Séance du
vendredi 5 mars 2021 à
14h
2e
législature -
3e
année -
9e
session -
56e
séance
RD 1390
Débat
Le président. Nous enchaînons avec le RD 1390. La parole est demandée par M. le député Romain de Sainte Marie, à qui je cède le micro.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est évident qu'il faut renvoyer ce rapport à la commission de l'économie. Pour quelles raisons ? D'une part, il faudra le lier au projet de loi déposé par le Conseil d'Etat qui vise à pérenniser l'ouverture de trois dimanches par année des commerces de détail, y compris celle du 31 décembre. D'autre part, parce qu'il est extrêmement important d'étudier plus en profondeur ce rapport, qui est particulièrement contesté par... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Je suspends le débat. (Un instant s'écoule.) Je comprends que certains députés qui viennent d'arriver soient extrêmement joyeux de rejoindre leurs copains. (Rires.) Mais vous pouvez faire vos rencontres amicales à l'extérieur de la salle ! (Un instant s'écoule.) Merci, Monsieur Zweifel ! Reprenons, Monsieur de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie. Je reprends, Monsieur le président. Il est important de pouvoir étudier beaucoup plus en détail ce rapport, puisque celui-ci est même contesté par les syndicats. En effet, quand on observe la méthode utilisée, on se rend compte qu'il est uniquement basé sur des questionnaires, ou en tout cas des sondages, menés auprès des employeurs, précisément uniquement de ce côté-là et pas plus largement, avec une enquête qui aurait pu être neutre et objective. Les faits rapportés ici, qui dénotent visiblement un très grand enthousiasme concernant l'ouverture des dimanches, ne proviennent que d'un seul type de données, à savoir celles concernant les employeurs.
Il est donc important, pour étudier notamment le projet de loi en commission, que nous puissions avoir des éléments beaucoup plus objectifs par rapport à l'ouverture des commerces le dimanche; nous ne pouvons pas nous appuyer aveuglément sur ce rapport. Nous vous invitons donc à renvoyer celui-ci à la commission de l'économie et à le lier au traitement du projet de loi du Conseil d'Etat sur l'ouverture des trois dimanches par année. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous rejoignons la demande du parti socialiste de renvoyer ce rapport à la commission de l'économie. En effet, ce rapport pose de sérieux problèmes. Je vous rappelle - et d'ailleurs Ensemble à Gauche y était opposé, mais nous respecterons la volonté populaire - que nous sommes en période de test sur ces ouvertures dominicales. Un test qui, selon le Conseil d'Etat, devrait amener à pouvoir se positionner et déterminer si ces ouvertures dominicales sont un bienfait pour l'économie, pour les familles, pour les étudiants - à les en croire, c'est carrément ça qui va nous sauver.
Malheureusement, le Conseil d'Etat ne nous fournit aucune donnée sérieuse pour évaluer cela: rien sur les affirmations qu'il formule, comme l'attractivité touristique, rien sur la lutte contre la concurrence du commerce en ligne ou celle des achats transfrontaliers. Toutes ces choses-là sont dites, sont affirmées sans aucune base, je ne dirais même pas scientifique, mais à peu près crédible ou raisonnable. Il est donc évident qu'il faut creuser cette question.
Par ailleurs, un détail a attiré mon attention dans ce rapport: celui-ci mentionne que la convention collective de travail étendue, telle qu'elle avait été définie dans le vote, il y a deux ans, par le Conseil d'Etat, qui devait être la condition nécessaire à l'ouverture des trois dimanches, se trouve dans une situation de blocage, parce qu'une des organisations patronales a quitté la table des négociations. Or rien n'est expliqué sur la raison de son retrait des négociations, ni même sur ce qu'a été la position du Conseil d'Etat, plus particulièrement de M. Poggia, dans ces négociations. D'ailleurs, ce dossier, depuis qu'il est aux mains de M. Poggia, souffre quand même, disons, d'une relative difficulté à faire négocier les différents partenaires sociaux. Nous aimerions donc avoir un rapport circonstancié de la part de M. Poggia, de la part du Conseil d'Etat, et obtenir des données un peu plus objectives avant de valider les «claironnades» du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est satisfait de ce rapport, il en prend acte et ne souhaite pas son renvoi à la commission de l'économie, renvoi qu'il ne juge pas du tout utile. Effectivement, les conclusions de ce rapport sont une évidence et, de toute manière, ce débat est sur la table, probablement à travers les prochaines propositions du gouvernement. Je ne vois donc pas quel est l'intérêt de renvoyer ce rapport qui dresse le bilan de cette loi expérimentale. Nous refuserons, en ce qui nous concerne, le renvoi de cet objet. Merci.
