Séance du vendredi 30 octobre 2020 à 18h10
2e législature - 3e année - 6e session - 32e séance

PL 12473-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Françoise Sapin, Ana Roch, Florian Gander, Daniel Sormanni, Patrick Dimier, Thierry Cerutti, François Baertschi, Francisco Valentin modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Soutenons les familles qui assument les charges d'un enfant majeur qui n'est plus aux études, ni en apprentissage, mais qui n'a aucun revenu)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.
Rapport de majorité de Mme Françoise Sapin (MCG)
Rapport de minorité de M. Thomas Wenger (S)

Premier débat

Le président. La prochaine urgence concerne le PL 12473-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par Mme la rapporteure de majorité et je la lui donne.

Mme Françoise Sapin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi concerne essentiellement les jeunes qui ont terminé leurs études et ne trouvent pas de travail; comme vous le savez, il est de plus en plus difficile pour eux d'en trouver. Sur dix jeunes de 18 à 25 ans, plus de six sont d'ailleurs encore chez leurs parents parce qu'ils n'ont pas de revenu ou pas trouvé de manière de gagner leur vie. Ces jeunes n'ont aucun revenu et sont à la charge de leurs parents qui ont l'obligation, selon la loi fédérale, de les entretenir - c'est une loi impérative. Les parents ne peuvent pourtant pas prétendre, avec la loi actuelle, à la déduction sociale pour charge de famille.

En commission, il a été dit que ces jeunes peuvent s'inscrire au chômage et qu'il n'y a donc pas de problème. C'est vrai, Mesdames et Messieurs, ils peuvent s'inscrire au chômage, mais il y a deux «mais». Le premier, c'est qu'il y a 120 jours d'attente après le traitement du dossier pour pouvoir toucher quelque chose. Le deuxième, c'est que le montant maximum - je dis bien le montant maximum - est de 63 francs pour un apprenti et de 76 francs pour un universitaire. Ça ne va donc pas chercher loin !

Il a également été dit en commission que les déductions profiteront avant tout aux familles à haut revenu et aux familles riches. C'est faux ! C'est une large majorité de la population qui en bénéficiera. Les 36% de personnes qui ne paient pas d'impôts dans le canton ne sont bien sûr pas concernés, c'est certain, mais c'est vraiment à la classe moyenne que bénéficieront ces déductions. Cette manière de faire est un acte de justice fiscale pour les familles, qui sont déjà largement mises à contribution dans ce cas-là. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de soutenir ce projet de loi qui permettra aux parents de déduire une charge de famille entière. Merci.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la question soulevée par cet objet, comme l'a dit la rapporteure de majorité, est effectivement celle du soutien aux familles dont les enfants majeurs - soit âgés de plus de 18 ans - vivent toujours à la maison sans être en études ou en apprentissage, et n'ont que très peu ou pas de revenu. Certains enfants, qui vivent encore chez leurs parents, touchent de fait le chômage ou certaines prestations sociales.

A travers ce texte, on aimerait s'occuper de ceux qui n'ont pas du tout de revenu. Pour cela, il y a deux stratégies aux yeux du parti socialiste: d'un côté celle qui est proposée aujourd'hui, qui repose sur des déductions fiscales - j'y reviendrai. L'autre stratégie, privilégiée par le parti socialiste, consiste à faire face à cette problématique via des allocations spécifiques ciblées sur les personnes, les familles et les enfants, qui en ont réellement besoin. Le problème de ces déductions fiscales, Mesdames et Messieurs, c'est qu'elles sont faites totalement à l'aveugle. Mme la rapporteure de majorité l'a dit: on ne sait pas exactement qui serait concerné. Nous en avons discuté en commission et il en est ressorti que ce sont surtout les familles, les parents à hauts revenus ou ayant de la fortune qui pourraient en bénéficier.

Ce que la rapporteure de majorité n'a pas dit, c'est combien ça coûterait à l'Etat ! D'après les chiffres qu'on nous a donnés à la commission fiscale, ça coûterait entre 37 millions et 44 millions de francs au budget de l'Etat - de 37 millions à 44 millions. Mesdames et Messieurs, les comptes 2020 auront certainement un déficit d'un milliard, voire plus; le budget 2021, à ce jour, prévoit un déficit de 500 millions qui risque d'augmenter à 600 ou 700 millions; des projets de lois ne pourront pas être votés à temps, etc. Imaginez-vous, dans ces conditions, que nous avons aujourd'hui les moyens d'accorder encore 37 à 44 millions de déductions fiscales à des familles qui ont des revenus assez hauts et de la fortune ? Nous ne pouvons bien entendu pas nous le permettre !

