Séance du jeudi 12 mars 2020 à 20h30
2e législature - 2e année - 11e session - 58e séance

M 2623
Proposition de motion de Mme et MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Virna Conti, Patrick Lussi, Eric Leyvraz, André Pfeffer, Patrick Hulliger, Thomas Bläsi : L'économie doit aussi être protégée contre les conséquences du coronavirus
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2623, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur du texte, M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà largement parlé de la situation actuelle plus tôt avec le projet de loi du Conseil d'Etat. Je ne reviendrai donc pas trop là-dessus. En revanche, cette motion invite simplement à prévoir la suite: ce qui va potentiellement - et ce qui est malheureusement en train de - se produire, à savoir les conséquences financières de cette crise, de cette pandémie, puisque nous ne sommes plus au stade de l'épidémie, mais bel et bien à celui d'une pandémie.

Nous demandons simplement au Conseil d'Etat de réévaluer le budget 2020, puisqu'on peut clairement imaginer aujourd'hui que le déficit pour le budget 2020 sera bien supérieur à ce qui est annoncé par les prévisions actuelles et qu'il devrait largement avoisiner les neuf zéros. Nous demandons donc qu'il soit réévalué et souhaitons pouvoir essayer de mesurer les conséquences de cela. Nous demandons également un gel des postes - non pas une suppression, il faut bien qu'on se comprenne: nous demandons simplement de geler les postes, de réévaluer éventuellement ce qui est urgent ou non comme engagements. Parce que là aussi, il y aura de toute façon des conséquences à prévoir. Nous souhaitons aussi que l'on puisse différer les investissements non urgents; tout ce qui peut être repoussé à moyen terme devrait l'être, au vu des circonstances évoquées. Nous demandons de plus à doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux entreprises particulièrement atteintes par le ralentissement économique qui se fait déjà ressentir aujourd'hui. Ce fonds pourra bien évidemment être géré par la FAE, je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point, au vu du projet de loi voté tout à l'heure. Nous souhaitons enfin une aide pour les organisateurs des manifestations sportives et culturelles, puisque ce sont aussi des milieux particulièrement touchés. Il y a potentiellement des personnes qui sont aujourd'hui déjà au chômage en raison de la situation et nous souhaitons que ce fonds d'aide soit aussi à l'intention de ces organisateurs et de tout le personnel touché par cette pandémie. Je vous remercie d'ores et déjà de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat pour qu'il puisse nous répondre le plus rapidement possible sur ces demandes.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, l'accueil de cette motion par le groupe socialiste sera glacial. Nous nous trouvons - nous l'avons déjà dit dans le cadre des débats ce soir - dans une situation de crise extrêmement importante qui évolue au fil des heures et des jours, et ce soir, les maîtres mots doivent être: solidarité, entraide et soutien.

Les conséquences aujourd'hui de cette crise du coronavirus sont dramatiques et incalculables. On l'a dit, cela concerne les milieux sportifs: les play-offs de hockey par exemple sont annulés, le championnat de football ne va certainement pas reprendre et ce sont des centaines et des centaines de clubs et associations sportives qui doivent mettre un terme à leurs championnats ou à leurs pratiques sportives. Même chose pour les milieux culturels: il y a de nombreuses annulations, qui touchent notamment le FIFDH - annulation physique je dirais, puisqu'il y a une version 2.0 - ou le festival Voix de Fête, un nombre incalculable de concerts annulés, les théâtres qui doivent fermer, etc. Les conséquences sont dramatiques y compris pour l'économie, pour les PME, dans les secteurs entre autres de l'hôtellerie, de la restauration, du catering, de l'événementiel, et maintenant de la vie nocturne, avec les discothèques qui ferment, peut-être bientôt les bars et les restaurants, nos PME, nos indépendants, on peut aussi parler des taxis, des VTC, etc. On a cité un nombre vraiment important de conséquences pour différents secteurs.

