Séance du jeudi 4 juin 2020 à 17h
2e législature - 3e année - 2e session - 6e séance

RD 1347
Hommage à Mme Anne Marie von ARX-VERNON, députée de 2001 à 2020, décédée

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons appris avec une très grande tristesse aujourd'hui le décès de Mme Anne Marie von Arx-Vernon dans sa 72e année.

Mme von Arx-Vernon a siégé sur les bancs du parti démocrate-chrétien pendant près de dix-neuf ans. Elue au Grand Conseil pour la première fois en 2001, elle a été réélue en 2005, en 2009, en 2013 puis en 2018. Elle a en outre tenu le rôle de cheffe de groupe de 2010 à 2011.

Durant ses mandats, elle a présidé pas moins de sept commissions: les finances, les droits politiques, les visiteurs officiels, l'économie, les affaires sociales, les pétitions ainsi que la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Très impliquée dans les questions liées aux violences sexistes et domestiques, à la protection des mineurs et aux conditions de détention des femmes, c'est avec éloquence et conviction qu'elle s'est exprimée en plénière sur ces sujets. Profondément humaniste, elle s'est particulièrement investie dans la défense des personnes victimes de traite des êtres humains.

Son engagement en faveur de ces différentes causes l'a amenée à déposer plusieurs textes. Elle a ainsi été à l'origine de la loi 11760 contre la traite des êtres humains, «un crime qui porte gravement atteinte à la dignité humaine», comme elle l'écrivait dans l'exposé des motifs. On lui doit en outre le dépôt de la motion 2266 visant à lutter contre la pratique des mariages forcés, adoptée à l'unanimité, ici dans cette assemblée, ainsi que de la motion 2591 pour une véritable prévention en milieu scolaire du fléau «loverboys», acceptée par notre parlement en mai dernier.

Elle avait également à coeur de défendre les familles, comme en témoignent deux de ses textes portant respectivement sur les allocations familiales et le congé paternité, eux aussi adoptés par le Grand Conseil.

Nous exprimons toute notre sympathie à sa famille et l'assurons de nos pensées en ce moment de douleur.

Chère Anne Marie, nous te garderons dans nos souvenirs avec affection.

Pour honorer la mémoire de Mme von Arx-Vernon, je vous prie d'observer, Mesdames et Messieurs les députés, un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)

J'appelle à la tribune Mmes Delphine Bachmann et Patricia Bidaux pour lui rendre hommage au nom du groupe démocrate-chrétien.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères amies, chers amis, il serait nécessaire d'avoir tout un livre et que ce livre soit orange pour vous parler d'elle, notre chère Anne Marie ! Le texte que j'ai trouvé ne provient certes pas d'un livre orange, mais il me parle si bien d'elle ! Il parle, en images, de son courage, de son acharnement à être auprès des plus pauvres et de sa générosité:

«Qui trouvera une femme de valeur ? Elle vaut bien plus que des perles. [...]

Elle pense à un champ, et elle l'achète. Avec le fruit de son travail, elle plante une vigne.

Avec la force en guise de ceinture, elle affermit ses bras.

Elle constate que ce qu'elle gagne est bon. Sa lampe ne s'éteint pas pendant la nuit:

[...] Elle ouvre ses bras au malheureux, elle tend la main au pauvre.

Elle ne redoute pas la neige pour sa famille, car chacun y est habillé de cramoisi.

Elle se fait des couvertures, elle a des habits en fin lin et en pourpre.

Son mari est reconnu aux portes de la ville, lorsqu'il siège avec les anciens du pays. [...]

La force et l'honneur, voilà ce qui l'habille. Elle rit en pensant à l'avenir.

Elle ouvre la bouche avec sagesse et un enseignement bienveillant est sur sa langue.

Elle veille à la bonne marche de sa maison, elle ne mange pas le pain de la paresse.

Ses enfants se lèvent et la disent heureuse, son mari aussi, et il chante ses louanges:

"Bien des femmes font preuve de valeur, mais toi, tu leur es à toutes supérieure." [...]

Donnez-lui du fruit de son travail et qu'aux portes de la ville ses oeuvres fassent son éloge !»

Mme Delphine Bachmann (PDC). Ce sont deux femmes PDC qui se trouvent à cette place aujourd'hui pour rendre hommage à Anne Marie von Arx-Vernon, mais c'est un groupe et une famille qu'elle laisse orphelins. Combien de celles et ceux qui étaient là avant et de celles et ceux qui sont là maintenant a-t-elle parrainés, entourés, aidés à grandir dans un monde politique souvent mouvementé, parfois cruel, et dans lequel les personnes comme elle sont des balises qui nous guident ? Tous les PDC de moins de 50 ans sont un peu ses enfants.