De nouveau, pour régler la problématique, il faut des allocations ciblées et spécifiques aux personnes qui en ont besoin, et non des déductions fiscales aveugles qui font perdre des millions à l'Etat. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je n'ai pas grand-chose à ajouter à l'excellent rapport de majorité établi par notre collègue, Mme Françoise Sapin. Vous l'aurez constaté à la lecture dudit rapport, le PDC s'est abstenu en commission, en particulier du fait de l'absence de chiffres précis quant aux bénéficiaires exacts - point d'ailleurs soulevé tout à l'heure par M. le député Thomas Wenger. Et cela indépendamment du montant, estimé entre 37 et 44 millions, qui a, lui, été mentionné en commission, mais sans plus de précisions quant aux destinataires.

Après diverses discussions et les retours en caucus, le groupe démocrate-chrétien, qui est toujours sensible à la question du soutien aux familles comme à celui à la classe moyenne, entrera en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme nous l'avons déjà dit en commission, les Verts ne désirent pas entrer en matière sur cet objet. Toute une série de projets de lois utilisent l'imposition de la famille pour défiscaliser une partie des revenus des personnes physiques, ce qui a pollué une grande partie des séances de la commission fiscale pendant quelque temps - un texte du PDC, le PL 12314, allait dans le même sens et visait moins d'impôts pour les familles. Mais au prétexte de toucher tout le monde, au prétexte d'arroser de manière un peu populiste, ces projets de lois, Thomas Wenger l'a bien expliqué... (Protestations.)

Une voix. Oh !

M. Jean Rossiaud. ...baissent la fiscalité des revenus les plus importants. Ce sont pratiquement les plus hauts revenus qui seront défiscalisés; par définition, comme l'a dit Mme Sapin, les bas revenus paient moins d'impôts. C'est de fait un manque à gagner pour les finances publiques et il est aujourd'hui irresponsable d'appauvrir l'Etat !

Ce projet de loi coûterait - l'administration l'a indiqué - entre 37 et 44 millions de francs par année ! Chaque année, ce sont donc 37 à 44 millions de francs en moins pour la santé, pour l'éducation, pour la protection du climat, pour l'aide aux entreprises... (Remarque.) C'est chaque année ! Bien sûr, il y a des familles, des personnes, qui méritent d'être soutenues; il faut par conséquent les aider de manière spécifique. Au lieu d'arroser tout le monde, il faut les aider dans la recherche d'un emploi, dans leur formation, et non gaspiller l'argent public à grands coups d'arrosoir, le pommeau dirigé vers les classes supérieures, les plus aisées. (Remarque.) C'est pour cela que les Verts n'entreront pas en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi aborde une problématique réelle: dans notre canton, beaucoup - beaucoup trop - de jeunes ont effectivement de la peine à s'insérer dans le marché de l'emploi. Après leurs études, ils enchaînent des stages, des contrats à durée déterminée, du travail précaire. Ce sont souvent aussi, on le voit à travers les statistiques du chômage, les derniers arrivés et les premiers partis lorsqu'une crise survient - le covid-19 l'a particulièrement démontré. Ces jeunes restent donc plus longtemps à la charge de leurs parents. Toutefois, la solution proposée par cet objet et par l'intermédiaire de l'UDC n'est pas acceptable pour la simple et bonne raison qu'il est extrêmement difficile de savoir aujourd'hui quelles familles seraient touchées. Il introduirait en effet une inégalité entre les différents bénéficiaires et celles et ceux qui auraient besoin d'un certain soutien en raison du fait que leurs jeunes peinent à trouver un emploi.

Je voudrais répondre à la droite, qui souvent accuse les partis de gauche d'essayer de mener une politique qu'ils appellent de l'arrosoir - mes collègues Wenger et Rossiaud l'ont mentionnée. Mais qu'est-ce qui ressemble plus à une politique de l'arrosoir que des allégements fiscaux complètement aveugles, qui touchent l'entier de la population ? Et quand je dis l'entier de la population, ce n'est en réalité pas tout à fait vrai: l'arrosoir arrose pratiquement toute la population, mais pas les plus précaires ! Les revenus des plus précaires ne leur permettent en effet pas de payer des impôts et ils ne bénéficient donc pas des déductions fiscales prévues dans le cadre de ce projet de loi. (Commentaires. Protestations. Applaudissements. Le président agite la cloche.)

