Séance du jeudi 1 octobre 2020 à 17h
2e législature - 3e année - 5e session - 23e séance

PL 12414-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une indemnité annuelle de fonctionnement à l'Hospice général pour les années 2019 à 2022
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

Le président. Place maintenant au PL 12414-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Alberto Velasco, je vous donne la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Lors des débats sur ce projet de loi, la pierre d'achoppement a été le nombre de postes demandés par l'Hospice général, qui a évalué ses besoins à 90 postes; dans les faits, seuls 55 lui ont été octroyés. Pour le reste, Mesdames et Messieurs, eu égard à ce qui se passe actuellement, à la situation extrêmement difficile que vit et continuera à vivre notre canton, nous pensons, du moins notre groupe, qu'il est nécessaire d'accepter ce texte accordant une subvention à l'Hospice général pour les quatre ans à venir. En commission, il y a eu quatre non du PLR et une abstention du PDC, les représentants de tous les autres groupes ont quant à eux voté oui. Merci beaucoup.

M. Jacques Béné (PLR). Très rapidement, j'aimerais expliquer pourquoi le PLR s'est opposé à cette indemnité annuelle de fonctionnement pour l'Hospice général. C'est tout simplement en raison d'une confusion des genres: on a tendance, dans ce parlement et surtout à la commission des finances, à mélanger ce qui peut être considéré comme de l'investissement avec ce qui peut être considéré comme du fonctionnement. En l'occurrence, il s'agissait de montrer notre désapprobation quant au fait qu'on essaie, avec les contrats de prestations, de reconstituer les fonds propres d'institutions qui nécessitent en fait des subventions de fonctionnement.

Il faut savoir qu'en règle générale, la commission des finances accepte les demandes de crédits complémentaires quand celles-ci sont étayées par le Conseil d'Etat avec des arguments qui font sens. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de millions qui sont votés chaque année à la commission des finances sans que le parlement se prononce. Il ne faudrait pas qu'on en vienne à des dérives comme dernièrement avec l'IMAD. En effet, par le biais d'un crédit supplémentaire, on a refinancé une partie des fonds propres que l'IMAD souhaitait obtenir à hauteur de 5 millions sans que cela fasse l'objet d'un projet de loi ! Voilà pourquoi le groupe PLR a refusé d'entrer en matière sur le présent texte.

Il serait cependant intéressant que le Conseil d'Etat nous indique où en est la réserve conjoncturelle de l'Hospice général. Ce projet de loi a été adopté par la commission des finances au mois de mars 2019, le rapport aurait dû être rendu fin avril 2019, mais M. Velasco a légèrement traîné, lui qui veut toujours que l'Etat soit exemplaire en matière de services publics; ce n'est pas en lambinant sur des projets de lois tels que celui-ci, qui accorde une indemnité annuelle à l'Hospice général pour les années 2019 à 2022, qu'on va garantir que les prestations seront bien fournies à la population. Ma question au Conseil d'Etat est donc la suivante: où en est cette réserve et comment sera-t-elle reconstituée dans les années à venir ? Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Le MCG votera ce projet de loi, parce qu'il faut octroyer les moyens nécessaires à l'Hospice général qui fait aujourd'hui face à une urgence sociale des plus inquiétantes. A ce propos, j'aimerais revenir sur une proposition de motion déposée par notre groupe et qui se trouve toujours en commission, malheureusement. Ce texte, que nous aurions dû voter sur le siège, vise à soutenir directement les chauffeurs de taxi et les forains.

Il se trouve que ces derniers temps - ces dernières semaines, même - j'ai rencontré plusieurs chauffeurs de taxi qui m'ont presque tous dit qu'ils allaient se tourner vers l'Hospice général. Alors c'est bien gentil d'avancer lentement, de prendre son temps, de ne pas s'occuper de certaines urgences sociales, de ne pas accorder les moyens suffisants aux chauffeurs de taxi, mais au final, qu'est-ce qui va se passer ? Au lieu de les aider directement, on va le faire au travers de l'aide sociale. C'est vraiment stupide: comment réaliser des économies qui coûtent cher !

