Séance du
vendredi 28 février 2020 à
18h10
2e
législature -
2e
année -
10e
session -
56e
séance
M 2402
Débat
Le président. L'objet suivant nous revient de la commission de l'économie, avec un délai de traitement dépassé. Nous le traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne le micro à M. le député Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le délai est effectivement dépassé, mais je pense qu'il est quand même important de rappeler ici que la formation duale - l'apprentissage, dit clairement - a toute son importance dans le dispositif éducatif, dispositif demandant des symétries entre le privé et le public. Un véritable état des lieux est nécessaire afin de comprendre et les difficultés de former et les difficultés des apprenants. On sait que les gens qui sortent aujourd'hui de nos cycles d'orientation ne sont pas toujours suffisamment aiguisés pour entrer dans la vie professionnelle. Or, cette vie professionnelle, tellement importante, demande beaucoup d'interactions.
Le but de cette proposition de motion n'est pas de dire que l'Etat ne fait pas ce qu'il doit faire; son but est de dire qu'on doit discuter ensemble, que le monde politique doit s'emparer de cette formation duale. C'est pour cette raison qu'avec les différents auteurs qui se sont engagés derrière ce texte, nous vous invitons à le renvoyer à la commission de l'économie en demandant à celle-ci de le traiter, cette fois. La commission doit se rappeler que l'apprentissage est quelque chose qui a toute son importance. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion est intitulée «pour que l'Etat employeur augmente sensiblement son effort en faveur de l'apprentissage». Cela résonne harmonieusement avec le PL 11274 du groupe des Verts refusé hier soir par une majorité qui comprenait d'ailleurs les auteurs de cette proposition de motion. Ce texte a été refusé hier sous des prétextes divers: l'Etat en faisait suffisamment ou l'Etat ne devait pas se mêler de soutien à l'apprentissage.
Cette proposition de motion invite maintenant l'Etat en particulier à engager davantage d'apprentis alors que celui-ci est déjà le plus grand pourvoyeur de places d'apprentissage du canton ! Il est donc un peu «croquignolesque» de nous proposer que l'Etat crée plus de places d'apprentissage encore. Nous, nous attendons un plus grand effort des 90% d'entreprises qui n'en créent aucune ! Voilà la véritable anomalie genevoise, que nous avons décrite hier.
Mais nous ne refusons jamais d'étudier les idées des autres - même brièvement - et la discussion sur ce texte permettra aussi de contrer les idées fausses émises en commission. Peut-être permettra-t-elle aussi de faire émerger des propositions communes pour aider les entreprises - et pas l'Etat - à créer plus de places d'apprentissage. Nous soutiendrons donc le renvoi à la commission de l'économie dont le président, j'en suis convaincu, sera certainement soucieux de mettre rapidement cette motion à l'ordre du jour !
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, j'aimerais corriger les propos de notre collègue M. Lefort. Le texte d'hier était plutôt lié au contexte et aux conditions favorables nécessaires à l'employeur ainsi qu'aux apprentis. En rejetant ce texte, notre intention était de refuser le moyen proposé qui était simplement un subventionnement. Encore une fois, pour qu'un employeur puisse engager un apprenti, il faut éviter une surcharge de contraintes et une surcharge administrative. Autrement, l'employeur ne prendra pas d'apprenti, même s'il y a un subventionnement et même si on en double le montant. De même, il est absolument nécessaire qu'un apprenti bénéficie d'un environnement correct afin qu'il puisse acquérir des connaissances et apprendre son métier dans des conditions normales.
A notre avis, le projet de loi d'hier favorisait surtout une politique d'occupation des jeunes via un subventionnement. Là, nous parlons d'une proposition de motion qui inciterait l'Etat à augmenter le nombre d'apprentis au sein de ses services. Notre groupe soutiendra cette proposition de motion et nous sommes aussi favorables à ce qu'elle retourne en commission pour qu'elle y soit discutée et étudiée.
M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, je rejoins en partie les propos de mon excellent collègue François Lefort. Il y a un certain paradoxe dans cette motion. Vous me permettrez de parler en tant qu'employeur: l'ADN de la formation duale, c'est l'entreprise privée et c'est l'employeur. A titre tout à fait personnel, je ne suis pas très favorable à l'esprit d'entreprise donné au sein de l'Etat. Je pense donc qu'il faut vraiment traiter cette motion en commission; il y a effectivement des formations duales que l'on peut avoir au sein de l'Etat ou des régies publiques autonomes, par exemple aux SIG pour des formations particulières d'électricien, de plombier ou d'installateur sanitaire. Une réflexion doit être menée, mais je ne suis pas très favorable à ce que les entreprises se défaussent sur l'Etat d'une certaine responsabilité de formation qui leur incombe véritablement.