Et puis, Monsieur le président, j'ai bien entendu les propos de la rapporteure de majorité, Mme Sapin, qui nous dit: il y a un problème avec les jeunes qui ont fini leurs études et n'arrivent pas à trouver un emploi. Eh bien précisément: aidons-les à trouver un emploi, aidons-les à mieux se former ! Essayons de mettre en place des mesures plus efficaces contre le décrochage scolaire, des mesures pour une meilleure formation et insertion de ces jeunes sur le marché de l'emploi. Simplement, tout ça a un coût, et c'est justement le principal problème de ce texte: il assèche les caisses de notre canton. M. le rapporteur de minorité l'a rappelé: l'adoption de ce projet de loi engendrerait environ 400 millions de moins par année - des millions qui pourraient précisément être mis à disposition des familles qui en ont le plus besoin et des jeunes qui peinent aujourd'hui à trouver un emploi dans notre canton. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à rejeter ce texte. Je vous remercie.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cet objet met en évidence un vrai problème et il faut le traiter, mais la droite nous propose, comme à son habitude, une mauvaise réponse. C'est un vrai problème parce qu'il y a effectivement de plus en plus de jeunes qui sortent de formation, qu'elle soit duale ou universitaire, mais n'arrivent pas à trouver un emploi et n'ont de ce fait pas de revenu. Le titre du projet de loi dit d'ailleurs bien qu'il est question des enfants majeurs n'ayant pas de revenu; le problème, c'est le fait qu'ils n'ont pas de revenu - ce n'est pas la fiscalité mais le revenu des jeunes.

Ce problème-là - l'absence de revenu - est aussi dû au fait que nous avons une loi chômage particulièrement restrictive envers les jeunes: il y a un délai de carence de six mois. Ceux qui finissent leur formation en juin ne sont en outre pas pris en compte dans l'allégement fiscal, ils sont considérés comme n'étant plus en études pour l'année fiscale puisque celle-ci retient la situation au 31 décembre. Il y a donc déjà toute une série de mesures, tant dans la loi sur le chômage que dans celle relative à la fiscalité, qui pourraient être modifiées pour permettre à ces jeunes de bénéficier des aides qui leur sont dues.

Mais pourquoi ce projet de loi constitue-t-il une mauvaise solution ? Parce qu'il ne s'adresse pas aux jeunes qui n'ont pas de revenu et à leur famille, mais aux familles qui paient des impôts. C'est donc très différent et on exclut... (Remarque.) Eh oui, exactement, et c'est très différent ! On exclut 35% de la population qui ne paie pas d'impôts mais dont les jeunes n'ont pas non plus de revenu ! (Remarque.) Et ces gens-là, ces jeunes-là, ont aussi besoin d'un soutien pour s'insérer dans le marché du travail, pour avoir un revenu et être indépendants. Ce texte passe donc complètement à côté de la cible ! Je m'excuse, mais ce projet de loi est en réalité une baisse d'impôts déguisée; il aura un coût pour l'Etat sans répondre du tout à la problématique sociale en jeu, c'est-à-dire l'absence de revenu des jeunes sortant d'une formation.

Les déductions fiscales, de manière générale, profitent du reste toujours aux plus hauts revenus parce qu'il y a une progressivité de l'impôt direct - et encore heureux; d'ailleurs, nous la défendons ! Mais les déductions fiscales bénéficient donc plus aux hauts revenus qu'aux bas revenus: c'est la logique même de la progressivité de l'impôt. Je vous rappelle vos fondamentaux, pour ceux qui les ignoraient.

Ce montant serait bien mieux utilisé pour aider concrètement les jeunes en difficulté; il faut surtout travailler sur des mesures d'insertion professionnelle des jeunes adultes et sur la garantie d'un revenu pour ceux qui en sont dépourvus. Nous refuserons donc cet objet et nous vous invitons à en élaborer un qui garantisse un revenu pour les jeunes qui n'en ont pas et échappent par ailleurs à la loi sur le chômage et aux dispositifs d'aide.