Militante engagée depuis tellement d'années que nous ne les comptons plus, au travers du PDC, du Coeur des Grottes, du COSUNAM et encore bien d'autres, sa personnalité était unique en son genre, et cela se reflétait d'ailleurs dans le style de son appartement, qui ressemblait à un musée - ceux qui l'ont visité ont pu s'en apercevoir. Elle aimait la mer, mais tomba amoureuse de la montagne. Elle aimait la ville, mais adorait le Cap Ferret, surtout l'été, entourée de sa tribu, comme elle surnommait affectueusement les siens, qu'elle aimait sans mesure. Elle adorait garder ses petits-enfants, jusqu'à partager récemment leur virus pieds-mains-bouche. Elle n'aura juste pas pu retourner à Venise fêter son anniversaire de mariage.

Anne Marie a eu une enfance parisienne, mais une vie résolument genevoise. Elle arpentait les «spaghetti partys», le canton, le pavé de la place du Molard, les communes, les stands, pour défendre haut et fort ce centre qu'elle aimait tant. Femme au caractère fort, enthousiaste, ne se laissant jamais abattre, son lumineux sourire aura éclairé bon nombre de discussions et de soirées animées. Il est probable qu'aujourd'hui c'est elle qui nous aurait le mieux remonté le moral. Rien ne lui faisait peur, à part peut-être le fait de ne pas en faire assez. Nous pouvons encore percevoir le tremblement de sa banquette, quand elle se levait, dans notre salle de l'Hôtel de Ville, dans ses tenues aux couleurs éclatantes pour défendre haut et fort l'égalité, la sécurité, la durabilité, les familles - quelle qu'en soit la composition - et plus particulièrement les plus faibles de notre société, avant de descendre au Café du Centre commander fruits de mer et pouilly-fuissé, pour mieux repartir au combat.

Dix-neuf années de députation, durant lesquelles elle aura été un modèle d'engagement politique. Féministe convaincue et d'une fidélité sans limites, Anne Marie n'a jamais rien lâché de ce qui lui tenait à coeur et, si un point d'achoppement apparaissait, elle faisait partie de ces gens avec qui on peut s'engueuler tout en faisant preuve d'un véritable respect mutuel. Ainsi, la confiance n'était jamais rompue. Elle fait partie de celles dont l'immense engagement pour la société et pour les autres nous marque, nous émeut et nous invite à notre tour à réfléchir au sens que nous donnons à notre mandat.

Nous pouvons imaginer depuis ici son sourire là-haut et sommes certains qu'elle a déjà commencé à faire régner l'égalité au paradis, entre deux verres de champagne qu'elle affectionne tant. Son courage et sa force l'ont poussée à nous annoncer en début de semaine qu'elle allait partir. Cela nous a collectivement touchés et nous a fait aussi réaliser que nous ne reverrions plus son sourire. Nous sommes abasourdis par le vide qu'elle laisse, et il n'y aura jamais suffisamment de mots pour dire à Anne Marie combien nous l'aimons, la respectons et combien elle va nous manquer.

Nous adressons aujourd'hui à Jean-Luc, son compagnon de route pendant quarante-cinq ans d'amour absolu, ainsi qu'à ses enfants, Chloé et Gaël, ses petits-enfants, sa famille et ses proches nos plus sincères condoléances et toutes nos pensées dans cette épreuve. Adieu, Anne Marie !

Ton clan PDC.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, vous pouvez vous asseoir. La parole est à M. le député Jean Romain.

M. Jean Romain (PLR). «Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement», écrit La Rochefoucauld. «Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.»

