Séance du
jeudi 16 janvier 2020 à
20h30
2e
législature -
2e
année -
9e
session -
48e
séance
M 2610
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteure, Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la situation de dumping à l'aéroport nécessite une réponse immédiate. Cette proposition de motion, «Fin du dumping Dnata», invite tout simplement le Conseil d'Etat à respecter ses engagements, pris à travers une convention d'objectifs, et à intervenir pour faire respecter l'article 12, alinéa 2, de ladite convention, notamment en établissant des règles: premièrement, en limitant, et deuxièmement, en cadrant le recours au personnel auxiliaire sur le site de l'AIG. L'objectif principal est donc bien de diminuer le nombre d'auxiliaires, mais aussi de cadrer en réglementant sur la forme - à savoir les types de contrats - et surtout de régler le problème des contrats dits «zéro heure garantie». Ces contrats sont abusifs, il faut donc les interdire en garantissant justement un nombre d'heures minimum.
L'objectif principal est de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat afin de faire respecter la convention d'objectifs qui stipule la mise en place des minimas pour les travailleurs. Pourquoi ? Pour répondre à un cri d'appel des employés de l'entreprise Dnata qui, depuis plus d'une année, ont tout essayé pour faire entendre leur message. Ils ont communiqué avec des résolutions, avec des pétitions, avec des dénonciations publiques; ils ont cherché du soutien auprès de leur syndicat pour alerter le Conseil d'Etat sur le dumping en cours à l'aéroport. En effet, une sorte de dumping organisé est en train de se passer, de s'installer, de s'institutionnaliser. Ce sont des employés qui travaillent sur appel avec des mois sans revenus parfois. Ce travail sur appel pratiqué par l'entreprise Dnata à l'aéroport - ou les contrats dits «zéro heure garantie» - est vraiment problématique et inacceptable. Ce sont des contrats honteux ! Ces centaines d'employés auxiliaires sont payés à l'heure et n'ont aucun taux d'activité garanti. Je le répète, ils se retrouvent dans une situation de précarité et de vulnérabilité. Leurs revenus peuvent varier de moins de 1000 francs à 4000 francs par mois. Il n'y a donc aucune garantie de salaire minimum, ce qui est contraire à la jurisprudence fédérale.
J'espère que ce soir, le Grand Conseil poussera le Conseil d'Etat à améliorer les conditions de travail sur la plateforme aéroportuaire; les Vertes et les Verts attendent du gouvernement qu'il intervienne rapidement dans ce dossier. Outre les problèmes évidents liés à la pollution de l'air et aux émissions de CO2, l'aéroport doit aussi s'améliorer sur les conditions de travail du personnel actif sur la plateforme.
L'initiative «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève», acceptée en novembre dernier par 56% des votants et des votantes, a permis de rappeler et de souligner que l'aéroport est un établissement de droit public. A ce titre, il se doit d'être exemplaire, notamment dans les conditions de travail, et il doit en tout cas empêcher tout dumping social en son sein. Mesdames et Messieurs, je vous demande donc de soutenir cette motion et, surtout, de la renvoyer directement au Conseil d'Etat !
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, la M 2610 comporte deux problèmes majeurs. Le premier est que le principal considérant n'est pas correct ! Celui-ci indique qu'il n'y aurait pas de convention collective de travail, ce qui n'est pas juste: il existe une convention collective de travail nationale. Le deuxième problème est que cette motion omet les outils dont le Conseil d'Etat dispose en cas de dumping salarial ou de salaire indécent, soit, en premier lieu, l'extension d'une convention collective de travail, et en second lieu, le CTT, le contrat type de travail.
En plus, ce texte sous-estime voire dénigre notre tradition basée sur le partenariat social. Bref, cette motion mériterait d'être étudiée et travaillée en commission. Pour cette raison, je recommande de l'envoyer à la commission de l'économie.
Le président. Merci, il en est pris note. Je passe la parole à M. le député Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la première fois que nous avons à parler de problèmes de dumping salarial à l'aéroport: nous avons déjà traité de Dnata à plusieurs reprises; nous avons aussi traité la problématique de Gate Gourmet. A chaque fois, ce sont les mêmes arguments qui sont donnés et à chaque fois, quand il y a des auditions à la commission de l'économie, que ce soit avec l'OCIRT ou avec le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, tout est démoli ! Il y a des conventions collectives de travail, il n'y a pas de dumping salarial.