Le président. Merci.

M. Pablo Cruchon. Je vous rappelle du reste la position d'Ensemble à Gauche sur les premiers emplois: ce sont des subventionnements aux patrons...

Le président. Merci, c'est terminé.

M. Pablo Cruchon. ...et de mauvaises solutions. Merci.

M. Christo Ivanov (UDC). J'ai entendu tout à l'heure quelques chiffres effarants - vous transmettrez à Mme Marti qui nous parle de 400 millions. Or il est question de 40 millions; on est en plein délire ! D'après le rapport, environ 18 000 enfants et adolescents seraient inscrits dans une formation et seraient déjà déduits. Le nombre d'enfants concernés par ce texte serait donc probablement plus proche de 6000 à 8000. Si on divise par conséquent les 40 millions, en gros, par deux ou par deux et demi, on va finalement se retrouver avec une somme de l'ordre de 12 à 15 millions de francs. Ce montant sera par ailleurs totalement couvert puisque le peuple genevois votera les 18 millions contestés par référendum en 2021; cette mesure ne coûtera finalement rien au contribuable. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC votera ce projet de loi.

M. Yvan Zweifel (PLR). D'autres l'ont dit avant moi, les parents ont aujourd'hui la possibilité de déduire fiscalement les charges d'entretien pour des enfants en études ou en apprentissage qui vivent chez eux, sous réserve de certains seuils liés à la fortune de l'enfant et à ses revenus - je ne reviens pas là-dessus. Que pose comme question ce projet de loi ? Eh bien, quid des enfants majeurs dont les parents ont effectivement la charge mais qui se retrouvent sans emploi, sans apprentissage ni études ? Pour le PLR, Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas de savoir si l'enfant est en études, en apprentissage, s'il n'est ni dans un cas ni dans l'autre, s'il cherche un emploi et qu'il est au chômage: il s'agit de savoir si les parents ont réellement la charge ou la demi-charge de cet enfant, indépendamment de sa situation. Et à partir du moment où l'enfant est à charge, il est normal que les parents puissent obtenir une déduction fiscale.

Beaucoup ont parlé ici du coût: entre 37 et 44 millions, M. Wenger l'a dit, selon les estimations - mais extrêmement floues - données par l'administration fiscale. Ces estimations, Mesdames et Messieurs, sont faites sur 24 000 charges potentielles supplémentaires ! En creusant un petit peu, en commission, on s'est aperçus que parmi ces 24 000 charges potentielles, un paquet d'enfants sont précisément en études ou en apprentissage et par conséquent déjà comptabilisés dans les statistiques des charges déductibles. En réalité, lorsqu'on regarde un autre chiffre, celui du nombre de jeunes en fin de formation inscrits au chômage, il n'est que de 156 ! On passe de 24 000 à 156 ! Mon collègue Christo Ivanov disait que 6000 enfants sont concernés; je pense quant à moi qu'on atteindra peut-être un maximum de 500 enfants. Faites la division: on n'atteindra jamais - jamais - une telle déduction, qui est largement surévaluée.

A qui profiterait cette déduction ? M. Cruchon voulait reparler des fondamentaux; faisons alors un cours de mathématiques. Mesdames et Messieurs, lorsqu'une déduction est fixe, c'est le même montant pour absolument tout le monde: par définition, si vous payez des impôts, moins vous en payez et plus cette déduction aura des effets sur votre facture fiscale. C'est ça, les mathématiques, Monsieur Cruchon: ce n'est pas proportionnel puisque le montant est fixe et donc le même pour tout le monde ! Vous reprendrez votre bouquin de mathématiques tout à l'heure.

Et puis Mme Marti évoquait l'arrosoir en matière politique. Mesdames et Messieurs, qu'est-ce que l'arrosoir en politique ? C'est lorsque l'Etat - l'arroseur - utilise l'eau qui lui a été donnée par les contribuables, en particulier les plus aisés, et qu'il commence à la distribuer un peu n'importe où et n'importe comment. Ici, on parle de déductions fiscales. Qu'est-ce qu'une déduction fiscale ? Lorsqu'on augmente une déduction fiscale, on permet simplement au contribuable d'arrêter de remplir la baignoire sans fond de l'Etat. Ce n'est pas un arrosoir mais un bienfait pour tout le monde !