Ce genre de politiques que l'on mène parfois au sein du Grand Conseil sont négatives, il faut avoir conscience du poids des décisions que l'on prend ici. Au mois de juin, hélas, on n'a pas eu conscience de l'importance de ce vote, le parlement s'est montré léger. Je déplore vraiment que cette proposition de motion qui venait de notre collègue Jean-Marie Voumard, qu'il a préparée et présentée, soit encore retenue en commission, qu'elle n'ait pas été acceptée sur le siège. Je pense qu'il faut agir de manière globale et intelligente, adopter ce texte de toute urgence, aller vite, arrêter de dépenser de l'argent avec l'aide sociale, déterminer s'il n'existe pas d'autres formes de financements plus efficaces pour permettre aux gens de rester dans la réalité économique.

Voilà ce que nous devons faire, il nous faut avoir une vision globale; malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Bon, ce n'était pas tout à fait en lien avec le contrat de prestations qui nous est soumis ici, mais je crois qu'il était important de le souligner et cela nous pousse d'autant plus à soutenir ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Revenons donc à l'objet qui nous intéresse ! Je passe la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Les arguments du PLR ne sont pas tout à fait corrects, car la réserve conjoncturelle de l'Hospice général arrivera justement à terme cette année ou les années suivantes. Et pour cause: c'est parce que le Conseil d'Etat et une majorité de ce Grand Conseil ont souhaité réaliser des économies de bouts de chandelle dans des périodes de relativement bonne conjoncture en n'accordant pas les subventions nécessaires au fonctionnement de l'Hospice, le contraignant ainsi à prélever dans sa réserve conjoncturelle jusqu'à l'épuisement de celle-ci.

Résultat, à l'heure de l'explosion des besoins de la population, à l'heure de l'explosion de la précarité, alors que les tâches de l'Hospice général augmentent du même coup, eh bien l'institution a perdu cette marge de manoeuvre qui lui aurait permis - qui lui permettait, en tout cas - de réagir avec un peu plus de souplesse à des contextes défavorables sur le front social. Nous le regrettons d'autant plus que cette réserve conjoncturelle arrive à terme précisément au moment où elle aurait été utile. Il s'agit en effet d'un fonds permettant de mettre en place des programmes de développement; c'est par exemple grâce à elle que l'Hospice général a financé des expérimentations dans le but d'offrir des possibilités de télétravail à ses collaboratrices et collaborateurs, ce qui s'est révélé bénéfique au plus fort de la crise sanitaire.

En réalité, Mesdames et Messieurs, le seul problème de ce contrat de prestations - Ensemble à Gauche le votera évidemment - c'est une fois de plus le manque de moyens. D'ailleurs, l'Hospice général a souligné lors des auditions que l'argent supplémentaire qui avait été apporté au fonctionnement lors du budget 2019 avait permis d'effectuer un meilleur suivi des cas et d'augmenter la réinsertion des personnes, c'est-à-dire de les sortir de l'aide sociale pour les réintégrer au sein de la société. On voit donc que certaines dépenses peuvent se traduire in fine par des économies, mais surtout qu'elles sont utiles pour venir en aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin.

En l'occurrence, depuis très longtemps, la subvention de l'Hospice général ne suit pas l'évolution des besoins de la population et le conduit très souvent à opérer un simple travail de gestion de la pauvreté sans pouvoir véritablement mettre en oeuvre un plan de lutte contre la précarité et de réinsertion des bénéficiaires. Néanmoins, nous voterons ce projet de loi qui, bien qu'insuffisant, est nécessaire. (Applaudissements.)

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien s'est abstenu lors du vote à la commission des finances. La raison principale de cette position n'est pas celle qui vient d'être évoquée par Ensemble à Gauche, c'est simplement qu'on doit se mettre au service des personnes qui ont besoin d'aide. Or on s'aperçoit dans nos communes, dans nos villages que bien souvent, les gens ne savent pas comment s'adresser à l'Hospice général, ils sont démunis. Faire appel à l'aide sociale constitue toujours un moment émotionnel, surtout pour des personnes qui ont généralement travaillé toute leur vie, qui arrivent à l'âge de la retraite et qui se retrouvent dans des situations financières difficiles.