On sait que la définition du dumping salarial n'est pas forcément la même pour la gauche que pour nous. A partir du moment où quelqu'un n'est pas satisfait du salaire qu'il a pour le travail qu'il effectue, à gauche, on estime que c'est du dumping salarial ! Le dumping salarial, Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand les partenaires sociaux n'ont pas réussi à se mettre d'accord, que des entreprises paient en dessous de ce qui est prévu dans les CCT. Pour cela, nous avons une instance qui fonctionne très bien, c'est le CSME, qui lui-même peut édicter des contrats types, le cas échéant, s'il n'y a pas de CCT. Le problème ici, c'est qu'il y a une convention collective de travail pour Dnata et qu'elle est appliquée.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut quand même dire ce qu'il y a à dire à propos des considérants. De «nombreuses dénonciations» d'employés de Dnata sont mentionnées: combien y en a-t-il ? Il y aurait «plusieurs plaintes déposées auprès de l'OCIRT»: combien ont abouti à une mesure envers Dnata ou à des demandes de renseignement, le cas échéant ? L'«absence de signature d'une convention collective»: c'est faux, puisqu'il y en a une au niveau national ! Elle peut ne pas convenir, mais, que je sache, les conventions collectives nationales sont aussi des conventions discutées entre les syndicats et le patronat !
Ensuite, on cite la plateforme de la CGAS. Je veux bien admettre que le parti socialiste est une succursale de la CGAS, on l'a déjà vu dans d'autres dossiers. La CGAS parle de salaires indécents ou de ratio minimum de personnel auxiliaire: parce que la CGAS le dit, ça doit être une vérité ? Non, Mesdames et Messieurs ! Enfin, la très grande précarité dans laquelle se trouvent du jour au lendemain des centaines d'employés: moi, j'aimerais des preuves, et je soutiens ce qui a été demandé par M. Pfeffer. Si nous sommes d'accord pour que la convention d'objectifs soit respectée par l'aéroport, nous sommes aussi pour avoir des éléments concrets, non pas des suppositions. Nous pensons qu'il ne faut pas renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, mais qu'un travail doit se faire à la commission de l'économie. Je pense que c'est une question d'information pour l'ensemble des députés. Je vous remercie donc de renvoyer cette motion en commission. (Applaudissements.)
Le président. Je prends également note de votre demande et passe la parole à M. le député Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, non, le travail n'est plus à faire à la commission de l'économie. C'est le Conseil d'Etat qui doit maintenant travailler et agir de façon urgente ! Vous transmettrez, le député Béné n'a peut-être pas mentionné Swissport, mais on pense à Gate Gourmet, à ISS, à Dnata: chaque année, nous avons droit à des conflits sociaux sur le site de l'aéroport de Genève ! Chaque année, nous avons droit à des cas de dumping salarial. Je crois qu'il n'y a plus besoin aujourd'hui que la commission de l'économie du Grand Conseil se penche sur le dossier; c'est plutôt au Conseil d'Etat d'agir et de mettre la main à la pâte pour parvenir à un véritable partenariat social grâce au tripartisme. Car aujourd'hui, à l'aéroport, on ne peut pas parler de partenariat social ! Non, Mesdames et Messieurs de la droite, vous ne pouvez pas le prétendre, et arrêtez de vous couvrir avec le prétexte d'une convention collective de travail nationale: les coûts de la vie à Genève ne sont pas forcément les mêmes qu'à Zurich ou à Bâle ! Nous avons des coûts de la vie élevés, plus élevés qu'à Zurich - je vous invite à regarder les statistiques. Vous ne pouvez pas simplement vous cacher derrière ça ! Je vous entends parler de la convention collective de travail nationale du nettoyage, mais elle couvre tous les cantons sauf Zurich et Genève - et ses critères sont extrêmement bas.
J'entends dire qu'il n'y a pas de dumping salarial. Désolé, je trahis un secret de commission ouvertement: à la commission de l'économie, on nous dit qu'il n'y a pas de dumping salarial à l'aéroport, seulement des économies sur les salaires et les conditions de travail. L'aéroport externalise les tâches de sécurité auprès d'entreprises privées, mais cela ne s'appelle pas du dumping salarial ! Il ne s'agirait que de faire des économies sur les salaires !
