Séance du vendredi 28 février 2020 à 18h10
2e législature - 2e année - 10e session - 56e séance

M 2390-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Nathalie Fontanet, Pierre Conne, Jean Romain, Murat Julian Alder, Céline Zuber-Roy, Jacques Béné, Bénédicte Montant, Nathalie Schneuwly, Raymond Wicky, Philippe Morel, Gabriel Barrillier, Nathalie Hardyn : Pour un personnel soignant formé à Genève !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
Rapport de majorité de M. Alexis Barbey (PLR)
Rapport de minorité de M. Olivier Baud (EAG)

Débat

Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président

Le président. Notre objet suivant est classé en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. le député Alexis Barbey.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On oblige ici le Grand Conseil à un exercice de mémoire: ce projet date d'une époque qui paraît maintenant lointaine, mais cette proposition de motion n'en est pas moins encore tout à fait d'actualité puisque la problématique abordée n'a pas été résolue.

Les motionnaires se basent sur les statistiques de formation: 67% du personnel infirmier des HUG provient de France alors que Genève manque de places de formation. C'est ce manque de places qui limite la formation du personnel par la HEdS - la Haute école de santé - et non pas l'absence de besoins des HUG ou un manque de vocations des étudiants. Ce texte cherche à s'attaquer à ce facteur limitant en demandant que de nouveaux locaux soient mis à disposition de la HEdS chargée de la formation du personnel de santé en général et des infirmiers et infirmières en particulier. De nouveaux locaux doivent être attribués pour assurer ces formations, et ce n'est pas un problème simple à résoudre, parce qu'on ne peut pas mettre à disposition une salle de classe normale: il faut des possibilités étendues, pour des travaux pratiques et autres. Néanmoins, ça vaut la peine de se pencher sur la question et de dépasser le nombre de 160 places actuellement disponibles pour atteindre 200-250, voire 300 places de formation, ce qui représente la réalité des besoins infirmiers des établissements du canton. C'est pourquoi je vous invite à accepter cette motion.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité a dû faire un effort de mémoire parce que cette proposition de motion date effectivement: elle est même caduque. Elle l'était en quelque sorte déjà en arrivant en commission, parce que le temps qu'elle arrive, la motivation première des signataires avait été dépassée. La pénurie du personnel soignant à Genève est un problème que personne ne nie; elle est justement relevée dans le premier considérant, mais ensuite, on n'en parle pas dans les cinq invites et la difficulté à recruter du personnel soignant n'est plus du tout mentionnée. Ce thème semble même avoir été évacué, comme si le problème résidait ailleurs.

Or, le problème qui occupait les signataires se retrouve dans le titre: «Pour un personnel soignant formé à Genève !». Pourquoi cette proposition de motion ? En fait, pour s'opposer à la création d'un institut de formation en soins infirmiers prévu à Gaillard-Ambilly, c'est-à-dire en France voisine, mais qui a été abandonné ! Selon le département, c'était même un projet mort-né; il n'en était même plus question et ce texte aurait objectivement dû être retiré puisque l'objet n'était plus du tout d'actualité. Ça fait plus de deux ans que le rapport de minorité a été déposé. Effectivement, peut-être que toutes les réponses en matière de formation du personnel soignant ne sont pas résolues et ne seront pas forcément résolues demain. La Haute école de santé doit pouvoir former plus de personnes, on est tous d'accord, mais cette proposition de motion là - qui n'a pas été amendée pour finir - n'est pas la réponse. Mesdames et Messieurs les députés, il est donc plus raisonnable de la refuser, quitte à faire une autre proposition ou à étudier vraiment le problème.

M. Patrick Saudan (PLR). Monsieur le président, vous transmettrez à notre estimé rapporteur de minorité qu'il a malheureusement tout faux ! Il a tout faux, parce que - et je vais mettre du baume au coeur à nous autres, députés de milice - il se peut que nos travaux en commission sur des propositions de motions aient un effet direct sur la vie de nos concitoyens !