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, il s'agit ici d'une déduction juste ! (Applaudissements.) Son coût n'est pas celui qui est annoncé, comme d'habitude surestimé par la gauche, et elle bénéficiera principalement à la classe moyenne, en particulier inférieure. Pour toutes ces raisons - logiques - le PLR votera ce projet de loi et vous invite à faire de même !

M. Sandro Pistis (MCG). Je crois que tout a été dit. Toutefois, je tenais à vous signaler que nous étions assez choqués en voyant les groupes de gauche opposer des gens qui ne paient pas d'impôts à ceux qui en paient ! Je pense qu'il est tout à fait normal de pouvoir faire ces déductions lorsqu'on a une famille, lorsqu'on a des enfants de 18 ans qui coûtent mais qui n'ont pas de moyens pour subvenir à leurs besoins et sont donc à la charge de leurs parents.

Il n'y a pas de honte, il n'y a pas d'arrosoir: c'est tout simplement une chose qui doit pouvoir être faite vis-à-vis des familles de la classe moyenne. Non, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi ne profite pas aux riches mais bel et bien à des familles de la classe moyenne. Comme l'a relevé mon préopinant, ce montant est fixe; par conséquent, moins vous payez d'impôts et plus vous pouvez déduire. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi a été déposé par le groupe MCG, je vous encourage à le soutenir. Merci.

Une voix. Bravo.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, qu'est-ce qu'on peut entendre comme âneries sur les bancs de gauche ! Qu'est-ce qu'on peut entendre comme inepties de la part des bancs de gauche ! On entend les Verts nous dire qu'il faut, il faut, il faut ! C'est vrai qu'avec les solutions des Verts, le monde n'en serait que meilleur: à part taxer, taxer, taxer, les Verts ne proposent rien du tout ! Le néant, le désert ! Quant aux socialistes, ils nous parlent de justice sociale pour toutes et tous: c'est précisément un projet de loi qui parle de justice pour toutes et tous, Mesdames et Messieurs les socialistes - justice solidaire pour les familles, quel que soit leur revenu, mais pour les familles contribuables bien naturellement !

Mesdames et Messieurs, je ne peux que vous inviter à voter ce texte, je ne peux que vous inviter à le soutenir: c'est un projet de bon sens, pragmatique, qui est là pour aider les Genevois et les Genevoises qui sont dans une situation difficile, d'autant plus en ce moment avec le covid-19. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la députée Ana Roch, vous avez la parole pour une minute.

Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Mes collègues ayant tout dit, je renonce. Merci.

M. Christian Flury (MCG). Chers collègues, je remercie ma préopinante de me laisser un peu de temps de parole pour rappeler quelques éléments. J'ai bien entendu les porte-parole des 36% de Genevois qui ne paient pas d'impôts. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'au passage des 18 ans, l'enfant devient adulte et paie une prime LAMal adulte, en plein. Les parents doivent donc subvenir au logement, à la nourriture et au paiement de l'assurance-maladie de leur enfant adulte !

Quant à agir via les allocations et les subsides, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des plafonds aux subsides: une fois le plafond éclaté, il n'y a plus de subside. Alors agir sur les déductions fiscales pour charge de famille est effectivement la solution la plus aisée, la plus cohérente et la plus équilibrée pour régler élégamment ce problème et donner un coup de pouce aux familles dont les enfants n'ont pas de travail et sont à la charge des parents. Votons donc ce projet de loi. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Jean Rossiaud, vous avez la parole pour une minute.

M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste faire un commentaire sur le discours un peu hystérique de M. Zweifel - vous transmettrez. (Commentaires.) Mme Marti a eu raison de parler de 400 millions; elle aurait dû préciser que ce sont 400 millions sur dix ans, mais c'est effectivement la somme qui va manquer dans les caisses de l'Etat. Quant aux chiffres, Monsieur Zweifel - vous transmettrez - ce ne sont pas ceux de la gauche, mais ceux de l'administration fiscale cantonale, sous la direction de Mme Fontanet ! Arrêtez donc de dire n'importe quoi et tenez-vous-en aux faits tels qu'on les a travaillés en commission. (Remarque.) Et je ne commenterai pas les propos de M. Cerutti. Je vous remercie. (Commentaires.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer: le Conseil d'Etat accueille extrêmement défavorablement ce projet de loi, et ce pour plusieurs raisons que je vais rappeler. J'aimerais tout d'abord souligner que si nous sommes le canton qui exploite le plus son potentiel fiscal, un volet de notre fiscalité est toutefois favorable: l'imposition des familles. Que cela plaise ou ne plaise pas, Genève est de ce côté-là plus favorable que ses voisins, en tout cas que les cantons romands et même largement plus que de nombreux cantons suisses allemands. Ce qui me fait dire que ce n'est peut-être pas là - et j'ai déjà eu l'occasion de le souligner - qu'il faut chercher des baisses d'impôt.