Aujourd'hui, le cas que nous avons avec Dnata, c'est une véritable flexibilité du travail, des conditions de travail catastrophiques, une absence de salaire minimum: bref, un cadre social tout simplement catastrophique ! Il est donc urgent d'agir, et pas en renvoyant ce texte à la commission de l'économie, qui le traitera dans trois ans et reviendra nous dire dans trois ans qu'il n'y a absolument plus de problème. Non, il faut agir aujourd'hui, en demandant à l'Etat de fixer des conditions qui soient claires, d'arrêter ce système d'appel à des auxiliaires qui précarise les conditions de travail. Il faut avoir un peu de courage et faire en sorte qu'à l'aéroport de Genève, dans notre canton, nous arrêtions d'avoir chaque année autant de cas de dumping salarial. Nous devons agir auprès du conseil d'administration de l'aéroport de Genève pour faire en sorte que l'octroi des concessions soit très rigoureux, beaucoup plus strict. Que les concessions soient octroyées...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Romain de Sainte Marie !
M. Romain de Sainte Marie. ...à des entreprises qui donnent aux employés des conditions de travail dignes et ne permettent pas le dumping salarial comme actuellement ! Il faut faire en sorte que les entreprises soient signataires de conventions collectives de travail, même au niveau cantonal. (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, vous transmettrez à mon collègue Béné que si le parti socialiste ou Ensemble à Gauche sont une succursale des syndicats, le PLR est sans doute une succursale de la Chambre de commerce et d'industrie ! Avec ce type d'arguments, on ne va pas aller très loin.
Parce que ça devrait intéresser les députés du Grand Conseil, j'aimerais vous dire quelles sont les conditions de travail à Dnata. A la fin de l'année 2018, sur 783 employés déclarés, il y avait 367 auxiliaires, c'est-à-dire près de la moitié, payés à l'heure et sans taux d'activité garanti. Le salaire d'un employé auxiliaire peut varier de 1000 à 4000 francs, d'un mois à l'autre. Selon le Tribunal fédéral, le travailleur doit pouvoir compter sur un certain taux d'activité pendant toute la durée des rapports de travail sans être soumis au bon vouloir de l'employeur, s'agissant de sa rémunération moyenne. Plusieurs de ces employés travaillent moins de cent heures par mois; leurs horaires sont irréguliers, ils ne peuvent avoir aucun autre travail puisqu'ils ne maîtrisent pas les moments où ils peuvent être appelés.
Ce sont ces conditions dont on discute ici, cela dans une entreprise dépendant quand même de l'Etat ! Les conventions posent problème mais aussi l'intervention de l'Etat. C'est la raison pour laquelle Ensemble à Gauche soutient le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat: nous devons lui demander d'intervenir auprès de l'Aéroport international de Genève - un établissement public autonome placé sous la responsabilité de l'Etat - pour que les travailleurs de Dnata ne subissent plus ce type de contrats «zéro heure garantie» et ces conditions de travail dégradantes; d'autant plus que l'aéroport a été placé sous les projecteurs de la presse à de nombreuses reprises pour les contrats qu'il attribue à des entreprises de manière plus ou moins régulière. L'entreprise Dnata avait déjà suscité de nombreuses critiques au moment où les services au sol à l'aéroport lui avaient été octroyés. Il est temps que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités et fasse le ménage dans les conditions de travail à l'aéroport ! (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je ne me laisse pas facilement convaincre par les arguments qui n'émanent que d'une seule partie. Je ne sais pas exactement de quelle façon Dnata traite ses employés, mais vous me permettrez d'avoir une méfiance quelque peu naturelle vis-à-vis des déclarations de M. Jean Batou - que je respecte par ailleurs. Il ne me convainc pas toujours et je ne suis pas d'accord de n'entendre qu'un seul son de cloche.