C'est pourquoi nous aurions espéré une meilleure collaboration, notamment avec les communes qui, pour le parti démocrate-chrétien, représentent des maillons essentiels: elles jouent en effet le rôle de cordon ombilical entre le citoyen et l'Etat. Nous aurions souhaité que des portails de proximité soient mis en place de façon que ceux qui souhaitent s'informer ou se tourner vers ce type de soutien puissent le faire de manière beaucoup plus «soft», sans devoir venir dans une administration où il y a une sonnette, une réception, où on ne sait pas à qui on va avoir affaire. C'est à ce niveau-là, Mesdames et Messieurs, que le parti démocrate-chrétien a manifesté un petit mécontentement; en commission, nous avons clairement indiqué que nous aurions aimé des perspectives d'ouverture et de négociation avec les communes.

Cela étant, je relève la saine gestion du conseil d'administration de l'Hospice général, qui fait un excellent travail. Il est vrai que la problématique de la réserve conjoncturelle est repoussée année après année, mais c'est justement parce que les choses sont bien gérées. Le parti démocrate-chrétien acceptera ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Nous le savons, Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons face à une augmentation considérable des demandes d'aide sociale: +138% rien que pour le mois d'avril 2020. Quant au projet de budget 2021, 38 millions de francs supplémentaires sont prévus pour couvrir les besoins. Voilà une illustration extrêmement claire de la précarisation non pas croissante, mais galopante de la population genevoise à la sortie de la crise du covid. Le parti socialiste acceptera ce projet de loi qui est absolument nécessaire pour permettre à l'Hospice général d'affronter les défis qui se présenteront à lui ces prochains mois et ces prochaines années, même si les moyens accordés dans ce contrat de prestations seront très probablement insuffisants face à l'explosion de la pauvreté.

Maintenant, je ne peux que rejoindre mon collègue d'Ensemble à Gauche sur la question des réserves et des fonds propres soulevée par le député PLR, et j'irais même plus loin: à l'époque, lorsque la majorité de droite de ce Grand Conseil a décidé de ne pas compenser l'adoption des mécanismes salariaux par une hausse de l'indemnité aux entités subventionnées, eh bien c'était précisément dans le but de ponctionner les réserves de ces institutions. Aussi, il est un peu fort de café de la part du PLR d'invoquer aujourd'hui l'argument du manque de réserves de l'Hospice général pour justifier son refus du crédit de fonctionnement, ce alors que l'Hospice sera au front dans les mois et les années à venir afin de traiter les problèmes de précarité et d'inégalités croissantes dans notre canton. Le parti socialiste vous recommande d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à Mme Jocelyne Haller pour dix-neuf secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien entendu les réserves formulées par le parti démocrate-chrétien. A cet égard, je rappelle que la question de la répartition des compétences entre les communes et le canton n'est pas nouvelle et qu'elle ne se résoudra pas autour de l'Hospice général et de son crédit de fonctionnement. Il est particulièrement gênant de mettre cette institution en difficulté pour une problématique qui la dépasse largement. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous prie de bien vouloir adopter ce projet de loi. En ce qui concerne la question relative à la réserve de l'Hospice général posée par un député PLR, je suggère qu'elle soit abordée lors de l'examen du budget 2021 et des demandes de l'institution à cet égard. Pour le surplus, il paraît parfaitement logique d'accorder à l'Hospice général les moyens nécessaires pour soutenir nos résidents fragilisés, ce d'autant qu'une majorité - une large majorité ! - de votre Grand Conseil a accepté il y a peu un crédit supplémentaire de 15 millions pour venir en aide aux personnes précaires en situation irrégulière; les résidents de notre canton, eux aussi, doivent pouvoir obtenir assistance auprès de l'Hospice général. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter.

Mis aux voix, le projet de loi 12414 est adopté en premier débat par 59 oui contre 27 non et 1 abstention.

Le projet de loi 12414 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12414 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 25 non et 1 abstention.

Loi 12414