Anne Marie est décédée ce matin, mais Anne Marie, c'était la vie ! La vie en abondance, la vie qui rayonne d'elle, la vie qu'elle communiquait à ce qu'elle touchait, à ce qu'elle entreprenait, la vie qu'elle défendait pour les autres. On se rappelle ses combats pour les femmes, pour les détenues des prisons, pour celles qui n'ont pas été gâtées par la vie, justement. On se rappelle son combat pour faire obstacle à la traite des êtres humains. Tous ces combats qui lui tenaient à coeur, qu'elle nous faisait partager avec détermination et avec gentillesse, tous ces combats pour l'égalité des droits et des devoirs, Anne Marie les a menés tambour battant, à divers endroits, en une multitude de lieux, sous de nombreuses latitudes. Car dans tous les pays du monde, les êtres humains essaient de devenir humains de la même manière; sous les traits de celui-ci, sous les attributs de celle-là, c'est l'éternel visage de l'Homme qui surgit, et s'impose. Le regard d'Anne Marie, ce regard à la fois profond et perçant, lorsqu'elle le posait sur l'être humain, ce regard l'élevait, car elle y voyait autre chose qu'un objet: elle y voyait le visage de l'Homme qui s'impose à elle. Et par elle, qui s'impose à nous. C'était sa force vitale, à Anne Marie, qui scrutait les visages.

Anne Marie est décédée ce matin, mais Anne Marie, c'était la vie ! C'était le rire, l'humour, la capacité de plaisanter, de s'acoquiner avec l'importance de l'instant. Ces moments si précieux, car elle savait que tous ces instants sont comptés: tic-tac, tic-tac, il ne faut pas les dilapider. Elle les vivait donc intensément; elle les cueillait pour en faire des bouquets.

Le printemps, notre printemps, ce printemps, n'aura pas préservé notre parlement. Je pense évidemment à Rolin. Je pense ce soir à la famille d'Anne Marie, à Jean-Luc, à ses enfants, à ses petits-enfants aussi. Je vous le dis: l'ombre n'a pas gagné la partie, ni sur eux ni sur nous, car Anne Marie était ce soleil dont parle La Rochefoucauld, et je sais de science certaine qu'il ne s'est pas éteint ce matin.

M. Eric Leyvraz (UDC). Il y a des nouvelles qui font mal. Anne Marie, avec son resplendissant sourire, nous a quittés. Que de souvenirs partagés ! A la commission des finances, pendant plusieurs années. A Taipei, où malgré un programme très serré, elle avait réussi à nous faire participer à une séance d'une association de défense des femmes. Tout Anne Marie était là. Le voyage avec le Forum interparlementaire romand au Canada, où le matin, à 6h, elle faisait partie des quelques courageux dans la piscine. N'est-ce pas, Olivier Cerutti ? La richesse de notre parlement de milice, ce sont des gens de tous horizons, de différentes idées et formations, qui se rencontrent et qui se lient d'une sincère amitié. Oui, l'amitié est plus forte que les différences politiques, et avec Anne Marie nous nous sommes souvent taquinés à ce sujet.

Anne Marie, je te dis merci pour ce que tu as été, pour ton lumineux rayonnement ! Toutes nos pensées vont à ton cher époux Jean-Luc et à ta famille.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois encore ! Une fois encore, nous devons déplorer le décès d'un membre de ce parlement. Aujourd'hui, nous avons appris avec consternation et tristesse le décès de notre collègue Anne Marie von Arx, une députée chevronnée, une femme de passion, une femme de conviction. Mais Anne Marie von Arx était surtout une femme de terrain autant qu'une femme de dossiers. Elle l'a constamment démontré au cours de sa longue carrière parlementaire.

Elle s'est investie avec constance sur le terrain du social et de la défense des plus précaires des précaires. A diverses reprises, nous avons partagé des préoccupations, défendu ensemble des groupes de populations précaires, des laissés-pour-compte. A d'autres moments, nous nous sommes opposées sur certains dossiers, mais c'est aussi cela, la vie parlementaire. Cela n'enlève rien aux mérites d'Anne Marie. Cela rend simplement compte non seulement de la pluralité et de la richesse de sa personnalité, mais aussi des relations complexes qui se tissent entre parlementaires, au fil du traitement des dossiers.

Anne Marie a été d'évidence une femme fortement ancrée dans son parti, le PDC, et pourtant elle a été une femme qui savait tout autant s'engager pour des causes qui lui étaient chères et qui ne figuraient pas forcément à l'agenda de son parti. Qu'à Dieu ne plaise, en ces occurrences, Anne Marie n'écoutait que sa conviction, que son expérience de la détresse humaine. C'est ainsi qu'elle s'est investie avec force et opiniâtreté pour la cause des victimes de violence domestique, des victimes de la traite humaine, pour les sans-papiers, pour les femmes détenues, pour une certaine vision de la cause des femmes.