Il faut obtenir une vision objective en commission et mener quelques auditions pour voir dans quels secteurs on peut trouver des pistes ou des formations adéquates. Je vous demanderai de suivre les précédents commissaires et de renvoyer ce texte à la commission de l'économie.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député François Lefort pour une minute treize.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mon estimé collègue Hiltpold a justement fait la réponse que je destinais à M. Pfeffer ! L'important est de trouver la solution permettant la création de plus de places d'apprentissage dans le privé sans se reposer sur l'Etat pour créer ces places. Parce que, dans notre système, l'apprentissage doit justement être accompli dans les entreprises !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra le renvoi de cette proposition de motion en commission parce qu'elle nous semble particulièrement importante. J'aimerais juste insister sur les propos qui viennent d'être tenus à la fois par M. Hiltpold et par M. Lefort demandant que l'on ne s'appuie pas sur l'Etat et que les places d'apprentissage se développent dans le privé. Certes, on peut les développer dans le privé, mais j'aimerais quand même rappeler que l'Etat est le plus grand employeur de ce canton, et il serait particulièrement dommageable qu'il ne donne pas un signal clair en la matière, à plus forte raison s'il en a les moyens.
J'aimerais encore relever que nous nous sommes penchés à plusieurs reprises sur une proposition de motion de commission, la M 2332 «pour une étude détaillée du chômage à Genève». Celle-ci invitait à réaliser une étude du profil des personnes en recherche d'emploi, par secteur et par formation, ainsi qu'à établir les besoins des employeurs, par activité et par branche. Une partie de cette invite est reprise dans la présente proposition de motion. Il est important que nous nous penchions sur cette question et que nous ayons enfin des informations, puisque la M 2332 a connu un triste sort en revenant à plusieurs reprises dans cette enceinte sans permettre de trouver de réponses. Il est temps aujourd'hui que nous puissions obtenir des informations précises à ce propos !
Le président. Merci. Je passe la parole à M. André Pfeffer pour cinquante secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je partage cet avis, les apprentis devraient prioritairement être formés dans le privé, mais il faut quand même rappeler la réalité de Genève: il y a 65 000 fonctionnaires et la société privée à Genève qui a le plus de collaborateurs, c'est la Migros, avec 2500 employés ou collaborateurs. Donc, évidemment, l'Etat doit aussi faire un effort - et un grand effort - pour former des apprentis, à moins qu'on parte de l'idée que ceux-ci ne puissent pas apprendre à travailler au sein de l'Etat !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens très brièvement car nous aurons l'occasion de préciser certains points à la commission de l'économie, mais «procéder à un inventaire complet des métiers et fonctions offrant des places d'apprentissage et de stages dans le petit Etat», c'est fait ! Les «efforts pour engager davantage d'apprentis» à l'Etat, c'est fait ! On s'était fixé en 2015 un minimum de 4% d'apprentis à l'Etat: cet objectif a été atteint en 2017 et, figurez-vous, quel département est le meilleur élève sur cet objectif ?
Une voix. Le DIP !
Mme Anne Emery-Torracinta. Le DIP, exactement ! Avec pratiquement plus de la moitié des apprentis de l'Etat ! Pour ce qui est de «donner plus particulièrement une chance aux jeunes sortant directement de l'enseignement obligatoire», alors là, Mesdames et Messieurs les députés, il faut nous voter les postes qui vont avec ! Vous avez refusé à la commission des finances les postes demandés pour Go-Apprentissage, dispositif qui permet aux jeunes du cycle d'orientation d'entrer directement en apprentissage grâce aux conseillers en orientation de l'OFPC qui interviennent dans les cycles. Vous nous avez refusé des postes dont un à l'OFPC - 0,7 poste - dont la mission aurait été de chercher des places dans le privé. (Applaudissements.) «Présenter régulièrement, dès 2018, dans le cadre du traitement des comptes annuels, le bilan des efforts»: pourquoi pas, mais, j'insiste, si nous n'avons pas réduit le nombre de contrats d'apprentissage signés ces dernières années, c'est uniquement grâce à l'effort de l'Etat - du petit et du grand Etat - notamment grâce aux efforts des HUG, tout à fait exemplaires dans ce domaine aujourd'hui. Donc, oui à l'augmentation des places d'apprentissage, mais d'abord dans les entreprises privées ! Je parlais tout à l'heure des cliniques privées; eh bien, que celles-ci forment aussi des apprentis, et là, on répondra vraiment aux besoins du monde professionnel ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Nous passons au vote sur le renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2402 à la commission de l'économie est adopté par 86 oui (unanimité des votants).
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).