Séance du
vendredi 30 avril 2021 à
18h05
2e
législature -
3e
année -
11e
session -
70e
séance
PL 12805-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Voici l'urgence suivante: les points liés PL 12805-A et M 2696-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité sur le projet de loi, M. Jacques Apothéloz, est remplacé par M. Pierre Conne. Allez-y, Monsieur.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi demande de suspendre ou de prolonger les délais de récolte de signatures pour les initiatives et les référendums communaux et cantonaux lorsque l'état de nécessité est déclaré. Il est né de l'inaction du Conseil d'Etat à l'automne 2020, Conseil d'Etat qui n'avait pas jugé utile d'intervenir alors que les restrictions sanitaires compliquaient sérieusement et objectivement la récolte de signatures. Nous pouvons donc affirmer que l'exercice des droits démocratiques était entravé. Il a fallu l'envoi de courriers de plusieurs partis politiques, un communiqué unanime publié par la commission législative ainsi qu'une menace de recours d'un avocat pour que le gouvernement se décide finalement, en novembre, à prononcer une prolongation du 3 au 26 novembre; il a ensuite récidivé de lui-même en janvier 2021.
Lors des travaux de la commission, il est vite apparu que le seul état de nécessité ne pouvait pas occasionner une prolongation des délais dans la mesure où celui-ci ne provoque pas forcément, par sa simple promulgation, une entrave à la récolte de signatures: encore faut-il que les circonstances conduisent à estimer qu'il y a un empêchement objectif. Par ailleurs, plusieurs problèmes d'ordre juridique et légistique ont été relevés, et tant la direction des affaires juridiques que le professeur Tanquerel ont émis des réserves au sujet d'une loi qui serait déclenchée par la déclaration de l'état de nécessité en vertu de l'article 113 de la constitution; on peut se demander si une telle disposition ne devrait pas plutôt être de rang constitutionnel.
Comme il s'avérait nécessaire de maintenir une certaine marge de manoeuvre pour le Conseil d'Etat et de ne pas inscrire dans la loi une obligation d'agir pour des circonstances qui, par définition, ne sont pas connues à l'avance, la majorité de la commission a opté pour une formulation potestative, estimée plus adéquate, permettant au Conseil d'Etat d'intervenir sans le contraindre. Pour la majorité de la commission des droits politiques, la moins mauvaise des solutions est celle choisie par l'exécutif de régler les situations au cas par cas, de manière flexible, car les critères de décision sont multifactoriels et il s'agit de définir ce qui empêche objectivement la récolte de signatures en fonction d'une situation particulière.
Au final, le texte tel qu'amendé par la commission s'apparente à un signal donné au Conseil d'Etat et tient davantage du geste politique que d'une disposition contraignante. Il est donc apparu à la majorité des commissaires que cela ne justifiait pas d'augmenter notre arsenal législatif, et pour ces raisons, Mesdames les députées, Messieurs les députés, elle vous recommande de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. La parole va maintenant à M. Patrick Lussi, rapporteur de première minorité sur le projet de loi et rapporteur sur la proposition de motion.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, peut-on dire qu'il s'agit d'un projet politique lorsque l'on essaie de défendre les droits démocratiques, largement consentis dans notre pays ? Ce virus, on lui doit beaucoup de problèmes; cette pandémie, on lui doit beaucoup de restrictions. On parle ici de droits populaires adoptés, agréés, acquis; quand il était question d'aller dans la rue pour récolter des signatures, parce que c'est bien de ça qu'il est question, eh bien il était impossible techniquement de le faire. C'était totalement compréhensible, l'Etat devait interdire les grands rassemblements vu les risques de contamination.
Il a fallu trouver une solution, et cette solution consistait - je rappelle qu'on parle de l'année passée - à prolonger les délais pour les récoltes de signatures, ce dans un esprit démocratique tel qu'il se pratique généralement dans notre pays. Le Conseil d'Etat, face à cette pression - enfin, ne parlons pas de pression, mais plutôt d'interpellations -, face à ce mouvement qui se dessinait, a pris la décision de les allonger.