Le deuxième élément, Mesdames et Messieurs, c'est que nous traversons aujourd'hui une crise sanitaire et une crise économique absolument inédites - il n'y a jamais eu de telles crises dans notre canton, dans notre pays ou dans le monde. M. Poggia vous l'a dit il y a quelques instants: notre hôpital se trouve dans une situation critique. La question du retour à une forme de confinement se pose. Le Conseil d'Etat est par ailleurs amené à aider de très très nombreuses entreprises; les gens perdent leur travail, les sociétés doivent mettre la clé sous le paillasson et nous avons déjà dépensé, à Genève, plusieurs centaines de millions pour aider ces personnes. Je sais que c'est un discours que vous ne voulez pas entendre, Mesdames et Messieurs, mais l'argent manque.

Certains se plaignent régulièrement des budgets déficitaires et c'est un souci que je partage. Ce qu'il y a de frappant, c'est que ce sont les mêmes qui aujourd'hui vont voter une diminution d'impôts, avec un coût estimé par mon administration - malgré les très nombreuses questions qui lui ont été posées et les tout aussi nombreuses suppositions sur le fait que le coût pourrait quand même être bien moins élevé - entre 37 et 44 millions. Ce coût déplaît à certains; il est vrai que mon administration a indiqué qu'elle a eu de la peine à le calculer et qu'il n'est probablement pas parfaitement exact. Mais lorsqu'on lui a demandé si ces 44 millions étaient un montant maximum, eh bien elle a répondu clairement: «Non, nous ne sommes pas en mesure de le dire aujourd'hui.» C'est donc une moyenne entre 37 et 44 millions - ça pourrait être en dessous, mais ça pourrait aussi être au-dessus. Vous me direz que ce n'est pas très précis, et vous avez raison, mais on n'a pas réussi à faire différemment.

Mesdames et Messieurs, si le Conseil d'Etat vous a présenté un projet de budget avec 501 millions de déficit, il comprend, et vous le savez, des mesures d'économie souhaitées par l'exécutif. Or la plupart de ces mesures d'économie - que ce soient des mesures proposées dans le cadre de la répartition canton-communes ou celles relatives à la fonction publique, ou encore de nouveaux revenus - ne vont pas être votées par votre parlement ! Nous n'allons donc pas nous retrouver face à un budget avec un déficit de 500 millions, mais vraisemblablement quelques centaines de millions de plus.

Mesdames et Messieurs, vous paraissez vouloir voter ce projet de loi malgré l'ensemble de ces soucis. Si je comprends que l'on veuille aider les citoyens et les citoyennes de ce canton à payer moins d'impôts, il me semble que cela devrait être fait en ciblant un peu plus les besoins de ces citoyens et citoyennes. Je rencontrais aujourd'hui un chauffeur de taxi qui me disait qu'il ne s'en sort plus. Cela, vous le savez: il n'y a plus d'affaires - il n'y en a même plus du tout. Il n'a pas de quoi payer le leasing de sa voiture, il n'a pas de quoi payer son loyer. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, l'aide qui lui sera proposée à l'Hospice général ne permettra pas de payer ces montants-là ! Et lui-même ne bénéficiera pas d'une telle diminution d'impôts parce que c'est sans aucun doute une personne qui n'est pas en mesure d'en payer !

