par des journalistes locaux. C'est l'effet attendu de cette modeste proposition de motion, puisque tel est le qualificatif qui lui sied: un texte modeste dont nous espérons beaucoup. Je le répète, l'information citoyenne doit continuer à exister et à être produite ici, faute de quoi elle sera produite ailleurs, et ailleurs, on ne parle pas de Genève, on ne parle pas des affaires genevoises. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour tuer tout suspense, le parti socialiste soutiendra cette proposition de motion; d'ailleurs, une partie du groupe l'avait signée lors de son dépôt. Comme cela a été dit, le texte vise à venir en aide à la presse écrite régionale. Alors nous avons déjà mené ce débat il n'y a pas très longtemps dans cette enceinte, mais aujourd'hui, on le sait, le secteur des médias est en crise. Ces dernières années, un certain nombre de titres ont disparu: citons par exemple «La Suisse» - on débute toujours par là, même si ça commence à dater -, «L'Hebdo», la version quotidienne du «Matin» ainsi que le furtif «Matin bleu», «dimanche.ch»... Il y en a d'autres et dans d'autres cantons romands.
Pourquoi perdons-nous tous ces journaux ? Parce qu'ils sont rachetés par de grands groupes de presse qui procèdent ensuite à des coupes, à des licenciements - ces charrettes dont on entend parler régulièrement - et à des fusions. Si les choses continuent comme ça, Monsieur le président, on n'aura bientôt plus qu'un seul titre romand qui s'appellera la «Tribune de 24 heures en 20 minutes» ! Ce sera notre dernier journal et cela posera de nombreuses difficultés quant à la pluralité de l'information.
L'un des problèmes, c'est la concurrence des réseaux sociaux, Facebook, Twitter, TikTok et compagnie, qui captent une part croissante du marché de la publicité, ce qui signifie qu'il y a moins de financements pour les médias traditionnels, donc moins de journalistes, donc une information de moins bonne qualité. Cela conduit à un certain nombre d'écueils, comme les fausses informations, les fameuses «fake news». A l'heure actuelle, sur les réseaux sociaux, il est vraiment difficile de distinguer le vrai du faux, les «fake news» y pullulent.
Ce qui est important pour nous, socialistes, et cela devrait être le cas pour la majorité de ce Grand Conseil, c'est de disposer d'une information qui soit de qualité, sourcée, indépendante et pluraliste. Le journalisme d'aujourd'hui consiste de plus en plus à reprendre tels quels les communiqués de presse envoyés par les partis ou les organismes sans prendre le temps de réaliser un travail d'approfondissement de l'information. C'est la raison pour laquelle le PS avait récemment proposé de créer une fondation pour soutenir la presse écrite et audiovisuelle, mais la majorité de ce parlement avait refusé ce projet. Dès lors, nous accepterons la proposition de motion de notre collègue François Lefort qui vise à financer la presse via des contrats de prestations. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour deux minutes quarante-trois.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ainsi que l'a très justement souligné un préopinant, l'information est essentielle à la démocratie. Tout comme lui et d'autres intervenants, nous déplorons la dégradation des médias genevois locaux; le secteur se ratatine, se réduit, et nous le regrettons.
Le MCG a décidé de soutenir le principe des contrats de prestations. Toutefois, si la proposition de motion est acceptée, nous imposerons des règles très strictes quant à leur application et veillerons à ce que leurs conditions soient parfaitement respectées. A notre sens, un tel dispositif doit concerner l'information judiciaire, c'est-à-dire des tribunaux, l'information parlementaire, l'information sportive et d'autres thèmes qui constituent le centre de notre vie locale. Il faudra édicter des règles précises, élaborer un cahier des charges quant au travail informatif et au pluralisme, vérifier qu'il n'y ait pas de dérives à l'image de celles que l'on constate usuellement. Qui dit financement public dit obligation d'offrir un service public, l'idée n'est pas de s'arroger un pouvoir excessif comme c'est parfois l'usage dans les médias.
Nous serons attentifs à ce que l'on finance des journaux genevois, et pas des multinationales aux noms exotiques qui nous viennent d'on ne sait où et qui installent leurs rédactions à Lausanne ou Pétaouchnock; nous veillerons à ce qu'il y ait des employés locaux et qu'on ne se retrouve pas avec des services truffés de frontaliers, comme c'est souvent le cas dans les entreprises du canton, malheureusement, puisque les milieux politiques laissent faire. Nous nous assurerons que tout cela soit respecté, mais nous irons dans cette direction. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il ne reste plus que vingt secondes au groupe MCG, Monsieur Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Très bien, ça suffira pour confirmer les propos de mon collègue François Baertschi. En effet, le Mouvement Citoyens Genevois a voté cette proposition de motion à la commission de l'économie, mais attention: si nous sommes d'accord d'apporter un appui à la presse genevoise - c'est tout à fait normal et acceptable -, celle-ci doit jouer le jeu et informer le public de manière équitable sur les activités de tout le monde, et surtout pas verser dans le clientélisme.
Le président. Merci bien. La parole va maintenant à M. Jacques Blondin pour deux minutes quarante et une.
M. Jacques Blondin (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter tout ce qui vient d'être dit, je voudrais juste reprendre le qualificatif employé par M. Cuendet - vous lui demanderez la permission de ma part, Monsieur le président -, à savoir «périlleux». Ce qui est périlleux, c'est la disparition de la régionalité, de la pluralité de la presse écrite et, avec elles, d'une information citoyenne étayée.