Je ne peux pas le prouver, mais ces travaux ont fini en décembre 2017 et si vous reprenez les invites de cette motion, la troisième demandait d'étudier si des locaux vides aux HUG pouvaient être donnés provisoirement à la HEdS à cause du manque de salles de formation. Comme vous le savez, le BDL2 existe depuis 2014 et, après le transfert des patients du BDL1 au BDL2, plusieurs étages du BDL1 étaient inoccupés. Or, quelle n'a pas été ma surprise, dès janvier 2018, de voir que la demi-aile du sixième étage de l'aile Jura du BDL1 a été attribuée à la HEdS, avec des salles de formation encore utilisées à l'heure actuelle. Je ne vais pas nous attribuer ce crédit, mais les auditions menées durant les travaux en commission ont montré que la communication entre le DIP et le département de la santé n'était pas optimale et que ces deux départements se renvoyaient la balle. Je dois néanmoins rendre un grand hommage au DIP parce qu'un groupe de travail a été constitué depuis 2012 et s'est attaqué à cette problématique plus complexe qu'un simple problème de locaux de formation. Je pense donc que nous avons eu une petite influence qui a permis de libérer des locaux qui ont permis de mieux former nos étudiants infirmiers.

Cette proposition de motion - sa première invite - est toujours d'actualité, vous transmettrez au rapporteur de minorité: nous avons une pénurie de soignants, même si cela est en voie d'amélioration, puisque actuellement, deux tiers des jeunes infirmiers proviennent de nos instituts de formation et qu'on n'a plus besoin de les recruter dans d'autres pays. Néanmoins, cette problématique est toujours prégnante et je pense qu'un immense travail a été fait - par l'Etat de Genève d'une manière générale et par nos départements en particulier - pour essayer de régler cette situation. Un rapport circonstancié permettrait aussi de traiter les autres causes de cette pénurie de soignants, notamment la durée de vie professionnelle limitée des soignants - à peu près onze ans - ainsi que de revoir la répartition des tâches de soins entre les infirmières et les assistantes en soins et santé communautaire, ou les assistants, parce qu'il y en a aussi. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, à Genève, la pénurie de personnel soignant est un problème que nous devons empoigner et que nous devons régler: oui, il est nécessaire de former plus de personnel soignant ! Ça n'arrive pas tous les jours, mais le Conseil d'Etat a en l'occurrence travaillé plus vite que ce Grand Conseil puisque le rapport sur cette motion a été déposé il y a plus de deux ans. Le Conseil d'Etat a entre-temps pris un certain nombre de mesures et engagé des efforts conséquents pour augmenter le nombre de soignants formés à Genève afin de répondre à la pénurie que nous connaissons aujourd'hui. Je rejoins le rapporteur de minorité sur ce point, ce texte semble dépassé dans ses invites, même si la problématique qu'il soulève reste extrêmement importante et d'actualité.

Il y a aussi un certain nombre d'incohérences ou de la naïveté quand on nous explique qu'on va pouvoir régler le problème des locaux pour la formation, notamment en soins infirmiers, par la mise à disposition de locaux commerciaux vides: ça semble assez peu crédible. Avec les coûts que devrait engager l'Etat pour aménager ces locaux, cela paraît tout à fait impossible ! On a reconnu l'importance de la problématique et on a déjà engagé des moyens pour apporter une réponse. Or, les réponses apportées dans le cadre de cette motion semblent assez peu à même de régler véritablement le problème: le parti socialiste, après une pesée d'intérêts, s'abstiendra sur cette proposition de motion.

M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, le besoin et l'urgence des deux premières invites font l'unanimité; la nécessité d'augmenter le pourcentage du personnel de santé formé à Genève est flagrante. Actuellement, 67% du personnel infirmier des HUG provient de France. Malgré cela, 60 à 80 jeunes sont refusés chaque année à la Haute école de santé. Ces refus sont essentiellement dus au manque de places et de locaux, comme on l'a déjà relevé.

Certes, des efforts ont été faits ces dernières années. Les places de formation à la Haute école de santé ont progressé depuis 2012, de 80 à 60 places, mais le nombre d'étudiantes et d'étudiants formés reste insuffisant. Les HUG ont besoin de 200 à 300 infirmières ou infirmiers chaque année. Ce besoin n'est pas seulement dû à un manque de relève, mais aussi à des carrières étonnamment courtes dans cette profession: on nous a dit qu'elles duraient sept ans. En trouvant quelques mètres carrés, notre problème de relève serait réglé et il est tout à fait légitime de demander à notre Conseil d'Etat de faire ce tout petit effort. Pour cette raison, le groupe UDC soutiendra cette proposition de motion.