Maintenant, on nous dit qu'il ne serait pas judicieux d'instaurer des mesures pérennes. Alors certes, le projet de loi initial visait peut-être un peu trop large, mais lors de son audition à la commission, le premier signataire a clairement indiqué qu'il s'agissait de lancer l'idée, de dénoncer ce qui se passait, et que le groupe UDC était ouvert à toute proposition d'amendement. Je ne vais pas refaire tout l'historique, parce que j'admets que le rapport de majorité rédigé par M. Jacques Apothéloz est très complet et montre bien les différentes phases du processus. Le Conseil d'Etat a proposé une solution à l'article 89A «Prolongation des délais» qui, on peut le dire, a été largement validée en commission par 10 oui contre 2 non et 3 abstentions.
Je n'entends pas évoquer les raisons ici, car il ne s'agit pas de lancer la polémique. Ce n'est pas un projet politique, ce n'est pas un projet de parti, c'est une possibilité offerte par la démocratie: si un texte de loi n'est pas correct ou qu'il semble nécessaire de déposer un référendum, eh bien ce n'est pas une pandémie ou autre qui doit empêcher l'expression populaire que nous allons chercher dans la rue. Mon Dieu, ce n'est pas une injure, ce n'est pas un crime; si quelque chose ne va pas, nous allons récolter des signatures dans la rue, tout simplement !
Dans mon rapport - et le rapporteur de deuxième minorité vous le dira aussi -, j'ai clairement indiqué que nous souhaitions que l'article 89A tel qu'il a été discuté et adopté en commission - mais qui n'est pas mentionné, vu que le PL a été refusé - soit intégré dans notre projet et en constitue la version définitive; voilà comment nous comptons régler ce problème de prolongation des délais.
Je ne veux pas faire trop long, Mesdames et Messieurs les députés, aussi l'Union démocratique du centre vous demande-t-elle non seulement d'accepter l'entrée en matière sur le projet de loi, mais également de faire figurer dans celui-ci l'article 89A tel qu'il avait été proposé par le Conseil d'Etat. L'idée est qu'à l'avenir, cette disposition régisse les choses lorsqu'on a des ennuis comme avec la pandémie que nous connaissons maintenant. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Dans le même sens que ce que l'on vient d'entendre, j'appelle à l'adoption de l'amendement que j'ai intégré dans mon rapport et qui constitue le résultat des travaux effectifs de la commission des droits politiques sur ce projet de loi. Cet amendement modifie le texte tel que déposé initialement, car celui-ci posait quelques problèmes, et la commission l'a accepté en deuxième débat par 10 oui contre 2 non et quelques abstentions, donc il est tout à fait fonctionnel et il faut le voter.
Je rappelle que le projet de loi initial avait été inscrit en urgence à l'ordre du jour du plénum par une majorité de ce parlement, nous l'avions traité en discussion immédiate, nous nous étions aperçus qu'il soulevait certains problèmes; malgré une tentative d'amendement de Stéphane Florey et Pierre Bayenet pour les arranger, nous l'avions renvoyé en commission à la demande du parti socialiste, sauf erreur, et la commission a travaillé dessus de manière sérieuse.
Pour rassurer les députés, il faut relever qu'à la forme comme au plan technique, en ce qui concerne les questions de référendum et d'initiative, la rédaction de l'amendement, même si cela ne préjuge pas de son approbation politique, a été mise au point par la direction des affaires juridiques de la chancellerie, donc il n'y a pas de problème. Il faut en outre préciser que les deux professeurs de référence pour la commission des droits politiques que sont MM. Tanquerel et Hottelier, de deux bords différents, comme vous le savez, ont considéré que la formulation n'était pas problématique. Nous avons dès lors réglé le petit souci de départ.
Ce texte est bien sûr un signal politique et démocratique important. Il stipule ceci: «Lorsque la situation du canton ou des mesures temporaires exceptionnelles de droit fédéral ou cantonal entravent notablement la récolte de signatures, le Conseil d'Etat peut prolonger ou suspendre les délais de récolte de signatures à l'appui des demandes de référendum ou d'initiative en matière cantonale et communale.»
Parmi les objections avancées, on a entendu que ce projet de loi était précisément un signal politique et que, partant, il n'était pas contraignant. Or cet argument tombe, Mesdames et Messieurs: l'ensemble du droit cantonal n'est plus contraignant dans ces situations-là, puisque le Conseil d'Etat a le droit d'y déroger; il aurait également le droit de déroger à cette disposition si nous l'avions rédigée de manière plus contraignante, donc il n'y a aucun problème.