Le président. Merci. Je passe finalement la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia. Monsieur Thierry Cerutti, vous êtes également du MCG, or aux extraits, un seul orateur par parti peut s'exprimer. Monsieur le conseiller d'Etat, c'est à vous.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, ce sujet est aux mains du Grand Conseil, puisque la loi sur les heures d'ouverture des magasins fait l'objet d'une demande de modification du Conseil d'Etat, qui tient compte bien sûr du résultat de la loi expérimentale qui avait été adoptée, mais qui tient aussi compte de l'évolution de la situation du commerce de détail.
J'ai bien pris note du fait que depuis que le dossier est en mes mains, il stagne. Pour ma part, j'ai le souvenir que lorsque j'ai repris ce dossier, les partenaires sociaux ne se parlaient plus et que le dialogue était bloqué. Depuis lors, deux modérateurs ont été suggérés pour pouvoir reprendre le dialogue, et c'est vrai qu'entre-temps, le salaire minimum a été introduit et a quelque peu bloqué certains partenaires, notamment les petits commerçants, pour qui cette nouvelle loi a évidemment posé quelques problèmes. Je ne désespère pas de faire reprendre le dialogue, mais, bien entendu, c'est un autre sujet; nous souhaitons tous qu'il y ait une convention collective dans le secteur. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, le commerce de détail souffre passablement bien sûr du commerce en ligne, mais aussi d'une concurrence internationale avec le tourisme d'achat, comme on l'appelle, dont on a en particulier vu les effets durant cette crise sanitaire, lorsque les commerces étaient fermés chez nous et ouverts de l'autre côté de la frontière.
Je rappelle que des textes sont déposés à Berne pour aller bien au-delà de ce qui est demandé à Genève. Nous faisons preuve de modération, il faut le dire, en demandant tout simplement l'ouverture des magasins trois dimanches par année et non pas quatre, puisque chez nous, contrairement à d'autres cantons, le 31 décembre est un dimanche, selon le droit cantonal. Cela signifie que si nous voulons ouvrir le 31 décembre comme tous les autres cantons suisses, il ne nous en reste que trois autres; il s'agit donc de trois dimanches par année. Et ce combat - que je qualifierais presque d'arrière-garde - auquel nous assistons... Sachant qu'il est établi que les personnes qui travaillent le dimanche sont payées le double d'un jour normal, les commerces nous ont dit qu'ils avaient à refuser des candidats plutôt qu'à aller les rechercher. Je pense donc qu'il s'agit avant tout de permettre à Genève d'avoir des commerces ouverts précisément les dimanches où ils sont ouverts en France voisine - on le sait, ce sont ces dimanches d'ouverture des grands centres commerciaux de l'autre côté de la frontière, comme Etrembières ou Thoiry à l'opposé. Par conséquent, évidemment, donner la possibilité à nos commerces de lutter à armes égales dans une situation difficile, même avec des heures d'ouverture qui sont encore moindres que celles de l'autre côté de la frontière, c'est le simple bon sens. Lorsque l'on comprendra, d'un côté de l'échiquier politique, que le meilleur moyen de préserver les emplois, c'est encore de préserver l'activité des employeurs et donc des commerces, je pense que nous aurons fait un grand pas dans ce domaine. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1390 à la commission de l'économie est adopté par 67 oui contre 11 non et 1 abstention.