Mais son dernier fort engagement politique s'est révélé au travers de sa prise de position, sans ambiguïté, pour l'élargissement des droits de vote et d'éligibilité des étrangers, pour l'élargissement des droits populaires. Un point qui figure à l'ordre du jour de notre session, un projet de loi qu'elle avait cosigné, dont elle avait rédigé le rapport de commission et au travers duquel elle avait exprimé de fortes convictions. Je vais vous citer un passage qui caractérise la manière de faire de la politique d'Anne Marie von Arx: «[Elle] rappelle qu'il y a dix ans, lorsque "J'y vis, j'y vote" avait été lancé par les radicaux, les socialistes, les Verts et le PDC, certains appelaient à la même prudence. Dix ans après, les nationalismes brun clair ou foncé sont pires encore. Elle pense qu'il faut avoir le courage de lancer des projets qui choquent ceux qui appellent à la prudence, ce qui confine parfois à la lâcheté. Elle pense que les députés doivent proposer des modèles de référence et non pas suivre les foules hurlant après les étrangers.»

C'est cela que nous retiendrons d'elle. Anne Marie était cette personne-là. Elle n'est plus, mais son action et son souvenir demeurent, et pour nous c'est un point important. Nous profitons aussi de cet hommage pour adresser toute notre sympathie à sa famille et à ses proches.

M. Alberto Velasco (S). J'ai appris avec beaucoup de tristesse le décès d'Anne Marie. Je crois qu'elle et moi étions les plus anciens de ce parlement - ou presque.

Chère Anne Marie, nous nous sommes vus la dernière fois il y a quelques jours à la commission législative. Fidèle à toi-même, tu étais comme toujours souriante et combative. Oui, combative, parce que tu auras marqué ce parlement par ton insistance dans les combats que tu as menés, sans attendre un retour sur investissement dans des contextes électoraux. Parmi ces combats, je citerai celui en faveur des personnes sans papiers que tu as toujours défendues, la lutte contre la traite des êtres humains, entre autres des femmes dans le milieu de la prostitution, ainsi que le combat concernant les conditions de détention, notamment celles des femmes, pour qu'elles disposent dans la prison de Champ-Dollon d'un lieu où elles peuvent se préparer à manger. C'est un combat que tu as mené pendant des mois et des mois. Je te rassure et te le promets: ton voeu sera exaucé, ces femmes pourront disposer de cette cuisine. C'était Anne Marie, elle était comme ça: année après année, chaque fois que nous nous rendions à Champ-Dollon, elle remettait ça, et elle était toujours prête à défendre ces femmes détenues.

Tes nombreuses luttes ont été menées avec toute l'humanité et la spontanéité qu'on te connaissait. Tu avais une qualité rare en politique, celle de ne pas pratiquer la langue de bois. Tu parlais avec ton coeur, avec ton ventre. Les combats demandent de donner beaucoup de soi, et justement tu donnais beaucoup de toi ! Oui, Anne Marie, tu vas nous manquer et tu nous manques déjà. En ce qui me concerne, chers amis, je ne pourrai plus entendre, lors de mon arrivée aux séances de commission: «Bonjour, latin lover !» Et moi j'étais le seul qui te disais toujours: «Bonjour, ma chérie !» Ça, c'est vrai, ça me manquera.

Ma chère Anne Marie, il paraît que quand nous partons, nos particules se retrouvent tôt ou tard dans l'univers. Certains prétendent que c'est par la grâce de Dieu. Eh bien moi j'espère te rencontrer dans cet univers, par la grâce et pour ta grâce. Le groupe socialiste adresse toutes ses condoléances à la famille d'Anne Marie.

M. Pierre Eckert (Ve). Nous avons appris la nouvelle ce matin et, d'après les échos qui me sont parvenus, l'ensemble du groupe est choqué et reste sans voix. C'est pour cela que cet hommage sera bref.

J'ai eu personnellement l'avantage de connaître Anne Marie, bien que relativement peu, pendant mes deux années de députation dans ce parlement. Nous avons siégé ensemble dans deux commissions, dont celle des visiteurs officiels. Elle y a fait preuve d'une grande humanité - une qualité qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises - et a démontré son altruisme, notamment à l'égard des détenus avec lesquels on s'entretenait, surtout les détenues femmes, qui constituaient l'un de ses combats, comme vous le savez.

J'aimerais profiter de cet hommage pour transmettre à toute sa famille la sincère sympathie de l'ensemble du groupe des Verts. Nous transmettons également notre sympathie au groupe PDC et à l'ensemble du parti, dont nous savons qu'Anne Marie était l'une des figures marquantes.