Il s'agit en tout cas d'un signal politique pérenne, puisqu'il est inscrit dans notre législation. C'est important, parce que comme le rapporteur de majorité l'a mentionné, il a fallu un bras de fer politique avec le Conseil d'Etat pour que celui-ci se comporte de manière satisfaisante démocratiquement parlant en suspendant les délais à un moment où la récolte de signatures était rendue très difficile, et ce signal politique ad hoc a été envoyé par l'unanimité de la commission législative. J'en avais fait la proposition, mais je n'en tire aucune gloire, c'était une évidence ! Il fallait suspendre l'écoulement des délais, et le Conseil d'Etat l'a fait. Mais il l'a fait suite à un signal, à un mouvement de mauvaise humeur, à un communiqué public de la commission législative signé le 13 novembre par le président de la commission, M. Guinchard. Le Conseil d'Etat s'est exécuté, et nous lui en savons gré.
Toutefois, pour l'avenir, il s'agit d'inscrire cette intention du parlement dans la législation, il faut que les droits démocratiques soient pleinement pris en compte, et si la situation objective l'exige ou si les restrictions liées à des mesures de droit fédéral ou cantonal l'exigent, les délais doivent être suspendus. C'est une question non partisane de respect élémentaire des droits populaires, et de ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, nous devons adopter ce projet de loi.
Pour revenir aux objections, on a aussi entendu: «De toute façon, le Conseil d'Etat fera ce qu'il faut.» Ecoutez, j'ai une confiance considérable en notre gouvernement et en ses qualités, vous le savez tous, mais enfin quand même ! Pour l'avenir, il serait judicieux que nous fassions figurer cette disposition dans la législation afin d'y soumettre tous les futurs conseillers d'Etat; cet article 89A tel que modifié par la commission et, je le répète, voté par une large majorité doit être intégré dans notre loi sur l'exercice des droits politiques. C'est ce que je vous invite à faire de suite. Merci.
Le président. Je vous remercie. Madame Virna Conti, vous avez la parole pour une minute cinquante.
Mme Virna Conti (UDC), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme le titre de ce projet de loi l'indique, il s'agit de sauvegarder les droits politiques en cas d'état de nécessité. La situation que nous connaissons actuellement, gangrenée par le coronavirus, entraîne de lourdes conséquences, et l'une d'entre elles est la décélération des activités politiques publiques. Par «publiques», j'entends les stands tenus par nous, les élus, la récolte de signatures effectuée par nous, les élus, mais aussi leur corollaire, c'est-à-dire la venue sur ces stands des citoyens genevois, leur droit à signer des textes.
Or nos rues sont plus ou moins désertes aujourd'hui, les passants se font rares malgré les quelques assouplissements. Nous savons à quel point la politique de terrain est importante et nécessaire, elle constitue le point central de notre démocratie. Les activités que je viens de citer, qui participent de la vie publique de notre canton, sont aujourd'hui mises à mal, et ce malgré nous; il est dès lors de notre devoir, en tant qu'élus et citoyens genevois, de les préserver.
Ce texte représente un signal démocratique fort. Si vous êtes attachés au bon fonctionnement de la vie politique de notre canton, qui est une nécessité à nos yeux, le groupe UDC vous invite à soutenir l'entrée en matière puis à adopter l'amendement mentionné. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, le PL 12805 que nous traitons en parallèle de la M 2696 tente en fait d'atteindre les objectifs de cette proposition de motion, mais évidemment, celui-ci a les qualités de tout projet de loi, c'est-à-dire qu'il est contraignant. C'est d'ailleurs l'une des difficultés relevées - il y en avait d'autres - par le professeur Tanquerel lors de son audition, lequel a émis un certain nombre de doutes quant aux possibilités qui seraient laissées au canton d'interagir avec des dispositions du droit supérieur et de l'ordre législatif fédéral.
Plusieurs amendements ont été proposés - M. Vanek en a cité un, M. Lussi un autre -, des amendements qui, étonnamment, ont été acceptés par la majorité de la commission, mais dont on s'est finalement rendu compte qu'ils ne parvenaient pas à clarifier la situation ni surtout à résoudre le problème d'aspect contraignant qui ne laisse aucune marge de manoeuvre au Conseil d'Etat. Le fait qu'en définitive, les commissaires aient tout simplement refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi ne signifie pas qu'ils ne tiennent pas compte de l'importance du respect des droits politiques; le vote de rejet l'a néanmoins emporté.