M. François Baertschi (MCG). Depuis des années, le MCG se bat pour que le nombre disproportionné de frontaliers se réduise ou n'augmente pas de manière inconséquente et nous nous sommes mobilisés depuis de très nombreuses années, notamment pour qu'un effort conséquent soit fait aussi dans le secteur de la formation. Cet effort a été accompli en partie, il faut le reconnaître. Malheureusement, ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant pour quelle raison ? Parce que la demande en personnel formé dans ces secteurs est très importante, que les structures existantes doivent être agrandies, et cela de manière considérable. Elles ne l'ont pas été suffisamment parce que c'est un travail de longue haleine, parce qu'on a fait un ensemble de choix au début des années 2000 qui étaient des choix négatifs: le défi posé par le développement des professions de la santé est là, nous avons un bassin de population qui ne peut pas s'adapter immédiatement aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous devons malgré tout donner à ces enjeux l'importance qu'ils méritent et nous avons un moyen de leur donner une réponse, c'est de voter cette motion, parce qu'il faut impérativement qu'elle soit votée.

Il n'y a pas que ça, il y a tout un travail que nous devons continuer en commission. Nous le ferons et le MCG sera toujours là pour défendre les résidents genevois, pour défendre les habitants de notre canton, parce que c'est important. Très souvent, dans ce parlement, on a entendu beaucoup de gens qui plaisantaient sur ce sujet alors que c'est un sujet de première importance qu'il faut prendre au sérieux. Le MCG le prend au sérieux, avec cette proposition de motion, et continuera à le prendre au sérieux avec les travaux en commission, de manière permanente et continue, parce que c'est véritablement l'enjeu pour le canton de Genève.

Mme Delphine Bachmann (PDC). En premier, Monsieur le président, vous transmettrez à M. Baertschi que la formation d'infirmier ou d'infirmière intéresse malheureusement peu ou pas les étudiants suisses ! C'est malheureux, mais c'est un fait ! Nous avons quand même un certain nombre de frontaliers qui viennent suivre cette formation dans nos écoles genevoises. En bref, mieux vaut qu'ils soient formés chez nous qu'ailleurs ! J'en ai encore croisé sur le terrain, mais je serai ravie si vous nous trouvez 250 étudiants infirmiers suisses que cette formation intéresse. Je m'en réjouirais, Madame la conseillère d'Etat !

Pour revenir à cette proposition de motion, celle-ci pose la question de la relève chez le personnel soignant et cela concerne à la fois la formation et l'adéquation sur le terrain soignant ensuite. Ce problème se situe au croisement de plusieurs départements, ce qui rend probablement le développement des solutions plus complexe.

Il faut rappeler qu'il y avait deux problèmes. Il n'y avait pas seulement celui des locaux sur lequel il est vrai qu'un travail a été accompli: on a trouvé des salles permettant d'accueillir beaucoup plus d'étudiants. Il y a aussi le problème des places de stage: figurez-vous que la profession d'infirmière s'apprend aussi sur le terrain, c'est essentiel ! Malheureusement, on manquait de places de stage, et ce n'est toujours pas réglé aujourd'hui.

Pourquoi est-il important de former à Genève ? Je rappelle que pour bien exercer cette profession, il faut maîtriser le système dans lequel on travaille et connaître le réseau de soins. Aujourd'hui, vous avez du personnel qui ne connaît pas la différence entre la LAMal et la LCA ou qui ne sait pas ce que sont l'IMAD ou Sitex pour les soins à domicile: c'est un véritable problème dans la prise en charge des patients genevois ! Donc oui, c'est important et il y a un vrai défi à relever, parce que cela permettra de mieux soigner les gens dans notre canton.

Si des locaux ont été trouvés, d'autres problèmes subsistent. Mon collègue M. Saudan les a relevés, ainsi que d'autres ici: la durée de vie professionnelle est extrêmement brève. C'est probablement dû à un mélange entre des conditions de travail relativement pénibles et des horaires difficilement compatibles avec une vie familiale. Vraisemblablement, il y a aussi un problème dans le choix des services, car aujourd'hui, on approche des deux cents infirmiers formés annuellement, comme cela était exigé dans la planification sanitaire qui se terminait en 2019 pour répondre aux besoins en personnel. Pourtant, on constate qu'il y a toujours une vive pénurie dans les EMS et dans les services de soins aux personnes âgées, parce que c'est une réalité que l'intérêt des jeunes diplômés est moins élevé - c'est leur droit - pour ces services-là que pour les services de soins aigus. Pourtant, c'est dans ces domaines-là que les besoins sont les plus grands ! La vraie question est donc de savoir comment on va rendre cet aspect de la profession et ces services-là attractifs. Parce que si on veut répondre aux besoins, il faut aussi que le personnel formé accepte d'aller travailler dans ces endroits-là.