Quelle est la solution proposée par cette motion de l'UDC ? Il y en a deux: la nécessité de maîtriser les dépenses publiques et le gel des postes dans l'administration. Alors est-ce que vraiment vous pensez, Monsieur le président, que ces deux solutions vont aider à résoudre le problème dont j'ai parlé à l'instant ? Bien entendu que non: nous sommes absolument opposés à l'idée de réévaluer le budget 2020 par rapport à cette crise. Au contraire, l'Etat doit définir - et c'est notamment ce que propose le projet de loi - un fonds de soutien pour l'économie ainsi que pour les organisateurs de manifestations sportives, culturelles et d'autres manifestations, et l'Etat doit même disposer de ressources supplémentaires, y compris en postes: on pense aux services du médecin cantonal ainsi qu'à tous les soins - à domicile, aux HUG, etc. Des engagements doivent avoir lieu pour faire face aujourd'hui à cette situation de crise et ce n'est bien entendu pas en réévaluant le budget à la baisse et en gelant les postes qu'on arrivera à trouver des solutions. Je l'ai dit, les maîtres mots sont: entraide, solidarité et nécessité que l'Etat puisse vraiment s'engager à fond pour soutenir nos concitoyens et nos entreprises. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est d'un cynisme effroyable ! On sait qu'en réalité, les mesures sanitaires de prévention servent aussi à échelonner dans le temps les infections par le coronavirus afin d'éviter un pic soudain. De fait, il y a une crainte réelle, des inquiétudes, sur les capacités des infrastructures de la santé à faire face à la pandémie. A ce titre-là, naturellement, les années successives de compression budgétaire et d'austérité pourraient coûter très cher à la santé publique et à la population. Nous dénonçons - et les syndicats aussi - depuis des années des sous-effectifs importants, notamment au sein des HUG, et la droite et le Conseil d'Etat font la sourde oreille, au point qu'on pourrait se demander d'ailleurs s'il ne serait pas opportun d'obliger le PLR, l'UDC ou le PDC à écrire, comme sur les paquets de cigarettes, sur leurs affiches: «Attention, Mesdames et Messieurs, la droite nuit gravement à la santé !» (Commentaires.) Et c'est ça qui risque de se passer très prochainement en raison des politiques d'économies budgétaires ! (Brouhaha.)

Aujourd'hui, cette motion, au contraire, se sert du prétexte du coronavirus pour geler encore la capacité d'action de l'Etat, pour geler l'ensemble des embauches, alors qu'évidemment, il faudrait au contraire que l'Etat puisse avoir une action forte pour répondre à l'ampleur de la crise, et cela passe nécessairement et très probablement par un accroissement des budgets, en particulier ceux du domaine de la santé et ceux du domaine du social. Cela doit très probablement, bien sûr, passer par des prélèvements extraordinaires sur les personnes qui ont les moyens de les payer. Il serait peut-être opportun de réfléchir à un impôt extraordinaire sur les grosses fortunes. Aucun de ces sujets n'est abordé dans cette motion qui ne parle même pas de la santé publique ! Il s'agit d'un prétexte pour sabrer encore plus dans l'Etat, pour sabrer dans les embauches et aller encore plus loin que le jeu de massacre mené par l'UDC et le reste de la droite lors du vote sur le budget !

Evidemment, vous l'aurez compris, Ensemble à Gauche s'opposera très fermement à cette motion qui est insupportable et qui, de fait, ne s'intéresse pas une seule seconde à la santé de la population, mais se sert d'un prétexte pour défendre les intérêts d'une poignée de privilégiés contre ceux de la majorité de la population. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Merci à l'UDC pour cette proposition qui surfe sur la vague du virus. Je pense toutefois qu'on ne doit pas surfer sur la vague du virus pour proposer tout et n'importe quoi. (Commentaires.) On a entendu hier la conférence de presse du Conseil d'Etat, qui a pris un certain nombre de mesures globales et bien plus réfléchies que celles proposées par cette motion écrite sur un coin de table, qui n'amène rien - ou pas grand-chose - qui en somme cherche à faire passer un certain nombre d'idées qu'on essayait de faire passer depuis longtemps, comme le gel du nombre de postes, et qui tente d'utiliser le prétexte du virus pour insister encore sur ces mesures.