Je suis aussi surpris par les déclarations assez violentes de M. Romain de Sainte Marie, lui qui est membre de la commission de l'économie, qui en est d'ailleurs souvent un élément moteur et innovant et cherchant à apporter des solutions. Je trouverais normal, dans un cas comme celui-ci, que l'on puisse avoir une vue d'ensemble des faits, que l'on puisse connaître les arguments, que l'on puisse auditionner toutes les parties concernées, sachant aussi, on l'a cité, qu'il y a des plaintes déposées à l'OCIRT. Je veux bien le croire, mais lorsque vous déposez une plainte à l'OCIRT, je vous garantis que cet office intervient rapidement - et assez lourdement d'ailleurs - en ne laissant aucune possibilité à l'employeur fautif de s'échapper ou d'éviter ses responsabilités !
Sans me prononcer sur le fond de l'affaire, je préférerais nettement, avec le groupe des démocrates-chrétiennes et quelques démocrates-chrétiens aussi - puisque nous sommes un groupe parfaitement paritaire - vous demander de renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
Le président. Il en est pris note, je vous remercie. Je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. L'externalisation du site de l'aéroport pose de nombreux problèmes, on l'a déjà vu à de multiples reprises, soit ici, au sein de ce parlement, soit dans les médias. Il suffit de penser, notamment, à l'affaire des fichés «S» dont on a parlé récemment. Indirectement se pose la problématique des revenus et salaires beaucoup trop bas, qui font que les employés ne peuvent provenir que de l'autre côté de la frontière, parce que si on est domicilié à Genève, on n'arrive pas à vivre avec ces salaires ! Ce qu'il y a de pire, qui est relevé dans cette proposition de motion et que disent également les syndicats qui ont formulé les éléments de base de ce texte, c'est qu'il y a un problème avec le personnel temporaire: ce personnel temporaire pose problème, parce qu'il s'agit de gens sous-payés ! Il ne s'agit pas nécessairement d'un salaire horaire, mais il s'agit d'un salaire mensuel qui ne permet pas de vivre à Genève ! Il permet de vivre à Ferney-Voltaire, à Annemasse ou à Saint-Julien, mais il ne permet pas de vivre à Meyrin ! Il ne permet pas de vivre à Vernier, ni même en ville de Genève ! C'est pour cela qu'il faut à tout prix voter cette proposition très modérée, parce qu'elle demande une chose: elle demande au Conseil d'Etat de faire respecter les engagements qui doivent être pris par les entreprises sous-traitantes de l'aéroport. C'est ce contrôle qui doit être fait. On a vu le problème avec En Chardon et d'autres scandales de ce type qui ont frappé Genève. La puissance publique doit à tout prix montrer sa présence, faire respecter les règlements et se faire respecter. C'est le signal envoyé par cette proposition de motion et c'est pour cela que le groupe MCG soutiendra le renvoi au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Bavarel... Christian ! Excusez-moi !
M. Christian Bavarel (Ve). Très volontiers ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'aile libertaire et entrepreneuriale des Verts est d'accord avec l'autre aile. En fait, la convention collective est inexistante depuis 2017: il ne faut pas confondre ce qui se passe avec la sécurité de l'aéroport. Dans cette situation-là, on a un problème de concurrence pour les autres entreprises genevoises. Dans le secteur de l'assistance au sol, on se rend compte que si on ne respecte pas les règles, c'est bien sûr facile d'être moins cher et on aboutit à une logique de dumping.
Aujourd'hui, il y a un problème de concurrence et un problème entrepreneurial. D'un côté, il est de juste de défendre les employés; en défendant les employés, on défend aussi les entreprises qui travaillent d'une manière correcte. Donc je suis surpris d'entendre la position du PLR qui, d'un seul coup, dans un marché concurrentiel, se retrouve totalement minorisé. C'est vrai que, pour vivre à Genève, il faut un certain revenu. Ce contexte ne permet pas aux entreprises genevoises normales et respectueuses des règles, comme on a l'habitude de les voir dans cette république, d'être concurrentielles. Nous, nous vous appelons à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, ce qui doit nous permettre de régler ce problème-là, de sorte que tout le monde puisse être sur un pied d'égalité dans ce canton !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler quelques principes pour que vous compreniez exactement ce que signifie le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat, choix qui semble se dessiner. D'abord, il faut que vous sachiez que mon département, qui est responsable du marché, le département des infrastructures et l'Aéroport international de Genève se réunissent régulièrement - la dernière fois le 8 novembre - pour parler de ces problématiques. Celle des salaires au sein de Dnata a été abordée, étant précisé que le point de discorde - les contrats «zéro heure garantie» - a été mis en évidence par un syndicat en particulier, Unia. Ce sont des contrats dans lesquels le travailleur attend que l'on fasse appel à lui: s'il travaille, il est rémunéré, s'il ne travaille pas, il n'est pas rémunéré. La question est de savoir si ce type de contrat est légalement acceptable: Dnata a produit un avis de droit qui dit que ça l'est. Il faudrait que cette question soit tranchée par la justice; elle est en tout cas ouverte.