Certains députés, cela a été rappelé par mon collègue Vanek tout à l'heure, ont parlé d'une portée symbolique du projet ou d'un signal politique qui serait donné par son biais. En réalité, Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, une loi n'a pas de portée symbolique ni n'est là pour donner un signal politique; ces qualités appartiennent et sont propres à des propositions de motions ou de résolutions. Aussi, le groupe démocrate-chrétien vous recommande de rejeter ce projet de loi avec la même majorité qu'en commission.
Quant à la proposition de motion, elle ne pose pas de problème sur le plan juridique, ce qui a été confirmé par les auditions des professeurs cités, et revêt à mon avis une efficacité plus grande qu'une résolution qui serait adressée à Berne et risquerait de se perdre dans les couloirs du Palais fédéral. Ce texte a également le mérite d'évoquer un état de nécessité qui ne se limite pas à une situation pandémique telle que nous la connaissons aujourd'hui, mais qui s'étend à d'autres cas d'urgence comme des catastrophes naturelles.
Le Conseil d'Etat peut prendre et a pris, cela a été rappelé à plusieurs reprises, des arrêtés qui garantissent les droits populaires; il est vrai, et cela a été répété aussi, qu'il a dû se faire tirer l'oreille avant de prolonger les délais de récolte de signatures pour les initiatives et les référendums: il y a eu plusieurs interventions des groupes parlementaires de même que le fameux communiqué de presse...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président. ...de la commission législative qui a abouti à une décision tout à fait sage, bien qu'un peu tardive. La proposition de motion vise à trouver une solution pour les droits populaires...
Le président. Il vous faut vraiment terminer.
M. Jean-Marc Guinchard. ...sur le plan fédéral également, et c'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien vous recommande de l'adopter. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Le XIXe siècle a vu fleurir de nombreux projets pour réformer les Etats, et l'un des plus intéressants parmi eux prévoyait une société où on favorisait les droits populaires, une société dans laquelle il n'y aurait plus de gouvernement ni de partis politiques. Ce système n'est malheureusement pas réalisable, car il exige un degré de conscience extrêmement élevé de la part de chacun des participants. Il a donc été décidé, et c'est le cas de notre pays, d'instaurer un système organisé, articulé autour des droits démocratiques, mais avec un Etat.
Or si on veut que cet Etat puisse fonctionner en coexistence avec les droits du peuple, il faut que ceux-ci soient garantis, et le meilleur moyen pour cela, c'est de ne pas les entraver. Toute crise, à l'exemple de celle que nous vivons aujourd'hui, constitue un prétexte pour atteindre les droits du souverain, puisque le seul adversaire d'un exécutif, c'est le peuple lui-même.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons les deux objets et opterons pour la même position que celle adoptée par l'UDC; nous sommes en effet deux partis démocratiques et intéressés par les droits populaires, nous les favorisons. Je comprends que le centre, qui ne sait plus très bien où il se situe et ne suit désormais plus des méthodes très orthodoxes, soit obligé, quant à lui, de prendre une posture similaire au grand écart dont il a l'habitude. Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à suivre... Enfin, le MCG s'alignera sur la position de l'UDC dans cette affaire. Merci beaucoup.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne vais pas refaire tout l'historique du projet, mais disons que celui-ci couvre un certain type de situation que nous avons connu au printemps 2020 lorsqu'il n'y avait quasiment plus personne dans la rue en raison de l'état de nécessité. Il est clair que dans ces conditions, la récolte de signatures pour un référendum est rendue très difficile; pas impossible, toutefois, puisqu'on peut toujours le faire par courrier, mais cela revient extrêmement cher et contrevient largement à l'exercice des droits politiques. La démarche consistant à suspendre ou à prolonger les délais référendaires est donc parfaitement justifiée.
La question qui nous occupe ici est de savoir si on laisse le Conseil d'Etat décider de cette prolongation, comme il a fini par le faire au printemps 2020, ou s'il est utile de légiférer à ce sujet pour une éventuelle situation future de même gravité - pas forcément de nature sanitaire, mais toute autre situation d'exception qui serait potentiellement susceptible d'empêcher la récolte de signatures. Nous pensons que tant que le parlement est en état de délibérer, il vaut mieux passer par ce canal plutôt que de renvoyer la patate chaude au gouvernement.