Mesdames et Messieurs, si vous souhaitez à tout prix entrer en matière sur ce projet de loi, le Conseil d'Etat vous soumettra un amendement à l'article 2 souligné pour que le texte n'entre pas en vigueur l'année prochaine. Ce n'est pas possible ! La crise sanitaire va se poursuivre en 2021. A l'heure actuelle, nous le savons, nous n'en connaissons pas encore toutes les conséquences: nous n'avons pas encore vu du tout l'ensemble des faillites, de très nombreuses personnes vont en outre perdre leur emploi et notre canton sera dans une situation financière encore plus délicate. Alors si vous insistez pour voter ce projet de loi, je vous demande d'accepter à tout le moins l'amendement du gouvernement qui le fait entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Je pense qu'il y a bien d'autres - bien d'autres, Mesdames et Messieurs - demandes de déductions fiscales qui pourraient trouver un accueil plus favorable auprès de l'exécutif. Ce n'est pas le cas de celle-là et le Conseil d'Etat vous invite par conséquent à rejeter cet objet. Merci.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur l'entrée en matière, Mesdames et Messieurs.

Mis aux voix, le projet de loi 12473 est adopté en premier débat par 43 oui contre 38 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 39, al. 2, lettre b (nouvelle teneur).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. A l'article 2 souligné, nous sommes saisis de l'amendement du Conseil d'Etat que vous avez reçu par messagerie. Je vous le lis:

«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2023.»

Monsieur Jean Rossiaud, je vous donne la parole.

M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais demander à la droite... J'aimerais remercier la conseillère d'Etat pour sa proposition et demander à la droite de faire preuve d'un petit peu de retenue, d'un petit peu de conséquence par rapport à toutes les dépenses que nous faisons actuellement, à sa demande et à juste titre... (Remarque.) ...et à juste titre, pour aider les personnes qui en ont besoin. Alors un petit peu de retenue: il faut au moins repousser l'entrée en vigueur de quelques années et ne pas la prévoir en 2020. Par ailleurs, même si l'amendement est accepté, nous, les Verts, continuerons évidemment à voter contre ce projet de loi. Merci. (Commentaires.)

M. Stéphane Florey (UDC). La proposition qui nous est faite est totalement inacceptable puisque le but de ce projet de loi est vraiment d'aider les familles qui en ont besoin. Nous aurions pu tout au plus accepter 2022, mais 2023, c'est quand même un peu fort. Je vous invite à refuser cet amendement. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la conseillère d'Etat, vous avez la parole. (Remarque.) Ah, excusez-moi ! Monsieur Sandro Pistis, il n'y a plus de temps à disposition pour le MCG. Madame la conseillère d'Etat, c'est à vous.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je remercie M. le dépité... M. le député, pardon; c'est moi qui suis députée... dépitée ! (Rires.) ...et non M. Florey ! Je remercie M. le député Florey pour son invitation au Conseil d'Etat à retirer son amendement. Mesdames et Messieurs, pourquoi 2023 ? Parce qu'en 2020, c'est la crise et que, vous le savez, nous n'aurons pas encore supporté toutes ses conséquences en 2021. Je vous l'ai dit, Monsieur Florey, Mesdames et Messieurs les députés: je pense que l'argent dont nous pouvons encore faire usage doit être impérativement utilisé pour maintenir les emplois et faire en sorte que les entreprises ne mettent pas toutes la clé sous le paillasson.

L'urgence aujourd'hui, c'est d'aider celles et ceux qui n'en sont pas à souhaiter une déduction pour des enfants: ces personnes n'en bénéficieront pas étant donné qu'elles ne sont pas en mesure, à l'heure actuelle, de payer des impôts ! Et elles ne le seront pas en 2021 ou en 2022 ! Les seules personnes que nous allons donc aider sont dans la classe moyenne supérieure... (Applaudissements.) ...personnes que je suis la première à défendre et dont j'estime que la fiscalité doit être adaptée et en aucun cas augmentée !

Mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, nous sommes en train de parler de déductions ! C'est-à-dire de diminuer la fiscalité de personnes qui, dans la période de crise que nous vivons, ne sont pas prioritaires - et je suis navrée de le dire. Nous devons nous occuper de celles et ceux qui ne sont plus en mesure de payer leur loyer, de celles et ceux qui n'ont plus d'emploi, de celles et ceux qui vont mettre la clé sous le paillasson. Nous devons accomplir ce que l'économie attend de nous pour préserver ces emplois. Reporter l'entrée en vigueur à 2023 est donc un acte de responsabilité. Je vous remercie de faire bon accueil à cet amendement, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je soumets au vote la proposition d'amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 souligné, que je rappelle:

«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2023.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 30 non et 2 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12473 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 34 non et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Loi 12473