Séance du vendredi 28 août 2020 à 14h
2e législature - 3e année - 4e session - 21e séance

M 2565-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Youniss Mussa, Caroline Marti, Léna Strasser, Jocelyne Haller, Pierre Bayenet, Grégoire Carasso, Diego Esteban, Nicole Valiquer Grecuccio, Jean-Charles Rielle, Salima Moyard, Romain de Sainte Marie : Pour une augmentation des places d'accueil pour les personnes victimes de violence domestique
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la M 2565-B et je passe la parole à M. Youniss Mussa.

M. Youniss Mussa (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la réponse du Conseil d'Etat n'apporte pas de solution concrète concernant le caractère urgent du manque de places d'accueil pour les personnes victimes de violence domestique. Certes, le gouvernement exprime à juste titre le besoin de désengorger à moyen terme les foyers d'accueil d'urgence, car les victimes y restent parfois plus longtemps que prévu afin de se reconstruire et d'envisager leur vie de la façon la plus stable possible, loin de leur agresseur. Nous saluons de plus le fait que le Conseil d'Etat ait mandaté un groupe de travail interdépartemental pour étudier les recommandations de la commission consultative sur les violences domestiques. Néanmoins, nous avons vu durant la période de semi-confinement un nombre croissant de personnes victimes de violence domestique qui n'osaient pas partir de leur domicile ou se plaindre, ou qui quittaient le domicile conjugal sous les coups et menaces d'un conjoint agresseur. Les chiffres sont alarmants ! Dans sa réponse, le Conseil d'Etat n'aborde pas de plan d'urgence afin que plus aucune victime ne se voie refuser l'accès à une place en foyer d'accueil. Il y a pourtant urgence à agir pour que, dans un avenir le plus proche possible, plus aucune victime ne soit renvoyée chez elle aux côtés de son agresseur. A l'heure actuelle, je le rappelle, près de 30% des victimes ainsi que leurs enfants ne parviennent pas à trouver refuge dans une structure pouvant les accueillir. Entre 500 et 600 demandes d'hébergement sont refusées: 200 proviennent de personnes en situation d'extrême urgence et 80 à 100 cas concernent des personnes accompagnées de leurs enfants.

Le groupe socialiste souhaiterait que le Conseil d'Etat nous explique comment il entend répondre, aujourd'hui et non demain, au manque cruel de places d'accueil d'urgence. Trop de femmes dans notre pays finissent par mourir sous les coups d'un conjoint agresseur, alors que certaines d'entre elles avaient pourtant demandé de l'aide. C'est pour ces différentes raisons que nous proposons le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Je ne serai pas longue, mais j'aimerais rappeler ici la loi Spoerri, qui a enfin permis que ce soit l'agresseur qu'on sorte du domicile, pas la victime. A mon sens, le problème est donc mal posé, car je pense que ce sont les agresseurs, les délinquants ou les criminels qui doivent être mis dehors, voire détenus quelque part pour une certaine période, le temps qu'ils se calment ou qu'ils suivent une thérapie. Il existe des centres pour hommes violents; c'est le nombre de places dans ces centres qu'il faut dès lors augmenter !

Pour notre part, nous ne soutiendrons pas le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport, essentiellement parce que c'est celui qui a commis la faute que l'on doit punir en le faisant quitter son domicile, pas l'autre. Surtout pas les enfants ! Et cela même si des centres existent déjà, comme celui de l'Armée du Salut - je ne me souviens plus de son nom. Non, ce n'est pas ça qu'il faut faire ! Il faut calmer les messieurs que le trop-plein d'hormones pousse à être agressifs. Merci. (Brouhaha.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne pense pas que les choses soient aussi simples que ça. Lors des débats et des auditions, on a entendu qu'il fallait absolument augmenter le nombre de places parce qu'il y a une espèce de goulet d'étranglement et que l'on n'arrive pas à accueillir les personnes qui ont besoin d'aide. Ce constat - et la demande qui en résulte - a été dressé par les gens présents sur le terrain ainsi que par le Conseil d'Etat. Alors instituer des commissions et créer des groupes de travail, c'est bien, mais il y a une demande en matière de places d'accueil d'urgence, afin que l'on soit en mesure de protéger ces femmes qui - qu'on le veuille ou non - n'ont pas la possibilité de retourner chez elles et se retrouvent à la rue, car elles ne peuvent plus rester au contact de leur conjoint. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche soutiendra également le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport. A nos yeux, créer un groupe de travail n'est pas suffisant, puisqu'il existe un certain nombre d'évidences auxquelles il faudrait aujourd'hui déjà pouvoir apporter des réponses. Nous prendrons connaissance avec intérêt des résultats du groupe de travail mis en place, mais nous pensons néanmoins que plusieurs mesures transitoires doivent être prises dans les meilleurs délais, parce qu'il y a effectivement péril en la demeure.

Pour en revenir aux propos de Mme Magnin, j'aimerais quand même relever que la problématique se poserait aussi dans le cas où la loi s'appliquerait comme elle le devrait, à savoir que ce soit aux agresseurs de changer de lieu de vie, car il faudrait également des places pour abriter ces personnes. Le problème reste donc entier, et nous nous réjouissons de savoir quelles réponses le Conseil d'Etat entend apporter à ce sujet. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat, que je mets aux voix. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2565 est adopté par 47 oui contre 30 non et 1 abstention.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2565 est donc refusé.