Après, tout comme hier quand on parlait des prestations de serment des personnes naturalisées, on peut se demander s'il vaut mieux modifier une loi spécifique, comme on essaie de le faire ici, ou placer une disposition dans la loi d'application de l'article 113 de la constitution, ainsi que la commission législative pourrait le faire. En l'occurrence, comme il s'agit plutôt de préserver les droits populaires et que la disposition pourrait concerner d'autres situations que celles couvertes par l'article 113 - je vous demande de lire l'amendement qui n'implique pas forcément des cas en rapport avec l'article 113 -, nous estimons qu'il est justifié de modifier la loi sur l'exercice des droits politiques, la LEDP.
Le texte initial déposé par l'UDC posait un certain nombre de problèmes, empêchait par exemple la promulgation des lois votées, si bien que la direction des affaires juridiques nous en a proposé une version améliorée que nous avons donc reprise, comme cela a été mentionné par le rapporteur de deuxième minorité. Dès lors, nous entrerons en matière sur le projet de loi et accepterons l'amendement que je viens d'évoquer; nous adopterons d'autre part la proposition de motion qui a permis de mettre en place l'ensemble de la démarche. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour paraphraser un proverbe latin bien connu et répondre par la même occasion à notre collègue PDC, «motiones volant, leges manent», soit «les motions s'envolent, les lois restent». Il est important d'ancrer cette compétence dans la législation, parce que c'est plus qu'un signal politique, c'est une vraie compétence qu'on donne au Conseil d'Etat.
Pour les raisons qui ont été mentionnées également par M. Pierre Eckert, nous préférons avoir un ancrage légal plutôt que de tout laisser au droit d'urgence, nous préférons un ancrage légal d'une compétence qu'on donne au Conseil d'Etat, et pas seulement une proposition de motion - que nous soutiendrons par ailleurs, bien entendu. Une motion ne suffit pas, une motion ne donne lieu qu'à un rapport; nous préconisons un ancrage légal clair et sur la durée.
Nous soutiendrons donc le texte tel qu'issu du deuxième débat, puisque contrairement à ce qu'a indiqué mon honorable collègue Guinchard, la commission est bien entrée en matière sur le projet de loi, elle a effectué tout un travail dessus avant de se raviser, une majorité estimant que cela ne valait plus la peine. Eh bien nous, les socialistes, tout bien considéré, nous estimons que cela vaut la peine et nous rejoindrons donc d'autres minorités pour former une nouvelle majorité. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Pierre Vanek pour une minute dix-huit.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Très rapidement, je réponds moi aussi à Jean-Marc Guinchard que l'entrée en matière sur le projet de loi a bien été acceptée, puisque le deuxième débat a eu lieu et que nous avons même reçu une proposition d'amendement qui a recueilli une large majorité - les deux tiers - de la commission, un amendement dont la formulation émane de la direction des affaires juridiques de la chancellerie. Voilà le premier point sur lequel je voulais le contredire ou, disons, préciser les faits.
Puis, dans son intervention, il a indiqué que le texte était trop contraignant, qu'il fallait laisser plus de liberté au Conseil d'Etat. Mais enfin, il n'y a aucune contrainte ! Comme vient de le souligner à juste titre Cyril Mizrahi, il s'agit d'une compétence qui est donnée au Conseil d'Etat: celui-ci peut, sous certaines conditions, prolonger ou suspendre les délais, donc il n'y a aucune espèce de contrainte pour le gouvernement. En commission, certains auraient d'ailleurs voulu introduire une contrainte, mais comme on parle de cas d'urgence, de toute façon, celle-ci n'aurait guère été contraignante.
Enfin, je reviens sur son affirmation selon laquelle il ne faut pas donner de signaux politiques dans les lois; bien sûr qu'il le faut, c'est précisément le seul moyen pour que quelque chose reste de cette situation. Nous ne serons plus dans ce parlement dans dix ou quinze ans, mais l'enseignement tiré de la crise doit figurer dans notre corpus législatif, c'est un point qui pourrait apparaître à l'ordre du jour du Conseil d'Etat si, par malheur, il devait se produire de nouvelles circonstances entravant massivement l'exercice des droits démocratiques. Ces droits sont très précieux, et pour les préserver, il faut accepter ce projet de loi tel qu'amendé, ainsi que je le propose.
Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. Christo Ivanov pour vingt secondes.
M. Christo Ivanov (UDC). J'ai une question, Monsieur le président: les points étant liés, allons-nous traiter la proposition de motion après ou en même temps que le projet de loi ?
Le président. Nous allons d'abord voter le projet de loi, puis la proposition de motion.
Une voix. Mais le rapport sur la motion n'a pas été présenté !
M. Christo Ivanov. Mais le rapport sur la motion n'a pas été présenté, Monsieur le président !
Le président. Ecoutez, j'ai annoncé que les points étaient liés, le temps de parole dévolu au rapporteur englobait les deux objets. A présent, je cède la parole à Mme la présidente du Conseil d'Etat Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une petite remarque en préambule. J'ai entendu dans la bouche de certains députés ici présents les mots «menace», «récidive», «bras de fer»; je dois insister sur le fait qu'en aucun cas, à aucun moment, le Conseil d'Etat n'a cherché à limiter les droits populaires ! Au contraire, le Conseil d'Etat est très respectueux de ces droits.
Peut-être faut-il rappeler que la situation n'était pas simple: sur quelle base allions-nous nous appuyer pour prolonger les délais de récolte de signatures ? Le Conseil d'Etat doit appliquer des règles claires et équitables pour tout le monde. Ainsi, quels critères invoquer, à partir de quel moment estimer qu'on se trouve dans une situation où les droits démocratiques sont entravés, où la récolte de signatures n'est plus possible ? C'était extrêmement difficile à évaluer.
La deuxième chose qui préoccupait le Conseil d'Etat, c'était de ne pas perturber l'ensemble du processus législatif. Dans ce parlement, vous votez régulièrement des lois, les assemblées communales adoptent quant à elles des délibérations, donc si personne ne contestait ces textes, nous ne voulions pas bloquer tout le processus. Voilà ce qui nous a fait hésiter, d'autant que les autres cantons et la Confédération n'avaient pas pris de décision en la matière.
Cela dit, une solution a été trouvée, le Conseil d'Etat a simplement prolongé les délais, se rendant bien compte que dans certaines circonstances, la récolte de signatures était rendue délicate. L'alerte nous a été donnée par les partis qui s'y essayaient et nous disaient: «A certains moments, c'est vraiment compliqué, les gens ne s'arrêtent même pas.» Et ce, bien que les commerces alimentaires aient été officiellement ouverts, donc il était parfaitement possible de s'installer à proximité des magasins, mais il est vrai qu'au plus fort de la crise sanitaire, un certain nombre de personnes hésitaient à s'arrêter.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion ne pose aucun problème, puisqu'elle ne fait qu'envoyer un signal. Quant au projet de loi, j'ai lu dans le rapport qu'un député se demandait quel était au fond l'intérêt d'accepter ou de rejeter un texte qui ne sert à rien; nous laisserons votre Grand Conseil juger de la meilleure manière de procéder lorsque rien ne sert à rien.
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Les débats étant terminés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12805 est adopté en premier débat par 54 oui contre 37 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Pierre Vanek. Ainsi que cela a été expliqué au cours du débat, il s'agit de revenir à la formulation de l'article 89A telle qu'acceptée en commission, à savoir:
«Art. 89A Prolongation des délais (nouvelle teneur)
1 Lorsque la situation du canton ou des mesures temporaires exceptionnelles de droit fédéral ou cantonal entravent notablement la récolte de signatures, le Conseil d'Etat peut prolonger ou suspendre les délais de récolte de signatures à l'appui de demandes de référendum ou d'initiative en matière cantonale et communale.
2 Les délais référendaires s'écoulent normalement pour les lois en l'absence de référendums effectivement annoncés contre elles au sens de l'article 86, alinéa 1, lettre a, de la présente loi.
3 La prolongation ou la suspension des délais ne peut dépasser une durée de deux mois; au-delà de ce délai une nouvelle décision doit le cas échéant être prise.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 59 oui contre 33 non.
Mis aux voix, l'art. 89A (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est rejeté par 56 oui contre 37 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers non atteinte).
Le président. La clause d'urgence est refusée, l'article 2 souligné est donc biffé.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12805 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 37 non et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2696 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 28 non et 1 abstention.