Se pose encore la question de la formation continue du personnel, dans un système de plus en plus spécialisé médicalement. Aujourd'hui, on a un bachelor; on parle de master; on parle de pratique avancée. Comment est-ce que tout ça s'organise ? Aujourd'hui, ce n'est à mon avis pas encore suffisamment formalisé, il n'y a pas suffisamment de reconnaissance de ces nouvelles formations et de ces sous-spécialisations. J'encourage vivement le département à aller vers cela, car des débouchés plus nombreux, et aussi plus visibles et clairs, rendront la profession beaucoup plus attractive.

Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien votera cette motion. Si on est allé dans la bonne direction avec la création de locaux adaptés à la formation, il reste encore beaucoup de travail sur tous ces différents aspects pour que notre population genevoise ait réellement accès à des soins de qualité et qu'on ait un bassin de personnel soignant suffisamment bien formé pour notre système genevois. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la députée Danielle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Pour combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Une minute cinquante.

Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup ! Je voudrais simplement dire que c'est dans l'ADN du MCG de souhaiter qu'on emploie à Genève des résidents genevois. C'est la faute des personnes qui ont géré la santé pendant les Trente glorieuses si on a aujourd'hui cette situation de carence et qu'on est obligé depuis longtemps de faire venir de l'étranger des personnes formées dans le domaine de la santé. Nous le savons bien, ça s'est fait sous les divers conseillers d'Etat chargés de la santé, et c'est un grand regret. On a regretté aussi que beaucoup de nos jeunes aient été refusés à l'entrée de l'école d'infirmières de l'époque, même ceux de ma génération. Beaucoup de gens ont été refusés parce que les conditions d'entrée étaient difficiles, si difficiles qu'il fallait quasiment déjà être professeur à l'hôpital pour pouvoir y entrer !

Nous soutiendrons donc vivement et chaleureusement cette motion, aussi parce qu'il est honteux de siphonner le personnel de santé des pays voisins qui, eux, doivent ensuite aller siphonner le personnel de santé de pays un peu plus éloignés. Nous trouvons que c'est indigne !

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à vous entendre, on pourrait penser qu'on est tous d'accord: il faut former plus de personnel soignant. Je voudrais simplement dire que cette proposition de motion a beaucoup trop traîné et qu'elle n'est plus forcément d'actualité. C'est ça, notre problème ! J'entends bien M. Saudan dire qu'elle a déjà produit un effet. Eh bien tant mieux, c'est tout à fait louable ! C'est comme les pétitions: parfois, rien que le fait de déposer une pétition permet de résoudre le problème. Tant mieux, on ne peut que s'en féliciter. Le temps pris pour que ces objets arrivent en plénière est un autre problème qu'il faudra peut-être régler.

Si nous sommes aujourd'hui opposés à ce texte, ce n'est pas à la volonté de former plus de personnel soignant à Genève que nous nous opposons. Non, les invites ne prévoient pas tout à fait ça et, vous le voyez, vous allez voter cette proposition de motion pour des raisons assez diverses. Je viens d'entendre Mme Magnin dire qu'il faut employer des résidents genevois: est-ce que c'est ça, cette motion ? Est-ce qu'elle apporte de l'eau au moulin du discours anti-frontaliers du MCG dont on nous rebat les oreilles ? Le problème est qu'à l'origine, il y avait quand même cette fausse idée... (Remarque.) Vous me laisserez dire que c'est ça et qu'il n'y avait pas autre chose, cette idée qu'on ne pouvait pas délocaliser la formation en France. Il y avait une opposition à ça et cette idée avait été abandonnée avant même que la motion ne soit traitée. On peut certes craindre que le temps qu'arrive un nouveau texte, le problème ne sera jamais résolu, mais cette motion n'est objectivement plus totalement d'actualité et elle pourrait être rejetée pour donner une autre dynamique à cette problématique.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, j'aimerais répondre à M. Baud. Le fait que ces surfaces de formation prévues en France à Ambilly et à Gaillard n'aient pas été mises à disposition était une chose déjà connue au moment où on a discuté de cette proposition de motion en commission. Qu'on n'ait pas pu faire la formation en France est un élément qui contribue à péjorer le système et non à l'améliorer: c'était vu comme une solution possible qui aurait permis d'accueillir aussi bien des Français que des Suisses. Comme ces places de formation n'ont pas été mises à disposition, le problème retombait entièrement sur le canton de Genève.