Je commenterai rapidement ces quelques invites qui nous sont proposées. «Réévaluer le budget»: je ne vois pas comment on peut réévaluer le budget en cours d'année. Le Conseil d'Etat dispose d'une certaine marge de manoeuvre sur le budget, et vous serez d'accord ou non avec ce qui a été dépensé par le Conseil d'Etat quand vous examinerez les comptes 2020 dans le courant de l'année 2021. Laissons cette marge de manoeuvre au Conseil d'Etat qui l'a pour l'instant ! Dans ce sens-là, je ne vois pas comment on peut réévaluer un budget.

Ensuite, «geler le nombre de postes au sein de l'administration cantonale»: c'est totalement ridicule, cela a déjà été dit. De toute façon, vous avez déjà, Mesdames et Messieurs de la droite, gelé les postes: ce n'est pas la peine d'en rajouter ! Pour ce qui est de «différer les investissements», c'est probablement ce qu'il ne faut surtout pas faire dans cette période ! Il faut peut-être justement ajouter des investissements. Je ne vois pas du tout ce que cela peut apporter au budget de fonctionnement 2020. Vous savez bien que les investissements qui sont votés cette année émargeront probablement dans les comptes des années suivantes en matière d'amortissements. Ça ne sert donc juste à rien du tout ! Les deux premières invites sont donc inutiles et nous y sommes fortement opposés.

S'agissant des deux autres invites, elles ne servent à rien. Créer un fonds pour les entreprises: on en a parlé, on l'a voté tout à l'heure. C'est donc inutile de le rajouter. Enfin, concernant les manifestations, créer un fonds, c'est très bien, pourquoi pas, mais je préfère utiliser la résolution qui nous est proposée par le groupe socialiste et que nous voterons peut-être tout à l'heure, dont la vision est nettement plus globale s'agissant du soutien aux manifestations et aux intermittents du spectacle. En ce sens, je vous recommande vivement de refuser cette motion.

M. Serge Hiltpold (PLR). Les amendements présentés par le groupe socialiste sont frappés au coin du bon sens. (Commentaires.) Le PLR ne souhaite pas rouvrir le débat budgétaire. En revanche, s'agissant des invites qui demandent de «doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux entreprises particulièrement atteintes par le ralentissement économique résultant de la pandémie», c'est le projet de loi qu'on a voté tout à l'heure. Et puis, pour ce qui est de «doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux organisateurs de manifestations sportives et culturelles atteints par les mesures extraordinaires résultant de la loi fédérale sur les épidémies», c'est un peu le débat qu'on a tenu où on soulignait l'importance de ne pas opposer les différents secteurs. Le PLR pourra très bien vivre avec ces invites et vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin d'avoir une vision un peu plus large de cette problématique. Merci.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera l'amendement, et, si l'amendement est accepté, votera la motion. Dans le cas contraire, il ne votera pas la motion. Je rappelle simplement qu'il faut, à partir de maintenant, travailler main dans la main avec le gouvernement et lui laisser la latitude de décider ce qu'il a besoin de décider. C'est lui qui travaille dans l'urgence, c'est lui qui doit mener ce qui doit être fait. Le parlement doit être derrière lui pour le soutenir. Il n'y a pas de raison que l'on fasse maintenant de la politique politicienne. Nous devons être tous ensemble. Les décisions que nous avons prises tout à l'heure allaient dans l'optique du gouvernement et allaient compléter la décision prise par M. Maudet et le gouvernement genevois. Pour nous, il s'agit donc de faire attention: ne faisons pas trop de propositions et discutons avec le gouvernement ! Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Bon. (L'orateur rit.)

Une voix. Bon ! (Commentaires.)

M. Stéphane Florey. Personnellement, je m'abstiendrai sur l'amendement, chose que vous comprendrez, mais le groupe UDC, dépositaire de la motion, pourra bien évidemment vivre avec. Si vous voulez supprimer ces deux invites, eh bien, faites-le, mais renvoyez au moins la motion au Conseil d'Etat pour qu'il puisse répondre à ce qu'il en restera ! Je vous remercie.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer en premier lieu sur l'amendement de M. Thomas Wenger, qui consiste à supprimer les deux premières invites.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote se fera donc à l'appel nominal.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 90 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je mets maintenant aux voix la motion ainsi amendée.

Mise aux voix, la motion 2623 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 89 oui et 4 abstentions.

Motion 2623