Quelques règles de principe: le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, le CSME, a défini la notion de sous-enchère salariale ou de dumping, pour reprendre le terme de la motion, comme une pratique salariale inférieure aux usages. Inférieure aux usages veut dire que la notion de sous-enchère salariale est à distinguer de celle de bas salaire. Ainsi, un salaire même particulièrement bas peut ne pas constituer, selon les circonstances, un cas de sous-enchère si ce salaire est représentatif de la politique salariale du secteur professionnel concerné. Je pense qu'il est important de le rappeler.
Qu'entend-on par les usages ? Il y a trois possibilités. Soit il y a une convention collective étendue de manière ordinaire: évidemment, c'est alors la convention qui exprime les usages de la branche. Soit il y a une convention collective non étendue ou étendue de manière facilitée et la question qui se pose est de savoir si le nombre de signataires couvre la majorité des salariés de ce secteur et si l'on peut considérer que le salaire qui résulte de cette convention collective non étendue exprime néanmoins les usages. S'il n'y a ni l'un ni l'autre de ces types de conventions, il faut alors rechercher quels sont les usages en vigueur. Et c'est ici qu'intervient l'Observatoire genevois du marché du travail qui est composé, je le rappelle, de l'office cantonal de la statistique, de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail et de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion. Cet observatoire fait alors une enquête sur le terrain pour savoir quels sont les usages.
L'Aéroport international de Genève exige des entreprises qui travaillent sur son site et avec lesquelles il a une convention soit qu'elles soient membres d'une convention collective, soit qu'elles aient signé les usages de la branche. Dans le cas particulier, Dnata est signataire du document de l'OCIRT reflétant les usages du secteur de l'assistance au sol aux compagnies aériennes, UASCA pour les intimes. Ces UASCA résultent eux-mêmes d'une convention collective de travail cadre dans les services d'assistance au sol aux compagnies aériennes qui a été conclue en 2013 entre Dnata et Swissport et un certain nombre de syndicats dont le SIT, le SSP et le PUSH. Cette convention a été dénoncée au 31 décembre 2015. Donc, aujourd'hui, il y a un vide conventionnel; je vous dirai que même si cette convention existait encore, elle ne traiterait pas le sujet qui nous intéresse ici, puisque le personnel auxiliaire était exclu de cette convention collective. Face à cette situation, il a été décidé que l'OGMT - une fois encore - fasse une enquête de terrain pour savoir s'il y a un usage de la branche qui devrait être appliqué et donc imposé à Dnata comme on le voudrait ici. Le résultat est décevant puisque la grande majorité des compagnies aériennes font effectivement une distinction entre personnel fixe et personnel auxiliaire et que le personnel auxiliaire bénéficie systématiquement de conditions de travail nettement inférieures. Ce qui veut dire que les bas salaires constatés aujourd'hui correspondent aux usages, Mesdames et Messieurs. On peut le regretter, mais c'est notre ordre juridique qui nous impose la démarche.
La situation est donc compliquée, et demander à l'Etat d'intervenir pour faire appliquer des usages qui, eux-mêmes, n'imposent pas les salaires que vous voudriez voir appliquer est quand même quelque chose de particulier ! Vous allez donc vous retrouver dans six mois - délai maximum pour une réponse du Conseil d'Etat - avec une réponse qui va vous exprimer grosso modo ce que je viens d'indiquer ici. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne peut que vous suggérer, afin que la compréhension de ce sujet soit unanime, de renvoyer cette motion à la commission de l'économie afin que nous puissions en débattre. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Suite à la demande de trois députés, nous allons d'abord voter sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2610 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 45 oui.
Le président. Nous passons donc au vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2610 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 51 oui contre 38 non et 6 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)