Des efforts ont été faits, on l'a dit, mais ça n'enlève rien à la validité de cette proposition de motion dont la portée va plus loin que d'accroître pour une année ou deux le nombre d'étudiants et de places de stage mises à disposition à la Haute école de santé, où l'effort doit être poursuivi et où on doit déjà se préoccuper des années à venir pour trouver de nouvelles solutions. Réjouissons-nous que la situation se soit légèrement améliorée, mais ne baissons pas la garde; votons cette motion et continuons à offrir davantage de places dans les hautes écoles de santé.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous partageons tous cet avis sur la nécessité de former suffisamment de nos concitoyennes et concitoyens dans le domaine de la santé, mais je suis étonnée par le nombre d'erreurs ou d'imprécisions que j'ai entendues. Surtout, la proposition de motion dit que c'est une question de locaux, mais vous allez voir que ce n'est pas une question de locaux.

D'abord, quelques chiffres: jusqu'en 2011, 80 à 90 jeunes étaient effectivement formés à la Haute école de santé - c'était largement insuffisant; en 2012, ils étaient 149; entre 2014 et 2016, 160; en 2017, 173; en 2018, 180; depuis 2019, on peut accueillir 190 étudiants. Figurez-vous qu'on n'a même pas réussi à avoir tout à fait 190 étudiants cette année ! Il ne suffit pas d'offrir les places, il faut encore que les personnes soient admissibles. On a actuellement suffisamment de places, en tout cas à la rentrée dernière de 2019, puisque nous n'avons pas réussi à attribuer totalement le nombre de places offertes. Sans vouloir dire de bêtise, je crois qu'il y avait 186 étudiants.

Deuxième remarque concernant les locaux. D'énormes efforts ont été faits. J'ai une liste ici, je ne suis pas sûre qu'il faille vous la donner, mais il y a eu des déménagements. Des bâtiments vont être construits, la Haute école de santé va être refaite. On a dû déplacer ailleurs le centre de formation professionnelle de la santé, en tout cas une partie de ses locaux, etc. La question des locaux est donc réglée, ce n'est plus la question !

Maintenant, que se passe-t-il ? Je crois que la députée Bachmann l'a bien dit, le problème, c'est la durée de vie professionnelle d'un infirmier ou d'une infirmière. Dans l'absolu, si on voulait éviter d'avoir à aller chercher ailleurs du personnel infirmier, il faudrait surtout que ce personnel puisse rester, une fois formé; ce serait aussi plus efficient pour le canton, financièrement parlant.

Dernier élément, le vrai problème dans le domaine de la santé - parce qu'il n'y a pas que les soins infirmiers à la Haute école de santé: il y a l'apprentissage d'assistant en soins et santé communautaire, la formation d'aide en soins et accompagnement. A terme existera peut-être une école supérieure de soins infirmiers et que sais-je, mais la vraie question, dans le domaine de la santé, c'est de trouver des places de stage ! Ce n'est pas une question de locaux, ce n'est pas une question de volonté politique, c'est d'abord une question de places de stage. Depuis quelques années, nous nous voyons avec Mauro Poggia au minimum deux fois par an pour discuter de cette thématique-là - dont une fois avec tous les acteurs de la santé. Le problème est que si on offre plus de places de stage à la Haute école de santé, on voit en parallèle baisser le nombre de places d'apprentissage ou inversement. Donc, si vous souhaitez à terme qu'on ait plus de personnel soignant, il faut avoir plus de places de stage et plus de places d'apprentissage. Pour ça, je m'adresse entre autres à ce côté de l'échiquier politique... (L'oratrice se tourne vers les bancs de droite.) ...il faut encourager les cliniques privées - qui ne forment quasiment pas d'apprentis - à offrir des places d'apprentissage, parce que les apprentis peuvent faire une maturité professionnelle et entrer après à la Haute école de santé. Là est la vraie question, aujourd'hui, dans le domaine de la santé.

Je n'ai malheureusement pas pensé que vous feriez un débat sur la nationalité ou le domicile des personnes inscrites à la Haute école de santé et je n'ai donc pas pris ces chiffres ici. Il n'y a actuellement plus personne avec un bac français, mais uniquement des personnes qui ont un titre genevois ou suisse. Je rappelle que la Haute école de santé fait partie du dispositif HES-SO. D'ailleurs, ces dernières années, quand nous avions des jeunes du canton qui n'avaient pas de places à Genève, la proposition leur était faite d'aller dans un autre canton. Il n'y a donc plus de problème pour les jeunes issus des écoles secondaires genevoises: ils peuvent trouver une place à la Haute école de santé.

Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez bien évidemment voter ce texte et le Conseil d'Etat aura l'occasion de vous donner des éléments de réponse, mais je crois que les invites sont dépassées et ne répondent pas au vrai problème - qui est essentiellement un problème de places de stage, je le répète.

Le président. Merci bien. Nous passons au vote sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2390 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 10 non et 30 abstentions.

Motion 2390