Comme on l'a entendu, de nombreux textes ont été discutés à la commission de l'économie, mais la plupart ont été refusés, parce que personne ne voulait d'une usine à gaz. Au final, et cela a été souligné par d'autres, la solution idéale n'existe pas. C'est la raison pour laquelle, faute de mieux - et nous nous en excusons auprès des médias -, le PDC s'est rallié à cette proposition de motion, car chacun est conscient qu'il est nécessaire d'agir d'une manière ou d'une autre.
Evidemment, il faudra établir des cautèles pour qu'on respecte la démocratie et la pluralité, imposer des règles, ne pas tomber dans des puits sans fond, mais ce que nous souhaitons avant tout, c'est éviter la disparition de la presse écrite, qu'elle soit payante ou gratuite, c'est ne pas devenir dépendants des réseaux sociaux où rien n'est contrôlable, ce qui signifierait une hégémonie complète des GAFA. Aussi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir cet objet. Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur André Pfeffer, vous avez à nouveau la parole pour deux minutes quarante-sept.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci. Je répète que notre groupe ne soutiendra pas cette proposition de motion. L'intention est certes louable, mais cet objet que je qualifierais de «prétexte» n'améliorera en rien la situation: il confond information citoyenne et intérêt du public, crée une distorsion de concurrence entre les journaux gratuits et ceux à abonnements et favorise indiscutablement l'ingérence de l'Etat, puisque celui-ci financerait une partie des informations.
Je rappelle que l'équilibre actuel en Suisse est fondé sur le fait que la presse écrite est principalement privée tandis que les médias audiovisuels - radio et télévision - bénéficient d'une subvention publique. Le second principe qui fonctionne bien dans ce pays, c'est que l'Etat diminue les frais de distribution pour les journaux. Pour ces raisons, le groupe UDC ne votera pas ce texte. Merci.
Le président. Merci à vous. Monsieur Lefort, je vous cède la parole pour vingt et une secondes.
M. François Lefort (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Cuendet que dans le roman prophétique «1984», l'information du parti est diffusée par des «télécrans». J'ai cru comprendre que M. Cuendet préconisait ces «télécrans». Le danger, c'est toutefois qu'un jour, il ne reste plus qu'un seul «télécran», un seul émetteur, un seul GAFA, et je ne peux pas concevoir que ce soit là le souhait de M. Cuendet: un libéral ne peut pas vouloir un acteur unique sur un marché. Pourtant, à observer l'érosion actuelle de la presse, c'est bien ce qui risque de se passer. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques semaines, dans cette même enceinte, nous avions déjà mené un long débat sur le soutien à la presse, je ne reprendrai donc pas l'entier des arguments du Conseil d'Etat. Je tiens simplement à vous dire combien il est important pour nous de disposer d'une presse de qualité, diversifiée et plurielle, qui soit le reflet de la multitude des opinions au sein de la population.
Je vous répète ce que je vous avais indiqué lors de la dernière discussion - il me semble que cela figure dans le rapport -, à savoir que le Conseil d'Etat a entamé une réflexion par le biais d'un groupe de travail interdépartemental: des représentants de différents départements sont en train de plancher sur de potentielles mesures d'aide aux médias. Le concept des contrats de prestations fait partie des dispositifs examinés. Par conséquent, un renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat conforterait la réflexion en cours et encouragerait les membres du groupe de travail à approfondir cette piste.
Cela étant, le Conseil d'Etat estime également qu'une bonne part des financements doivent provenir de Berne; c'est d'ailleurs ce qui a été discuté et accepté récemment par le Parlement fédéral. De plus, le soutien ne se limite pas à la presse écrite. Quand bien même les médias audiovisuels publics bénéficient de la redevance, il se trouve que seule une toute petite partie de celle-ci est reversée à ceux actifs sur le plan local. Il existe d'autres manières de secourir le secteur, par exemple l'achat de prestations, ceci en garantissant naturellement la liberté journalistique. C'est ce que fait le Conseil d'Etat aujourd'hui, il noue des partenariats avec des radios, avec Léman Bleu, avec la presse écrite; nous commandons tout simplement une prestation, et le journaliste dispose d'une totale indépendance pour la réaliser.
Je vous donne un exemple: en matière de formation professionnelle, nous avons conclu un partenariat avec Léman Bleu, qui présente des métiers dans le but d'encourager l'apprentissage. Le média dispose d'une entière liberté rédactionnelle, simplement cette prestation fait partie de la mission d'information que l'Etat déploie auprès des familles, auprès des jeunes quand ceux-ci sont confrontés au choix d'un emploi.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons à accepter cette proposition de motion, sans toutefois pouvoir vous garantir que c'est exactement le dispositif qui sera retenu au final. Nous l'envisageons comme une manière de soutenir le Conseil d'Etat dans la démarche qu'il a entreprise et qui lui permettra de vous proposer, d'ici quelques semaines ou mois, un mécanisme complet d'aide aux médias locaux. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mise aux voix, la motion 2513 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 32 non.
Le projet de loi 12903 est retiré par ses auteurs.
La proposition de motion 2537 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous marquons une pause jusqu'à 18h.
La séance est levée à 17h40.